17/07/2011
POLICE : GRANDEUR ET DECADENCE
"Des résultats peu éclairants sur l'efficacité des services", "une toujours faible présence (des forces de sécurité) sur la voie publique" et une mauvaise répartition en fonction des réels besoins sur le terrain, "des réformes difficiles souvent inabouties", "une efficacité encore à évaluer" de la vidéosurveillance... Voilà quelques-unes des conclusions du rapport consacré à L'organisation et la gestion des forces de sécurité publique rendu public par la Cour des comptes ce jeudi (cliquez ici pour la synthèse du rapport) Une étude au "karsher" à l'encontre de toute la politique sécuritaire prônée et mise en place par Nicolas Sarkozy depuis 2002, en tant que ministre de l'Intérieur puis comme président de la République.
Dans ce rapport de 250 pages, la Cour des comptes dit avoir mené une enquête dans une cinquantaine de villes d'Ile-de-France, Rhône-Alpes ou Paca. Elle passe au crible les forces de sécurité publique (SP), celles étant dans la rue, le gros des troupes de la police et de la gendarmerie (80.000 fonctionnaires chacune). Voici quelques-uns de ces chiffres les plus croustillants:
Les chiffres maquillés des effectifs
-5,3%. Compte tenu de la forte baisse des adjoints de sécurité (ADS), "l'effectif total de policiers a reculé" de 5,3% sur 2003-2010. Voilà les vrais chiffres et les vrais effets de la Révision générale des politiques publiques.
+ 3,1% des effectifs de policiers sur le "Grand Paris" sur la période 2006-2009. Super! Sauf que cette augmentation est "due au regroupement des agents de surveillance de Paris (ASP, les ex-pervenches), qui n'ont pas le statut de policier".
gestion, vous avez dit gestion?
+80% d'heures supplémentaires en six ans dans la police. Voilà le symbole des méfaits de la Révision générale des politiques publiques prônées par Sarkozy. Moins de personnels pour toujours plus d'objectifs à atteindre. Durée annuelle de travail des policiers en 2007: 1.500 heures environ, 1.800 dans la gendarmerie.
Les statistiques bidons de la délinquance
Du simple au double: les gendarmes sont confrontés à un taux de délinquance "deux fois plus faible" que les policiers dans les Alpes-Maritimes. De quoi avoir de sérieux doutes sur les statistiques fournies par le ministère de l'Intérieur. La Cour des comptes note par ailleurs que l'outil officiel des statistiques de la délinquance présente "des lacunes et des imperfections". Les faits "ne correspondent qu'à une partie de la délinquance" et "l'augmentation de 52% des infractions relevées par l'action des services (IRAS) a été due aux 3/4 aux infractions liées au stupéfiants". (à lire: "Quand on les donne en pâture, les chiffres de la délinquance brouillent l'esprit", par Véronique Goaziou, sociologue et philosophe)
Inégalités territoriales
155 agents, en 2009, sont effectivement présents dans la rue dans le Rhône, contre 31 dans les Yvelines, malgré un nombre d'habitants comparable.
Moins d'1 policier pour 500 habitants: c'est la situation que vivent plusieurs villes d'Ile-de-France qui affichent pourtant un taux de délinquance élevé. La plus forte densité de policiers est en revanche constatée "dans de petites villes". Mende, Privas ou Guéret ont ainsi un policier pour 200 habitants malgré une délinquance faible.
8,5 ans: c'est la moyenne de l'ancienneté des policiers en Seine-Saint-Denis, département sensible qui aurait pourtant mérité de profiter des agents les plus expérimentés. En Ile-de-France (IDF), une forte proportion de policiers dans la rue sont des "débutants qui restent peu longtemps", note la Cour des comptes. Au lieu de 16 ans au plan national, l'ancienneté moyenne est de 10,4 ans en IDF.
