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17/06/2025

Le nucléaire dans le mix énergétique de la France, conférence organisée par le PCF

 

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Gérard le Puill, l'Humanité

De 18H30 à 21h hier soir au siège du PCF à Paris un débat passionnant s’est déroulé sur la meilleure manière d’améliorer le document commun « Empreinte carbone, plan climat pour la France »  publié voilà 18 mois par le PCF et la revue « Progressistes » . Les échanges ont porté sur la place du nucléaire dans notre mix énergétique.

Le 6 novembre 2023, le Parti Communiste Français et la revue « Progressistes » publiaient un document commun sous le litre « Empreinte 2050, plan climat pour la France ». Il s’agissait d’un ensemble de propositions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre en France afin de parvenir à la neutralité carbone le plus vite possible pour l’économie nationale. Tour à tour, Fabien Roussel pour le PCF et Amar Bellal pour la revue « Progressistes » précisaient alors que ce texte était une « version préliminaire pour concertation » et qu’il devait être amélioré par le débat.
Selon Amar Bellal, plus de 200 réunions se sont tenues dans le pays depuis 18 mois en vue d’améliorer différents aspects de ce « plan climat ». Hier en soirée , une centaine de personnes se sont retrouvées au siège du PCF à Paris tandis que 1.500 à 1.700 autres suivaient la rencontre sur internet pour prendre connaissance des améliorations proposées lors de différentes rencontres sur la production électrique de notre pays dans les prochaines décennies . Plusieurs documents ont été remis aux personnes présentes. L’un, rédigé par Victor Leny, est titré « Nucléaire et mix énergétique ». Ce travail est le résultat de plusieurs rencontres avec des salariés ainsi que des responsables syndicaux de la CGT, de la CGE-CGC, de la CFDT et d’autres syndicats et personnalités compétentes de la filière énergétique.
Dans son introduction au débat, Fabien Roussel a indiqué que le « nucléaire civil permet en France une production importante d’électricité ». Evoquant un contexte international très lourd actuellement avec un risque de guerre nucléaire, il a dénoncé ceux qui font « parler les bombes en lieu et place du dialogue » ajoutant qu’il n’y aura pas de planète durable si le monde devient une poudrière. Il a ensuite montré que pour la France qui maîtrise la filière du nucléaire depuis des décennies pour la production électrique « garantir l’indépendance de notre pays et faire baisser la facture d’électricité est une ambition écologique et sociale. C’est à la fois la défense du climat et des jours heureux avec de bons salaires et des emplois de qualité ». Evoquant 1974, année du le plan Mesmer du nom du premier ministre en 1974 sur la mise en chantier des centrales nucléaires suite à une crise pétrolière , il a souhaité que la France mette en place un plan de même dimension dans les prochaines années pour consolider la place de l’énergie pilotable qu’est le nucléaire dans notre mix énergétique.

Réduire l’usage du pétrole de 50% d’ici 2035

Co-auteure avec Eric Le Lann d’un livre paru en 2021 sous le titre « Energie et communisme », Valérie Gonçalvès a montré que la filière du nucléaire civil, outre son importance pour produire une énergie sans émission de CO2, privilégie aussi la formation professionnelle et les emplois qualifiés, citant quelques exemples dont ceux générés par les travaux de recherche sur le plateau de Saclay. Ella a indiqué que la filière embauche 10.000 personnes par an en moyenne, ajoutant qu’il faut davantage recueillir l’avis des salariés du secteur sur l’évolution des compétences dans la filière.
Un document de 57 pages rédigé par Victor Leny est illustré par de nombreux graphiques sur ce que doit être l’évolution de notre mix énergétique en France. Celui de la page 4 montre que l’électrification des usages devrait passer de 24% en 2022 à 73% en 2050, tandis que l’usage du charbon, déjà très faible en France s’arrêterait en 2038. L’usage du pétrole devrait diminuer de moitié en France vers 2035 pour tendre vers la neutralité carbone en 2050. Une note rédigée par les deux ingénieurs Victor Leny et Michel Donneddu au nom du PCF débute par ces phrases :
« Pour atténuer le réchauffement climatique, il ne suffit pas d’atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut en outre la maintenir au-delà de cet horizon en s’assurant que les ressources nécessaires au fonctionnement du futur système énergétique bas-carbone soient exploitées de façon durable. L’attention doit être portée à toutes les technologies utilisant des métaux critiques tels que l’éolien , le solaire ou encore les batteries dont il conviendra d’assurer le recyclage . Le nucléaire est également concerné car sa pérennité est contrainte par la disponibilité ».

