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07/08/2015

Jeremy Corbyn sème la gauche au Labour

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Méconnue du grand public il y a quelques semaines encore, cette figure de l’aile gauche du Parti travailliste caracole en tête des sondages pour l’élection interne. Son discours anti-austéritaire rompt avec le blairisme.

Panique au New Labour, ce laboratoire sans pareil de la conversion totale de la gauche au néolibéralisme ! Après la magistrale déculottée des législatives 
le 7 mai dernier, suivie de la démission immédiate de son dirigeant, Ed Miliband, le Parti travailliste britannique est engagé, depuis quelques semaines, dans une campagne électorale interne qui pourrait bien s’achever par une profonde 
réorientation politique. À ce stade, en effet, alors que le vote des adhérents – et des sympathisants qui peuvent verser 3 livres sterling (4,20 euros) pour participer au processus – s’ouvre la semaine prochaine et s’achèvera le 12 septembre avec le congrès du Labour, c’est un candidat totalement inattendu et parfaitement hétérodoxe qui, avec 43 % dans les sondages, écrase ses trois adversaires, plafonnant chacun sous les 20 %… Mais qui est donc cet outsider, donné à 100 contre 1 par les parieurs lors de l’annonce de sa candidature il y a quelques semaines à peine ? Et comment a-t-il pu susciter un tel engouement populaire – salles combles pour ses réunions publiques – et recueillir le soutien d’une majorité de sections du parti ainsi que des fédérations syndicales les plus importantes du pays ?

Jeremy Corbyn appelle à rompre avec la politique de Cameron

Il s’appelle Jeremy Corbyn. Il est député travailliste de la circonscription d’Islington-Nord, dans la banlieue de Londres, élu à la Chambre des communes depuis 1983. Selon sa biographie narrée non sans dédain par une presse dominante qui brocarde sa « candeur » et ses « solutions du passé » face à un monde qu’il refuserait de voir comme « complexe », cet homme de 66 ans, compagnon de route des figures de l’aile gauche du Labour comme Tony Benn ou Ken Livingstone, ne boit pas d’alcool, est végétarien, ne possède pas de voiture, a épousé en troisièmes noces une Mexicaine importatrice de café équitable après avoir divorcé car sa deuxième femme souhaitait envoyer les enfants dans une école privée. Il a accompagné les campagnes d’Amnesty International pour réclamer la libération des prisonniers politiques chiliens sous Pinochet, fait partie du mouvement pour le désarmement nucléaire, s’est opposé à la guerre en Irak en 2003. Un pedigree loin, très loin du New Labour et de ses valeurs incarnées par Tony Blair. Mais ce n’est pas avec son parcours militant que Jeremy Corbyn parvient à percer, c’est son discours qui trouve un écho croissant dans un peuple de gauche qu’il réveille en Grande-Bretagne. Alors que les conservateurs, emmenés par David Cameron, imposent le remède de cheval de l’austérité dans tous les secteurs de la société, tout en repassant à l’attaque contre les droits syndicaux et contre les services publics, Jeremy Corbyn appelle à rompre catégoriquement avec cette politique mortifère dont les sirènes ont séduit très largement dans les rangs des dirigeants du Labour. « J’ai été en Grèce, j’ai été en Espagne, glisse-t-il. C’est vraiment très intéressant de constater que les partis sociaux-démocrates qui ont accepté les programmes austéritaires et ont choisi de les mettre en vigueur dans leurs pays ont perdu de très nombreux membres et, bien souvent, tout soutien parmi les citoyens. » Si Corbyn séduit les syndicats britanniques, dont les plus importants comme Unite ou Unison comptent plus d’un million de membres, c’est bien parce qu’il prône, lui, une taxation plus importante sur les profits et sur les riches, la propriété publique des chemins de fer, des services postaux et des télécommunications, une stricte régulation des marchés financiers, la fin du gel des salaires et l’arrêt des suppressions d’emplois dans la fonction publique…

Les concurrents de Corbyn dans la course à la tête du Labour font grise mine devant les sondages. Tony Blair sort de sa retraite de conférencier haut de gamme pour tenter d’empêcher la victoire, désormais possible, de cet adversaire. Lors d’un meeting à Londres il y a une dizaine 
de jours, il a conseillé aux gens dont 
« le cœur bat pour Jeremy Corbyn » de faire d’urgence une « transplantation ». « On ne gagne pas les élections avec un programme à gauche de la gauche », 
a édicté l’ex-premier ministre travailliste. Avec la foule croissante, de jour en jour, de ses milliers de partisans, le candidat à la tête du Labour, regard tourné vers l’Europe du Sud, compte bien le démentir…

Une autre voix sur l’europe  Selon une déclaration récente, Jeremy Corbyn estime que les Britanniques ne doivent pas déserter l’Union européenne et, au contraire, « se battre tous ensemble (avec les autres forces progressistes) pour une meilleure Europe ». Dans un entretien au New Stateman, le candidat à la tête 
du Labour précise toutefois : «  Si nous laissons des forces irresponsables détruire une économie comme celle de la Grèce, quand tout l’argent de l’aide financière 
va aux banques de toute l’Europe et pas du tout aux citoyens grecs, il faut quand même s’interroger sur ce que 
l’Union européenne fait et quel rôle 
nous jouons là-dedans… »
 
Thomas Lemahieu
Mardi, 4 Août, 2015
L'Humanité
 
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04/06/2014

Le patron des patrons ne connaît pas la crise

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Apostrophe. Pierre Gattaz ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnait. Le Canard enchaîné révélait mardi que le patron du MEDEF a perçu, en tant que directeur général de l’entreprise Radiall, une rémunération en hausse de 29 % en 2013.