Très chères vidéosurveillance et polices municipales
28.300 agents de police municipale (PM) en France, au poids "grandissant", comptabilisés par le rapport soit "11% des effectifs cumulés" police/gendarmerie.Face au manque d'effectifs dans la police et la gendarmerie nationales, les communes se rabattent sur une police municipale qu'elles payent. Mais les villes n'ont pas toutes les mêmes moyens à allouer: 0,8% du budget de Vitry-sur-Seine en région parisienne (1,5 million d'euros), 7% à Cannes (25,7 M) deux fois plus que Lyon (21,8 M) "au regard de son budget". (à lire: Le syndicat qui veut armer tous les ppoliciers municipaux)
90%, c'est la proportion de communes des Alpes-Maritimes équipées de caméras de vidéosurveillance. A rapporter aux 7% des communes de Seine-et-Marne sont équipées de caméras, contre plus de 90% dans les Alpes-Maritimes. A Cluses (Haute-Savoie), le maire a chargé une société privée de visionner les écrans "en infraction avec la loi". Coût annuel d'exploitation d'une caméra : 3.000 euros à Cannes, près de 20.000 euros à Saint-Fons (Rhône).
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02/09/2010
Chômage : le triomphalisme excessif de la majorité
Même satisfaction, ou presque, dans la bouche de Christine Lagarde. "On a des raisons de penser que non seulement on a stabilisé le chômage mais on est peut-être passé du bon côté de la stabilisation. On s'installe, je l'espère, durablement dans la diminution du chômage", explique la ministre de l'économie à l'agence Reuters.
DES CHIFFRES PAS SI RÉJOUISSANTS
Pourtant, l'examen attentif des statistiques livrées par l'Insee relativise très fortement l'enthousiasme de la majorité. D'une part, le chiffre donné par Frédéric Lefebvre ne tient pas compte de l'outre-mer. En réalité, le chômage est passé de 9,9 % à 9,7 % sur le territoire français, outre-mer compris.
Ensuite, le chiffre cité par le porte-parole de l'UMP, issu de "l'enquête emploi" semestrielle de l'Insee, prend seulement en compte les personnes au chômage total, c'est-à-dire inscrites au Pôle Emploi et qui n'ont pas travaillé du tout durant le semestre. Il n'intègre ni des temps partiels non souhaités, ni des personnes en formation.
Le sous-emploi, c'est-à-dire les salariés à temps partiel désireux de travailler plus, ou les chômages techniques ou partiels, touche ainsi 1,48 million de personnes, soit 5,8 % des personnes en situation d'emploi. Il est en recul de 0,3 % par rapport au trimestre précédent.
Le nombre de personnes dites "proches du chômage", à savoir sans emploi mais qui ne remplissent pas les critères pour être comptabilisées comme chômeurs (car ils ne sont pas disponibles pour une recherche active, par exemple), est, lui, en nette hausse sur un an : 3,3 millions de personnes sont dans ce cas, soit 47 000 de moins qu'au premier semestre, mais 84 000 de plus qu'en septembre 2009.
PRÉCARITÉ EN HAUSSE
De plus, les emplois créés sont le plus souvent précaires. L'Insee note une hausse de la part des CDD et des contrats d'intérim, et une baisse constante des CDI. Pôle Emploi admet également une hausse des personnes en contrat aidé (+ 45,5 % en un an) et des stages (+ 11,7 %), qui sortent de fait des statistiques du chômage.
L'Insee rappelle par ailleurs les écarts abyssaux entre la moyenne du chômage et le taux constaté chez les jeunes. Le chômage de 15-24 ans en activité est en légère hausse, à 24,1 % contre 24 % au premier semestre en comptant l'outre-mer. Un chiffre qui cache une disparité hommes-femmes, le chômage de ces dernières étant en hausse de 2,3 % sur le trimestre, à 24,7 %, tandis que celui des jeunes hommes recule de 2 % à 22 %.
Chez les seniors, le taux d'emploi continue d'augmenter légèrement (42,1 % pour les 55-64 ans, en hausse de 0,3 point sur un an), mais reste bas. Le chômage des 55-64 ans, lui, s'établit à 6,3 % avec l'outre-mer, en baisse de 0,5 % sur le trimestre, mais en hausse de 1,1 % en deux ans.
