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03/03/2013

Jean-Claude Carrière : "On n’a jamais autant lu, contrairement à l’idée reçue... "

musique, édition, entretien, jean-luc godard, fritz lang, umberto eco, milos forman, jacques tati, pierre Étaix, luis buñuel, peter brook, Jean Claude Carrière"Dans tous les livres saints, il y a les mêmes thèmes de la paix… Et de l’épée. Le feu sur la terre. Les deux contraires existent dans toutes les religions : blanc et noir. Tout le monde sait qu’il n’y a rien, ni Dieu ni vie éternelle, mais personne ne veut l’admettre."

Émusique, édition, entretien, jean-luc godard, fritz lang, umberto eco, milos forman, jacques tati, pierre Étaix, luis buñuel, peter brook, Jean Claude Carrièrecrivain, scénariste, dramaturge, Jean-Claude Carrière (quatre-vingt-un ans) est toujours entre deux films, deux pièces ou deux livres. Mais c’est avant tout un conteur, toujours une anecdote ou une citation à la bouche. Ses livres les plus récents sont Mémoire espagnole (Plon) et Désordre (André Versailles). En juin, il publie un entretien avec Jean-Jacques Rousseau (Plon).

Pourquoi avoir écrit ce dialogue 
avec Jean-Jacques Rousseau ?

Jean-Claude Carrière. Parce qu’on me l’a proposé… C’est le nom de la collection : « Entretiens avec… ». Et parce que nous ne sommes d’accord sur rien. Ça m’a intéressé. Il y a eu un Marx, entre autres, si ça vous intéresse…

Aujourd’hui, l’édition classique (papier) 
semble très inquiète par l’avènement 
du numérique. En septembre, l’Appel des 
451 (auteurs) s’opposait à Amazon, et Google est dans la ligne de mire. La question semble plutôt concerner les droits d’auteur 
(comme pour la musique) – l’argent, quoi – 
que l’avenir de la création littéraire. 
Vous avez écrit un livre, avec Umberto Eco, intitulé N’espérez pas vous débarrasser 
des livres, en 2009 (Grasset). Votre opinion 
sur le sujet a-t-elle évolué ?

Jean-Claude Carrière. Je n’ai pas signé l’Appel des 451. Pour la simple et bonne raison que Umberto et moi ne sommes pas des adversaires des nouvelles technologies numériques. Nous avons des ordinateurs depuis vingt-cinq ans, alors que nous sommes des octogénaires tous les deux. Apprendre à se servir des nouvelles technologies est très simple. On oublie de dire que pour notre génération, c’est une sorte de miracle. J’ai connu les gommes, les effaceurs blancs qui débordaient et les machines à écrire avec carbone salissant… Et en même temps nous adorons l’objet livre qui, en soi, est un objet parfait. Nous avons des tablettes e-book, mais on s’en sert peu. Vous remarquerez qu’elles ont le format de livres. Pour l’instant, la lecture électronique n’a pas eu le succès escompté.

Lorsqu’une prétendue visionnaire, au sommet de Davos, prévoit la fin du livre, et de la presse écrite au passage, elle ne fait que pronostiquer un échec commercial, industriel…

Jean-Claude Carrière. Oui, elle oublie que l’e-book… est un book ! C’est absurde. Il est difficile, voire impossible de prévoir l’avenir. Par contre, en cas de panne d’électricité, ou de piles… Prévoir un plan B. (Rires.) Vous imaginez bien que le texte du Mahabharata (un des plus longs poèmes du monde – NDLR), je le transporterais aujourd’hui sur tablette…

La révolution numérique est même salutaire, expliquez-vous, avec Umberto Eco...

Jean-Claude Carrière. Sans elle, des documents précieux seraient détruits, comme pour les films cinématographiques. Lorsque je dirigeais la Femis, j’expliquais aux étudiants que certains de mes propres films, des années quatre-vingt, sont détruits à jamais. Heureusement qu’il y a l’INA (Institut national de l’audiovisuel – NDLR). Le papier, comme la pellicule, est périssable. Même l’Encyclopedia Britannica est passé au numérique ! Plus la peine de s’encombrer avec des tonnes de livres pour étudier ou travailler… Pour la documentation, les archives, la révolution numérique est une bénédiction. En plus, on n’a jamais autant lu, contrairement à l’idée reçue… Partout, tout le temps. Dans la rue, dans les trains, le métro, l’avion, avec les fameuses tablettes. Non seulement, on lit davantage mais avec un alphabet plus compliqué qu’avant… Des signes nouveaux sont arrivés, comme l’arobase, etc. Notre répertoire ne s’est pas amenuisé. Quand je vois la rapidité de ma fille de dix ans, je suis fasciné. Ce n’est pas un frein pour l’activité cérébrale, au contraire. La véritable question n’est pas là.