Soit la modique somme de 420 000 euros. Ce qui ne l’a pas empêché, toute honte bue, de lancer la veille, en tant que représentant du patronat, un appel à « la modération salariale » et à l'exemplarité. Furieux des révélations du journal satirique, il a donc pris la plume pour se justifier sur son blog. « Quand on crée de la richesse, on la distribue » ose écrire le chef du patronat. Drôle de lecture marxiste, quand on sait que sur la même période, les salaires de ses employés n’ont augmenté que de 3,3% alors que les dividendes octroyés aux actionnaires ont grimpé de 76%. « Il y a un moment où chacun doit être responsable : on ne peut pas demander la baisse du smic, voire sa suppression, et en même temps considérer qu'il n'y a pas de salaire maximal » a réagi hier François Hollande, lors de son entretien sur RMC.

Cette révélation a en effet de quoi inquiéter le président de la République, tant elle démontre par ailleurs l’inanité du « pacte de responsabilité », le cadeau à 30 milliards d’euros, censé créer de l’emploi. Car l’activité du groupe Radiall, dont le chiffre d’affaires a bondi de 27% en quatre ans, aurait dû générer ce que Pierre Gattaz qualifie de « terrain favorable à l’embauche ». Or, comme le démontre Le Canard enchaîné, sur la même période, non seulement l’effectif du groupe a diminué, mais il a enregistré un bond dans les recours à l’intérim. Pourtant, le patron du Medef l’assure : « oui, grâce au pacte de responsabilité, nous créerons 1 million d’emplois net d’ici à 2020 ». Si Pierre Gattaz le dit…

Maud Vergnol, pour l'Humanité

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Recession Hasn’t Affected Bosses’ Boss

gattaz.jpgA rude remark. Anything goes for Pierre Gattaz, and that’s even the way you recognize him. The satirical weekly newspaper Le Canard enchaîné revealed on May 6 that the president of the MEDEF, the French bosses’ association, got a 29% pay hike in 2013 as general director of the Radiall company.

That represents the modest sum of 420,000 euros, and it did not prevent him, as representative of the French bosses – he being dead to all sense of shame – from launching a call for “wage restraint” and for exemplary conduct on May 5. Furious at Le Canard enchainé’s revelations, he took up his pen to justify himself on his blog. “When you create wealth, you distribute it,” the boss of the bosses dared write.

An odd sort of reading of Marx, when you know that over the same period, the wages of his employees only rose by 3.3%, whereas the dividends granted to the company’s shareholders rose by 76%. “There comes a time when each person has to be responsible: you can’t demand a fall in the minimum wage, and even the abolition of the minimum wage, and at the same time think that there isn’t a maximum wage,” was François Hollande’s reaction when interviewed on Radio Monte Carlo on May 6.

The revelation is indeed cause for the French president to worry, so much does it demonstrate the inanity of the “responsibility pact,” the 30-billion-euro gift [to business] that is supposed to create jobs.

The business done by the Radiall company, whose turnover shot up 27% over four years, should have produced what Pierre Gattaz describes as “a terrain that is favorable to hiring.” But, as Le Canard enchaîné has demonstrated, not only did the company’s workforce decrease over that same period, but it chalked up a jump in the use of temporary workers. And yet, the boss of the MEDEF guarantees that “yes, thanks to the responsibility pact, we will create one million net jobs by 2020.” If Pierre Gattaz says so…

by Gene Zbikowski pour l'Huma in English

09/10/2013

Domenico Losurdo « Le libéralisme, ennemi le plus acharné du droit à vivre à l’abri »

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« En tant que communiste, 
mais pas seulement, en tant que philosophe 
et historien, je vais combattre, continuer 
à combattre l’idéologie dominante. Parce que l’idéologie dominante, c’est une manipulation de l’histoire qui est un obstacle au processus d’émancipation. Et de l’autre côté, nous devons repenser le processus d’émancipation » lançait Domenico Losurdo, en 2007, au village du livre de la Fête de l’Humanité, invité pour la première fois par la Fondation Gabriel-Péri.

Professeur à l’université d’Urbino, en Italie, Domenico Losurdo est spécialiste des philosophes Hegel, auquel il consacre deux livres traduits en français (Hegel et les libéraux, PUF, Paris, 1992 et Hegel et la catastrophe allemande, Albin Michel, Paris, 1994), et Gramsci (Gramsci. Du libéralisme au communisme critique, Syllepse, Paris, 2006). Losurdo n’est pas un intellectuel médiatique mais un intellectuel fondamental pour penser le libéralisme, le communisme et son combat émancipateur.

