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19/03/2025

Député depuis 2002, le communiste André Chassaigne va quitter l'Assemblée

Après presque 23 ans à l'Assemblée nationale, André Chassaigne, élu député du Puy-de-Dôme sans discontinuer depuis 2002, a décidé de passer la main. A 74 ans, redevenu maire adjoint de son petit village de Saint-Amant-Roche-Savine, situé en Auvergne, il quittera le Palais-Bourbon le 31 mars. Il sera remplacé par son suppléant Julien Brugerolles. Et c'est Stéphane Peu qui lui succèdera à la présidence du groupe Gauche démocrate et républicaine. 

C'est l'une des moustaches les plus connues de l'Assemblée nationale. Voilà près de 23 ans que le communiste André Chassaigne arpente les couloirs du Palais-Bourbon en tant que député de la 5e circonscription du Puy-de-Dôme. Mais, à 74 ans, l'Auvergnat a décidé de passer la main, avant même la fin de la législature : il l'a officialisé, ce mardi 18 mars, lors du point de presse hebdomadaire du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qu'il préside depuis 2012. Il posera sa dernière question au gouvernement le 25 mars et quittera la représentation nationale le 31 mars.

Je remercie le conseil municipal, j'essaierai d'être utile, à ma place, rien qu'à ma place. André Chassaigne

Pour quoi faire ? André Chassaigne va regagner ses pénates locales. Vendredi dernier, il a été élu adjoint au maire de Saint-Amant-Roche-Savine, dans le Puy-de-Dôme, un village dont il a été l'édile pendant 27 ans, de 1983 à 2010, à la quasi unanimité (11 voix pour, un blanc). "Je remercie le conseil municipal, j'essaierai d'être utile, à ma place, rien qu'à ma place" pour "faire le travail qui peut être nécessaire pour la commune en toute humilité, tranquillement, en bon père de famille en quelque sorte. Encore une fois merci", a-t-il déclaré en réaction au vote, sous l'œil d'une caméra de LCP.

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Le maire Serge Joubert et André Chassaigne, le 14 mars 2025, à Saint-Amant-Roche-Savine

Un retour aux sources pas anodin, puisqu'il lui permet d'éviter que son départ de l'Assemblée nationale n'entraîne une élection législative partielle. En effet, le code électoral interdit le cumul d'un mandat de député avec celui de membre d'un exécutif local. Entre les deux, André Chassaigne choisit donc le second. Par conséquent, son suppléant et collaborateur Julien Brugerolles, de 32 ans son cadet (il est né en 1982), siègera à sa place dans l'hémicycle, à partir du 1er avril.

Quant à la présidence du groupe GDR, elle sera assurée par le député de Seine-Saint-Denis, Stéphane Peu, en binôme – comme c'était déjà le cas depuis juillet dernier – avec l'élue de la Réunion Emeline K/Bidi.

Une vie dédiée au militantisme et à la politique

C'est une page qui se tourne. "Il est temps que je cède ma place à un député d'une autre génération", expliquait fin janvier à l'AFP celui qui a été élu six fois au Palais-Bourbon. Ce qu'il répétait début mars, avec humour, dans l'émission Légi'stream de LCP : "Vous allez dans un magasin de brocante ou une antiquité, (...) les vieux meubles ça ne se vend plus, les jeunes n’en veulent plus. Il faut faire un peu de moderne." Une décision qu'il explique aussi par le "manque" qu'il éprouvait de ne plus exercer de mandat local. Et par sa volonté de "finir [sa] vie politique en toute humilité" en revenant aux mêmes fonctions qu'il occupait à 27 ans.

Car son engagement politique a débuté il y a fort longtemps : fils d'un ouvrier de l'usine Michelin à Clermont-Ferrand, André Chassaigne est entré aux Jeunesses communistes à l'âge de 16 ans. Ensuite, "dès que je suis arrivé à l'école normale d'instituteur [il fut professeur, puis principal de collège, ndlr.], j'ai fait un cercle de Jeunesses communistes, j'ai créé une cellule du PCF, j'ai été délégué syndical. J'étais extrêmement impliqué", se remémorait-il en mai 2019 dans l'émission Emois & moi.