Alors quelle est-elle ?

Jean-Claude Carrière. Ce n’est pas : est-ce que l’ordinateur va remplacer le livre papier ?, mais est-ce qu’un livre va remplacer un autre livre, finalement ? Car l’e-book reste un livre, je le répète… Ils vont même jusqu’à reproduire le son de la page qu’on tourne ! Les livres actuels ne vont pas tenir trente ans ! Parce que ce n’est plus du bon papier ni de la véritable encre… Nous allons créer d’autres matières pour les pages, tout simplement.

On s’inquiète surtout de savoir si les enfants vont cesser de lire ?

Jean-Claude Carrière. La réponse est non. Ils lisent toujours… Des livres de vampires, peut-être, mais ils lisent. Sur i-Pad ou autre chose… L’autre problème, c’est : est-ce que l’activité de l’esprit que nous mettons à lire un livre développe l’activité neuronale ou pas ? Moi, par exemple, j’ai fait du latin. A priori, ça ne me sert à rien. Or ça fait fonctionner certaines capacités de mon cerveau qui sans cela ne fonctionneraient pas.

Vous n’êtes donc pas du tout inquiet ?

Jean-Claude Carrière. Aucunement. Je me souviens que lorsque les premiers ordinateurs ont été commercialisés, une association d’écrivains américains soulevait le fait que le texte étant tout de suite quasiment imprimé, cela empêchait de bien travailler, de ne plus corriger. En écrivant sur le clavier, je pense au contraire que je corrige mieux et que je peux toujours améliorer mes textes.

Il y a tout de même ce producteur américain, chez qui vous trouvez une mini-bibliothèque contenant les « chefs-d’œuvre de la littérature mondiale in digest form »…

Jean-Claude Carrière. Je n’en revenais pas ! Guerre et Paix en cinquante pages, tout Balzac en un volume… Il existe aussi de fausses bibliothèques, avec des dos de livres, pour décorer… Je travaillais avec Milos Forman, à l’époque, à New York, et nous nous amusions à imaginer des digest forms de Fritz Lang. Metropolis est le premier film que j’ai vu, enfant… J’étais à la fois fasciné et effrayé en même temps. Lang raconte que lorsque Goebbels l’a convoqué, dans son bureau, pour lui proposer de prendre la direction du cinéma allemand, il a tout de suite pris la décision de quitter le pays. Il y avait un beffroi, de l’autre côté de la rue, avec une horloge qui marquait 15 h 40. Il s’est demandé s’il aurait le temps d’aller chercher son argent avant 16 heures… Finalement, il est parti sans argent.

On vous dit prolifique. Écrivez-vous davantage 
et plus vite avec les ordinateurs ?

Jean-Claude Carrière. Non. Je travaille toujours sur deux ou trois projets par an. Un sur trois se fera, en moyenne. Je ne suis pas un si gros travailleur que ça… Mais, comme disait Brassens, « sans technique, un don n’est rien qu’une sale manie ».

Comment un fils de paysan viticulteur d’un petit village de l’Hérault a-t-il pu travailler avec les plus grands réalisateurs du siècle dernier : Jacques Tati, Pierre Étaix, Luis Buñuel, Jean-Luc Godard, et Peter Brook au théâtre ?

Jean-Claude Carrière. Je suis un pur produit du système éducatif de la IIIe République. Mes deux institutrices ont demandé à ce que j’obtienne une bourse parce que je travaillais bien à l’école. Il n’y avait pas un livre ni une image à la maison… Il y a eu aussi un oncle, par alliance, instituteur, qui m’a guidé dans sa bibliothèque. Il me disait : « Tu peux tout lire, sauf ça, ça et ça »… Évidemment, dès qu’il avait le dos tourné, je lisais les interdits. Et il le savait très bien.