Investir dans les réacteurs à neutrons rapides

Cette mise en garde sur la probable pénurie de plusieurs métaux, dont le cuivre dans les prochaines années, n’est guère évoquée par la Commission européenne, ni par les firmes automobiles qui affirment vouloir supprimer les ventes de voitures neuves à moteurs thermiques en 2035, tandis que l’Europe des 27 ne propose pas de réduction de la circulation routière. S’agissant des économies à réaliser sur la consommation d’uranium, le document rédigé par Victor Leny et Michel Donneddu, plaide pour la production de réacteurs à neutrons rapides (RNR) en ces termes :
« Avec les RNR, le potentiel énergétique des ressources terrestres en uranium se trouve ainsi multiplié par un facteur de l’ordre de 100. Leur combustible peut même se passer totalement d’uranium naturel et n’être constitué que de sous-produits du cycle de combustible des réacteurs actuels à neutrons lents : l’Uranium appauvri issu de l’étape d’’enrichissement de l’uranium naturel préalable à la fabrication de leur combustible et le plutonium extrait de leur combustible usé ».
Le débat qui succédé aux intervenants officiels a montré que le public, majoritairement composé d’hommes et de femmes travaillant dans cette filière, était soucieux d’ajouter sa connaissance et son expérience pour préserver un bon volume d’électricité pilotable grâce aux centrales nucléaires et à l’hydraulique comme la souligné Fabien Roussel en conclusion de cette soirée.

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14/12/2024

Industrie française : « Il faut légiférer sur les licenciements boursiers et baisser le tarif de l’énergie », plaide Aymeric Seassau (PCF)

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La déconfiture de l’industrie française n’a rien d’une fatalité. Pour Aymeric Seassau, en charge de la nouvelle industrialisation dans le projet du PCF, il est urgent de reprendre au marché le contrôle d’un secteur stratégique, pour l’emploi, notre balance commerciale et l’écologie.

Michelin, Valeo, Vencorex… Les plans de suppression de postes se succèdent dans l’industrie française. Quelles sont les causes profondes, selon vous, de cette crise ?

Ces entreprises témoignent de ce que les filières automobile et chimie sont en effet particulièrement touchées, la sidérurgie aussi, avec les annonces inquiétantes de Mittal, et bien d’autres encore. Partout, les communistes soutiennent de toutes leurs forces les travailleurs de ces entreprises qui résistent avec leurs organisations syndicales… Et il nous appartient de politiser cette situation qui n’est malheureusement qu’une accélération d’un mouvement de long terme orchestré par le capital.

À son écoute, des apprentis sorciers ont théorisé depuis quarante ans qu’il y aurait des pays de « tête d’œuvre » et des pays de « main-d’œuvre ». Le bilan est là : le pays a perdu la moitié de ses usines et la France, vieille nation industrielle, traîne désormais aux toutes dernières places d’Europe. Sa part de l’industrie manufacturière dans le PIB est de 10 % quand la moyenne européenne est de 16 %.

La prédation du capital financier est féroce et nous mettons au défi le RN et son fantasme du bon patronat national : 62 % des emplois des grandes entreprises françaises se trouvent à l’étranger, contre seulement 38 % pour les allemandes et 28 % pour les italiennes. Quant au « made in France », il ne représente plus que 36 % de la consommation nationale. Voilà la réalité de l’affrontement capital-travail de notre temps et l’amer résultat de la désindustrialisation.

La bataille pour une nouvelle industrialisation est donc aussi une bataille politique ! L’industrie et ses métiers ont été si discrédités que nous vivons un paradoxe avec des plans sociaux qui s’accumulent et un nombre d’emplois vacants qui a doublé en trois ans dans l’industrie. Alors, nous ne répéterons jamais assez que la moyenne des salaires est de 20 % supérieure dans l’industrie que dans les services. Défendre une nouvelle industrialisation, c’est une bataille d’avenir pour éradiquer le chômage puisque c’est le seul secteur à générer 3 à 4 emplois dans le reste de l’économie pour 1 emploi créé. C’est l’espoir du redressement face au déclassement.

Sur quels principes devrait se fonder une politique industrielle digne de ce nom ?

