Chômage : le triomphalisme excessif de la majorité (02/09/2010)
Même satisfaction, ou presque, dans la bouche de Christine Lagarde. "On a des raisons de penser que non seulement on a stabilisé le chômage mais on est peut-être passé du bon côté de la stabilisation. On s'installe, je l'espère, durablement dans la diminution du chômage", explique la ministre de l'économie à l'agence Reuters.
DES CHIFFRES PAS SI RÉJOUISSANTS
Pourtant, l'examen attentif des statistiques livrées par l'Insee relativise très fortement l'enthousiasme de la majorité. D'une part, le chiffre donné par Frédéric Lefebvre ne tient pas compte de l'outre-mer. En réalité, le chômage est passé de 9,9 % à 9,7 % sur le territoire français, outre-mer compris.
Ensuite, le chiffre cité par le porte-parole de l'UMP, issu de "l'enquête emploi" semestrielle de l'Insee, prend seulement en compte les personnes au chômage total, c'est-à-dire inscrites au Pôle Emploi et qui n'ont pas travaillé du tout durant le semestre. Il n'intègre ni des temps partiels non souhaités, ni des personnes en formation.
Le sous-emploi, c'est-à-dire les salariés à temps partiel désireux de travailler plus, ou les chômages techniques ou partiels, touche ainsi 1,48 million de personnes, soit 5,8 % des personnes en situation d'emploi. Il est en recul de 0,3 % par rapport au trimestre précédent.
Le nombre de personnes dites "proches du chômage", à savoir sans emploi mais qui ne remplissent pas les critères pour être comptabilisées comme chômeurs (car ils ne sont pas disponibles pour une recherche active, par exemple), est, lui, en nette hausse sur un an : 3,3 millions de personnes sont dans ce cas, soit 47 000 de moins qu'au premier semestre, mais 84 000 de plus qu'en septembre 2009.
PRÉCARITÉ EN HAUSSE
De plus, les emplois créés sont le plus souvent précaires. L'Insee note une hausse de la part des CDD et des contrats d'intérim, et une baisse constante des CDI. Pôle Emploi admet également une hausse des personnes en contrat aidé (+ 45,5 % en un an) et des stages (+ 11,7 %), qui sortent de fait des statistiques du chômage.
L'Insee rappelle par ailleurs les écarts abyssaux entre la moyenne du chômage et le taux constaté chez les jeunes. Le chômage de 15-24 ans en activité est en légère hausse, à 24,1 % contre 24 % au premier semestre en comptant l'outre-mer. Un chiffre qui cache une disparité hommes-femmes, le chômage de ces dernières étant en hausse de 2,3 % sur le trimestre, à 24,7 %, tandis que celui des jeunes hommes recule de 2 % à 22 %.
Chez les seniors, le taux d'emploi continue d'augmenter légèrement (42,1 % pour les 55-64 ans, en hausse de 0,3 point sur un an), mais reste bas. Le chômage des 55-64 ans, lui, s'établit à 6,3 % avec l'outre-mer, en baisse de 0,5 % sur le trimestre, mais en hausse de 1,1 % en deux ans.
Le vice-président de l'assurance-chômage, Geoffroy Roux de Bézieux, a d'ailleurs nettement tempéré l'enthousiasme de la majorité. S'il a reconnu, sur LCI, "qu'on peut dire que la hausse du chômage s'est stabilisée", il estime que "l'économie française n'est pas en train de reprendre les créations d'emploi, en dehors de l'intérim, alors que la population active continue de croître". Dès lors, estime-t-il, "se hasarder à un pronostic sur l'emploi est difficile". Depuis la crise en 2008, la France a détruit près d'un demi-million d'emplois salariés.
Journal Le Monde
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