Vous n’écrirez jamais vos mémoires, écrivez-vous dans Désordre. Pourquoi ? Avec tout ce que vous avez vécu ? Tous ces grands artistes avec qui…

Jean-Claude Carrière. (Il nous coupe la parole.) La barbe ! Je préfère vivre qu’écrire ma vie. Écrire son autobiographie, c’est s’accorder beaucoup d’importance ! Je ne suis pas Chateaubriand… J’ai écrit trois livres sur diverses périodes de ma vie. Que j’ai choisies. Un sur l’enfance, le Vin bourru (Plon, 2000), qui raconte Colombières-sur-Orb (Hérault), la Paix des braves (Belfond, 1989), sur ma guerre d’Algérie (le seul film tourné sur place), et le troisième, c’est les Années d’utopie (Plon), sur Mai 68. J’en ferai peut-être un autre…

Votre credo n’est-il pas la curiosité et la liberté, avant tout ? Vous êtes devenu un érudit sans
le savoir, comme Monsieur Jourdain avec 
sa prose… Une bibliothèque vivante.

Jean-Claude Carrière. J’aime la liberté de ne pas savoir ce que je vais faire dans les prochains mois, comme en ce moment. Alexandra Lamy (la femme de Jean Dujardin), que vous venez de voir sortir de chez moi, est une Cévenole. Elle aimerait faire un film sur les camisards… C’est intéressant, mais on verra bien. Comme ça touche au fanatisme religieux, ça m’intéresse.

Vous n’êtes jamais angoissé par l’avenir…

Jean-Claude Carrière. Il ne faut pas dire ça. J’ai eu des périodes très difficiles dans ma vie. J’ai écrit un livre sur le sujet, Mon chèque (Plon, 2010) : les chèques n’arrivent jamais quand on les attend, comme vous le savez. C’est comme ça depuis cinquante ans. J’en attends un au moment où je vous parle… Maintenant, je touche ma retraite, donc ça va, mais comme j’ai pris la décision assez tard de vivre de ma plume, vers trente ans, après de longues études, ce fut très dur. J’ai publié Lézard (épuisé mais lisible sur e-book, sic ! – NDLR), mon premier roman, en 1957, dans l’indifférence quasi générale. Puis, coup de chance, je rencontre Jacques Tati et Étaix… Mon éditeur, Robert Laffont, avait signé un contrat avec Tati pour tirer deux livres des Vacances de Monsieur Hulot… Tati a choisi le mien. Ma rencontre chez lui m’a beaucoup impressionné. Il ne me regardait pas dans les yeux et mettait sa main devant sa bouche pour parler. Il n’avait pas lu mon chapitre… C’est Étaix qui l’avait lu. Ce fut la journée décisive de ma vie. Il m’a demandé ce que je savais du cinéma… Je ne savais rien ! Il a demandé à sa monteuse, Suzanne Baron, de m’emmener voir comment se fabriquait le cinéma. Dans une salle de montage, pas sur un plateau. Aujourd’hui encore, j’adore le montage. Il y a un vrai langage dans le cinéma. C’est une technique compliquée. Je ne cesse de le dire aux étudiants en cinéma. Un seul plan sur un œil (cf. Buñuel) peut dire beaucoup.

C’est votre art préféré ?

Jean-Claude Carrière. Je ne dirais pas ça. C’était un moyen de gagner ma vie, avec ma plume. Le premier film a marché (le Soupirant, avec Étaix). J’ai vécu un an et demi avec ce premier film. Ça m’a encouragé à continuer.

Quel est l’artiste avec qui vous avez préféré travailler ?

Jean-Claude Carrière. Contrairement à ce qu’on croit, ce n’est pas Luis Buñuel. Tout simplement parce que j’ai travaillé trente-quatre ans avec Brook et « seulement » dix-neuf avec Buñuel. Et puis il y a eu Étaix…

N’avez-vous pas la nostalgie 
de ces personnalités ?

Jean-Claude Carrière. Étaix est toujours là et j’ai un projet avec Brook. Je rencontre de nombreux jeunes gens de talent. Des comédiennes et des musiciens extraordinaires. Vous savez, la mort va nous surprendre un jour, comme disait Montaigne, « au milieu de notre jardin imparfait »… Lors d’un repas, ou en dormant. Vouloir créer une œuvre n’a pas de sens. Mieux vaut essayer de profiter de la vie en profitant de la conjonction entre réel et imaginaire.

Comment vous définiriez-vous ?

Jean-Claude Carrière. Comme un homme de gauche, non encarté, un hédoniste travailleur, un tranquille athée… La grande question de ma vie, c’est pourquoi la croyance est plus forte que la connaissance, chez la plupart des gens ? Ça reste pour moi une énigme…

Parce qu’ils ont peur de la mort ?

