16/08/2006
Francis Wurtz : «Une candidature communiste peut changer la donne»
«Le Figaro» poursuit sa série d'entretiens sur les enjeux de la prochaine élection présidentielle avec Francis Wurtz, membre du Parti communiste français, député européen depuis 1979.
LE FIGARO. – Ne craignez-vous pas un trop-plein de candidatures à gauche à l'élection présidentielle ? Francis WURTZ. – Le PCF a signé un appel unitaire pour un rassemblement antilibéral de gauche et des candidatures communes aux élections présidentielle et législatives. Seule une telle dynamique unitaire et populaire est à même de changer la donne à gauche. Nous pensons qu'à la présidentielle une candidature communiste serait bienvenue pour porter une telle union. Partagez-vous l'idée développée à l'extrême gauche qu'il existe «deux gauches» en France ? Il y a une gauche, et en son sein deux courants : l'un ambitionne de transformer la société, l'autre tend à s'accommoder d'aménagements du système. L'expérience montre que pour répondre aux aspirations majoritaires de notre peuple, il faut des transformations profondes. C'est le sens du rassemblement antilibéral auquel nous travaillons. Non pour témoigner mais pour gagner ! Quels sont à vos yeux les principaux enjeux de la prochaine élection présidentielle ? Se résigner à une France défigurée par la révolution conservatrice ou battre la droite et ouvrir une alternative claire à gauche ! En tête des priorités, la majorité des Françaises et des Français placent toujours l'emploi, des moyens pour vivre et des services publics dignes de ce nom. Les pressions permanentes sur les salaires exaspèrent les gens, alors même que les sociétés du CAC 40 affichent des bénéfices records, que les dividendes distribués aux actionnaires atteignent des niveaux insolents et que des sommes colossales sont gaspillées dans des batailles boursières de plus en plus démentielles. Dans ce contexte, le manque dramatique de moyens pour l'hôpital, l'éducation, le logement ou la privatisation d'entreprises publiques clés sont ressentis comme de vrais scandales. Voilà pourquoi l'envie d'en finir avec le pouvoir actuel est si forte. Quant à la gauche, pour que la déception ne soit pas à nouveau au rendez-vous avec cette fois un risque plus énorme encore de récupération par l'extrême droite, l'enjeu majeur est : rupture ou non avec les orientations libérales ou sociales-libérales. Quel est votre pronostic ? Bien malin qui pourrait répondre ! La seule référence objective est le résultat du 29 mai 2005 ! Quand il s'est agi de se déterminer pour ou contre un grand projet libéral à l'échelle de l'Union européenne, une majorité absolue s'est dégagée contre ! Tout le défi sera de réussir à permettre au plus grand nombre possible de citoyennes et de citoyens de mettre leur vote en adéquation avec leurs aspirations. Quelle attitude proposez-vous face à la mondialisation ? Il faut de nouvelles règles, des institutions internationales profondément réformées. La politique doit prévaloir sur les exigences des «marchés». Il manque un milliard d'emplois sur la planète ! Le monde a besoin d'immenses efforts de formation, d'accès de tous à la culture autant qu'aux soins, à l'énergie, à l'eau potable, à tous les «biens communs». Il faut assurer une responsabilité collective en matière de réchauffement climatique, de protection de la biodiversité. C'est en fonction de ce type d'exigences que doit être reconçue la «gouvernance mondiale». Dans le même esprit, il faut relancer de grandes mobilisations mondiales pour le désarmement et proscrire tout recours à la guerre comme moyen de régler les différends ! Le PC n'a jamais été favorable à la construction européenne. Quelle réorientation proposez-vous ? La raison d'être de l'Union européenne doit être précisément d'user de son poids pour faire émerger ces nouvelles règles dont le monde a besoin pour se libérer des actuels rapports de domination. Or, la Banque centrale européenne, le Pacte de stabilité, la «stratégie de Lisbonne»... sont conçues pour contraindre les Européens à s'adapter aux règles de la mondialisation libérale, alors qu'il faut se donner les moyens de s'en émanciper ! Il faut donc engager un débat sans tabou sur les ruptures à opérer dans la perspective d'un nouveau traité.
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