L'AVENIR DE L'AUTOMOBILE (30/09/2006)

medium_voiture2006a.jpgL’avenir de la première filière industrielle du pays s’assombrit : pour fabriquer à moindre coût des voitures toujours plus sûres et plus économes en carburant, Renault et PSA vont chercher leurs marges de profit loin de l’Hexagone.

C’est la faute à Henry Ford ! En appliquant le taylorisme, la parcellisation des tâches dans la production, pour fabriquer à des millions d’exemplaires sa Ford T, le boss américain a embarqué le monde dans un processus de consommation inouï, aux conséquences incalculables. C’est aussi la faute à André Citroën qui, dans les années 1920, a appliqué dans son usine du quai de Javel les méthodes de Ford.

L’automobile a tout changé : les modes de vie, les paysages, les relations entre les hommes de la planète. Le produit industriel de grande diffusion le plus sophistiqué du monde contemporain est non seulement devenu un produit de masse dans les pays occidentaux et asiatiques, mais il est, lentement mais sûrement, en train de le devenir en Chine, en Inde...

Aujourd’hui, l’industrie automobile se prépare à un bouleversement dont peu de monde peut prédire les conséquences. Les restructurations se préparent dans les salles feutrées des conseils d’administration. L’alibi de la mondialisation a déjà servi pour liquider de nombreuses industries traditionnelles en France. Celle du textile en fut une des victimes les plus emblématiques. Dans une société où les biens manufacturés et industriels doivent - c’est le marché qui le dit - être accessibles à un maximum de consommateurs, la question essentielle devient celle du coût de production et de la rentabilité immédiate dévolue aux actionnaires.

Carlos Ghosn, lors de son arrivée à la tête du groupe Renault-Nissan, a fixé à 6 % la marge indispensable à la réussite de son plan de développement d’ici 2009. Si on peut bien acheter dix tee-shirts chinois à 5 euros pièce au lieu de deux à 25 euros, le principe est difficilement applicable pour l’achat d’une voiture. Même si les premiers véhicules fabriqués en Chine vont être présents au Mondial de Paris.

Le défi pour les constructeurs est bien d’abaisser les coûts... à tout prix. Et comme plus de 70 % du véhicule monté sur leurs chaînes est fabriqué à l’extérieur, chez les grands équipementiers, la solution est d’accentuer la pression sur les prix des pièces qui leur sont fournies. Les grands équipementiers répercutent ensuite ces réductions sur les sous-traitants, lesquels..., etc. Le salaire ouvrier n’intervient que pour moins de 10 % dans le prix de vente du véhicule, mais les pressions sur les salaires et sur la flexibilité n’ont jamais été aussi fortes ces dernières années. Et le recours massif à l’intérim accentue encore le phénomène.

Mais, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, il existe encore une industrie automobile en France qui vend chaque année deux millions de véhicules. Parce que l’automobile a pris une place désormais prépondérante dans la vie quotidienne : se rendre à son travail, amener les enfants à l’école, faire les courses au supermarché, partir en vacances... Et ceux qui en sont privés - les couches populaires les plus défavorisées - non seulement le ressentent comme une exclusion, mais surtout comme un handicap de plus dans la recherche d’un emploi ou d’un logement.

La voiture est aujourd’hui plus lourde, plus spacieuse, plus sûre... et plus chère, forcément. Les constructeurs se voient donc contraints d’offrir « à un moindre coût des automobiles plus propres en termes d’émissions, moins gourmandes en termes de consommation, et toujours plus séduisantes et de meilleure qualité.  Le CES souligne que, « pour préserver leurs marges et leur rentabilité, les constructeurs français ont préféré réduire leur taux de pénétration en Europe et surtout en France ». Malgré tout, « ils voient leur marge opérationnelle diminuer ». D’où les grandes manoeuvres engagées par Carlos Ghosn chez Renault et son rapprochement avec General Motors, et par le groupe Peugeot-Citroën, lequel vient d’annoncer un nouveau plan de 10 000 suppressions de postes en Europe.

L’avenir de la filière automobile française est-il encore en France ? Les responsables des grands groupes l’assurent et rassurent. La modification en profondeur du paysage industriel semble les contredire. Rentabilité à 6 % oblige...

Jacques Moran

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