Première urgence : mettre un coup d’arrêt à la casse de l’appareil productif avec un moratoire sur les licenciements et une loi contre les licenciements boursiers. Deuxième urgence : baisser les tarifs de l’énergie pour gagner en compétitivité. L’énergie nucléaire le permet au pays, à condition de sortir du marché européen de l’électricité. Sur le temps plus long, il y a besoin d’une reconstruction des filières industrielles stratégiques. Cela implique que l’État joue son rôle mais aussi d’ouvrir des pouvoirs nouveaux pour les salariés et leurs organisations syndicales.

Il faudra pour réussir mobiliser l’argent des banques en permettant à nos entreprises l’accès à des crédits bon marché conditionnés aux investissements dans l’appareil productif, dans la recherche, dans l’emploi. Et puis, il y a besoin de revaloriser les métiers industriels en augmentant les salaires et de soutenir les filières de formation initiale tout au long de la vie. L’extrême droite se contente de verser des larmes de crocodile sur le nombre de travailleurs détachés en France, mais ne dit rien de la nécessité de former plus de soudeurs, de chaudronniers… autant de beaux métiers qu’il faut défendre.

Les États-Unis mènent depuis plusieurs années une politique protectionniste, la Chine décide de se recentrer sur son marché intérieur et de fermer la porte aux importations : faut-il adopter, selon vous, une forme de protectionnisme européen ?

Mettons déjà fin aux traités de libre-échange, qui sont une aberration sociale et écologique. Commençons par protéger les travailleurs du dumping social et des délocalisations à l’intérieur même de l’espace européen ! L’Europe qui protège les capitaux qui circulent librement tandis que des réfugiés meurent en Méditerranée ou dans la Manche est une Europe de la honte. Elle n’a aucun avenir tant qu’elle ne protège pas les travailleurs qui sont l’objet d’une compétition intra-européenne mais aussi sous la menace des forces d’extrême droite, qui veulent encore plus les opposer.

Deuxièmement, avant de songer à limiter les importations, il conviendrait déjà de structurer les filières et les coopérations européennes industrielles pour répondre aux besoins des Européens. Au-delà des mesures protectionnistes mises en place par la Chine ou les États-Unis, n’oublions pas que ces deux pays n’hésitent pas à actionner la politique monétaire. À l’inverse, la Banque centrale européenne a avant tout pour mission de limiter l’inflation pour protéger le capital. Elle pourrait jouer un rôle différent, au service du financement des services publics, de la transition écologique et d’une nouvelle industrialisation dans l’hinterland européen.

En l’état, en effet, nous ne jouons pas à armes égales. Et la question n’est pas tant de limiter les importations que d’empêcher par exemple un industriel comme Mittal de dépecer la sidérurgie française et européenne au profit de ses sites en Asie ou en Amérique du Sud, ce qui serait facilité par un traité comme le Mercosur.

Que répondez-vous à ceux qui estiment qu’avoir une industrie prospère est incompatible avec la prise en compte des enjeux environnementaux ?

Mais c’est tout l’inverse ! La désindustrialisation est aussi une catastrophe écologique en plus d’être une catastrophe économique et sociale. Peut-on affronter la crise climatique quand 92 % des équipements électroniques ou informatiques et 87 % des vêtements achetés en France sont produits à l’étranger ? Et que le développement du e-commerce fait progresser dangereusement le fret aérien. On marche sur la tête. À l’inverse, nous voulons relocaliser des productions et renouer avec les coopérations industrielles européennes. Plus on produit loin, plus les besoins en transports sont importants et ils sont les premiers émetteurs de gaz à effet de serre.

Engager la transition écologique, c’est investir massivement dans la chaîne logistique autour du mix fret maritime et fluvial/fret ferroviaire, c’est rapprocher la production pour répondre aux besoins, c’est construire ou conforter des filières nouvelles au service de la transition écologique (pompes à chaleur, éolien, photovoltaïque etc.). C’est aussi décarboner notre appareil productif et repenser nos modes de production pour les rendre plus économes en ressources.

Source l'Humanité

19:28 Publié dans Actualités, Economie, Point de vue, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : industrie, pcf | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

29/05/2024

Manon Ovion, des Vertbaudet : « Je me suis trompée, la politique impacte nos vies »

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Visage de la lutte des Vertbaudet, elle a mené la longue grève de 84 jours qui a permis d'arracher des hausses de salaires. La Roubaisienne Manon Ovion revient sur ce mouvement historique de 2023 et sur sa participation à la liste PCF aux élections européennes. 

