Ceci était une pipe (25/04/2009)
La France sarkozienne, par François Taillandier
Donc, la pipe de M. Hulot, sur l’affiche de l’exposition Jacques Tati gêne la SNCF et la RATP. Arriver à établir en quoi cette pipe les gêne et de quoi elles se mêlent, ce serait découvrir un grand secret de notre temps.
Une autre question serait intéressante à élucider : comment ces entreprises de transports publics, fierté légitime des Français qui les ont édifiées de leurs mains, sont-elles devenues, en si peu d’années, aussi radicalement et ouvertement antipathiques ?
La pipe de M. Hulot gêne la SNCF et la RATP. Mais les tarifications délirantes, ça ne les gêne pas. Mais les panneaux publicitaires qui reconnaissent si vous êtes homme ou femme, jeune ou vieux, et combien de temps votre regard s’y attarde, ça ne les gêne pas. Mais les stations sans personnel, où les mamies et les touristes sont contraints d’acheter leur billet sur des machines qu’ils ne savent pas faire marcher, et dont une moitié est toujours hors service, ça ne les gêne pas.
Les TGV qui tombent en panne n’importe quand parce qu’on rogne sur les budgets d’entretien (et cette fois-ci, nom d’une pipe ! on ne pourra plus accuser Julien Coupat…), ça ne les gêne pas. Nous annoncer comme une merveilleuse faveur que la SNCF s’engage à nous informer sur les retards de trains, ça ne les gêne pas (rappelons qu’il n’y a pas si longtemps, elle s’engageait à ce qu’il n’y ait pas de retard, et qu’elle y arrivait fort bien).
Mais la pipe de M. Hulot, ça les gêne. Oui, il faudrait arriver à comprendre pourquoi la RATP et SNCF conjuguent désormais le cynisme mercantile le plus impudent et cette continuelle et autoritaire désignation du Bien et du Mal, étant entendu que le mal, c’est nous.
Car c’est nous ! Nous retardons les rames en montant ou descendant trop doucement. Nous avons le culot (de pipe) de protester quand on supprime la desserte d’une petite ville. Ou quand un TER pour lequel on a vendu deux fois plus de billets qu’il n’y avait de places reste garé au soleil « tant que les personnes en surnombre ne seront pas redescendues ».
J’ose à peine rappeler que nous avions parfois l’audace de fumer. Dire qu’il y a encore des gens pour croire que la SNCF, dans cette affaire, se souciait des non-fumeurs. Ce qui nous ramène à la pipe de M. Hulot. Finalement, ce n’est peut-être pas par hasard que le couperet tombe sur elle. Il a le malheur d’incarner, à sa manière insolite, l’homme réel.
Il rejoint aujourd’hui la Princesse de Clèves dans le Panthéon des indésirables. La France avance.
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