Jean-Claude Carrière. Ce n’est pas si simple. Il y a mille raisons. Pourquoi, alors que l’islam a une image de plus en plus violente, il y a de plus en plus de conversions ? Pourquoi la foi, qui les éloigne du savoir et de la sagesse, les envahit ? La croyance a encore une telle importance. La trouille est un des éléments… Dans tous les livres saints, il y a les mêmes thèmes de la paix… Et de l’épée. Le feu sur la terre. Les deux contraires existent dans toutes les religions : blanc et noir. Tout le monde sait qu’il n’y a rien, ni Dieu ni vie éternelle, mais personne ne veut l’admettre. Il n’y a que l’univers. Et il y a sans doute, d’autres univers encore, et d’autres êtres… que nous effraierons, un jour, car c’est nous les extraterrestres.

Le scénariste de Buñuel. Né en 1931 à Colombières-sur-Orb, dans l’Hérault, au sein d’une famille de viticulteurs, Jean-Claude Carrière est un ancien élève du lycée Lakanal et de l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Licencié en lettres et diplômé en histoire, il abandonne rapidement sa vocation d’historien pour le dessin et l’écriture. Après la publication de son premier roman, en 1957 (Lézard), il cosigne les courts et longs métrages de Pierre Etaix. Il deviendra par la suite scénariste de Luis Buñuel, mais aussi de Milos Forman, Jean-Paul Rappeneau et Volker Schlöndorff. Il ne se consacre jamais uniquement au cinéma. Parallèlement, il poursuit une carrière de dramaturge et d’adaptateur, en particulier avec Jean-Louis Barrault et Peter Brook. Ex-directeur de la Femis (qui succède à l’Idhec), Jean-Claude Carrière est surtout homme de tous les désirs. Marié à l’écrivaine iranienne, Nahal Tajadod (Elle joue, Albin Michel), il est père de deux filles, une de dix ans, l’autre de cinquante, née d’un premier mariage.

07/09/2012

Et si livre de P. Krugman devenait l’ouvrage de chevet du gouvernement ?

livre-krugman.pngL’ouvrage du prix Nobel d’économie et du chroniqueur du New York Times apporte un regard saisissant sur la crise économique qui frappe nos économies depuis 4 ans.

Pour Krugman cette crise apporte des souffrances inutiles. Les solutions existent, elles ne sont pas nouvelles. Depuis des années, on sait très bien quoi faire pour en sortir, en relançant l’économie, en compensant la faiblesse de la demande privée.

 

Un constat : l’effet cicatrice pour notre génération

Au point de départ, les ravages de la crise, le chômage, l’augmentation de la pauvreté, ainsi que les attaques répétées contre l’Etat providence sont posés par l’auteur. Le concept d’ « effet cicatrice », bien connu des sociologues, n’est pas oublié. Il permet à Krugman d’expliquer pourquoi les jeunes générations qui rentrent sur le marché de travail en temps de crise auront tout au long de leurs carrières des rémunérations et des opportunités moindres. La crise n’est donc pas un mauvais moment à passer mais un fardeau que nous trainerons comme un boulet tout le reste de notre vie.

Dépenser autant que nécessaire

La thèse de son livre est extrêmement simple et percutante : nous pouvons en finir avec cette crise, le chômage de masse et l’augmentation de la pauvreté. Pour cela, il suffit simplement que les Etats augmentent la dépense publique jusqu’à ce que la demande privée redevienne suffisamment importante.

Krugman sur le sujet est extrêmement clair, en matière de relance économique il vaut mieux trop que pas assez. Il préconise de dépenser autant que nécessaire jusqu’à ce que la machine économique reparte. C’est à dire augmenter les salaires des fonctionnaires, augmenter les allocations chômage et les minimas sociaux. C’est à dire investir dans nos universités et nos hôpitaux, construire des chemins de fers et des canaux, bâtir des logements basse consommation, engager la transition énergétique, mettre sur la table les milliards nécessaires à la fibre optique ou au très haut débit.

C’est moi qui insiste à ce point sur la dimension écologique de la relance, car il faut admettre que cela ne concerne que 10 lignes dans l’ouvrage. Il est plus que temps que les économistes traitent dans le même temps la question du chômage et celle du dérèglement climatique sinon on ne répondra jamais à la crise systémique qui nous frappe.