Après s’être consacré à l’histoire politique de la philosophie classique allemande de Kant à Marx en passant par Heidegger et Nietzsche, il a ensuite travaillé sur l’histoire politique du libéralisme (Contre-histoire 
du libéralisme, la Découverte. 2013). Il a aussi, notamment, écrit (ouvrages parus en français) le Révisionnisme 
en histoire (Albin Michel, Paris, 2006), le Péché originel 
du XXe siècle (Aden, 2007), 
Fuir l’Histoire (Éditions Delga et Le Temps des cerises, 2007) et Staline : histoire 
et critique d’une légende noire (Aden, 2011).

Dans votre livre Contre-histoire du libéralisme (1), vous déconstruisez l’idéologie néolibérale en tant que synonyme de démocratie et de défense des libertés en opposition aux totalitarismes… Pourquoi vous a-t-il semblé urgent, aujourd’hui, d’analyser et de dénoncer cette approche du libéralisme ?

Domenico Losurdo. Pour promouvoir son expansion, tout empire a besoin d’un mythe généalogique, mythe qui célèbre et transfigure ses origines et son histoire et qui ainsi invite les adversaires déclarés ou potentiels à s’incliner devant une force morale et politique supérieure.

Selon la légende savamment cultivée par l’Empire romain, Rome avait une origine non seulement royale mais aussi divine : au terme d’un parcours épique, elle aurait été fondée par le pieux Enée, qui avait fui Troie en flammes et qui était le fils d’Anchise (cousin du roi de Troie) et de la déesse Vénus.

Le mythe généalogique de l’actuel empire américain n’est guère différent : fuyant l’Europe intolérante et despotique, les pères pèlerins auraient rejoint le Nouveau Monde pour ériger un monument éternel à la liberté puis pour fonder les États-Unis, la démocratie la plus ancienne qui ait jamais existé…

Mon livre montre au contraire une histoire complètement différente : les colonies anglaises en Amérique puis les États-Unis ont vu s’affirmer la forme la plus radicale d’esclavage et la plus totale déshumanisation de l’esclave ; dans les premières décennies de vie du pays nouvellement fondé, ce sont presque toujours des propriétaires d’esclaves qui ont occupé le poste de président, et ils ont cherché à bloquer l’émancipation des esclaves de Saint-Domingue et Haïti, ils ont exporté l’esclavage au Texas, arraché au Mexique, etc.

C’est une histoire qui a duré longtemps. Il suffit de rappeler que, dans les années 1930, la persécution des Noirs dans le sud des États-Unis faisait penser – comme l’écrivent des chercheurs états-uniens notables – à la persécution contre les juifs en acte dans le IIIe Reich. Sans parler de l’extermination des Peaux-Rouges et des pratiques génocidaires qui ont caractérisé le colonialisme occidental dans son ensemble.

En quoi justement, au cours de l’histoire, l’idéologie libérale légitime-t-elle des formes de domination ? Selon vos termes, le libéralisme est une démocratie uniquement valable pour le « peuple des seigneurs »…

Domenico Losurdo. Aujourd’hui, la situation est différente. Le cycle qui va de la révolution jacobine à la révolution bolchevique a remis radicalement en question l’oppression coloniale et celle aux dépens des peuples d’origine coloniale. Néanmoins… de nos jours, on parle souvent d’Israël comme de la seule vraie démocratie au Moyen-Orient.

Le revers de la médaille est cependant que les Palestiniens peuvent être arrêtés, torturés, soumis à des exécutions extrajudiciaires, sans procès. C’est vraiment la « démocratie pour le peuple des seigneurs » ! Au niveau planétaire, l’Occident s’attribue le droit souverain de déclencher des guerres même sans l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU ; souvent, les présidents états-uniens définissent leur pays comme la « nation élue » de Dieu ayant pour mission de guider le monde : la « démocratie pour le peuple des seigneurs » a toujours de beaux jours devant elle.

Il faut ajouter que le libéralisme ignore le lien entre économie et politique, dont étaient conscients des philosophes comme Rousseau et Hegel. Ce dernier, en particulier, a bien montré que celui qui risque de mourir de faim est en réalité soumis à une condition semblable à celle de l’esclave.

Certains se plaisent à faire l’amalgame entre nazisme et communisme, sous le couvert des totalitarismes… Comment analysez-vous ce concept de totalitarisme ?

Domenico Losurdo. Le « totalitarisme » plonge ses racines dans la « mobilisation totale » et dans la « guerre totale », dans l’enrégimentement total de la population provoqué par les grandes puissances capitalistes et par leur compétition pour la conquête des colonies et l’hégémonie mondiale. Hitler aspirait à la revanche, à la récupération et à l’élargissement de « l’espace vital » et colonial de l’Allemagne.

Il s’est voulu l’héritier de la tradition coloniale, pour la radicaliser, en se réclamant en premier lieu de l’exemple des États-Unis, en cherchant son Far West en Europe orientale et en réduisant les Slaves à la condition d’esclaves au service de la « race des seigneurs ».