Au printemps 2023, une centaine d’ouvriers de Vertbaudet, un spécialiste du prêt-à-porter pour enfants, se lançaient dans un long combat. Leur objectif ? Obtenir de meilleurs salaires, tandis que la vente en ligne explose et les cadences de travail avec.

Ce mouvement, ancré sur le piquet de grève de Marquette-lez-Lille (Nord) et essentiellement porté par les travailleuses, a marqué le paysage social, alors que l’exécutif forçait les actifs à travailler deux ans de plus, avec sa réforme des retraites. La déléguée syndicale CGT, Manon Ovion, est apparue comme le visage de ce mouvement : une femme, jeune, mère de famille, qui a tenu tête à une direction fermée à toutes médiations. Jusqu’à la victoire de ces ouvrières.

Pensiez-vous tenir durant 84 jours ?

Non. Nous avons fini ce combat avec 75 collègues grévistes. L’inflation nous prenait aux tripes. Il était primordial que l’employeur nous augmente, améliore nos conditions de travail et embauche les intérimaires. En novembre 2022, la CGT venait d’être représentative aux élections professionnelles. L’accord NAO, que nous n’avions pas signé, ne comprenait aucune augmentation. Ce n’était pas entendable.

Les femmes sont majoritaires à Vertbaudet. Beaucoup sont des mères isolées. Nous rencontrons un fort taux de maladies professionnelles. L’usure de notre santé est quotidienne. Tout cela avec des salaires qui ne nous permettant pas de vivre dignement. Or, avec la vente par correspondance, Vertbaudet a vu son chiffre d’affaires exploser, dépassant les 350 millions d’euros lors du Covid.

Votre piquet a été violemment évacué à plusieurs reprises. Un élu syndical a été agressé devant chez lui. Qu’est-ce que cela traduit ?

Forcément, en nous mettant en grève, on ignorait l’ampleur qu’allait prendre notre combat. Mais nous ne pouvons oublier la répression policière. Une de nos collègues, en rémission d’un cancer, s’est fait traîner par le cou sur plusieurs mètres. Ne pouvant s’en remettre, elle a signé une rupture conventionnelle. Le piquet de grève a été tenu nuit et jour. La direction a politisé cette grève.

« Jusque-là, dans mon entrepôt, des salariées partaient en retraite sans avoir dépassé le Smic malgré trente ans d’ancienneté. »

Manon Ovion

Le siège social de Vertbaudet est à Tourcoing, le fief de Gérald Darmanin. Nous avons vu débarquer les CRS tous les deux jours, juste pour nous intimider. L’entreprise appartient à un fonds de pension, Equistone Partners Europe, dont le directeur parisien est Édouard Fillon, fils de l’ancien premier ministre. Tout ce petit monde s’organisait pour ne rien nous lâcher.

Mais, de notre côté, il était inconcevable de reprendre le travail sans que la direction ne cède sur nos augmentations de salaires. Et nous avons arraché entre 4 et 7 % d’augmentation. Jusque-là, dans mon entrepôt, des salariées partaient en retraite sans avoir dépassé le Smic malgré trente ans d’ancienneté. Et avec la réforme des retraites, on nous a demandé de nous user deux ans de plus au travail, pour ne rien gagner en plus…

Auparavant, le recours à la grève était-il courant chez Vertbaudet ?

Sur le piquet de grève, nous avons fêté les 60 ans de Vertbaudet ! Avant, les conflits sociaux pouvaient se résumer à une heure de grève symbolique, afin de mettre un coup de pression sur l’employeur. Je suis arrivée en 2012. Je n’avais jamais fait une journée de grève.

Nous avons d’abord été surpris par l’ampleur de ce mouvement. Mais faut-il vraiment s’étonner que la colère explose, alors que des collègues n’arrivent pas à vivre de leur travail ? Chez nous, des salariées vont au Secours populaire. Pour certaines, après avoir payé les factures, dégager de l’argent pour manger est une première victoire. Nous n’avions plus rien à perdre, pas même notre emploi. Un Smic se trouve chez d’autres employeurs.

Marquette-lez-Lille est devenue la capitale des conflits sociaux sur les salaires après la réforme des retraites. De nombreux leaders de gauche sont venus. Étiez-vous prête à une telle médiatisation ?