Les ravages des « austériens »

Son livre s’ouvre sur une longue description de pourquoi les dirigeants – qualifiés d’ « austériens » – se refusent à appliquer les recettes qui fonctionnent et pourquoi ils imposent une austérité dévastatrice. Il apporte une nouvelle compréhension sur la responsabilité des Etats dans cette crise. Selon lui, la crise n’est pas due au niveau de dette des pays mais à l’activisme dont ils ont fait preuve pendant 30 ans, gauche comme droite, pour déréguler la finance et favoriser l’accaparement des richesses par une infime minorité.

Son livre traite principalement le cas des Etats-Unis mais évoque aussi la situation européenne. Krugman est clairement eurosceptique mais admet l’effet dévastateur que revêtirait la fin de l’Euro. Il souligne à quel point la zone euro, du fait de ses asymétries, était vouée à une crise (existentielle) sans précédent. Les défauts de départ ont été accentués par l’absence de coordination des politiques économiques et par l’absence de constitution d’une entité fédérale au budget conséquent permettant aux économies les plus en retard de se développer. La politique allemande (Schröder bien avant Merkel), en faisant le choix de la réduction du coût du travail, a joué contre la zone euro elle-même. Elle aurait pourtant dû être le moteur de la consommation pour aider au développement des pays du Sud en important des biens à moindre coût.

L’ouvrage de Krugman apporte un nouveau regard sur les débats qui nous animent en ce moment en Europe tant sur la question du déficit budgétaire que de la cible de l’inflation.

La règle d’or : un contresens économique

Pour faire simple toute personne convaincue par l’ouvrage de Paul Krugman – et c’est mon cas – considérera la règle d’or comme un contresens économique. Krugman rappelle ce qu’est une trappe à liquidité, c’est à dire quand la banque centrale baisse son taux d’intérêt à un niveau proche de zéro (0,5% pour la BCE) et que malgré cela la croissance ne repart pas. Cela signifie simplement que les acteurs de l’économie ne sont collectivement pas prêts à acheter autant qu’ils souhaitent produire, c’est à dire que la demande est inférieure à l’offre. Dans ce cas là – et nous y sommes – la politique monétaire est inefficace, et la seule façon de réactiver la pompe économique, c’est la dépense publique. La politique budgétaire doit compenser l’inertie de la politique monétaire. Seul bémol, pour éviter que les taux d’intérêt de la dette augmentent et que la finance s’enrichisse sur le dos des peuples, il vaut mieux que la banque centrale prête directement aux Etats.

Et si le bon taux d’inflation était 4% ?

Sur l’inflation, Krugman là aussi sort des poncifs communément admis par la presse, les politiques et les économistes soumis aux dogmes des néolibéraux. Quand on est dans une situation de trappe à liquidité il n’y a strictement AUCUN risque d’inflation. Il multiplie les études qui démontrent que le niveau moyen d’une bonne inflation pour l’économie est plus proche de 3 à 5% que de 2%. Pour affirmer cela, Krugman ne s’appuie pas sur n’importe qui, mais sur un papier d’Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, que l’on pouvait qualifier par le passé dans le paysage socialiste français comme un économiste « Strauss-Khanien ». Selon lui, changer de cible d’inflation pour la banque centrale en la passant de 2 à 4% par exemple a plusieurs avantages. D’abord, sur le long terme cela baisse le coût relatif de la dette et permet de relancer l’économie par l’endettement sans enrichir la finance. Ensuite, cela permet d’avoir des taux d’intérêt réels négatifs ce qui permet de compenser les effets néfastes d’une situation de trappe à liquidité (si le taux d’intérêt est de 0,5% et l’inflation de 3,5% le taux d’intérêt réel est de -3%, c’est à dire que l’on gagne de l’argent en empruntant par rapport au fait d’épargner).