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Ce parcours, son militantisme, son village de Saint-Amant-Roche-Savine, André Chassaigne l'évoquait aussi, aux côtés de Marie-George Buffet, dans le documentaire "Histoires communistes" diffusé sur LCP en 2020. "Il correspond beaucoup à l'idée du parcours ouvrier, il y a quelque chose de très coco dans son ascension", témoigne Elsa Faucillon (GDR) qui, malgré des "échanges un peu costauds" sur la ligne interne au parti, voit dans "cette histoire sociale" quelque chose de "fort". Et d'ajouter, notant l'affaiblissement actuel du mouvement communiste : "J'aimerais qu'on soit en capacité de le produire davantage."

Avant d'être élu et réélu député à six reprises, "Dédé" s'y est repris à de – très – nombreuses reprises pour devenir député : candidat pendant 24 ans sur la même circonscription, il décroche enfin la victoire en 2002 face au prétendant socialiste. "Election après élection, je progressais. (...) C'est assez extraordinaire aujourd'hui où certains sont élus députés alors qu'ils n'étaient même pas inscrits sur les listes électorales un an avant !", racontait début mars celui qui a aussi été conseiller général à 29 ans et conseiller régional d'Auvergne pendant plusieurs années. Aux législatives de 2002, André Chassaigne est le seul à conquérir une nouvelle circonscription, quand le PCF perd quatorze sièges à ce scrutin. 

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"André Chassaigne, j'ai appris à le découvrir à la télévision, en regardant les séances à l'Assemblée et les Questions au gouvernement", se rappelle le député Générations Benjamin Lucas (Ecologiste et social), élu pour la première fois en 2022. "C'est une voix, une présence, un charisme particulier et des convictions", poursuit-il, évoquant une personnalité "qui prouve que la démocratie n'est pas l'absence de conflit" et "qu'on peut être en désaccord et se respecter"

Une figure respectée de l'Assemblée

La majorité de ceux qui l'ont côtoyé, même parmi ses adversaires politiques, disent leur respect pour un collègue reconnu pour son franc-parler et son engagement en faveur des territoires ruraux. "C'est une figure de l'Assemblée, pas simplement par sa longévité, mais par son art oratoire, très passionné", estime Charles de Courson (LIOT), député depuis… 1993 ! "C'est un vrai républicain, quelqu'un de pragmatique, pas quelqu'un de sectaire, quelqu'un avec qui on peut dialoguer, ça devient rare", poursuit le député de la Marne, qui parle d'André Chassaigne comme d'un "grand nounours". 

Il est l'un des personnages les plus respectés et appréciés de l'Assemblée. Ses prises de parole ont le mérite d'être marquées du sceau de la sincérité. Yannick Favennec (député Liot, membre d'Horizons)

Yannick Favennec, lui aussi député LIOT et membre d'Horizons, partage le même avis. "Il fait l'unanimité. C'est l'un des personnages les plus respectés et appréciés" du Palais-Bourbon, "d'une part par ses prises de parole, qui ont le mérite d'être toujours claires et marquées du sceau de la sincérité, et parce que c'est quelqu'un qui a énormément d'empathie". Pourtant "assez loin" de l'Auvergnat sur l'échiquier politique, l'élu membre du parti d'Edouard Philippe dit son "respect" et même son "admiration" pour l"homme, "encore plus depuis 2017, où sont arrivés des gens hors sol qui ne connaissaient pas les codes de l'Assemblée et qui ont cru pouvoir donner des leçons aux anciens".

En juillet 2024, tout juste réélue à la présidence de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République) lance dans l'hémicycle à  l'intention de ses concurrents, au rang desquels le communiste, qui avait été choisi par la gauche pour être le candidat du Nouveau Front populaire au Perchoir : "Je veux remercier et féliciter tous les députés qui se sont présentés aujourd'hui. En premier, Monsieur le président Chassaigne, qui sait à quel point je le respecte et apprécie." Ce que ne manque pas de railler un jeune élu insoumis. "Ceux qui disent tout leur respect aujourd'hui sont les mêmes qui refusaient de voter pour un stalinien à la présidence de l'Assemblée !", lâche-t-il, tout en indiquant que le départ de l'Auvergnat ne lui ni chaud ni froid : "Il fait ce qu'il veut, je m'en moque." Un commentaire qui illustre les relations tendues entre le chef de file des députés PCF et le parti de Jean-Luc Mélenchon.  