Clairement non. Au-delà de la médiatisation, un élan de solidarité s’est engagé autour de nous. Sur notre piquet de grève, des automobilistes s’arrêtaient pour nous soutenir. Nous pouvions ainsi récupérer jusqu’à 800 euros certains jours avec la caisse de grève.

«  Le sexisme est démultiplié lors d’une grève. »

Manon Ovion

Des gens sont venus nous apporter à manger. Une Belge est venue avec une pile de crêpes immenses. Tous ces gestes de soutien nous ont donné la force de tenir. Par ailleurs, l’appel au boycott, par Sophie Binet, de la marque Vertbaudet, a fait beaucoup de mal à la direction.

Cependant, le conflit a parfois été compliqué dans les familles. J’ai eu la chance de pouvoir compter sur mon époux. Des collègues ont quitté la bataille, non pas par manque de conviction, mais par désaccord à la maison. Le sexisme est démultiplié lors d’une grève.

Après ce conflit, la direction a-t-elle changé d’attitude ?

On ne gagne pas des avancées avec du dialogue social, mais avec un rapport de force. Désormais, il est plus en notre faveur à Vertbaudet. Alors que les patrons voulaient nous diviser, pour mieux régner, nous avons gagné de la solidarité entre les salariés. C’est un atout majeur. Au total, sur 250 salariés, nous sommes passés de 15 syndiqués CGT à une grosse centaine.

Vous travaillez à Vertbaudet depuis vos 20 ans. Quelles sont les sources de votre engagement syndical ?

Je ne viens pas d’une famille militante. Mais je suis issue d’une famille ouvrière. Je porte cet héritage. Il n’y a pas de sous-métiers, juste des métiers sous-payés. En 2019, j’étais dans le collimateur de mon agent de maîtrise. Je subissais des pressions quotidiennes, allant jusqu’à du harcèlement. À l’époque, j’enregistrais les retours de produits, à l’aide d’un bipeur. Mais l’outil de travail captait mal. Je multipliais donc les allers-retours entre le bureau du chef, où il y avait des recharges, et l’endroit où j’étais postée. Des toilettes se trouvent sur ce trajet.

Un jour, j’ai eu le malheur d’aller faire une halte pipi, cinq minutes avant la pause. Mon chef m’a attendu à la sortie des toilettes pour me passer un savon. J’ai explosé devant mes collègues. À la suite de cette histoire, j’ai décidé de me syndiquer.

J’ai poussé la porte de l’union locale CGT de Tourcoing, car je ne me voyais pas m’engager dans un autre syndicat. Problème : nous n’étions que quatre cégétistes dans l’entrepôt. J’ai donc été désignée représentante de la section syndicale, mandatée par l’union locale.

En quoi consiste votre profession ?

J’ai arrêté l’école à 18 ans. Quand on n’a pas de diplôme, l’usine est une porte d’entrée facile pour trouver un emploi. À La Redoute, dans l’agroalimentaire… j’ai très vite connu le monde ouvrier. Désormais, je suis préparatrice de commandes. Si vous passez commande sur Internet, ce sont des petites mains comme les miennes qui préparent vos colis.

Nous travaillons sur des paquets pouvant contenir jusqu’à 300 pièces. Malgré mes engagements syndicaux, je travaille toujours 35 heures par semaine sur mon poste de travail. C’est usant. Nous faisons entre 15 et 25 kilomètres de marche quotidiennement.

Les objectifs de production fixés par la direction sont de 175 articles par heure. Il faut beaucoup d’énergie pour tenir la cadence, sinon, nous subissons des coups de pression.

Vous figurez sur la liste menée par Léon Deffontaines (PCF) pour les élections européennes. Pourquoi ce choix ?

Sans les relais politiques, les Vertbaudet n’auraient pas pu tenir aussi longtemps. Avec les communistes, j’ai lié des attaches particulières sur le piquet de grève. Étant donné mon histoire familiale, je ne me voyais pas me rapprocher d’un autre parti.

Mais à vrai dire, je n’ai pas voté depuis longtemps. Je n’ai pas honte de le dire, je me suis trompée : la politique impacte énormément nos vies. Les enjeux de conditions de travail et de salaires doivent sortir des murs des entreprises, pour unir l’ensemble des travailleurs.

