14/05/2023
Les black blocs, un point noir dans les cortèges
L’attaque du stand du PCF, le 1 er Mai, à Paris, rappelle la menace que font planer ces groupes autonomes sur la sûreté des manifestants depuis 2016. Les syndicats n’ont pas trouvé la parade.
Comme un mauvais présage. Il est 14 heures, ce lundi 1 er Mai, quand la pluie se met à fortement frapper Paris. Non loin du métro Saint-Ambroise, sur le trajet principal de la manifestation parisienne, les militants communistes – et ceux venus distribuer l’Humanité dans le cortège – se réfugient sous les tentes rouges du point de rencontre du PCF. Puis, à l’approche du carré de tête, c’est l’apocalypse.
Des affrontements opposant 200 à 300 Black blocs à la police
Les militants du côté pair du boulevard Voltaire se retrouvent au milieu des affrontements opposant 200 à 300 Black blocs, surarmés et à l’allure de paramilitaires, à la police. Les bris de verre et les détonations des engins explosifs rajoutent du chaos à l’orage qui s’abat. Alors que la police fait usage de gaz lacrymogène, l’air devient irrespirable : les militants réussissent à s’abriter dans le hall d’un immeuble, avec des parlementaires.
Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, est exfiltré. À l’opposé de la rue, ceux venus prêter main-forte au stand de la fédération de Paris et du Conseil national du PCF ont eu moins de chance. « Au cri de “Fabien Roussel n’est pas un camarade !”, des black blocs les ont attaqués à coups de tirs de mortier et de bombes agricoles avec des bouts de fer et de verre dedans », rapporte Lydie Benoit. Et la responsable de l’accueil sécurité (AS) du PCF d’ajouter : « Ils avaient l’intention de blesser grièvement des communistes, avec des menaces comme : “On va vous crever, on va vous pendre !” »
Au total, trois militants de l’AS sont blessés. Ian Brossat, le porte-parole du PCF, est brûlé à la main. Dans le champ syndical, l’indignation est de mise, alors que ce 1 er Mai devait représenter un temps fort de la contestation sociale contre la réforme des retraites, avec des délégations venues du monde entier. Le lendemain, dans un communiqué, la CGT Île-de-France dénonce « un acte inqualifiable » rappelant « les périodes les plus sombres de notre histoire ».
Cette attaque du 1 er Mai illustre la menace que fait planer la présence des black blocs sur la sûreté des manifestations syndicales. À Paris comme ailleurs, les centrales sont les organisatrices de ces cortèges. Les responsables des partis politiques, en soutien à la mobilisation, sont le plus souvent placés sur le côté des boulevards, afin d’échanger avec les manifestants. Ce 1 er Mai, les stands du PCF étaient pourtant sous la surveillance d’une quarantaine de membres de l’AS.
Originaire d’Allemagne de l’Ouest au début des années 1980
Mais qu’est-ce, au juste, que le back bloc ? « L’expression désigne une forme d’action collective, une tactique très typée qui consiste, lors d’une manifestation, à manœuvrer en un groupe au milieu duquel chacun préserve son anonymat », mesure Francis Dupuis-Déri, chercheur en science politique.
Originaire d’Allemagne de l’Ouest au début des années 1980, cette technique du Schwarzer Block s’est diffusée dans les autres pays occidentaux à la fin du XX e siècle, « principalement à travers le réseau de la contre-culture punk et d’extrême ou d’ultragauche », précise le chercheur spécialiste de l’anarchisme.
Jusqu’à apparaître aux yeux du grand public, en novembre 1999, en marge d’une conférence ministérielle de l’OMC à Seattle. Puis, en juillet 2001, à Gênes, dans les manifestations contre le sommet du G8 au cours desquelles la répression mise en œuvre par le président du Conseil italien de l’époque, Silvio Berlusconi, a fait un mort et 600 blessés parmi les manifestants altermondialistes.
11:31 Publié dans Actualités, Histoire, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : social, manifestation, black bloc | |
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11/05/2023
Danielle Casanova, résistante, communiste, morte à Auschwitz il y a 80 ans
Vincentella Perini, plus connue sous le nom de Danielle Casanova, est de celles et ceux qui se sont élevés dès le départ contre le fascisme et le nazisme, prônant jusqu’à son dernier souffle, à Auschwitz, un idéal de paix et de liberté. Décorée à titre posthume de la Légion d’honneur, objet de nombreux hommages dont un timbre, des noms de rue et statues un peu partout en France, un poème d’Aragon ou encore une chanson d’Yves Duteil, elle va marquer les esprits au point de devenir une héroïne nationale, au nom de ces femmes « de l’ombre » qui ont œuvré dans la Résistance. Une « sainte » laïque dont le destin semble avoir été tout tracé.
