De l’électricité pour l’industrie (13/06/2024)
Peut-on vraiment décarboner l’industrie, alors qu’elle fonctionne encore pour beaucoup au charbon, au gaz et au pétrole ? L’enjeu est simple : ne pas y parvenir signifierait ne pas atteindre les objectifs climatiques décidés en 2009 et 2015 et donc s’engager dans un réchauffement aux conséquences ingérables, en particulier pour les populations et pays pauvres. Bonne nouvelle, annonce une étude 1 du Fraunhofer Institute, un centre de recherche allemand, électrifier la plupart des procédés industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre utilisés dans l’Union européenne est possible.
Le plus gros paquet à gérer ? La chaleur. Les trois quarts des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie européenne proviennent de la combustion d’énergies fossiles pour produire de la chaleur. Usines de la chimie, aciéries, cimenteries, fabrication du papier, agroalimentaire, produits manufacturés… Or, montre cette étude, il est possible d’éviter 90 % des émissions associées d’ici à 2035 par l’utilisation de technologies électriques déjà éprouvées ou démontrées comme les torches à plasma, les arcs électriques, l’induction, etc. Qu’il s’agisse des 200 °C à 500 °C des usines chimiques ou des 2 500 °C nécessaires à la sidérurgie et les forges des aciéries, les technologies électriques sont désormais en capacité de les fournir.
Des politiques publiques nationales et européennes, incitatives ou réglementaires, visant à éradiquer les émissions de gaz à effet de serre des industries sont donc techniquement possibles. Et dans des délais correspondant à l’urgence climatique si les investissements massifs permettant cette conversion à grande échelle sont réalisés.
Il restera à assurer l’alimentation en électricité bas-carbone de ces futurs équipements. Aujourd’hui, environ le tiers de la demande énergétique de ces secteurs est alimenté en électricité, pour environ 1 000 térawattheures par an (le double de la consommation électrique française totale en 2023). Il faudrait donc y ajouter environ 2 000 TWh par an à capacité industrielle inchangée. Un objectif tout sauf marginal, comparé aux 2 600 TWh de la production totale d’électricité de l’Union européenne actuelle. En outre, cette production est encore à près de 40 % réalisée à partir de gaz et de charbon, ce qu’il faut éliminer.
Ces calculs en ordre de grandeur indiquent clairement que le débat qui oppose le nucléaire et les renouvelables est en contradiction totale avec les enjeux climatiques. Seul un développement hardi de ces deux sources d’électricité bas-carbone est susceptible de répondre aux besoins de l’industrie comme de la vie quotidienne des Européens dans le respect des objectifs climatiques.
- Fraunhofer ISI (2024) : Direct Electrification of Industrial Process Heat. An Assessment of Technologies, Potentials and Future Prospects for the EU. Study on Behalf of Agora Industry. Alexandra Langenheld et al. ↩︎
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