La liste de Léon Deffontaines ressemble largement au monde du travail. C’est important. Les gens ne se retrouvent plus dans les discours politiques. Les travailleurs sont les mieux à même de décider ce qui est bon pour leurs vies et leurs entreprises.

C’est pourtant l’extrême droite qui semble avoir le vent en poupe chez les ouvriers et employés… Comment combattre cette résignation ?

Le fait que les partis de gauche se tirent autant dans les pattes n’est pas pour aider. Les gens ne se retrouvent plus dans la gauche. Ils ont le sentiment d’avoir été oubliés, délaissés, y compris par la gauche.

Pour les ouvriers, les employés, la perte de confiance est évidente. Or, l’extrême droite est tout sauf porteuse d’un projet social pour les travailleurs. C’est bien par l’organisation, la mobilisation collective que l’on peut faire changer les choses.

Source l'Humanité

Diego DIAZNombre de pages : 13220 €
Format(s) : Papier EPUB PDF

 

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10/05/2024

Alpes. Des assises de la montagne face au réchauffement climatique

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Le PCF organisait le 4 mai dernier des assises de la montagne avec le concours de chercheurs scientifiques, de syndicalistes, d’élus et de militants des différents massifs dauphinois et savoyards. Avec une conclusion : face aux évolutions climatiques, des adaptations sont nécessaires et une montagne vivante ne se construira pas sans ses habitants.

« Le panier de dépenses d’un skieur est quatre fois supérieur à celui d’un touriste hors ski. » Le constat émane de Emmanuel Briant, ancien directeur de la station de Villard-de-Lans. Certes, à l’échelle de tous les massifs de l’hexagone, le chiffre d’affaires touristique estival approche celui de l’hiver. Mais pas dans les vallées alpines où le ski est une industrie. « L’Oisans compte dix mille habitants et 100 000 lits en stations », témoigne Michelle Pelletier, du Secours populaire de Bourg-d’Oisans. Des lits occupés l’hiver par des touristes « rentables », des lits beaucoup moins occupés le reste du temps et par des touristes qui dépensent quatre fois moins.

Retraites Nupes Vizille

Michelle Pelletier, Bourg d’Oisans.

Penser l’après ski, mais aussi gérer les conflits d’usage générés par le réchauffement climatique. « L’été dernier, les agents d’EDF qui gèrent le barrage de Serre-Ponçon ont dû faire face le même jour à deux rassemblements de mécontents : les agriculteurs qui travaillent dans la vallée de la Durance en aval du lac réclamaient l’ouverture des vannes tandis que les professionnels du tourisme sur le lac exigeait le maintien de l’étiage à un niveau compatible avec leurs gagne-pain », indique François Simon, cheville ouvrière de l’organisation de ces assises de la montagne. Deux exemples, parmi de nombreux autres des questions débattues le 4 mai à la maison du tourisme de Grenoble.

Avec une question transversale, celle de l’avenir d’une montagne qui chauffe et qui chauffe plus vite que le reste du territoire national.

Préserver la montagne pour ceux qui y résident… et tous les autres

Gilles Rotillon, professeur à l’université Paris Ouest Nanterre et conseiller scientifique du service d’observation et de statistiques du ministère de l’Environnement, décrivait le processus. « Pour rester sous deux degrés de réchauffement planétaire, il ne faut pas émettre plus de 900 milliards de tonnes de C02 supplémentaires ; nous en rejetons aujourd’hui près de 60 milliards par an et, en 2022, nos émissions étaient supérieures de 2,9 % à celles de 2019. Faites le calcul, nous aurons atteint notre quota pour une planète vivable dans une quinzaine d’années, si rien ne se passe d’ici là. »

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Gilles Rotillon, université de Paris Ouest Nanterre, et Laurent Jadeau, co-organisateur des assises.

Un réchauffement dont les conséquences sont multiples. Au delà du phénomène maintenant bien connu de la disparition en cours des glaciers alpins, sont concernées les forêt, l’agriculture, la viabilité des routes en montagne (la route de Briançon est en travaux après le Bourg-d’Oisans du 13 mai au 5 juillet), le ski, mais aussi l’alpinisme. « Nombre des courses que j’ai faites sont aujourd’hui impraticables, témoigne Gilles Rotillon, alpiniste chevronné, et le téléphérique de l’aiguille du Midi, à Chamonix, vit ses dernières années avant la ruine complète de l’aiguille. »