Lois Chassaigne 1 et 2 sur les retraites agricoles

Député jugé actif – il a même été auréolé du titre de meilleur élève de la législature 2012-2017 selon un classement établi par Capital –, André Chassaigne laissera son nom sur deux textes de loi : la revalorisation des pensions de retraites agricoles votée à l'unanimité en 2020, dite "Loi Chassaigne 1", son "meilleur" souvenir dans l'hémicycle et l'aboutissement d'un "combat conduit sur plusieurs années". Suivra une proposition de loi actant une hausse des pensions agricoles "les plus faibles", celles des conjoints et des aidants familiaux, adoptée en 2021. 

Pas plus tard que lundi soir, André Chassaigne s'est réjoui, dans l'hémicycle, de terminer son mandat sur une mesure qui lui tenait à coeur "Depuis 20 ans, je me bats, sur chaque proposition de loi sur l'agriculture, sur les coefficients multiplicateurs. Je n'avais pas penser qu'à deux semaines de la fin de mon mandat parlementaire, j'allais remporter une victoire aussi considérable."

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Resteront également en mémoire plusieurs coups de gueule retentissants : son "Honte à vous !" lancé en novembre 2024 au gouvernement, qui avait fait répondre son ministre de la Mer et de la Pêche, sur les morts de migrants en mer ; son "Vous êtes sur le point de commettre l'irréparable" en décembre 2023 à l'adresse d'Elisabeth Borne, alors Première ministre, sur la loi immigration. "On n’en peut plus de ce déni de démocratie, c’est une véritable mascarade !", s'était aussi indigné André Chassaigne, en 2015, quand Manuel Valls avait déclenché le 49.3 sur la loi Macron. Sur ce même texte, il avait défendu un amendement en 25 secondes. En juillet 2018, c'est l'élu Auvergnat qui avait porté la motion de censure de la gauche sur l'affaire Benalla, qualifiant les députés de La République en marche de "simples 'digéreurs', intestins silencieux de la bouche élyséenne". L'année suivante, lors d'un débat sur le Ceta, il dénonçait un accord commercial basé sur "une théorie du XIXe siècle qui bousille les individus et la planète". 

Devancé par Jean-Luc Mélenchon

Outre sa tentative d'accéder au Perchoir, André Chassaigne s'est positionné deux fois en vue de l'élection présidentielle. Sans finalement se lancer dans la course à l'Elysée. En vue du scrutin de 2012, le député se porte candidat à la candidature pour représenter le Front de gauche, affirmant ne pas vouloir que la politique "soit réservée aux spécialistes", mais s'incline lors du vote des militants communistes qui préfèrent se ranger derrière Jean-Luc Mélenchon. A l'époque, c'est la première fois, depuis 1974, que le PCF n'a pas de candidat à la présidentielle. Cinq en plus tard, en 2017, André Chassaigne se dit "disponible" si son parti voit en lui "une bonne solution". Mais les choses se dérouleront encore différemment. Contrairement aux cadres du Parti communiste, les adhérents se prononcent pour rallier Jean-Luc Mélenchon plutôt que pour une candidature autonome. 

En novembre 2016, le jour de l'ouverture du vote, l'Auvergnat estimait sur LCP qu'un tel choix serait "un coup fatal" porté au PCF. "Nous n'aurons plus le droit à la parole dans cette campagne présidentielle", or "je crois qu'on a encore besoin dans ce pays d'un Parti communiste". En vue des élections législatives à suivre, il dit regretter que "tous ceux qui s'élèvent contre le candidat autoproclamé Jean-Luc Mélenchon [soient] considérés comme étant des ennemis à abattre".

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En 2018, lors du 38e congrès du PCF, le texte d'orientation intitulé "Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle" porté par André Chassaigne et Fabien Roussel – qui deviendra dans la foulée secrétaire national du parti – met en minorité la proposition de base commune présentée par le dirigeant sortant Pierre Laurent. Ils appellent à une "réorientation stratégique" et "le développement d'une ambition communiste". "Nous voulons conjurer le risque d’effacement. (...) Notre affaiblissement n'est pas une fatalité", peut-on également lire. 

