Quand le déficit public préparait la Révolution (19/11/2011)
Marie-Laure Legay passe au crible la crise des finances publiques de l’Ancien Régime. Ou comment la faillite de l’administration royale a déclenché le processus révolutionnaire.
La banqueroute de l’État royal, de Marie-Laure Legay. Éditions EHESS, Paris 2011, 29,50 euros. Chacun sait que la question de l’impôt et la crise des finances publiques ont joué un rôle majeur dans le déclenchement de la Révolution française. Marie-Laure Legay, professeur à l’université de Lille, nous invite à un parcours historique, de Colbert à Necker, qui permet de mieux comprendre la faillite de l’administration royale. La monarchie aurait ainsi trébuché sur trois obstacles : l’ampleur de la dette accumulée par le pouvoir, la toute puissance des intermédiaires financiers qui ont dicté leur loi, l’inadaptation structurelle de l’impôt aux nouvelles réalités économiques.
Le parti pris de l’auteur est d’explorer trois dimensions de l’organisation de la gestion des finances publiques jusque-là peu exploitées par la recherche historique : le contenu de « l’idéal de gestion » voulu et mis en avant par Colbert, d’abord ; les grandes étapes politiques ultérieures qui ont confirmé puis contredit la modernisation engagée ; enfin, les rapports entre le pouvoir central et les corps intermédiaires qui se tendent à propos de ces choix. Le tout permettant de saisir la rupture entre l’État monarchique et les élites à propos de ces conceptions différentes des finances publiques.
L’intérêt de l’ouvrage est d’entrer dans l’analyse des contradictions financières de la gestion de la monarchie. Il permet de mieux comprendre les processus qui ont présidé d’abord à la modernisation de l’organisation financière publique, sous Colbert, puis au blocage ultérieur des évolutions. Le livre revient longuement sur l’importance de la perte de la maîtrise des recettes par l’État, via la gestion déléguée par voie d’offices, et de l’échec du contrôle général qui a laissé libre cours aux ministères dépensiers, la Marine et la Guerre notamment. La charge de la dette est venue accaparer près de la moitié des recettes publiques centralisées. Et comme dans la plupart des monarchies d’Europe, les dépenses publiques furent assurées par les avances des intermédiaires financiers.
Cette analyse donne raison à Albert Soboul, qui notait dans son Précis d’histoire de la révolution française : « La royauté était frappée d’impuissance par les vices de son système fiscal… l’impôt ne rentrait pas. » Une recherche qui confirme que le système des finances publiques est bien « l’infrastructure de l’État ». En fait, une analyse qui, par les détours de l’histoire, nous rapproche bien sûr d’une crise plus contemporaine.
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