Le vice-président de l'assurance-chômage, Geoffroy Roux de Bézieux, a d'ailleurs nettement tempéré l'enthousiasme de la majorité. S'il a reconnu, sur LCI, "qu'on peut dire que la hausse du chômage s'est stabilisée", il estime que "l'économie française n'est pas en train de reprendre les créations d'emploi, en dehors de l'intérim, alors que la population active continue de croître". Dès lors, estime-t-il, "se hasarder à un pronostic sur l'emploi est difficile". Depuis la crise en 2008, la France a détruit près d'un demi-million d'emplois salariés.
Journal Le Monde
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10/05/2007
La France pas plus à droite qu’avant...
Si les seniors ont assuré la victoire de Sarkozy, gauche et droite font globalement jeu égal dans les autres catégories de la population. C’est le report des voix du FN qui a changé la donne.
Bouches-du-Rhône, correspondant régional.
En termes sportifs, on dirait qu’il ne s’est rien passé dans la dernière ligne droite. Le 22 avril, Ségolène Royal accusait un retard de deux millions de voix sur son rival UMP. Le 6 mai, Nicolas Sarkozy l’a devancée de 2,2 millions de voix.
Les reports de voix des candidats éliminés n’ont donc pas modifié le rapport de forces du premier tour. Selon les enquêtes, l’électorat de Bayrou s’est partagé également entre Sarkozy et Royal. Le noyau dur de droite (soit le score de Bayrou en 2002, 7 %) a opté pour l’ancien ministre de l’Intérieur tandis que les électeurs de gauche qui avaient par « tactique » choisi le président de l’UDF sont eux aussi rentrés au bercail. En réintégrant, certes de manière hypothétique, ces 7 % au total de la gauche le 22 avril, on retrouve le score global de la gauche au premier tour de l’élection présidentielle en 2002 (42 %) et en 1995 (40,5 %). La France ne semble donc pas compter moins d’électeurs de gauche depuis une décennie, même s’ils sont moins nombreux à se retrouver dans l’offre politique des différentes composantes de cette même gauche. De même que la droite dans son ensemble, extrême comprise, n’a pas affolé les compteurs.
La vraie « rupture » électorale réside dans le braconnage réussi d’une partie de l’électorat FN par la droite dite classique. Cette stratégie a fonctionné lors des deux tours, puisque le report de voix des électeurs de Le Pen a été massif (65 %). En valeur absolue, ce report s’établit à 6 % du corps électoral, soit exactement la différence finale entre Sarkozy et Royal. Cette absorption se lit d’ailleurs sur la carte d’une France électorale coupée en deux de chaque côté d’une ligne Le Havre-Marseille.
Ségolène Royal réalise ses meilleurs scores dans des terres de tradition radicale (Sud-Ouest) et démocrate-chrétienne (l’Ouest) tandis que Nicolas Sarkozy arrive en tête dans la partie est du pays qui, en 2002, avait accordé à Le Pen ses plus forts scores. Par exemple : Sarkozy domine dans le Nord, l’Aisne, les Ardennes et la Somme, départements fortement touchés par la désindustrialisation, qui avaient voté Jospin en 1995 avant de placer en tête le leader de l’extrême droite en 2002. De prochaines études de sciences politiques démontreront peut-être que le vote FN a servi sur le long terme à « recycler » des électeurs jadis de gauche vers la droite.
Ces reclassements redessinent la France électorale au-delà de photographies qui peuvent apparaître similaires. Ainsi, si Sarkozy (53 %) égale le score de Chirac en 1995 (52,64 %), la carte de leur implantation diffère, l’Ouest chiraquien et le Nord jospinien de 1995 ayant changé de couleur lors de ce scrutin présidentiel 2007.
