Prétendant que la défaite de la Russie en Ukraine est un “intérêt vital” pour l’Europe, Raphaël Glucksmann rabâche également en boucle sur tous les plateaux depuis 2022 qu’il est nécessaire de livrer des armes, et toujours plus d’armes à Kiev, faisant ainsi le plus grand bonheur des marchands de canons. Invité dans C à vous en février 2023, il affirmait que la guerre était une “obligation” pour l’Occident, qu’il fallait livrer “plus d’armes à l’Ukraine” afin d’atteindre “l’objectif stratégique de la défaite totale de Poutine”, balayant l’idée de pourparlers et d’accords de paix qui permettraient de mettre fin à l’hécatombe.
L’enlisement du conflit a déjà conduit à la mort de plusieurs dizaines de milliers de civils et de soldats ukrainiens comme russes. La jeunesse française, européenne et plus largement internationale ne souhaite pas mourir sur le front, dans le seul intérêt des oligarques et des magnats de l’armement. Face à la guerre, la désescalade devrait être une priorité pour la gauche européenne.
Raphaël Glucksmann souhaite enfin intégrer l’Ukraine ainsi que d’autres pays (notamment la Moldavie et la Géorgie) à l’Union européenne, risquant dès lors d’intensifier encore davantage les tensions avec la Russie, en plus de laisser envisager une catastrophe pour l’industrie française ayant déjà souffert de précédents élargissements (comme l’intégration de la Bulgarie en 2007, où le salaire minimum est de 332 € par mois).
Glucksmann l’euro-béat libéral
Au-delà de son agressivité géopolitique et de son atlantisme forcené, Raphaël Glucksmann, ancien membre du parti libertarien Alternative libérale et soutien de Nicolas Sarkozy, est un ambassadeur d’une Europe fédérale et capitaliste.
Raphaël Glucksmann est un fervent défenseur du “saut fédéral” européen. Il est donc partisan de la disparition progressive de notre souveraineté nationale au profit de Bruxelles et de sa doxa néolibérale, doxa qui tend à détruire toujours plus l’État social, comme elle a par exemple coulé notre fret ferroviaire cet été, à imposer l’union douanière, responsable de la fuite de notre industrie et du chômage de masse, et qui assomme notre économie avec ses règles budgétaires depuis Maastricht.
Raphaël Glucksmann, dont Xavier Niel, fondateur de Free, prédit déjà un bon score aux élections de juin, n’hésite pas à inciter les opposants à l’élargissement de l’Union européenne, notamment à l’Ukraine, à voter pour Jordan Bardella. C’est un jeu dangereux auquel il s’adonne, participant à banaliser un Rassemblement National affiché favori par plusieurs sondages.
Il est nécessaire de rappeler que le salaire minimum en Ukraine est inférieur à 200 € par mois, que son intégration conduirait dès lors à une explosion du dumping social et des délocalisations, que l’agriculture ukrainienne capterait près de 25 % du montant actuel de la PAC (Politique agricole commune), à l’heure même où nos agriculteurs réclament la possibilité de pouvoir vivre de leur travail.
Entre l’intégration de l’Ukraine et l’extrême droite, il y a pourtant une voix, celle d’une gauche de classe, qui sera portée aux élections européennes par le candidat communiste Léon Deffontaines. Face aux propos de Glucksmann, celui-ci a rappelé l’exemple de la délocalisation de l’usine Whirlpool, dans sa ville natale, à Amiens, partie produire en Pologne, où la main d’œuvre y est près de deux fois moins chère. Ce scénario, permis par l’union douanière, avait conduit au licenciement de près de 600 salariés. En ironisant à propos de Glucksmann, le candidat communiste avait déclaré : “On est passé de la gauche caviar à la gauche du dollar.”
Glucksmann le candidat de salon
Héritier du “social”-libéralisme d’Hollande et du tournant de la rigueur, Raphaël Glucksmann incarne aujourd’hui une gauche déconnectée de la classe travailleuse, de ses aspirations à la paix et à la justice sociale, et qui ne s’adresse en finalité qu’à une frange “progressiste” de la bourgeoisie des centres-villes.
D’après plusieurs sources, 100% des 10 à 15 places éligibles de sa liste seraient occupées par des CSP+ tandis que le premier employé arriverait en 40ᵉ position. Trois quarts des candidats éligibles seraient également parisiens.
Raphaël Glucksmann se réclame d’une gauche dépassée, va-t-en-guerre et destructrice socialement. Son projet politique ne saurait contenter que la classe dominante et ses intérêts. Il incarne dès lors une rupture, non pas avec l’ordre social établi, mais avec l’histoire d’une gauche sociale et pacifiste.
Le Parti socialiste, qui mime depuis près de deux ans un semblant de radicalité, au point de s’être quasiment effacé de la vie politique nationale derrière la figure de Jean-Luc Mélenchon, après avoir amené François Hollande (contre qui Olivier Faure n’a jamais frondé, soit dit en passant) à la tête de l’État, se trahit de nouveau aujourd’hui en envoyant aux élections européennes l’agent de Bruxelles et de Washington qu’est Raphaël Glucksmann.
Loin est l’époque de la SFIO de Jaurès, qui clamait que “le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage.” En ce sens, le fondateur de L’Humanité avait bel et bien raison, puisque Raphaël Glucksmann n’a rien, ni de socialiste, ni de pacifiste.
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