Autant dire que nous sommes devant un choix vital. François Simon cite le glaciologue Bernard Francou et la climatologue Marie Antoinette Mélières. Dans le livre dont ils sont co-auteurs, Coup de chaud sur les montagnes, ces derniers écrivent : « On a le choix entre développer sans discernement un territoire sous prétexte qu’il va être malmené par le changement climatique – c’est par exemple la fuite en avant des stations de ski qui veulent s’étendre vers le haut au détriment des espaces protégés – ou cultiver un patrimoine dont les futures générations, résidant en montagne ou pas, auront le plus grand besoin dans un monde devenu globalement hostile ». Ce que François Simon reprend en ces termes : « soit on choisit de perpétuer la présence des hommes sur la totalité du territoire, ce qui signifie, en zone de montagne, maintenir et developper un tissu vivant et productif, soit on opte pour un réseau de grands métropoles qui concentrerait l’essentiel de l’activité humaine, en laissant à l’abandon plus de la moitié du pays : le sort réservé aux services publics de proximité constitue un baromètre édifiant des choix politiques opérés ».

Nupes PS retraites Vizille

Marc-Jérôme Hassid, du Collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes.

Pour les JO, le train de Genève à Nice ?

De fait, la tendance actuelle est plutôt à la concentration/désertification. Les difficultés de la ligne SNCF Grenoble Gap en attestent. « La première annonce de fermeture remonte à 1976, rappelle Marc-Jérôme Hassid, du Collectif de l’étoile ferroviaire de Veynes, ce n’est que grâce à la mobilisation des cheminots, des habitants et des élus que cette ligne a pu être maintenue en activité et que des travaux ont pu être récemment obtenus. » Une ligne qui pourrait être l’épine dorsale des jeux olympiques de 2030, avec des trains Genève Nice qui ont circulé jusqu’à la fin des années 80 avant la fermeture à la circulation d’une vingtaine de kilomètres avant Digne. JO écolos ? Chiche !

Services publics en déshérence avec les fermetures de bureaux de poste, la dévitalisation des hôpitaux, celui de la Mure par exemple, les fermetures de classes et d’écoles mais aussi plus largement des difficultés du quotidien comme la possibilité de se loger ou l’accès aux soins. « Nous n’avons plus de dentiste au Bourg-d’Oisans », relève Michelle Pelletier. « Nous avons du mal à recruter à la mairie ; les agents ne peuvent se loger et les transports vers l’agglomération sont insuffisants », constate Stéphane Falco, maire d’Engins. La contradiction est frontale : « Pour maintenir la population, il faut qu’elle puisse avoir accès à un minimum de services et c’est la possibilité de vivre en montagne qui assurera l’avenir de ces territoires et la possibilité qu’ils demeurent un atout pour la population de tout le pays », note François Simon.

La fuite en avant sous la pression du profit

Dès lors, comment faire ? Des débats ressortait une double exigence : construire avec les habitants et ne pas céder à la pression du court terme. Ce que Gilles Rotillon rapproche plus globalement de la crise du capitalisme : « Pour faire face à la baisse des gains de productivité, la stratégie est de mettre en exploitation de nouveaux gisements, là où il reste des activités que l’on pourra vendre – la privatisation de l’enseignement, par exemple – et dont les activités de loisirs font partie : « venez voir la Mer de glace tant qu’elle existe », c’est l’un des derniers slogans publicitaires pour vendre plus cher ».

Nupes PS retraites Vizille

Marie-Noëlle Battistel, députée socialiste de l’Isère.

Le court terme, c’est la fuite en avant des grands groupes qui gèrent le ski. A force de campagne de communication et de soutiens financiers de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ils martèlent une idée : le ski a de longues et belles années à vivre. En mettant en avant des résultats : la Compagnie des Alpes et la Sata (l’Alpe-d’Huez et les 2 Alpes), les deux groupes qui gèrent l’essentiel des grandes stations alpines, sortent d’une belle saison : plus 15 % de chiffre d’affaires pour la Sata. En oubliant de dire que ces chiffres résultent de l’absence de neige à plus basse altitude et d’un apport massif d’une clientèle fortunée recrutée à l’étranger – 50 % des skieurs en janvier en Oisans. Ce qui fonctionnera encore quelques années – le temps que la limite pluie neige remonte à 3000 mètres en janvier – avec comme corollaire une spéculation immobilière qui rend le logement inaccessible aux habitants à l’année.

