ROMS EXPULSES - TEMOIGNAGE (25/09/2008)
Jose Vieira a écrit :
L’expulsion des Roms qui habitaient sur le parking de la gare de Massy Palaiseau était prévue pour le 16 septembre. La préfecture, pudique, a-t-elle voulu attendre la fin du premier sommet européen sur les Roms pour déclencher son opération de déguerpissement ? Toujours est-il que l’expulsion a lieu le lendemain, le 17 septembre 2008.
Le commandant de la police de Palaiseau avait annoncé aux Roms qui manifestaient le 15 septembre devant la sous-préfecture que le lendemain il les mettraient dans le train. Pour aller où ? lui demandaient les habitants du parking. L’officier de police leur rétorqua que cette question n’était pas de son ressort. Les ordres étaient formels, ils devaient les faire déguerpir du secteur. Pour aller où ? insistaient les Roms. A Bobigny, leur proposa le commandant, comme s’il faisait un bon mot.
Le 17 septembre, la police a encerclé le camp. La préfecture avait envoyé, entre autres, des agents de la DASS chargés de recenser ceux qui pouvaient prétendre à un hébergement d’urgence. La DASS, qui n’avait jamais mis le pied par ici pour s’inquiéter de la situation sanitaire, improvisa et cafouilla. Quelques familles, avec des femmes enceintes et des enfant de moins d’un an, furent hébergés pour quelques jours. Dans une semaine, ils iront rejoindre d’autres camps déjà formés. En attendant, un mini-car les amène par petits groupes à la maison des solidarités de Palaiseau, qui jusqu’ici a refusé d’écouter une quelconque doléance concernant les habitants du parking de la gare RER.
Les familles qui n’avaient pas d’hébergement, de loin les plus nombreuses, étaient retenues au bout du parking, encerclées par les CRS et les policiers. Sur le parking, le bulldozer avait déjà rasé les quelques baraques qui avaient été construites récemment et commencé à nettoyer le terrain. Les CRS formaient maintenant un cordon jusqu’à la passerelle de la gare de Massy-Palaiseau. « A la gare », cria le commandant de police. Les habitants du parking, chargés de sacs et de valises, se mirent lentement en route. Des enfants criaient, des hommes chantaient. Au pied de la passerelle, avant d’entrer dans la gare, il y a eu un arrêt. Un refus d’avancer. Des hommes criaient leur indignation d’être ainsi traités, humiliés. Je me souviens que j’ai dit à un CRS : « Des policiers, des gens avec des valises et une gare, ça vous rappelle rien ? ».
« A la gare », répétait inlassablement le commandant de police. Puisque deux familles devaient être prises en charge à Corbeil par le 115, et qu’une majorité d’habitants du parking avaient décidé de s’y rendre pour tenter d’être hébergés, le commandant en profita pour obliger les Tsiganes à prendre le train pour Corbeil-Essonnes et ainsi à déguerpir du coin. Tout le monde se retrouva sur le quai du RER C à destination de Corbeil, via Juvisy. Sur le quai, avec, en fond, cette passerelle en travaux qui ressemblent étrangement à un mirador, les images étaient chargée de symboles (1). Des femmes donnant le sein à leur bébé, assises sur des valises, des enfants qui n’avaient que les sacs et les baluchons pour jouer, des familles entières sur un quai de gare encerclées par la police qui les obligea à monter dans un train. Le RER qui rentra en gare était bleu, blanc, rouge et assorti aux uniformes des policiers qui veillaient à ce que personne ne rate le train. Le convoi partit de la gare RER C de Massy Palaiseau. A la première station, à Longjumeau, des gens ont voulu descendre du train.
Aussitôt, des policiers, ont sauté du train pour les en empêcher. A la correspondance de Juvisy, un groupe qui avait réussi à sortir de la gare a été rattrapé, empêché de monter dans un bus et remis dans le train pour Corbeil.
Des gens chargés de sacs et de valises, hommes, femmes et enfants, en tout une soixantaine, encadrés par les policiers et guidés par des agents de la SNCF, en plein jour, cela n’avait pas l’air d’émouvoir grand monde. L’illégalité était là, évidente. Plusieurs fois, je l’ai dit à des policiers ou à des agents de la SNCF. Je l’ai dit à des policiers qui patrouillaient dans le train et qui disaient n’avoir rien à voir avec l’opération. Ils m’ont dit que j’avais raison, que c’était illégal, qu’ils ne voulaient pas être filmés et ils ont fermé la porte du wagon. Je l’ai signalé à un agent zélé de la SNCF qui m’a > dit qu’il rendait service. Je lui ai répété qu’il participait à une opération illégale, il m’a dit qu’il obéissait aux ordres./ /Tout le monde disait obéir aux ordres. Les policiers, les agents de la SNCF.
Les ordres venaient, paraît-il, de la Préfecture. La police qui avait ordre d’expulser avait-elle ordre d’obliger les Roms à prendre le train ? Depuis quand la SNCF offre ses trains et le service de ces agents aux forces de l’ordre ? Jusqu’où cette collaboration est-elle légale ?
J’ai vu une jeune journaliste qui travaille pour un quotidien voir ce que j’ai vu au départ de la gare de Massy Palaiseau et ne rien dire dans son article sur l’ignominie à laquelle elle a assisté. À part quelques rares passants, je n’ai vu aucune question, aucune compassion. Pas un cri de solidarité. J’ai vu des regards hostiles mais surtout la plupart des voyageurs ne semblent pas touchés par ces images. Les Roms de Roumanie sont les étrangers de tout le monde. Les
regards se détournent. Les voyageurs qui descendent s’empressent de descendre, ceux qui montent évitent les wagons où s’entassent les Tsiganes.
Une fois tous les bagages trimballés pour aller devant le 115 (Croix rouge) de l’Essonne, seule une famille sur les trois prévues a pu obtenir un hébergement. Pour les autres, rien. La mairie de Corbeil a envoyé un camion avec trois employés municipaux. Ils ont déchargé des barrières de protection et puis s’en sont allés. La police est passée, le gradé a déclaré « tout est plein dans le coin » et ne constatant pas de trouble à l’ordre public s’en est allé. La police municipale de Corbeil, après avoir escorté le cortège de la gare à la Croix rouge, observa la situation puis d’en alla. Deux types, avec un look très passe-partout se présentant d’emblée comme deux agents des Renseignement Généraux (j’ai pas retenu le nouveau nom du service), ont vite vu qu’il n’y avait pas grand chose à pêcher et s’en allèrent.
La Croix rouge a offert une espèce de repas… Un premier groupe se mit en route vers la gare. Une heure plus tard, le dernier groupe qui quitta les lieux – malgré l’assurance de la police qui annonça qu’ils pouvaient s’installer dans le secteur pour la nuit - fut empêché de descendre à toutes les gares jusqu’à la gare du nord, ultime destination où ils ont enfin pu dormir, dehors, allongés sur les tentes qu’ils ne pouvaient pas déployer pour la nuit…
(1) Les Tsiganes ont été exterminés par les Nazis. L’Etat français qui a reconnu sa responsabilité dans la Shoah, continue de l'éluder pour ce qui est du Samudaripen, le génocide des Tsiganes. Photos du camp des ROMS de Palaiseau.
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