Enfin, pour reprendre un argument de Krugman avec lequel je suis nettement moins à l’aise sur la question du « coût du travail » en Europe. Ces dernières années le « coût du travail » a fortement augmenté dans les pays du Sud (Portugal, Espagne, Italie) tandis qu’il a stagné dans les pays du Nord (Finlande, Autriche, Pays-Bas, Allemagne). Les économies du Nord ont gagné en compétitivité et celles du Sud en ont perdu, l’exact inverse de ce que l’on aurait du faire si on souhaitait harmoniser la zone euro (et là on peut dire bravo au camarade Schröder).
Ce que préconise Krugman, c’est que les pays du Nord relancent leurs économies par la voie budgétaire, acceptent une inflation plus importante et surtout qu’ils augmentent leurs salaires tandis que les pays du Sud eux conserveraient le même niveau de salaire. C’est là où je suis mal à l’aise car il préconise une rigidité des salaires en période d’inflation pour les pays du Sud donc une perte de pouvoir d’achat pour compenser l’impossibilité pour ces pays de dévaluer. Les pays du Sud gagneraient en compétitivité relativement tandis que les pays du Nord grâce à la relance budgétaire retrouveraient le plein emploi.
Pour être clair, à chaque fois que les pays du Nord essaient de baisser leur « coût du travail » ils accroissent la récession des pays du Sud et renforcent la crise européenne. Pour le coup, les mouvements sociaux en Allemagne qui obtiennent des augmentations de salaires sont donc une bonne nouvelle pour les salariés allemands et surtout pour tous les salariés européens.

***

Nous allons avoir d’importants débats dans les semaines qui viennent, sur le TSCG bien entendu, mais surtout sur le premier projet de loi de finance de la gauche au pouvoir.

Est-ce une bonne chose de s’imposer un déficit à 3% alors que nous sommes en quasi récession et que notre pays compte plus de 5 millions de chômeurs ?
Est-ce une bonne chose de s’imposer l’équilibre budgétaire en 2017 quelque soit la situation économique et de l’emploi ?
Le débat européen ne devrait-il pas immédiatement se focaliser sur la possibilité pour la BCE de prêter aux Etats et de changer sa cible d’inflation ?

tmb-home.jpgCe ne sont pas des questions faciles et il est important de soutenir le gouvernement dans son action résolue pour le changement. Mais nous, socialistes, soyons à l’écoute quand des économistes « mainstream » comme Krugman ou Stiglitz nous incitent à prendre un autre chemin.

Thierry Marchal Beck, Président national des jeunes socialistes

18:52 Publié dans Actualités, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : krugman, jeunes socialistes, économie | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

25/08/2012

UNE JEUNE BEDOUINE PALESTINIENNE DE 14 ANS « PRIX NOBEL » DE LITTERATURE

nobel.jpgLe prix Hans Christian Andersen, parfois surnommé le petit prix Nobel de littérature, est un prix international décerné depuis 1956, tous les deux ans par l'Union Internationale pour les Livres de Jeunesse en reconnaissance d'une « contribution durable à la littérature pour enfants ».

Il y a deux catégories de lauréats : auteurs et illustrateurs. Le prix tient son nom de l'écrivain danois Hans Christian Andersen, et les lauréats reçoivent une médaille d'or des mains de la reine du Danemark.

Dans la ville italienne de Sestri Levante, le jury a décerné cette année le prix catégorie "adolescents" à Salha Hamadin jeune bédouine palestinienne de 14 ans résidant près de Jérusalem . L' adolescente primée, est l'auteure d'un conte s'inspirant de la dure réalité d'un quotidien vécu au sein de la communauté des Bédouins en Cisjordanie.

Les oeuvres de 1200 jeunes concurrents du monde entier, âgés de 11 à 16 ans, se trouvaient en compétition pour le prix du nom de l'écrivain danois.

Hantouch débute par une scène où un bulldozer militaire surgit pour démolir le foyer de la jeune fille, ce qui pousse son agneau favori à l'emmener en voyage. L'animal, qui peut voler, la transporte en Espagne où elle rencontre le célébrissime joueur de football Lionel Messi. Il revient avec elle en Cisjordanie et lui promet de réparer le terrain de football de la communauté bédouine. Il lui offre aussi une place dans son équipe mais elle refuse, affirmant qu'elle est la seule à pouvoir s'occuper du troupeau de moutons de la famille car son père est en prison.

"C'est la réalité qui m'a inspirée", raconte Salha. "J'ai l'habitude de penser et rêver à une vie meilleure." Le père de Salha, Souleiman, purge actuellement une peine de 25 ans de prison en Israël.

Membre de la communauté des bédouins Jahalin, sa famille habite en zone C de Cisjordanie restée sous le contrôle total d'Israël. Selon les chiffres du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, 2 300 bédouins vivent dans 20 campements sur des collines à l'est de Jérusalem. Bien que plus de 80% d'entre eux aient le statut de réfugiés, la plupart de leurs habitations, de leurs écoles et de leurs bergeries risquent d'être démolies car les autorités israéliennes refusent de leur accorder des permis de construire.