Ce n’est pas un hasard si ce projet a connu sa défaite décisive à Stalingrad et si cette défaite constitue en même temps le début d’une gigantesque vague de révolutions anticoloniales. Pour se rendre compte du caractère arbitraire de l’approche de l’idéologie dominante, on peut faire une comparaison. Au début du XIXe siècle, Napoléon envoie une puissante armée à Saint-Domingue, avec pour tâche de rétablir l’esclavage, après son abolition grâce à la grande révolution noire menée par Toussaint Louverture.

 On peut bien dire que, dans la guerre qui a fait rage, les agressés n’ont pas été moins « sauvages » que les agresseurs, mais l’on se couvrirait de ridicule en voulant assimiler les uns et les autres sous la catégorie de « sauvagerie » ou de « totalitarisme » sanguinaire.

Dans votre dernier livre, la Lotta di classe. 
Una storia politica e filosofica 
(la Lutte de classe. Une histoire politique 
et philosophique) (2), qui n’est pas encore paru en France, vous vous intéressez au concept de luttes de classes, central dans la philosophie de Marx et Engels. En quoi peut-il nous permettre de mieux analyser, comprendre et agir dans la société ?

Domenico Losurdo. Pour Marx et Engels, la lutte des classes a pour objet la division du travail au niveau international, au niveau national et dans le cadre de la famille. Les peuples qui secouent le joug colonial, les classes subalternes qui luttent contre l’exploitation capitaliste et les femmes qui refusent « l’esclavage domestique » auquel les soumet la famille patriarcale sont les acteurs des luttes des classes émancipatrices.

À la lumière de cela, les guerres de libération et de résistance nationale menées par le peuple chinois et par le peuple soviétique respectivement contre l’empire du Soleil-Levant et contre le IIIe Reich qui voulaient les assujettir, voire les réduire en esclavage, sont de grandioses luttes de classes. Et de nos jours, la lutte des pays et des peuples (pensons en particulier à la Chine) qui veulent en finir avec le monopole occidental de la haute technologie et qui refusent d’être cantonnés dans des segments inférieurs du marché international du travail, doit être considérée elle aussi comme une lutte des classes.

En tant que philosophe et historien communiste, vous dites que l’idéologie dominante est une manipulation de l’histoire et constitue un obstacle au processus d’émancipation. Comment repenser ce processus d’émancipation aujourd’hui ? Selon vous, qu’est devenue la perspective communiste en Europe et dans le monde ?

Domenico Losurdo. Il faut s’engager sur les trois fronts de la lutte des classes. Je voudrais en particulier attirer l’attention sur un point souvent négligé. Non seulement l’on n’est pas socialiste, mais l’on n’est pas non plus démocrate si l’on ne mène pas une lutte pour la démocratie dans les rapports internationaux. La prétention d’un groupe de pays à se présenter comme des nations élues ayant le droit de déclencher des guerres ou de menacer de guerre sans l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU est une manifestation de colonialisme ou de néocolonialisme, et doit être contestée jusqu’au bout.

En ce qui concerne la perspective stratégique, devons-nous nous représenter le communisme comme la disparition totale non seulement des antagonismes de classes, mais également de l’État et du pouvoir politique, sans parler des religions, des nations, de la division du travail, du marché, de toute source possible de conflit ?

 En remettant en question le mythe de l’extinction de l’État et de sa réabsorption dans la société civile, Gramsci a fait remarquer que la société civile elle-même est une forme d’État. Il a également souligné que l’internationalisme n’a rien à voir avec la méconnaissance des identités nationales, qui continuent à subsister bien après l’effondrement du capitalisme. Quant au marché, Gramsci pense qu’il vaudrait mieux parler de « marché déterminé » plutôt que de marché dans l’abstraction. Gramsci nous aide à dépasser le messianisme qui nuit gravement à la construction de la société postcapitaliste.

Quelle est votre analyse du modèle chinois, 
qui mélange l’économie de marché et la perspective socialiste ?

Domenico Losurdo. La République populaire chinoise est issue de la plus grande révolution anticoloniale de l’histoire, et une révolution anticoloniale réussit réellement si elle ajoute à la conquête de l’indépendance politique la conquête de l’indépendance économique. Sur ce plan, il y a une continuité entre Mao Tsé-toung et Deng Xiaoping.

Ce dernier a introduit le nouveau cours à partir de deux considérations. D’abord, l’appel à l’esprit de sacrifice des révolutionnaires et donc le recours aux incitations morales ne peuvent réussir que dans les moments d’enthousiasme politique particulier ; dans la longue période, il est impossible de développer les forces productives (et de combattre la misère) sans incitations économiques et donc sans compétition et sans marché.

Ensuite, au moment de la crise puis de l’effondrement de l’URSS, l’Occident détenait de fait le monopole de la haute technologie, et il était impossible pour la Chine d’accéder à cette haute technologie sans s’ouvrir au marché international. Grâce également aux conquêtes réalisées dès l’époque maoïste (diffusion massive de l’instruction, éradication des maladies infectieuses, etc.), le nouveau cours, malgré des contradictions criantes, peut se vanter d’un succès incroyable : 600 millions ou, selon d’autres calculs, 660 millions de personnes libérées de la misère ; des infrastructures dignes du « premier monde » ; extension du processus d’industrialisation des aires côtières à celles de l’intérieur ; augmentation rapide, depuis quelques années, des salaires et attention croissante envers la question écologique.