Née de parents instituteurs en 1909 dans une famille ajaccienne « républicaine », « Lella » est la troisième de cinq enfants. Elle est « vive, joyeuse rieuse » et « aime la vie, la joie, l’amitié, le rire et les jeux (...), travaille bien à l’école ; lit beaucoup », témoignent ses proches. Devenue une « belle fille » au regard « direct et chaud », et « le contact facile », la jeune femme termine ses études secondaires au collège du Luc, dans le Var, puis, ses baccalauréats réussis en poche, obtient une bourse pour le lycée Longchamp de Marseille. Alors que ses parents la voient déjà à Normale Sup’, Vincentella sait ce qu’elle veut : ce sera dentiste.
Elle monte à Paris poursuivre sa formation. Et c’est tout naturellement qu’elle adhère aux Jeunesses communistes à 21 ans. Celle qui se fait désormais appeler Danielle, rencontre son futur mari, étudiant en droit, Laurent Casanova, et le convainc d’adhérer au PCF. Le VIIIe congrès réuni à Marseille en 1936 charge cette féministe convaincue de créer l’Union des jeunes filles de France (UJFF). Le but : « Lutter contre les discriminations sociales dont sont doublement victimes les filles des milieux populaires et les sortir du ghetto où la société les enferme », explique Raymond Bizot dans la Marseillaise du 9 mars dernier. « La conquête du bonheur est pour la femme liée à son libre épanouissement dans la société, cet épanouissement est une condition nécessaire du développement du progrès social », déclarera lors du congrès Danielle Casanova.
Croire à la victoire jusqu’au bout Vient le temps de la clandestinité lorsque le PCF est interdit en septembre 1939. Son mari est mobilisé. Mais Danielle s’est préparée à la lutte contre le fascisme qui « partout où il a passé, (...) a apporté la servitude et semé la mort (…) », constate-t-elle dès la défaite des Républicains espagnols. Elle réaffirme son engagement : « Comme nos aînés de 1792, nous connaissons notre devoir et nous le remplirons. » La jeune résistante assure la liaison entre les différents organes de décision du parti dont les membres sont éparpillés aux quatre coins de la France. Elle monte des comités féminins, fonde un titre clandestin, La Voix des femmes, participe aux manifestations du 8 novembre 1940, lorsque la jeunesse appelle à la mobilisation devant la tombe du Soldat inconnu.
Danielle Casanova finit par être arrêtée par la police française le 15 février 1942 alors qu’elle ravitaille dans leur planque d’autres résistants. Elle restera plus d’un mois au Dépôt avant de partir pour la prison de la Santé. Du fort de Romainville, camp de détention allemand, où elle a été transférée, elle continue à militer avant de faire partie, le 24 janvier 1943, du convoi des 31 000. Pas moins de 230 résistantes dont des veuves de fusillés, directement déportées à Auschwitz. Elles y entrent en chantant La Marseillaise. Le matricule 31655 aura la « chance » d’être identifiée comme dentiste par les SS. Volant des médicaments, de la nourriture, Danielle joue de sa position pour améliorer le sort de ses camarades et continue à résister, contribuant à faire connaître la vérité sur les camps.
Une épidémie de typhus l’emporte le 9 mai 1943. Elle n’a jamais cesser de croire à la victoire. « Nous ne baisserons jamais la tête. Nous ne vivons que pour la lutte. Je vous dis au revoir (...) N’ayez jamais le cœur serré en pensant à moi. Je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience de n’avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune », écrit-elle dans une de ses dernières lettres.
20:14 Publié dans Actualités, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : daniele casanova, résistante | |
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29/10/2020
À Gaza : Ziad Medoukh, un géant de la non-violence
17:53 Publié dans Actualités, Entretiens, Histoire, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ziad medoukh | |
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14/06/2020
Racisme. Faut-il brûler Autant en emporte le vent ?
Autant en emporte le Vent n’est pas un documentaire sur la situation des esclaves noirs dans l’Amérique de la guerre de Sécession, ce qui a visiblement totalement échappé à HBO. C’est une fresque romanesque, qui raconte l’émancipation d’une jeune femme de la bonne société sudiste, esclavagiste. Son héroïne, Scarlett O’Hara est une enfant gâtée, qui va grandir en s’affranchissant de tous les codes moraux de son époque. Elle est une canaille, comme dit Rhett Butler, son troisième mari et éternel amoureux, qui en connaît un sacré rayon sur le sujet. Quand le roman est sorti, en 1936, ce que Scarlett faisait exploser, c’était aussi le rôle de mère parfaite, d’épouse qui se tient bien sagement à sa place, celle qui lui est assignée.