Un fonds pour la remise en état des sites

D’où l’idée énoncée lors des débats préparatoires à la tenue de ces assises, celle de la création d’un fonds alimentés par les bénéficies des industriels du ski pour financer la déconstruction à venir des remontées mécaniques devenues inutiles et la remise en état des sites. Idée qui a récemment été reprise par la Cour des comptes et dont Marie-Noëlle Battistel, députée socialiste de l’Isère, se proposait au cours de débat de se faire la porte-parole à l’Assemblée nationale.

Remettre en cause la pression du profit à court terme, c’est également une question majeure dans la gestion de la forêt. Ce dont témoignait abondement Erik Salvatori, technicien du triage Oisans Matheysine et syndicaliste CGT à l’Office national des forêts, en soulignant que les essais en cours pour adapter la forêt à la montée des températures et aux sécheresses ne pouvaient s’envisager que sur plusieurs décennies. « Le morcellement de la forêt privée est un obstacle à ce niveau et cela demande une évolution législative », indiquait-il. Tout comme la dévitalisation de l’Office national des forêts qui perd des agents chaque année au profit de sociétés forestières privées dont les exigences de rentabilité ne se conçoivent pas sur le temps long – sans oublier les conditions de travail de leurs salariés.

Les droits des salariés

Damien Ferrier, secrétaire de l’union régionale CGT de agroalimentaire et de la forêt, évoquait d’ailleurs les conditions de vie et de travail de l’ensemble des salariés de l’agriculture et de la forêt. « La durée légale maximale du travail est de 48 heures hebdomadaire, avec des dérogations, notamment pour les saisonniers agricoles, les patrons que représente la FNSEA peuvent obtenir 66 heures, et jusqu’à 72 heures hebdomadaires ; ils vont jusqu’à organiser, avec le concours de l’État, des recrutements au Maroc et en Tunisie notamment, pour pouvoir imposer ces horaires et les conditions de travail qui vont avec. » Une situation qui concerne moins la montagne, encore que, mais que l’on retrouve dans certains alpages. Horaires non pris en compte dans les rémunérations, logement parfois indigne, équipements professionnels à la charge des bergers… Le pastoralisme est pourtant une activité essentielle à l’entretien de la montagne qui demande aujourd’hui un savoir faire pointu, dans le contexte de la raréfaction de l’eau et de la présence du loup, entre autres.

D’où la question plus générale de la participation des habitants aux décisions qui les concernent. « La mutation de la montagne ne se réalisera pas sans services public de proximité et sans que les habitants soient parties prenantes d’un projet pour l’avenir », insiste François Simon. Ces assises de la montagne ont mis au jour une proposition, celle de la création de conseils de massifs, associant élus locaux, acteurs socio-professionnels et représentants de la population. Des conseils qui pourraient examiner les projets de développement et prévenir les conflits d’usage : un lieu de débat permanent qui permettrait tout à la fois de donner un cadre à l’expression des habitants et de vitaliser ainsi la démocratie locale aux côtés des assemblées communales et intercommunales ; de quoi guider la nécessaire intervention de la puissance publique.

Au final, une très riche journée de réflexion qui sonnait comme un point de départ bien plus qu’un aboutissement.

Une proposition de loi

Ces assises de la montagne ont été organisées par un groupe de travail associant des militants et des élus communistes des massifs dauphinois de l’Isère et des Hautes-Alpes ainsi que de Savoie. Il se réunit depuis septembre 2022, associe à ses réflexions des acteurs du mouvement syndical et associatif, et croise ses analyses avec les expertises scientifiques et les propositions d’élus politiques de toutes sensibilités ayant travaillé sur ces dossiers.

L’objectif de ces travaux est de formuler des propositions d’action immédiates et à long terme débouchant sur une proposition de loi contenant des mesures concrètes, applicables dès maintenant, susceptible d’être soumise au vote du Parlement.

Huit grands ensemble de propositions sont d’ores et déjà définis. Elles portent sur la création d’un fonds pour la reconversion du ski, la reconduction des contrats de saisonniers du tourisme, l’amélioration de leur protection sociale, le logement, le transport en montagne, les droits des salariés, l’accès à la montagne pour les écoliers du pays et l’organisation de séjours en montagne à l’attention de personnes dont l’état de santé le nécessiterait.

par , le Travailleur Alpin

19:50 Publié dans Actualités, Economie, Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : montagne, pcf, assises | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!