En insistant sur la centralité de la conquête, de la sauvegarde de l’indépendance et de la souveraineté nationale, et en poussant les anciennes colonies à conquérir leur indépendance également sur le plan économique, la Chine est aujourd’hui, de fait, le centre de la révolution anticoloniale (qui a commencé au XXe siècle et est encore en cours sous des formes nouvelles aujourd’hui). En rappelant le rôle central 
de la sphère publique dans l’économie, la Chine constitue une alternative également par rapport au « consensus de Washington » et au libéralisme économique.

Face aux politiques d’austérité en Europe, comment concevez-vous les alternatives 
et les formes de processus d’émancipation ?

Domenico Losurdo. Les luttes contre le démantèlement de l’État social et contre la politique belliciste ne peuvent pas ne pas jouer un rôle central. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, à côté des libertés traditionnelles de la tradition libérale, le démocrate F. D. Roosevelt a théorisé également le droit à vivre « à l’abri du besoin » (freedom from want) et « à l’abri de la peur » (freedom from fear). Le libéralisme économique du « consensus de Washington » est l’ennemi le plus acharné du droit à vivre 
« à l’abri du besoin ». Pour ce qui concerne le droit à vivre « à l’abri de la peur », il est nié tous les jours par la politique de guerre, de menaces de guerre et de recours aux drones d’Obama.

(1) Contre-histoire du libéralisme, Éditions la Découverte.

(2) La Lotta di classe. Una storia politica e filosofica, Éditions Laterza, Italie.

Entretien réalisé par 
Anna Musso pour l'Humanité

 

Domenico Losurdo, ‘Liberalism; the fiercest enemy to our right to live free from want’.

Translated Wednesday 11 September 2013, by Julian Jones

communisme,haïti,onu,histoire,allemagne,etats-unis,femmes,résistance,chine,entretien,capitalisme,urss,domenico losurdo,libéralisme,deng xiaoping,toussaint louverture,séries d'été,penser un monde nouveau,mao tsé-toungItalian philosopher, historian and militant communist, Domenico Losurdo has been working for several years on the history of liberalism in order to rethink the process of emancipation.

‘As a communist, but not exclusively, and as a philosopher and historian, I aim to continue combatting the dominant ideology of our time. This is because the dominant ideology is a manipulation of history, an obstacle to the process of emancipation. By the same measure, we must also rethink our fight for emancipation’, proclaimed Domenico Losurdo in 2007 at the Fete de l’humanité book fair, to which he was invited for the first time by the Gabriel-Péri Foundation. Professor at the university of Urbino in Italy, Domenico Losurdo is a specialist in the philosophy of Hegel, having written two books on the subject translated into French (Hegel and the liberals, PUF, Paris, 1992 and Hegel and the German Catastrophe, Albin Michel, Paris, 1994), as well as another on Gramsci (Gramsci. From Liberalism to Critical Communism, Syllepse, Paris, 2006).

Losurdo is no media intellectual, but a fundamentally important academic on the subject of liberalism, its relationship with communism and its emancipatory fight. Having devoted himself to a political history of classical German philosophy from Kant to Marx, passing through Heidegger and Nietzsche, he has since worked on a political history of liberalism (Liberalism: A Counter-History, la Découverte, 2003). He has notably also written several more works, of which the ones published in French include ’Revisionism in History’ ( Albin Michel 2006), ‘The Original 20th Century Sin’ (Aden, 2007), ’A Flight from History’ (Delga, 2007), and ‘Stalin: A History and Critique of a Dark Legend’ (Aden 2011).

In your book ‘Liberalism: A Counter-History’ [1], you deconstruct neo-liberal ideology and the way it is equated with democracy and liberty in opposition to ‘totalitarianism’. Why did it seem to you an urgent task to analyse and denounce this approach to liberalism?

Domenico Losurdo. In order to promote its expansion, each empire needs a genealogical myth which celebrates and transfigures its origins and history, and which invites its enemies (or potential enemies) to bow down to a moral force and to a political superiority. According to the legend wisely created by the Roman Empire, Rome had not only royal, but divine origins too: according to its epic history Rome was founded by the pious Aeneas who had left Troy in flames and was son of the goddess Venus and of Anchises - cousin of the King of Troy.

The genealogical myth of the modern US empire hardly differs: having fled an intolerant and despotic Europe, the founding fathers joined the New World in order to erect an eternal monument to liberty in the shape of the United States, supposedly the oldest living democracy... My book on the contrary shows a completely different history: English colonies in America followed by the United States saw the formation of the most extreme form of slavery and a total dehumanisation of slaves.

