Guerre à Gaza : Des témoins accablent Israël (30/09/2014)
Crimes de guerre, crimes contre l’humanité... Le tableau dressé par le tribunal Russell montre qu’Israël n’a pas respecté le droit international.
Bruxelles (Belgique), envoyé spécial. L’opération « Bordure protectrice », qui a tué cet été quelque 2 500 citoyens gazaouis et fait plus de 10 000 blessés, dont 3 312 enfants et 2 120 femmes, a été largement au coeur du débat de cette session extraordinaire du tribunal Russell. Créé en 2009 sous le parrainage de l’ancien diplomate Stéphane Hessel (qui fut déporté dans un camp de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale), ce rassemblement de citoyens tente depuis lors de sensibiliser les opinions publiques sur les violations du droit international en Palestine. Composé de juristes internationaux, la cour analyse depuis cinq ans plusieurs aspects de la situation : la complicité des multinationales occidentales, la responsabilité de l’Union européenne, des États- Unis et des Nations unies, ainsi que la situation d’apartheid provoquée par la politique israélienne à Gaza. La session extraordinaire de mercredi et jeudi, qui se tenait à Bruxelles, est allée encore plus loin, examinant pour la première fois les potentialités de crime de génocide commis par Israël à Gaza cet été.
L’horreur de ces cinquante jours
Dans le cadre ouaté du Albert Hall, les témoins qui se sont succédé à la barre, ont rappelé l’horreur de ces cinquante jours. Mohammed Omer, par exemple, journaliste palestinien – seul parmi les quatre Gazaouis invités par le tribunal à avoir pu sortir de Palestine à la seule grâce de son passeport néerlandais – a relaté certains des crimes commis par l’armée israélienne, dont des exécutions sommaires et des humiliations. Le cas de l’imam d’un quartier sud de Gaza, Khalil Al Najjar, cinquante-cinq ans, est édifiant. L’homme est tranquillement assis chez lui lorsque des tanks tirent sur des maisons voisines. Il décide de sortir. Devant femmes et enfants, des soldats l’obligent à se déshabiller et lui demandent d’aller nu à la mosquée pour lancer non pas un appel à la prière mais demander à l’ensemble des jeunes hommes de la zone de sortir en toute sécurité. « Bien entendu ces jeunes-là ont été faits prisonniers », explique le journaliste, « utilisés comme boucliers humains et pour certains torturés ».
Le témoignage d’Eran Efrati, ancien sergent de l’armée israélienne et ex-directeur du groupe de recherche Breaking the silence, composé d’anciens vétérans, continue de donner la nausée. L’ex-soldat raconte, vidéo à l’appui, l’histoire de Salem Shamaly, un jeune Gazaoui de vingt ans. « C’était le lendemain de l’intrusion de Tsahal dans Shujaiyya avec des M-13 américains, raconte Eran. Ce jeune et d’autres venaient s’enquérir des familles alentour. » Sur la vidéo, une première balle touche le jeune homme sur le flanc gauche, qui s’écroule dans les gravats. Il tente de se relever. Deux autres tirs secs résonnent et l’achèvent. Après enquête, Eran Efrati obtient le témoignage de soldats. « En réalité, le sniper a demandé par deux fois à son officier l’autorisation de tirer. Par deux fois l’officier a donné son autorisation alors qu’il n’y avait aucun danger. Mais tout cela n’a rien d’extraordinaire », prévient l’exsergent, « car Tsahal n’a qu’un but : terroriser les habitants de Gaza pour briser toute résistance... Et croyez moi d’autres attaques auront lieu bientôt ».
Une technique que Michaël Mansfield, membre du jury et professeur de droit à Londres, explique par la doctrine de la Dahyia utilisée par Israël depuis 2006 : « Il s’agit en réalité de punir de manière disproportionnée une population civile pour les actes commis par la résistance intérieure. Ce qui est un crime. Israël ne combat pas un État mais un peuple enfermé. La loi internationale le dit en tant que tel. Imaginez 700 tonnes de munitions lâchées sur un petit territoire comme Gaza. » Autre membre du jury, l’avocate Vandana Shiva accuse franchement Israël : « Ce que nous avons vu lors de ces témoignages n’est pas un acte de guerre, mais de vengeance. Des écoles des Nations unies attaquées, 220 usines endommagées sur 300, soit 70 % de l’industrie.
La quasi-totalité des fermes détruites. Tout ceci porte un nom, c’est un crime contre l’humanité. » Destructions d’hôpitaux et attaques d’ambulances et de personnel de santé sont aussi évoquées par le chirurgien norvégien Mads Gilbert. « C’est la quatrième fois en huit ans que je me retrouve sous les bombes. Mais je tiens à dire que je n’ai pas vu la moindre roquette envoyée depuis un hôpital ou une clinique durant toute cette période. »
Des attaques qu’ignore voire encourage de plus en plus la population israélienne. David Sheen, journaliste au quotidien israélien Haaretz, explique comment le travail de sape de l’extrême droite religieuse a pénétré les esprits des Israéliens qui n’hésitent plus à afficher leur haine sur les réseaux sociaux. « Ils sont encouragés », explique le journaliste. « Ayelet Shaked, du parti du foyer juif et membre de la Knesset, a dit un jour : “Derrière chaque terroriste se tiennent des douzaines d’hommes et de femmes. (...) Ils sont tous des combattants ennemis et ils devraient mourir. Ceci concerne aussi les mères de ces martyrs. Elles devraient donc subir le même sort que leurs fils.”. » Sans commentaire.
Après la session du tribunal, jurés comme témoins sont allés jeudi après-midi au Parlement européen, à l’invitation du groupe de la Gauche unitaire européenne, afin de rendre compte de leurs travaux, dans le but de sensibiliser députés et États membres. Comme le rappelle la juriste française Agnès Bertrand-Sanz, ces derniers ne sont pas loin, par leur politique de l’autruche, d’être complices de ces massacres.
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