Malgré son succès, Salha ne veut pas déménager dans l'espoir que "le rêve devienne un jour réalité, que cet endroit soit reconnu et que les enfants puissent s'amuser sur des terrains de jeux".

17:29 Publié dans Actualités, Livre, Planète | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : palestine, prix nobel, andersen, salha hamadin | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

21/01/2011

LA LONGUE MARCHE DE ANDRE CHASSAIGNE

chasagne.jpgPour le communiste André Chassaigne, candidat à l'investiture du Front de gauche en 2012, ce n'est pas gagné! Le PCF soutient à peine ce drôle de "coco". Et la voix de l'Auvergne a du mal à passer face au très médiatique Jean Luc Mélenchon.

 André Chassaigne, 60 ans, admirateur de Karl Marx et d'Alexandre Vialatte, est un homme pugnace. Candidat à l'investiture du Front de gauche face à l'assourdissant Jean-Luc Mélenchon, le député communiste du Puy-de-Dôme bat la campagne, depuis l'été 2010, dans une semi-clandestinité savamment entretenue par la direction du Parti communiste, pour qui les urnes des scrutins présidentiels ne sont plus que funéraires, et par les médias nationaux, aveuglés par les têtes d'affiche de la politique spectacle.  

Moustache conquérante, verbe coloré, le grand timonier de Saint-Amant-Roche-Savine, 537 habitants, tourne donc dans les salles des fêtes quand le moindre éternuement de son rival du Parti de gauche tourne sur Youtube. "On suit toujours le sens de l'histoire quand on la pousse devant soi", écrivait Alexandre Vialatte. Alors, il pousse, le Dédé. Jusqu'à ce que les bras lui en tombent. 

Ah! Si la partie se jouait seulement entre les volcans d'Auvergne et ses chers monts du Forez... Ils ne sont pas nombreux, les villages de 500 âmes qui peuvent s'enorgueillir d'avoir abrité deux spécimens comme Alexandre Vialatte et André Chassaigne. Le premier se réfugia à Saint-Amant-Roche-Savine durant la guerre, où il rédigea en six semaines Le Fidèle Berger; le second y a entamé une carrière politique qui, ici, force le respect, et même l'admiration, droite et gauche confondues. 

André Chassaigne, monsieur 65 %

Il faut le voir, jour de marché, à Thiers, les joues rougies à force d'embrassades, trinquant au comptoir du Central avec son ami Chambriard, patron d'une grande coutellerie, pas franchement porté sur la révolution prolétarienne. "Ses scores aux dernières élections, c'est pas les voix du PC, c'est les voix à Dédé!" proclame le coutelier, en se resservant un coup de blanc. De fait, les résultats de André Chassaigne lors des scrutins des dix dernières années défient les lois de l'algèbre électorale et de l'inexorable déclin communiste.  

Elu député en 2002, réélu en 2007 avec plus de 65 % des suffrages, il s'est offert le luxe d'établir le record national des têtes de liste du Front de gauche, avec 14,2 % des voix au premier tour des régionales de 2010. Son secret? "Je vis mon communisme tel que je le conçois", explique ce fils d'ouvrier de Michelin, émancipé des dogmes du passé et des raideurs d'apparatchiks.  

L'ancien professeur de français, qui a préféré l'école normale des instituteurs à l'école du Parti, ne met jamais les pieds place du Colonel-Fabien. Il pousse même la singularité jusqu'à s'être découvert, sur le tard, un fort penchant pour l'écologie: après la lutte des classes, la fonte des glaces! En guerroyant, jour et nuit, à l'Assemblée nationale, André Chassaigne a donné son nom à un amendement anti-OGM. Un communiste vert, c'est nouveau, ça sort tout juste de terre. 

Le voici, maintenant, solidement calé dans le siège passager de sa 607 noire, au côté de Corinne, son attachée parlementaire, son chauffeur, sa boussole. La ferme de Marinette se cache au bout d'un chemin de terre, sur la route de Bertignat. La nuit va tomber, c'est l'heure de sortir la gnôle et les doléances. Au terme d'une vie de labeur, Marinette vient de passer le tablier à ses enfants. Elle touche royalement 540 euros de retraite. 