"J'ai un sentiment de travail accompli, je n'ai pas honte de ce que j'ai fait", commente aujourd'hui André Chassaigne, l'œil dans le rétroviseur, "sans en tirer de glorioles". Mais avec lucidité : "J'arrive à 75 ans et j'arrive dans un monde qui est à l'opposé de ce que j'aurai voulu construire", confiait-il récemment sur LCP. Et une certitude malgré tout réaffirmée : "Plus que jamais aujourd'hui, on peut être communiste. (...) Le communisme, c'est le bonheur pour le plus grand nombre."

 

11:50 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré chassaigne | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

18/01/2022

André Chassaigne : « Il est illusoire d’espérer être au second tour »

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ENTRETIEN. Le député communiste refuse de céder aux sirènes de la candidature unique et appelle la gauche à se recentrer sur ses fondamentaux.

Voilà bientôt vingt ans qu’André Chassaigne promène sa silhouette et sa moustache blanche dans les travées de l’Assemblée nationale. À la tête du groupe de la Gauche démocrate et républicaine depuis 2012, le député communiste du Puy-de-Dôme, qui se représentera en juin, affiche aussi un long parcours d’élu local commencé en 1977 à la mairie de Saint-Amant-Roche-Savine.

En vieux briscard, cet ancien professeur d’histoire-géographie, qui a été candidat à la présidentielle en 2012 face à Jean-Luc Mélenchon, porte un regard acéré sur le paysage politique national. Et s’il regrette l’état dans lequel gît aujourd’hui la gauche, il se félicite du discours parfois décapant du candidat de son cher Parti communiste, Fabien Roussel.

Le Point : Le climat général de la France n’est pas au beau fixe. On sent une défiance généralisée vis-à-vis des élus, vis-à-vis des institutions et même de la communauté scientifique. Comment analysez-vous cette séquence ?

André Chassaigne : Le rejet de la parole politique, qui se double d’un manque de confiance dans la parole scientifique, est un phénomène ancien. Cela vient du fait que la politique a perdu de son éthique. Trop souvent la politique est faite de promesses, notamment pendant les campagnes électorales, de petites phrases et de choix à court terme. Elle ignore les fondamentaux qui consistent à répondre aux besoins des gens. La parole politique ne se concrétise plus par des actes qui prennent en compte les réalités du quotidien. C’est ce qui s’est manifesté, en particulier avec le mouvement des Gilets jaunes, qui est l’expression d’une souffrance du quotidien, et qui témoigne aussi d’une blessure, car une partie de la population se sent méprisée et rejetée.

Pourquoi la gauche n’arrive-t-elle pas à apporter une réponse politique à cette colère et à cette défiance ?

Parce que la gauche a oublié ses fondamentaux. Entre 2012 et 2017, avec la loi El Komry et aussi la loi Macron, François Hollande a conduit une politique à contresens de celle qu’il avait annoncée. Et ça, cela laisse des traces. C’est rédhibitoire. Alors qu’il avait dit qu’il lutterait contre la finance, il a mené une politique qui ne se différencie guère de celle qu’auraient pu conduire des libéraux s’ils avaient été aux manettes.

L’union de la gauche est-elle possible à nouveau ?

Je vais séparer deux choses pour ne pas tomber dans le piège de la question. Il y a d’abord la présidentielle, et ensuite les législatives. Il faut comprendre que le système de la Ve République avec son élection présidentielle suivie des élections législatives entraîne une personnalisation du pouvoir forte. Résultat, le parti qui ne participe pas à la course présidentielle disparaît du paysage politique. L’élection présidentielle, c’est une trappe à petits partis, c’est aussi une trappe à idées qui ne peuvent pas être défendues sous le prétexte de vote utile.

Il était donc impensable, cette fois-ci, de ne pas avoir de candidat communiste comme en 2012 et 2017… Vous regrettez ces choix ?

En 2012, j’étais favorable au Front de gauche et à la candidature unique de Jean-Luc Mélenchon. Je me suis présenté contre lui car je ne voulais pas d’un candidat autoproclamé. Mais on était dans une dynamique et je l’ai soutenu. En 2017, je me suis battu au sein du Parti communiste pour qu’il y ait un candidat communiste. Le vote interne a choisi de soutenir une fois encore Jean-Luc Mélenchon. Ce soutien s’est fait sans programme commun. Résultat : aux élections législatives, l’une des priorités de La France insoumise a été de plumer la volaille communiste. Leur objectif était qu’il y ait le moins de députés communistes possible. Voilà pourquoi je considère qu’en 2017, c’était une erreur de ne pas avoir de candidat qui porte nos orientations politiques, qui sont différentes de celles des socialistes et des Insoumis. L’élection présidentielle est un canal pour développer nos idées, essayer de mettre des graines dans les consciences afin de permettre une transformation de la société.

