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05/08/2013

PEDOPHILIE : MAROC / TEMOIGNAGE DE SERGE GARDE, JOURNALISTE

gardeserge.jpgCe matin, lundi 5 août 2013, j'étais invité à l'aube (à 6 h 30) en direct sur le plateau d'I télé, pour commenter la grâce royale accordée au pédocriminel espagnol Daniel Galvan. J'ai avancé les idées suivantes:

1°) C'est une victoire pour les associations de défense des enfants tous les manifestant-es (et notamment celles et ceux de Rabat) au Maroc, ailleurs et sur les réseaux sociaux. S'il n'y avait pas eu cette mobilisation, il n'y aurait pas eu d'annulation de la grâce. Les manifestant-es ont brisé un tabou et cela, c'est un acquis durable!

2°) A propos, je ne sais pas ce qu'est une annulation de grâce. Ce qui est certain, c'est que ce criminel, condamné en 2011 à 30 ans de prison pour le viol de 11 enfants (le plus jeune avait 4 ans!) est sorti de prison et qu'il a disparu dans la nature, ce qui suppose des complicités extérieures.

 3°) Actuellement, on cherche à nous faire croire qu'il s'agit d'une bévue commise par l'entourage de Mohamed VI. L'enquête ouverte vise surtout à trouver le fusible qui va sauter pour sauvegarder l'image royale.

4°) Il ne s'agit hélas pas d'une regrettable erreur, mais d'un symptôme révélateur de la situation au Maroc. Selon les ONG locales, on estime à 26000 les viols d'enfants chaque année. soit 71 viols par jour!

5°) 92% des dérogations demandées pour organiser les mariages de fillettes avec des adultes sont autorisés par les juges marocains, car la loi prévoit de telles dérogations sans avoir fixé de l'imite d'âge. Ce qui revient à une autorisation de vendre ses filles.

6°) On critique Mohamed VI, mais que dire du roi d'Espagne ? C'est tout de même lui qui a demandé à son collègue marocain cette grâce! Et je constate que le récent safari africain de Juan Carlos a provoqué plus de réactions hostiles que cette grâce!

 7°) Tout cela montre l'ambiguité qui subsiste dans nos sociétés à propos de la pédocriminalité.

 8°) Après le tsunami de 2004, dans le sud est asiatique, les circuits du tourisme sexuel se sont sensiblement modifiés et le Maroc est devenu encore plus une terre attractive pour les prédateurs sexuels de mineur-es.

J'ai à peu près pu dire tout cela en direct. Propos que je n'ai plus retrouvés lors des reprises du sujet, dans les journaux télévisés suivants. J'aurais pu ajouter que ce "danielgate" révèle aussi le décalage qui existe entre les "élites auto-proclamées" et l'opinion publique.

maroc-marche-contre-la-pedophilie_200_200.jpgS'il n'y avait pas eu cette mobilisation d'une grande partie de la population (internautes compris) jamais le roi ne serait revenu sur la grâce qu'il avait accordée. Ne serait-ce que pour éviter de créer cet "ojni" (objet juridique non identifié) qui risque de poser d'inextricables complications juridiques. J'aurais pu ajouter que dans un pays dans lequel la pédocriminalité n'est pas lourdement réprimée (Galvan est dans le palmarès des juges, une exception), et dans lequel une bonne partie des familles continuent à vivre avec un euro de revenu par jour, le commerce des enfants et l'inceste ne risquent pas de reculer.

Finalement, c'est la mobilisation des opinions publiques contre la pédocriminalité qui sera déterminante. Bravo aux manifestant-es qui ont bravé les matraques des policiers pour défendre les enfants!

Serge Garde

Journaliste d'investigation, il collabore jusqu'à sa retraite au quotidien L'Humanité où il traite des faits divers. Il a travaillé également pour la télévision (FR3 et M6).

Il a consacré divers ouvrages à la pédocriminalité et à la lutte à son encontre.

19/11/2011

Quand le déficit public préparait la Révolution

Banqueroutes.gifMarie-Laure Legay passe au crible la crise des finances publiques de l’Ancien Régime. Ou comment la faillite de l’administration royale a déclenché le processus révolutionnaire.