In the first few decades of life on the newly founded country, it was almost always slave owners who occupied the post of President, and they sought to block the emancipation of slaves in Saint-Domingo and in Haiti, as well as exporting slavery to Texas and annexing Mexico, amongst other crimes. It’s a shameful history which lasted a long time. It suffises to recount (as many notable US scholars do) how in the 1930s, the persecution of blacks in the south of the USA was comparable to the persecution of Jews under the Third Reich. All this without mentioning the extermination of Red Indians and the genocidal practices which characterised western colonialism in its entirety.

In which ways exactly has liberal ideology legitimised different forms of oppression throughout history? In your own terms, liberalism is a democracy fit only for ‘the ruling class’...

D.L. These days the situation is different. The cycle which started with the Jacobin revolution and ended with the Bolshevik Revolution radically put to the fore the question of colonial oppression at the expense of peoples of colonial origin. Nevertheless, Israel is talked about as the only ‘real’ democracy in the Middle East. The other side of the coin is that Palestinians can be arrested, tortured, and subjected to extra-judicial executions without trial. It really is a ‘democracy fit for the ruling class’!

On a global level, the west assigns itself the sovereign right to start wars without even the sole permission of the UN Security Council; US Presidents often self-define their country as ‘God’s chosen nation’, with a right to guide the world. This ‘democracy fit for the ruling class’ unfortunately seems to have a rosy future.

It must be added that liberalism ignores the link between economics and politics, of which philosophers such as Hegel and Rousseau were well aware. Hegel, in particular, showed us how someone who is at risk of dying of starvation is in reality subject to a social status comparable to that of a slave.

Some people take a great pleasure from making the comparison between nazism annd communism... How would you analyse this concept of totalitarianism?

D.L. Totalitarianism has it’s roots in theories of ‘total mobilisation’ and ‘total war’, in an enlistment of the whole population as provoked by the great capitalist powers and their competition for the conquest of colonies and global hegemony. Hitler aspired to avenge Germany, to recuperate and enlarge its ‘living (and colonial) space’.

He believed himself to be the inheritor of a colonial tradition, wanting to radicalise it, invoking primarily the example of the USA, and seeking to establish his ‘Far West’ in eastern Europe and reducing Slavonic people to a condition of slaves serving the ‘master race’. It’s no coincidence that this project came to its decisive defeat at Stalingrad, and that this same defeat constituted the start of a gigantic wave of anti-colonial revolutions.

To demonstrate the wholly arbitrary character of the dominant ideology we can make the following comparison: at the start of the 19th Century, Napoleon sent a powerful army to Saint Domingo with the aim of re-establishing slavery following its abolition by to the great black revolution led by Toussaint Louverture. Here we can safely say that in the subsequent horrendous war, the attacked weren’t anymore ‘savage’ than the aggressors, but it would seem ridiculous to accuse one side or the other of being under the category of ‘savagery’ or bloody ‘totalitarianism’.

In your latest book, ‘La Lotta di classe. Una storia politica e filosofica’ (Class Warfare, A Political History and Philosophy) [2], not yet published in French, you focus on a concept which is central to the philosophy of Marx and Engels - class warfare. In which ways can this concept help us to analyse, understand and act within our society?

D.L. According to Marx and Engels, class warfare has as its aim the division of work at an international level, at a national level and in the institution of the family. It is the people who upset the colonial order; the subaltern classes who fight against capitalist exploitation and the women who refuse to be ‘domestic slaves’ to which the patriarchal family submits them to who are on the frontline the struggle of the emancipatory classes.

 In light of this, the wars of liberation and national resistance led by the Chinese people and the Soviet peoples against the Empire of the Rising Sun and the Third Reich respectively, which wanted to subjugate or even reduce them to slaves, can be considered as spectacular victories of class-warfare. What’s more, the struggle of countries and of peoples who want to see an end to the western monopolisation of high technology (let’s think of China, in particular) and who refuse to be confined to inferior segments of the international work market, should also be considered as class warfare.

As a philosopher and as a communist historian, you affirm that the dominant ideology is a manipulation of history and that it constitutes an obstacle to the fight for emancipation. How do we re-think this fight for emancipation today? In your view, what has become the communist perspective in Europe and in the rest of the world?

D.L. It is necessary to engage on the three main pillars of class warfare. I’d like to draw attention to a point which is often ignored. Not only is it impossible to be a socialist but it is impossible to be a democrat if we don’t fight for democracy with regard to international relations.

 The claim by a small group of countries to present themselves as chosen nations with the right to start wars or even threaten to start wars without the authorisation from the UN Security Council is a manifestation of colonialism or of neo-colonialism, and ought to be contested all the way. As regards a strategic perspective, should we represent communism as the complete abolition not only of class antagonisms, but also of the state and of political power, without mentioning religion, nations, division of labour, markets, and of every possible source of conflict? By re-examining the myth of the abolition of the state, Gramsci remarked that civil society was in itself a type of state.

 He also underlined the fact that internationalism has nothing to do with the misunderstanding of national identities, as such identities would remain well after the collapse of capitalism. As for the market, Gramsci thought that it be wiser to talk about a ‘determined market’, rather than the market as an abstract form. Gramsci helps us to think beyond the messianism which could gravely harm the construction of a post-capitalist state.

What is your analysis of the Chinese model of society, which mixes a market economy with a socialist perspective?

D.L. The People’s Republic of China originates from the biggest anti-colonial revolution of our history, and an anti-colonial revolution can only be said to truly succeed if it can add a successful economic independence to its political independence. In this respect, there is a continuity between Mao Tse-Tung and Deng Xiaoping.

The latter introduced his new plan on the basis of two main considerations. Firstly, he believed that a call to the revolutionary spirit of sacrifice can only succeed in moments of particular political enthusiasm; in the long term it is impossible to develop the productive forces (and so combat misery) without economic incentives, and therefore without competition and without markets. On top of this, during times of crises and following the collapse of the USSR, the west held the monopoly over high technology, and as such it was impossible for China to access this high technology without opening itself up to international markets.

Thanks also to the achievements orchestrated by the Maoist era (with its massive promotion of education, eradication of infectious diseases, etc.), the new plan, despite its blatant contradictions can boast an incredible success: 600 million people or 660 million people (according to other estimates) liberated from misery, infrastructures worthy of a first world economy, growth in the process of industrialisation from its coast areas to its inland areas, rapid incrementation of salaries for several years and a growing concern for environmental issues.

 By focusing on the key role of the achievement in the safekeeping of independence and of national sovereignty, and by encouraging the old colonies to pursue their own economic independence, China can today be seen as the centre of the anti-colonial revolution -which began in the 20th Century and is still in process under its different guises to this day. And by reminding ourselves of the pivotal role the public sphere should play in any economy, China constitutes an alternative in opposition to the economic liberalism and to the consensus dictated by Washington.

In view of the austerity measures taking place in Europe, how do you conceive the alternatives and the ways in which we can achieve emancipation?

D.L. The struggles against the dismantlement of the welfare state and against bellicist politics can only play a central role. During the Second World War the Democrat F.D. Roosevelt theorised the right to live with ‘freedom from want’ and ‘freedom from fear’, alongside the traditional liberties granted by a liberal tradition. The economic liberalism of the consensus in Washington is the fiercest enemy to our right to live free from want. As for the right to live free from fear, this is denied to us on a daily basis by warmongering politics, threats of war and Obama’s method of resorting to drones.

[1] Contre-histoire du libéralisme, Éditions la Découverte, 2013, Liberalism: A Counter-History , Verso Publisher, 2011.

[2] La Lotta di classe. Una storia politica e filosofica, Éditions Laterza, Italie, 2013.

26/08/2013

Tribune : le pacte transatlantique, le coup d’État néolibéral

union européenne,etats-unis,nicole bricq,commerce transatlantique,marché transatlantique,marc delepouve,karel de guchtPourquoi faut-il dénoncer et se rassembler contre le pacte transatlantique ?

Par Marc Delepouve, syndicaliste et universitaire.

 Le 8 juillet 2013, les négociations du pacte transatlantique ont été ouvertes. L’objectif est de parvenir à un accord de libéralisation accrue du commerce et des investissements entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis. La Commission européenne est chargée de mener ces négociations au nom de l’UE. Mi-juin, un mandat précisant cet objectif a été donné à la Commission par le Conseil des ministres des pays membres de l’UE en charge du Commerce extérieur.

Le 29 juillet dernier, dans une tribune publiée par le journal Libération, la ministre française du Commerce extérieur, Nicole Bricq, nous informe qu’elle a « demandé au commissaire en charge du Commerce, M. Karel De Gucht, de rendre public le mandat de négociation », ce qu’elle complète en précisant que « ce mandat est déjà disponible sur de nombreux sites Internet » en raison de « fuites » (1), alors même qu’à ce jour son propre ministère n’a toujours pas publié le document qu’elle a elle-même validé il y a maintenant près de deux mois. Peut-on s’étonner du double jeu de la ministre, sachant que, selon les « fuites » dont elle fait état, le mandat de la Commission déborde en réalité largement de la sphère économique et présente un important recul de la démocratie doublé d’une nouvelle menace sur les droits sociaux ?

Ainsi, le mandat de la Commission comporte la mise en place d’une nouvelle instance juridique internationale devant laquelle un État pourra attaquer un autre État, mais aussi et surtout devant laquelle un investisseur pourra directement attaquer un État, en particulier quand ce dernier aura mis en place des mesures pouvant réduire les profits de cet investisseur. Les entreprises et les États seraient alors mis sur un pied d’égalité et le capital juridiquement hissé au même niveau que la souveraineté démocratique.

Les droits sociaux sont dans la ligne de mire du pacte transatlantique. L’intensification du libre-échange et son extension à de nouveaux secteurs constituent le cœur du mandat de la Commission, avec pour conséquence l’aggravation des contraintes imposées par la compétitivité, et donc de la pression qui s’exerce sur les droits sociaux et les salaires. Cependant, le mandat précise que « le commerce et l’investissement direct étranger ne seront pas encouragés par l’abaissement de la législation en matière de travail ou de santé au travail ». Ce propos est en opposition frontale avec la politique socialement dévastatrice actuellement imposée à des pays tels que la Grèce, le Portugal ou la Hongrie (baisse de rémunération, augmentation du temps de travail, etc.). De plus, ce propos n’est guère qu’une caution politicienne irréaliste tant que, dans le contexte de libre-échange extrême, ne sont pas mises en place des politiques de solidarité en faveur des économies nationales en manque de compétitivité. De cette politique de solidarité, il n’est nullement question dans le mandat de la Commission. Enfin, il nous faut souligner l’uniformisation des normes sanitaires, environnementales et de sécurité que vise le mandat de la Commission, cela afin de favoriser les échanges et investissements transatlantiques. La politique des États-Unis en matière agroalimentaire (hormones, OGM…) et énergétique (gaz de schiste…) doit alerter.

L’ambition générale du pacte transatlantique, telle que définie par le mandat de juin, est d’accroître la soumission des institutions démocratiques de l’UE et de ses États membres (idem outre-Atlantique) aux lois du marché et aux entreprises multinationales. La plupart des secteurs de la société en seront impactés. Le coup d’État et la transformation de la société que le néolibéralisme opère par vagues successives depuis trois décennies franchiraient une étape majeure, au bénéfice des entreprises multinationales, de leurs dirigeants et de leurs principaux actionnaires. Le pacte transatlantique est la tentative d’un nouveau coup de force néolibéral. Sera-t-il la tentative de trop ? Celle qui enclenchera, en Europe, un rassemblement et un développement des forces attachées à la démocratie, au progrès social et à la défense de l’environnement ?

Marc Delepouve

The Trans-Atlantic Free Trade Pact: a neoliberal coup d’état

union européenne,etats-unis,nicole bricq,commerce transatlantique,marché transatlantique,marc delepouve,karel de guchtWhy the Trans-Atlantic Trade Pact must be denounced

Opinion piece by Marc Delepouve, trade unionist and academic.

On July 8th 2013 negotiations began working towards a Trans-Atlantic Free Trade Pact. The aim is to reach an agreement on the liberalisation of trade and investment between the European Union (EU) and the United States. The European Commission is responsible for leading these negotiations on behalf of the EU. This mandate was given to them in mid-June by Council of EU Ministers responsible for foreign trade.

On July 29th, in an opinion piece published in French newspaper LibérationFrance’s Minister for Foreign Trade Nicole Bricq wrote that she had “asked the European Commissioner for Trade, Karel De Gucht, to make public his mandate in the negotiations”, adding that “this mandate is already available on several internet sites” due to “leaks”.* Meanwhile, her own ministry has not yet published this document that she herself validated two months previously. Should one be surprised by this game of double standards being played by the minister, knowing that – according to the “leaks” she mentions – the mandate of the Commission reaches far outside the economic sphere and represents a significant democratic retreat twinned with a renewed menace to social rights?

The guidelines set out by the Commission foresee the implementation of a new body of international justice before which one state can challenge another and, more importantly, in which an investor can directly challenge a state when the latter is implementing measures that could reduce the profits of this investor. Corporations and states will be placed on the same level and capital, inflated by the power of law, will be on an equal footing with sovereign democracy.Social rights are in the firing line of the Trans-Atlantic Pact. The intensification of the free market and its extension into new sectors lies at the heart of the Commission’s mandate.

This will result in an aggravation of the constraints imposed in the name of competitiveness and increased pressure on social rights and salaries. Nevertheless, the mandate specifies that “Parties will not encourage trade or foreign direct investment by lowering domestic environmental, labour or occupational health and safety legislation and standards.” These words are in clear contrast with the socially destructive policies being pursued in countries such as Greece, Portugal and Hungary (wage reduction, extension of the working hours, etc.) These words, consequently, are little more than an unrealistic political caution, given how, in the face of extreme free market conditions, the policies of solidarity in favour of national economic interests are quickly discarded.

There is no description of such a policy in the Commission’s mandate. Finally, it is necessary to highlight the intended harmonisation of health, environmental and security standards intended in the document to the end of aiding trans-Atlantic trade and investment. The United States’ standards in agriculture and nutrition (hormones, GMOs…), and energy (shale gas) should be cause for alarm.The overarching goal of the trans-Atlantic pate, according to how it was defined in June, is to further the submission of the democratic institutions of the EU and its member states to the laws of the market and multinational corporations.

 Most sectors of society will be impacted. Through this coup d’état the neoliberal transformation underway in society for over three decades will advance considerably in favour of private multinationals, their managers and shareholders.The trans-Atlantic Pact is a further attempted neoliberal coup. Will it be one attempt too many?

Will it be the one that triggers the unity and growth in Europe of forces in defence of to democracy, social progress and defence of the environment?*Humanité decided, for reasons of transparence and democracy to publish this document, hitherto hidden from citizens on its internet site and to outline its secretive content in its June 24 edition.
• Exclusif. Humanite.fr publie les bases de travail pour l’accord de libre-échange transatlantique
• Ils disent non au grand marché transatlantique
• L’accord transatlantique décrié mais pas remis en question

Translated Thursday 15 August 2013, by Harry Cross