Vous n’êtes donc pas favorable à une candidature unique de la gauche pour la présidentielle ?

Je considère comme illusoire, trompeur, artificiel de dire que l’on peut avoir une candidature unique de la gauche. Pourquoi ? Parce que cela reposerait sur une personnalité et pas sur un programme. Aussi même s’il y avait l’espoir de gagner, ce qui n’est pas le cas, ce serait pour faire quelle politique ? Je sais qu’il y a une demande du peuple de gauche pour une candidature unique. Mais même si on y arrivait et si on gagnait, ça pourrait avoir des effets à moyen terme et à long terme désastreux. Notamment si nous n’étions pas capables de mettre en œuvre une politique de transformation de la société. Le deuxième élément, c’est que la gauche est aujourd’hui tellement affaiblie qu’il est illusoire d’espérer être au second tour. Le fait de se rassembler n’y changera rien.

Ne serait-il pas urgent de préparer l’Union pour les législatives pour avoir une opposition capable de faire entendre sa voix ?

Je le crois. Le conseil national du parti a pris la décision de travailler à un socle de propositions. Il y a déjà des contacts qui sont pris. Passée la présidentielle, il va falloir qu’on réfléchisse, car quel que soit le président ou la présidente de la République élu(e), tout ne sera pas joué. La gauche peut retrouver des forces au niveau du Parlement. Je ne suis pas pour un accord national, mais il serait pertinent d’en nouer sur certains territoires pour être au second tour et pour avoir une chance de gagner des circonscriptions.

D’où viendra alors le salut de la gauche ?

Il faut aller chercher ceux qui s’abstiennent et ceux qui votent en faveur de l’extrême droite. Or, on n’ira pas chercher cet électorat-là en se contentant d’avoir une candidature de rassemblement, surtout si elle apparaît artificielle. Pour aller le chercher, il faut des organisations politiques avec des candidats qui développent leurs propres thèses. Ainsi et seulement ainsi, on pourra reconquérir l’électorat populaire qui est parti.

Comment le Parti communiste a laissé s’échapper cet électorat populaire ? Et comment le Rassemblement national, lui, s’est-il imposé auprès de lui ?

Il faut que je pèse mes mots. Je suis obligé de me censurer un peu. On a abandonné, au nom d’une forme de boboïsation intellectuelle, ce que j’appelle nos fondamentaux. Le Parti communiste a perdu ses bases ouvrières parce qu’il a délaissé la valeur travail. Comme nous avons participé à la création de la sécurité sociale en 1946, il nous faut aujourd’hui défendre la mise en œuvre d’une sécurité du travail. L’idée est de garantir un travail ou une formation rémunérée à toute personne qui rentre dans la vie active, et cela jusqu’à la retraite. Nous défendons aussi l’idée que le revenu du travail soit plus élevé que les aides sociales. Et ça, c’est un discours qui décape. Mais je pense que le peuple comprend ça. Le travail a été délaissé par les communistes : on était plus sur une posture sociétale.

Est-ce la seule erreur commise par les communistes, qui ont du mal à dépasser la barre des 5 % aux élections ?

Nous n’avons pas eu le courage politique de porter des propositions qui pouvaient heurter une majorité de citoyens. Ainsi, pendant plusieurs années, on a pris des gants pour dire qu’on était favorable à l’énergie nucléaire. Parce que s’était développé dans le pays un mouvement qui consistait à dire que c’était assassin d’être favorable à l’énergie nucléaire. Aujourd’hui, Fabien Roussel dit clairement que l’énergie nucléaire est indispensable pour notre développement économique. Bien sûr, nous sommes favorables aux énergies renouvelables, mais par pitié arrêtons de créer une illusion avec ces dernières : on ne pourra pas mettre des éoliennes, des panneaux photovoltaïques et de la géothermie partout.

