Expo. Orsay, un voyage dans l’art et dans le temps (02/12/2016)

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Maurice Ulrich, L'Humanité

L’ancienne gare devenue musée le 9 décembre 1986 rassemble près de 6 000 peintures, de la seconde moitié du XIXe siècle au début du XXe, et des collections exceptionnelles d’arts décoratifs et de sculptures. Regards pour un anniversaire.

C’était le chaînon manquant. Inauguré en 1986, le musée d’Orsay venait combler le vide existant entre le Louvre et le Centre Pompidou. Les collections du Louvre s’arrêtent à Delacroix, Ingres, Corot. Celles du Centre Pompidou s’ouvrent avec les fauves, le cubisme. Que faire donc des impressionnistes, des gloires de l’académisme finissant, des réalistes et naturalistes contemporains de Zola ? Soit quelque cinquante années d’une histoire de l’art en plein mouvement, quand l’ancien, pour reprendre une formule connue, tarde à disparaître et que le nouveau peine à se frayer un chemin.

En conséquence, Orsay serait donc un musée aux collections composites, si ce n’est hétéroclite, avec des questions posées dès son ouverture. Peut-on proposer aux visiteurs, à égalité de statut, même si c’est à quelque distance l’une de l’autre, la séduisante Vénus nacrée de Cabanel et l’Olympia, de Manet, les Romains de la décadence de Thomas Couture et l’Enterrement à Ornans de Courbet. Pire encore, l’allégorie de la Vérité de Jules Lefebvre, peinte en 1870, représentant une femme nue tenant bien haut une lanterne pour éclairer le monde mais au sexe lisse et glabre, peut-elle coexister avec l’Origine du monde, de Courbet, peinte en 1866 ?

Trente ans plus tard, ce sont, au fond, ces jeux multiples de la représentation et du symbole, de la vérité et du mensonge, de l’allégorie et du réel qui font le charme secret d’Orsay, une fois passés les premiers regards sur une collection, ou plutôt des collections exceptionnelles, de peinture, de sculpture, mais qui représentent aussi les arts graphiques, la photographie, l’architecture.

Des grandes toiles et des trésors plus intimes

On savait, à l’époque de son ouverture, qu’Orsay avait été une gare dont le musée a d’ailleurs gardé la grande horloge. Mais la gare avait elle-même été un palais, construit en 1810, accueillant successivement le Conseil d’État et la Cour des comptes, incendié pendant la Commune, abandonné pendant des années, et enfin transformé par Victor Laloux, pour la Compagnie du chemin de fer de Paris et Orléans pour accueillir les délégations étrangères à l’Exposition universelle de 1900.

’est à partir de 1983 que les architectes Renaud Bardon, Pierre Colboc et Jean-Paul Philippon entreprennent sa transformation en musée après avoir remporté, en 1979, un concours d’architecture à cet effet. C’est donc sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing que fut décidée sa création, ce qui vient de donner lieu à une polémique assez cocasse, le Canard enchaîné assurant que François Fillon aurait obtenu le soutien de VGE en échange de la promesse de rebaptiser le musée à son nom.

Peu importe. L’essentiel, c’est évidemment la richesse d’Orsay, sensible dès l’entrée avec cette longue galerie de sculptures où trône l’admirable corps d’Apollonie Sabatier, égérie de Baudelaire et icône « mondaine » sculptée par Auguste Clésinger en 1847, avec un titre en forme d’alibi et d’aveu, Femme piquée par un serpent. Au fond, l’un des groupes de Carpeaux, la Danse, pour l’opéra, Rodin, Camille Claudel.

Mais Orsay c’est surtout une collection de 5 300 peintures, dont près de 500 toiles impressionnistes, les nabis, Gauguin, le Douanier Rousseau avec la toile phénoménale qu’est la Guerre, des grandes toiles et des trésors plus intimes comme d’extraordinaires pastels de marines de Degas. C’est, au rez-de-chaussée, les chefs-d’œuvre de Monet, Manet, Courbet. Dans le même temps, on ne saurait sous-estimer, après les avoir longtemps méprisés, les académiques, voire les pompiers et les naturalistes. On peut certes affirmer que l’on ne rencontrera jamais, où que ce soit, une Vénus flottant sur les eaux entourée d’angelots. Bien sûr, mais le propos de Cabanel, en 1863, c’est l’illustration d’un mythe. Certes, cela sera conflictuel et sous le second Empire Napoléon III lui-même ne se privera pas de fustiger Courbet ou Manet pour exalter à l’inverse la belle peinture, donc, de Cabanel, de Bouguereau, ou encore de Gérôme.

Aujourd’hui nous n’en sommes plus là et Orsay nous permet sans doute de prendre un peu de recul et d’envisager nombre d’œuvres, aussi, comme les témoignages d’une époque, de plusieurs sensibilités. C’est ainsi que l’on peut regarder un tableau émouvant et tragique comme le Rêve, de Detaille, avec ses soldats dormant sous une armée fantôme, la Paye des moissonneurs, de Léon Lhermitte, ou encore l’un des très rares tableaux évoquant alors la condition ouvrière du point de vue de ses luttes : la Grève au Creusot, de Jules Adler, en 1900… Orsay, c’est un magnifique voyage dans l’art et dans le temps.

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