Jean Lasalle (MoDem) lui donne sa procuration

Denis, son fils, martèle la toile cirée en expliquant qu'il a renoncé à obtenir l'homologation européenne pour vendre ses fromages. Trop de paperasses à remplir quand on est encore à l'étable, pour soigner les vaches, après 10 heures du soir. Du coup, il n'a plus le droit de commercialiser sa fourme fermière à plus de 80 kilomètres de chez lui. Et le fromager de Vichy, à 87 kilomètres, se ravitaille désormais en Italie. "Il faut que je note ça, grommelle André Chassaigne. J'en parlerai à l'Assemblée." Et il en parlera. Il en parle toujours. C'est sa force.  

"A coup sûr, il figure parmi les dix députés les plus actifs de l'Hémicycle", souligne Jean Lassalle, son collègue et ami du Modem. Il fait le job, ''Dédé le rouge''. Il le fait si bien que c'est à lui que je donne procuration pour voter à ma place quand François Bayrou n'est pas disponible..." 

Au mois de juin prochain, la direction du PC soumettra au vote de ses militants le nom d'un candidat pour représenter le Front de gauche à l'élection présidentielle. André Chassaigne n'est pas dupe: Jean-Luc Mélenchon, "ce professionnel de la parole", a toutes les chances d'incarner l'homme providentiel. Au sein même de sa famille politique, l'élu du Puy-de-Dôme n'est soutenu que du bout des lèvres. Sa foi de laboureur peine à effacer les traces des humiliations subies par Robert Hue et Marie-George Buffet, en 2002 et en 2007, et son aura digne d'un Obama du Livradois-Forez ne brillera jamais jusqu'à Paris. 

Depuis cinq mois, il s'échine à faire passer le message d'une "candidature différente, porteuse de pluralité". Même dans L'Humanité, il a du mal à décrocher une interview. Les émissions politiques le snobent, les grands éditorialistes l'ignorent. Communiste et provincial, c'est beaucoup pour un seul homme dans la France de 2011. Il n'y a que les amuseurs pour s'intéresser à son cas. 

"Un plouc sympathique"

André Chassaigne, dont le pied-à-terre parisien est un lit de camp dans son bureau, a été invité chez Laurent Ruquier et chez Thierry Ardisson. A chaque fois, sa spontanéité, sa ferveur bonhomme ont crevé l'écran. Eric Zemmour lui a aimablement reproché de jouer au "plouc sympathique". Le plouc a diagnostiqué chez son interlocuteur "des crampes mentales", mettant les rieurs de son côté. 

Chaque jour, Jean Lassalle, qui a souffert, lui aussi, du dédain et de la condescendance, encourage son ami communiste à tenir bon. "La démarche de Chassaigne est pleine de panache, explique-t-il. S'il en bave, c'est qu'il y a un code pour exister sur la scène nationale. A Paris, la connaissance du terrain importe moins que la connaissance des règles du jeu..."  

Finalement, la vie de Dédé serait plus simple si les cadres de son parti couvaient sa candidature avec autant d'amour que ses opposants politiques. 

"Il pourrait faire un carton, façon Jacques Duclos"

Car Hervé Gaymard, l'ex-ministre UMP, lui aussi, est fan de André Chassaigne. Les deux hommes ont noué leur amitié sur les braises d'une même passion pour Alexandre Vialatte. "Dans notre société bling-bling, un type comme André Chassaigne, charpenté dans tous les sens du terme, représente quelque chose de vrai, souligne Hervé Gaymard. Je suis sûr que, dans l'opinion publique, il pourrait faire un carton, façon Jacques Duclos (NDLR: le candidat du PCF) en 1969." L'intéressé rosit sous le compliment. "C'est quelqu'un de bien, Hervé Gaymard. Je lui ai beaucoup téléphoné quand il a eu ses soucis d'appartement." 

Demain à Guéret, après-demain à Montluçon, au coeur de ces campagnes que les élites parisiennes finiront par moins connaître que la palmeraie de Marrakech, sa longue marche va reprendre. Au sortir de chaque réunion, André Chassaigne tentera de vendre quelques exemplaires de son livre, Pour une terre commune (éd. Arcane 17), grâce auquel il finance sa candidature autoproclamée. Il en a déjà écoulé 5 000. Un nouveau tirage est en cours.  

"A la librairie de Thiers, on ne le trouve plus. Il paraît que j'ai même battu Henri Potter!" relève-t-il avec une pointe de fierté. "Harry Potter...", corrige la fidèle Corinne, d'une voix faussement courroucée. Et c'est ainsi que Dédé est grand. 

ARTICLE PUBLIE DANS L'EXPRESS

19:26 Publié dans Actualités, Connaissances, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré chassaigne | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!