Ce qu’avant Scarlett, Margaret Mitchell, son auteure, avait réalisé. Ce qui nous semble normal aujourd’hui, était alors une petite révolution.
La libération des esclaves est le prétexte du livre, mais pas son sujet
Margaret Mitchell est née en 1900. Ses grands-parents, ses parents, ont largement construit ce Sud. Ils dirigeaient le type de plantations qui asservissaient des hommes et des femmes. Comme celle de coton des parents de Scarlett, le «Tara» de son roman. Elle-même y a grandi. Son imaginaire de femme blanche a baigné de toutes ces représentations, y compris celles du Ku Klux Klan. Pour autant, les esclaves, dans le livre comme dans le film, n’ont pas, en dehors de Mama (Hattie McDaniel), la nounou de Scarlett, de place centrale. Leur libération est le prétexte du livre, mais pas le sujet. Donc, oui, Margaret Mitchell les représente dociles, leur donne un langage indigne. Ce n’est pas une excuse, mais Margaret Mitchell était une femme blanche privilégiée d’un autre temps que le nôtre. Ce qui est embêtant, et ce n’est pas la faute d’Autant en emporte le vent, ce sont ces schémas mentaux qui durent.
En Georgie, dont l'auteure est originaire, le 23 février dernier, Ahmaud Arbery a été abattu par un ancien policier et son fils. Il était noir, et il courait, ce qui parait logique quand on fait un jogging: un motif suffisant pour être assassiné. C’est dire l’ancrage de ce racisme, 155 ans après la fin de la guerre de Sécession, 52 ans après le Civil Rights Act qui donne un coup d’arrêt, dans les textes, aux lois ségrégatives.
Hattie McDaniel, Big Mamma, première femme noire à avoir obtenu un Oscar
Pour autant, faut-il jeter Scarlett O’Hara, ce film et ce livre aux orties ? La réponse est non. Ils sont les témoins de leur temps, pas du nôtre. Ce film est majeur, à bien des égards, dans l’histoire du cinéma. Le premier film en technicolor, des moyens démentiels pour filmer l’incendie d’Atlanta, la scène mythique où sont étalés les blessés de la bataille de Pittsburgh... Un casting incroyable avec Clark Gable, Vivien Leigh et Olivia de Havilland au générique. Pour ce film, Hattie McDaniel, sera la première femme noire à avoir obtenu un Oscar. Ségrégation oblige, elle n’a pas été invitée à la projection du film, et a pu raisonner Clark Gable de ne pas la boycotter. Il a fallu que David O Selznick, le producteur du film, menace, pour qu’elle puisse entrer à la cérémonie des Oscars. A ceux qui l’accusaient de n’accepter que des rôles de servantes, et de véhiculer des clichés sudistes, Hattie McDaniel répondait qu’elle préférait être payée à jouer les bonniches plutôt que d’en être une. Et on revenait de loin en la matière.
Dès 1919, on a l’œuvre d’Oscar Micheaux, réalisateur, acteur, producteur et scénariste, qui déconstruit tous les clichés racistes véhiculés dans la société américaine ( within our gates, the symbol of the Ku Klux Klan). Quatre ans auparavant, et c’est l’œuvre retenue, il y a le «naissance d’une nation», de D.W. Griffith, qui encense les tueurs aux chapeaux pointus. Rappelons-le, aux débuts du cinéma, il n’est même pas question d’embaucher des acteurs à la peau noire. Ce sont des blancs grimmés qui tiennent les rôles. Du black face, comme on dit aujourd’hui, soit l’une des formes les plus scandaleuses du racisme, puisqu’il participe à la négation de l’autre.
Dans les deux cas, Naissance d’une nation comme Autant en emporte le vent, la guerre de sécession est en toile de fond. Les États-Unis ont produit nombre de séries et de films pour héroïser cette période sans jamais exorciser cette fracture sociétale. Les films peuvent nous montrer le chemin parcouru. Mais ce ne sont pas des films vieux de 80 ans qui construisent la société d’aujourd’hui. Autant en emporte le Vent est un film de 1939 écrit par une femme sudiste. Mais nous sommes 81 ans plus tard. Entre temps, il y a quelques films, quelques livres, quelques avancées de l’histoire. On doit être capable de regarder une œuvre en la resituant dans son contexte.
10:43 Publié dans Cactus, Cinéma, Histoire, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, autant en emporte le vent | |
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