La banqueroute de l’État royal, de Marie-Laure Legay. Éditions EHESS, 
Paris 2011, 
29,50 euros. Chacun sait que la question de l’impôt et la crise des finances publiques ont joué un rôle majeur dans le déclenchement de la Révolution française. Marie-Laure Legay, professeur à l’université de Lille, nous invite à un parcours historique, de Colbert à Necker, qui permet de mieux comprendre la faillite de l’administration royale. La monarchie aurait ainsi trébuché sur trois obstacles : l’ampleur de la dette accumulée par le pouvoir, la toute puissance des intermédiaires financiers qui ont dicté leur loi, l’inadaptation structurelle de l’impôt aux nouvelles réalités économiques.

Le parti pris de l’auteur est d’explorer trois dimensions de l’organisation de la gestion des finances publiques jusque-là peu exploitées par la recherche historique : le contenu de « l’idéal de gestion » voulu et mis en avant par Colbert, d’abord ; les grandes étapes politiques ultérieures qui ont confirmé puis contredit la modernisation engagée ; enfin, les rapports entre le pouvoir central et les corps intermédiaires qui se tendent à propos de ces choix. Le tout permettant de saisir la rupture entre l’État monarchique et les élites à propos de ces conceptions différentes des finances publiques.

L’intérêt de l’ouvrage est d’entrer dans l’analyse des contradictions financières de la gestion de la monarchie. Il permet de mieux comprendre les processus qui ont présidé d’abord à la modernisation de l’organisation financière publique, sous Colbert, puis au blocage ultérieur des évolutions. Le livre revient longuement sur l’importance de la perte de la maîtrise des recettes par l’État, via la gestion déléguée par voie d’offices, et de l’échec du contrôle général qui a laissé libre cours aux ministères dépensiers, la Marine et la Guerre notamment. La charge de la dette est venue accaparer près de la moitié des recettes publiques centralisées. Et comme dans la plupart des monarchies d’Europe, les dépenses publiques furent assurées par les avances des intermédiaires financiers.

Cette analyse donne raison à Albert Soboul, qui notait dans son Précis d’histoire de la révolution française : « La royauté était frappée d’impuissance par les vices de son système fiscal… l’impôt ne rentrait pas. » Une recherche qui confirme que le système des finances publiques est bien « l’infrastructure de l’État ». En fait, une analyse qui, par les détours de l’histoire, nous rapproche bien sûr d’une crise plus contemporaine.

Jean-Christophe Le Duigou, publié par l'Humanité

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04/01/2007

DASSAULT RÊVE DE RESTAURATION

 medium_SDass.jpgSerge Dassault est impayable. Tout dans les « meilleurs voeux pour 2007 » adressés aux lecteurs hier matin par celui que son journal (pieds et poings liés ?) présente comme « sénateur de l’Essonne, propriétaire du Figaro » suinte la haine des conquêtes sociales. « Quand j’entends parler de libéralisme destructeur, de sauver notre modèle social, de licenciements inciviques, de pérenniser les emplois, de droit d’accès à l’emploi, de faire des CDI la règle, je me demande sur quelle planète on vit », dénonce-t-il, par exemple. Mais dans sa geignarde litanie banalement ultralibérale, Serge Dassault a égaré une perle qui en dit long sur son imaginaire politique... « Je ne sais plus, écrit-il, quel roi disait à son ministre des Finances : « Faites-moi de bonnes finances, je ferai une bonne politique ». » On comprend que Serge Dassault ne sache plus quel roi parlait ainsi à son ministre, puisque, en réalité, c’est un ministre des Finances, le baron Louis, qui pria Louis XVIII en ces termes rigoureusement inversés par rapport à ceux du sénateur maire UMP de Corbeil : « Faites-moi une bonne politique, je ferai de bonnes finances. » Mais qu’importe, au fond, la confusion : lorsque Nicolas Sarkozy aura, espère-t-il, pris le pouvoir, le propriétaire du Figaro pourra enfin lire l’histoire en direct de la Restauration dans les colonnes de son journal... Une nouvelle restauration de l’Ancien Régime que Dassault appelle encore, lui, par ignorance, « rupture totale ».

Thomas Lemahieu, l'Humanité

19:30 Publié dans Cactus | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Dassault, restauration, roi | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!