Le score de Nicolas Sarkozy, obtenu dans le cadre d’une participation massive et après cinq ans d’exercice du pouvoir par la droite, fait unique depuis trente ans, pourrait signifier une adhésion massive et uniforme du corps électoral français aux thèses libérales et autoritaires. 53 % des suffrages pour le programme le plus à droite jamais porté sous la Ve République, cela suffit d’ailleurs à illustrer le déplacement vers la droite du centre de gravité de la politique française. Pourtant, les enquêtes réalisées après les premier et second tour dessinent une réalité plus contrastée. Que montrent-elles ? Sur les deux millions de voix d’avance de Sarkozy, le 22 avril, 1,7 million provient du vote des retraités. C’est donc la « France qui se couche tôt » qui lui a donné un avantage décisif. Dans le reste de la population, les deux candidats arrivent au coude-à-coude. Confirmation au second tour : le candidat de l’UMP a rallié 68 % des suffrages des plus de 70 ans et 61 % des 60-69 ans, ce qui lui assure la « bascule » pour la victoire.
Dans le reste de la population, c’est un vote « à l’ancienne », de classe, pourrait-on dire, qui ressort. Sarkozy domine chez les artisans et commerçants (82 %), les agriculteurs (67 %), les professions libérales et les cadres supérieurs (52 %) et les 25-34 ans (57 %), tandis que Ségolène Royal a emporté la majorité chez les 18-24 ans (58 %), les ouvriers (54 %), les employés (51 %) et les professions intermédiaires (51 %).
Lors d’un chat sur le site Internet du quotidien le Monde, Dominique Reynié, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, décryptait ainsi les résultats du premier tour : « Un pays qui vieillit démographiquement est un pays à l’intérieur duquel les peurs sont plus nombreuses, plus grandes, la demande de protection plus forte, le conservatisme est plus affirmé, la demande de repli plus forte. C’est pourquoi on peut considérer que la France s’installe dans une culture de droite. »
Au final, il ne s’agit pas de nier l’évidence, c’est-à-dire qu’une majorité de Français ont opté pour une droite dure et revancharde, mais de souligner que les anticorps de la société française sont peut-être plus coriaces que ne le laisse entrevoir un coup de bambou électoral.
Christophe Deroubaix, l'Humanité
09:40 Publié dans Connaissances | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : élections présidentielles, chiffres, analyse | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
28/02/2007
CHIFFRES ET ELECTIONS
Manifeste pour que l’ économie ne soit pas réduite à une « pure expression comptable ».
« Parce qu’il s’agit d’argent public, le moins coûteux d’entre eux serait le plus efficace. » Pour éviter tout raccourci à propos des programmes présidentiels, les deux économistes de l’OFCE, Jean Paul Fitoussi et Xavier Timbeau, ont publié un manifeste pour que la « politique économique » n’en soit pas réduite à une « pure expression comptable ».
Une telle perspective est « trompeuse » parce qu’elle revient à affirmer « qu’aucun investissement n’est rentable, qu’aucune entreprise ne vaut d’être créée », écrivent les deux auteurs. Elle est contestable également d’un point de vue déontologique car le chiffrage d’une mesure sur le papier « ne nous dit rien quant aux bénéfices nets pour la société dans son ensemble que cette mesure produirait après sa mise oeuvre ». Pour Jean Paul Fitoussi et Xavier Timbeau, il convient plutôt de parler d’évaluation des programmes politiques. « Il s’agit alors d’un tout autre exercice », écrivent-ils. Pour qu’un « chiffrage » soit recevable, il faut indiquer les « principales hypothèses sur lesquelles il est fondé », soulignent les deux économistes, pour qui « ce n’est évidemment pas le cas des chiffrages qui circulent aujourd’hui ».
« Combien ça coûte » relève du « slogan de programmes télévisés », ironisent-ils. « Ce n’est pas une méthode pour savoir si les options qui nous sont proposées par les candidats à l’élection présidentielle sont à la hauteur des enjeux », affirment avec conviction les deux responsables de l’OFCE.
09:45 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : élections présidentielles, chiffres | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |