11/04/2024
Léon Deffontaines : « Face à l’impératif écologique, il faut produire plus en France »
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19/02/2020
Philippe Martinez : « Sur la réforme des retraites, rien n’est encore joué »
Entretien
Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez assure dans La Croix que rien n’est encore joué dans le combat contre le projet de système universel des retraites. La CGT, qui peut faire preuve de « dogmatisme », doit mieux prendre en compte les nouvelles formes de travail.
La Croix : La CGT est clairement opposée au projet de réforme des retraites. Quelle serait votre alternative ?
Philippe Martinez : Notre projet est assez clair, contrairement à celui du gouvernement : améliorer le système actuel qui souffre de réformes qui ont affaibli les ressources dédiées à la Sécurité sociale. Il faut inverser cette tendance et rouvrir le robinet.
Pour financer un système de retraite plus solidaire, il faut d’abord être plus solidaire dans le travail. Régler le problème de l’inégalité salariale entre les femmes et hommes, par exemple, représenterait 6,5 milliards d’euros de cotisations supplémentaires. On pourrait aussi augmenter globalement les salaires, ce qui augmente naturellement les cotisations. Augmenter la masse salariale rien que de 1 % dans le privé, cela rapporte 3,6 milliards d’euros de cotisations sociales supplémentaires.
Peut-être faut-il aussi revoir les exonérations pour les employeurs sur les bas salaires. Les patrons ne payent pas de cotisations jusqu’à 1,6 fois le Smic, avec un double effet : pas de rentrée d’argent pour la Sécurité sociale et pas d’intérêt à vous augmenter pour rester sous le plafond. Il faut évaluer ce système, savoir s’il permet vraiment de créer de l’emploi.
Enfin, peut-être pourrait-on élargir l’assiette des cotisations, en intégrant les rémunérations aujourd’hui exonérées comme les primes d’intéressement et de performance, ou encore les transactions financières. Nous souhaitons aussi que tout le monde cotise de la même façon, quel que soit son revenu, et non pas dans la limite de plafonds comme le prévoit le projet de loi pour les hauts salaires.
Vous souhaitez aussi que les gens partent plus tôt à la retraite ?
P. M. : L’âge légal doit être ramené à 60 ans. Attention cela ne veut pas dire un départ obligatoire à 60 ans ! La formule d’Ambroise Croizat (ministre du travail et de la sécurité sociale en 1945, NDLR) reste le meilleur symbole d’un système de retraite pour nous : « Je cotise selon mes moyens, je reçois selon mes besoins. »
La vraie question est celle de la répartition des richesses créées, et c’est un choix de société. Soit on considère que la protection sociale est un marqueur d’une société solidaire et fraternelle, soit on considère que c’est un coût. Ces deux conceptions s’opposent.
Siégerez-vous à la gouvernance du futur système s’il est mis en place ?
P. M. : Le problème, c’est que le gouvernement veut une gouvernance où l’État a son mot à dire. Les cotisations, ce n’est pas l’argent de l’État. Elles sont liées au travail et appartiennent à ceux qui cotisent. Quand le gouvernement s’en mêle, c’est forcément pour réduire les dépenses, comme pour l’assurance-chômage. Cette future gouvernance aura toujours la pression de mesures économiques qui l’emporteront sur des mesures sociales.
Vous ne participerez donc pas ?
P. M. : Vous avez une idée de comment se passera ce comité, vous ? Moi pas, et ce que j’en sais ne m’inspire pas confiance. Après, je ne décide pas tout seul et nous verrons le moment venu.
La mobilisation n’a pas vraiment pris dans le secteur privé. Quelles leçons en tirez-vous ?
P. M. : Dire que le privé ne s’est pas mobilisé, c’est un point de vue… Dans l’agroalimentaire, 100 000 salariés font grève en moyenne à chaque journée d’action. Dans le commerce, certains font une heure de grève. Il y a des grèves. Pas au niveau où je le souhaiterais, mais il y en a. Après je comprends tous ceux qui n’arrivent pas à boucler leur fin de mois et pour qui une heure de grève, c’est un chariot moins rempli à la fin du mois.
La grève est-elle le bon outil pour combattre un projet ?
P. M. : C’est l’un des meilleurs outils de mobilisation mais c’en est un parmi d’autres. Je suis agréablement surpris par ce qui se passe dans ce pays. J’étais à Perpignan récemment, 2 500 personnes ont défilé aux flambeaux dans les rues, c’était magnifique. Le lendemain à l’hôpital, des agents ont jeté leur blouse, tout cela est nouveau. Il y a une créativité et une originalité dans ce mouvement.
Ces dernières années, les mobilisations nationales ont rarement atteint leur but. Cela remet-il en question votre stratégie syndicale ?
P. M. : Sur la réforme des retraites, rien n’est encore joué. Plus on avance, moins cette réforme est claire et les débats au Parlement sont loin d’être finis.
Sur la place du syndicalisme, il est vrai que le monde du travail change. Nous nous sommes intéressés à ceux qui avaient un contrat de travail, or de plus en plus de travailleurs n’en ont pas ! Nous avons pris du retard sur ce terrain. Nous sommes parfois un peu trop dogmatiques. Si nous sommes contre le travail du dimanche, cela ne doit pas nous empêcher de défendre ceux qui travaillent le dimanche. Je suis contre l’ubérisation mais elle existe et nous devons écouter ces travailleurs. Notre responsabilité en tant que syndicalistes est de nous occuper de toutes celles et tous ceux qui travaillent.
Il faut nous battre pour un syndicalisme de proximité. Dans la majorité des lieux où les syndicats sont présents, l’image des syndicalistes est meilleure et les droits des travailleurs, aussi. On ne peut pas passer notre vie avec des ministres, au risque de devenir soi-même une institution. L’essence de notre syndicalisme est d’être à côté des salariés et de les écouter pour connaître la réalité. Je dis souvent en interne : on a une bouche et deux oreilles, qu’est-ce qui doit servir deux fois plus ?
Le climat social vous semble-t-il plus tendu aujourd’hui ?
P. M. : La situation se dégrade, à force de dénigrer les corps intermédiaires et de ne pas être à l’écoute. Le président de la République et la majorité ont une attitude méprisante. Je n’ai trouvé personne qui ait trouvé du boulot en traversant la rue ! Alors oui, une partie des salariés me disent : « T’es gentil, Martinez, avec tes grèves, mais il faut faire autre chose maintenant. » Certains en ont marre. Le respect et l’écoute sont dégradés. Mais ce n’est pas à moi de m’excuser, je ne suis pas à l’origine du mépris qui mène aux débordements.
Le « respect » et « l’écoute », cela vaut-il pour les militants de la CGT qui ont investi les locaux de la CFDT ?
P. M. : Ce qui s’est passé à la CFDT est inacceptable. La condamnation a été claire. Ce genre d’actions ne correspond pas à ma vision de la démocratie. Je ne suis pas d’accord avec la CFDT ; ils ont le droit d’avoir un avis, même si je ne le partage pas.
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16/05/2016
Bruno Dumont : « Ici, on n’aime pas le bourgeois, donc on le bouffe »
Cinéaste exigeant, à l’œuvre parfois austère, Bruno Dumont s’essaie à la comédie, un an après son incursion dans le genre avec la série P’tit Quinquin. Il mêle le grotesque des origines du cinéma à la férocité de la comédie italienne, en y ajoutant une dose de merveilleux.
Ma Loute, de Bruno Dumont. 2 h 02, France-Allemagne. Bruno Dumont réalisateur.
Cannes (Alpes-Maritimes), envoyé spécial.
Dans quelle mesure votre film vous permet-il de revisiter l’histoire du cinéma ?
Bruno Dumont. Je passe beaucoup de temps à regarder des films anciens. Même pour découper des scènes, j’ai besoin de me replonger dans le premier cinéma, de voir comment on faisait. On a besoin d’apprendre. Cela ne tombe pas du ciel.
En quoi Ma Loute est-il une comédie de cinéma expérimental ?
Bruno Dumont. J’ai toujours fait du cinéma expérimental dans le sens où je filme ce que je ne comprends pas. Ce qui m’intéresse, c’est de mettre deux acteurs en présence, un dialogue comme un pétard, de tout faire sauter et de voir ce qu’il se passe. Le tournage, très important, est là pour éprouver le scénario. Le scénario est une mise en situation d’acteurs. Ils transforment énormément. Et moi, j’examine. J’aime bien regarder avec distance. Sans m’impliquer.
Vous donnez l’impression de ne pas savoir où vous mettez les pieds alors que votre cinéma est très maîtrisé…
Bruno Dumont. Je ne dis pas le contraire, mais c’est la conjonction des deux. Le cinéma est très préparé. Il faut le texte, décider où on met la caméra. Mais il y a quand même une part d’imprévu. Cet imprévu, c’est le hasard qui fait la vie. C’est chiant, un acteur qui récite son texte. Cela n’a aucun intérêt. Il y a un paradoxe entre la préparation et l’impréparation. Elle est aussi bienvenue.
La parole et les accents ont énormément d’importance dans Ma Loute…
Bruno Dumont. Il y a plein de couches. Dans le muet, les chutes, les culbutes, les envolées sont toute la machinerie. Mais ce n’est pas que cela. La parole m’intéresse aussi. Les Van Peteghem (les bourgeois du film – NDLR) ne sont pas loin du théâtre de boulevard qui repose surtout sur la parole. Alors que le comique des policiers repose plus sur les chutes, le grossissement des traits. Il y a aussi une forme de théâtre de l’absurde, des dialogues à la fois sensés et insensés. La psychologie ne m’intéresse pas du tout. Les dialogues normaux m’emmerdent. Je cherche toujours à casser ça, à trouver la présence du saugrenu pour empêcher le convenu.
Votre film fait également penser à Mary Poppins, aux comédies d’Ettore Scola et au cinéma Italien des années 1970…
Bruno Dumont. Le cinéma comique italien est particulièrement fort dans son cynisme. Il est bien adapté au monde d’aujourd’hui. Il faut gratter l’humour profondément, pas simplement faire des jeux d’esprit. Il y a une forme d’agressivité comique à l’époque de Monicelli, Risi et compagnie. Ce côté un peu persifleur, iconoclaste, me plaît bien. Il faut appuyer fort. Mais le film évolue aussi vers le merveilleux. Son incongruité lui fait quitter la terre du réel. On s’envole très vite dans une forme de surréel. Et, dans le surréel, le merveilleux n’est pas loin.
Pourquoi avez-vous choisi cette fois de faire un film d’époque ?
Bruno Dumont. Il est très difficile de filmer le monde contemporain. On n’y voit rien. Pour comprendre le réel, il faut le modifier. Pour rendre la chose précise, il faut l’altérer. Le fait d’amener ces personnages dans un passé pas très lointain permet d’en prendre les couleurs et les vêtements, de donner de l’extériorité aux traits. Le comique est une simplification du réel. Le fait que les riches sont habillés en riches et les pauvres en très pauvres est très clair. C’est une époque où les différences entre les individus étaient visibles. C’est moins clair aujourd’hui. Le cinéaste doit faire un travail d’expressionniste. Je montre ces distances et ces différences. C’est une métaphore de nous-mêmes sous les traits du passé.
Qu’est-ce que la vision de ces pêcheurs qui portent des riches dans leurs bras pour leur éviter de se mouiller raconte du monde d’aujourd’hui ?
Bruno Dumont. On tient là toute l’amplitude de la condition humaine, ceux qui ont quelque chose et ceux qui ont peu. Il y a à la fois de l’attraction et des réticences. On est attiré les uns par les autres et on se déteste. Il y a dans l’homme le meilleur et le pire. Sans jugement de classe, il y a chez les plus bourgeois ce refus de l’autre. Pour les pêcheurs, l’anthropophagie est ici une manière de montrer qu’on n’aimait pas le bourgeois. On ne l’aime pas donc on le bouffe.
Pourquoi magnifiez-vous le paysage ?
Bruno Dumont. L’homme est une terminaison du paysage. Nous en sommes les parties mobiles. Ma Loute est quand même une espèce de chant optimiste à la gloire et à la beauté. Je suis très emballé par la vie. J’aime filmer des choses tristes sous une grande lumière. Il était important que le paysage soit radieux. Comme on est dans le merveilleux, c’est donc aussi un Nord imaginaire, transformé, idéalisé.
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18/01/2016
Arno : « Ça doit être dur pour Dieu de voir tout ce bazar ! »
Le chanteur belge sort "Human incognito". Un album très dense à l’esprit inventif dans la veine d’un chanteur libre pour qui la musique n’a pas de frontières, entre chansons cabossées, romantiques ou désespérées, rock déglingué, blues à la Tom Waits et voix rauque de crooner fatigué.
C’est curieux pour un personnage public de vouloir être un Human incognito, non ?
Arno Je me protège, non pas des autres, mais de moi après les deux dernières années où le monde a tellement changé. C’est l’être humain qui a fait tout ce à quoi on assiste. Il y a plein de choses qui se passent. Cela m’inspire !
Pour la pochette vous avez choisi une photo en noir et blanc où l’on voit un homme qu’on suppose être vous, sans tête et sans mains. Quel est le sens de cette image ?
Arno C’est du surréalisme. Je l’utilise comme une excuse pour faire des conneries et ne pas me voir. Je regarde comme un voyeur le monde autour de moi. Et ça me protège.
Vous chantez Please exist. Entre être incognito et affirmer vouloir exister, n’y a-t-il pas une contradiction ?
Arno Dans cette chanson, je parle à Dieu. Je pense beaucoup à lui parce qu’il a créé l’être humain. Or que fait-il ? Plein de conneries ! Il fait des guerres, il tue. Les êtres humains sont tristes, en thérapie. Ça doit être dur pour Dieu de voir tout ce bazar !
La société est de plus en plus difficile. Que vous inspire-t-elle ?
Arno Aux élections, on assiste au conservatisme. Il y a une révolte qui vient de l’extrême droite, qui monte. On a besoin d’une autre révolte, de gauche ! Dans les années 1960, tout était possible, on vivait avec notre cul dans le beurre. Il n’y avait pas de crise, du boulot partout, de la solidarité. Aujourd’hui, avec la crise, c’est l’extrémisme. Est-ce qu’on est dans les années 1930 ? Je ne sais pas. Une période où il y avait l’extrême droite et où Hitler a créé la guerre. Il y avait aussi un autre extrémisme, celui du stalinisme contre l’hitlérisme. Je suis triste de voir comment la société évolue, mais ça m’inspire aussi. Je suis un vampire ! (Rires.) Je ne veux pas changer le monde. C’est un constat. On est vraiment dans la merde !
Quels thèmes vouliez-vous aborder dans votre album ?
Arno L’humanité, l’être humain et tout ce qui va avec, de la joie à la tristesse. Nous, quoi !
Le disque a été mixé à Bristol en Angleterre. C’est une ville qui vous fait particulièrement vibrer ?
Arno J’aime cette ville qui n’est pas très loin de la mer. Et les mouettes donnent le même son que celles de la mer du Nord. Quant aux moules, elles sont incroyables là-bas !
Meilleures qu’en Belgique ?
Arno Je ne peux pas dire ça parce qu’autrement j’aurais toute la Belgique contre moi ! (Rires.) Bristol est aussi très créative, où il y a beaucoup d’étudiants avec une grande université. C’est une ville très musicale d’où viennent Massiv Attack, Portishead et d’autres groupes. Bristol, c’est un peu Bruxelles, où j’habite. Cette ville a été un coup de foudre pour moi.
De quelles ambiances rêviez-vous pour votre disque ?
Arno Je voulais quelque chose d’organique. J’ai eu la chance de rencontrer l’ingénieure du son et productrice australienne Catherine Marks (connue pour ses collaborations avec Foals, PJ Harvey, etc. – NDLR), qui a fait ce son-là. Elle m’a beaucoup aidé.
Vous continuez d’osciller entre le blues, la chanson et le rock, comme si ces trois genres musicaux étaient inséparables à vos yeux ?
Arno Je mélange toutes ces sonorités parce que je considère qu’il n’y a pas de frontières dans la musique. Blues, rock ou ce qu’on veut, la musique doit avoir un esprit, une âme. Chez moi, j’écoute beaucoup de choses pour découvrir des univers différents. Je dis souvent : « Je suis ouvert comme une vieille pute ! » (Rires.)
Avec peut-être une préférence pour le rock ?
Arno Pour l’attitude rock ! La première fois que j’ai eu le microbe du rock, c’était à l’âge de 8 ans, lorsque j’ai découvert une chanson d’Elvis Presley, One Night With You. Quand je l’ai écoutée, j’ai eu des frissons, j’ai joui ! C’est grâce à cette chanson que je n’ai jamais travaillé et que j’ai fait de la musique.
Et votre attirance pour la chanson ?
Arno Ma grand-mère était chanteuse. Je me souviens qu’un jour, elle chantait la Mer, de Charles Trenet. Mais, à la place de chanter la Mer, elle s’amusait à dire « la merde ! » parce qu’elle était en train de faire la vaisselle – dans le temps les machines n’existaient pas ! (Rires.) Ma grand-mère m’a influencé dans beaucoup de choses. J’ai souvent utilisé des phrases qu’elle disait dans mes chansons.
Vous chantez « je veux vivre dans un monde sans papiers où les riches et les pauvres n’existent plus ». Vous pensez qu’un jour on parviendra à une société plus égalitaire ?
Arno Je ne pense pas que ce soit possible. C’est une utopie, un fantasme. L’être humain n’est pas comme ça. Quand les riches et les pauvres n’existeront plus, je n’aurai plus d’inspiration. Mais c’est un rêve. C’est mon film de Walt Disney ! (Rires.) J’aime entrer dans ma propre réalité qui n’existe pas. On en revient au surréalisme.
Qu’avez-vous éprouvé après les attentats du 13 novembre ?
Arno Ce qui s’est passé au Bataclan est horrible. Les gens sont traumatisés, mais les médias ont aidé aussi à ce traumatisme. Quelque temps après, je regardais le journal d’information à la télé, sur une chaîne hollandaise. Et il y a un mec qui était dans la rue où j’habite à Bruxelles, qui disait « après 18 heures, tout est fermé, pas de commerces, de restaurants, de bars, etc. ». Mais ce n’était pas vrai, il disait n’importe quoi ! Les Hollandais voyant ça à la télé, qui auraient voulu se rendre à Bruxelles, ont sûrement pensé « on ne va pas y aller parce que tout est fermé ». Il y avait une réalité bien sûr, mais je veux dire que les médias ont contribué à créer une angoisse. Il y a un danger, je suis d’accord, mais il faut faire attention à ce que disent les journaux. Il y a eu des attentats à Londres il y a quelques années, dans le métro, dans le train à Madrid, c’est grave. On vit dans un film de cow-boys et tout est possible dans un film de cow-boys…
La scène, que vous affectionnez parti- culièrement, reste-t-elle votre énergie, votre carburant ?
Arno J’en ai besoin. C’est ma vie. Sans ça, je ne suis rien. Je fais de la musique pour faire de la scène. À partir de fin janvier, je pars en tournée pour cinq mois entre la France, la Hollande, la Suisse… Je devais me produire au Bataclan en mars mais ça a été annulé et je jouerai au Trianon en mai. Je suis en train de construire le show, mais ce sera guitare-basse-batterie-clavier avec le chanteur de charme raté ! (Rires.)
un registre bouillonnant pour le chanteur belge, qui rêve de vivre « dans un monde oÙ les cons ne font pas de bruit »
Quand il parle de lui, Arno se voit en vieux chanteur de charme raté. Pourtant, il continue de séduire et d’en pincer pour le rock, comme lorsqu’il avait dix-huit ans. Sur la pochette de son album, il se fait homme invisible. Sans tête ni mains, il la joue Human incognito pour mieux observer le monde, qu’il souhaiterait plus beau : « Je veux vivre dans un monde sans papiers, où les riches et les pauvres n’existent plus, (...) où les cons ne font pas de bruit », chante-t-il. Un registre bouillonnant à l’utopie assumée dont le « point de vue est celui de l’être humain ». Produit par l’Anglais John Parish, connu pour ses collaborations avec PJ Harvey, Eels ou Perfume Genius, enregistré à Bruxelles, mixé à Bristol, ce nouvel album privilégie les ambiances organiques sur fond de guitares, basse, batterie ou accordéon, alternant chanson, rock, blues, français et anglais. Un bazar magnifique porté par la voix rauque d’un chanteur revenu de tout toujours aussi émouvant qui à la fin trinque à la santé de « tous les cocus du monde entier ». Arno pur jus.
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