Enfin, nous avons délaissé la qualité de la vie et du quotidien des gens. Je suis issu d’un territoire rural et j’ai découvert les difficultés du quotidien dans la ville en arrivant à l’Assemblée nationale en 2002. J’ai été effaré quand les députés m’ont raconté qu’il y avait des quartiers entiers qui étaient abandonnés. Cela pour vous dire que par rapport aux questions de sécurité, nous n’avons pas été assez fermes dans nos propos, comme si nous étions gênés, voire tétanisés, de parler de cela. Les élus de terrain dans ces quartiers difficiles ont fait le boulot, mais je pense que dans nos propositions nationales, nous n’avons pas été suffisamment offensifs en défendant une politique plus sécuritaire. Et dire qu’il faut plus de force de police, une police de proximité, qu’il faut mettre les moyens par rapport à ça, ce n’est pas être fasciste.

Qu’est-ce que c’est qu’être un communiste en 2022 ?

Je suis fils d’ouvrier et j’ai le sens des choses. Pour moi, être communiste, ce n’est pas admirer le modèle soviétique – ça l’a été quand j’étais jeune, je ne veux pas le nier car il y avait ce regard admiratif sur ce système alimenté par une propagande vantant les évolutions industrielles, la culture, la démocratie et les kolkhozes. Mais tout ça a volé en éclat rapidement. Être communiste, c’est se battre pour plus de justice sociale et faire que les gens vivent mieux. C’est en finir avec l’argent roi et cette financiarisation scandaleuse et excessive qui fait que certains vivent sur un tas d’or et que d’autres à côté n’arrivent pas à vivre dignement. Je pense qu’il faut transformer la société. Notre difficulté est qu’on a du mal à montrer ce que serait la société que nous défendons. Ça a tellement été un gâchis dans les pays dits socialistes qu’aujourd’hui cette perspective d’une autre société, plus juste, plus humaine, on a du mal à la faire imaginer.

Fabien Roussel ne décolle pas dans les sondages. Comment expliquez-vous cela ?

Même si cela ne se traduit pas encore dans les enquêtes, les remontées que j’ai sur le terrain au sujet de sa campagne sont bonnes. On me dit qu’il parle clairement et simplement.

Certes… Mais il reste en dessous des 3 %…

Fabien Roussel est un député de terrain, qui est dans la vraie vie. Il n’a pas une approche idéologique et intellectuelle, il part du concret. En plus, il a une personnalité séduisante. La question qui se pose, c’est comme pour une imprimante : quand on met le papier, est-ce que cela va imprimer ou pas ? Même si cela ne se traduit pas dans les sondages, je suis assez optimiste sur le fait qu’il va y avoir un décollage. Ce n’est pas de la méthode Coué. Car au-delà de sa personnalité, les gens commencent à dire que les idées qu’il défend ne sont pas celles des autres candidats de gauche… Ce qui peut imprimer, c’est son courage de porter des idées contraires à l’air du temps, avec transparence et clarté.

Est-ce que vous craignez la primaire populaire ?

Fabien Roussel n’a pas été retenu, mais je ne la crains pas car elle n’a de sens que si elle s’appuie sur un programme, sur des objectifs partagés.

Et la candidature de Christiane Taubira ?

J’ai beaucoup d’estime pour Christiane Taubira. C’est quelqu’un que j’apprécie. Mais là, elle débarque à un mois de l’officialisation des candidatures, sans programme, uniquement sur la base de sa personnalité… Sa candidature ne va pas résoudre les difficultés. Cela va juste amener une candidate de plus.

Quels sont vos points de divergence avec La France insoumise et avec la candidature de Jean-Luc Mélenchon ?

On a des différences au niveau des idées notamment sur le nucléaire et sur le rapport au travail. Nous ne sommes pas pour le revenu universel. Mais aussi sur la façon de faire. Je vous donne un exemple : les Insoumis ont porté une proposition de loi pour arrêter l’utilisation du glyphosate au 1er janvier prochain. Nous sommes évidemment d’accord, mais nous avons conscience que cela ne peut pas se faire d’un coup de baguette magique et qu’il faut accompagner les agriculteurs. Souvent, ils ont une approche idéologique qui est à l’opposé de notre culture. Ils ne tiennent pas compte des réalités du terrain. Ils sont dans une logique tribunitienne, ils vont préférer d’emblée rejeter un texte alors que nous, nous aurons tendance à vouloir le discuter pour l’amender. Leur discours ne s’adresse pas à ceux qui sont dans l’hémicycle mais à ceux qui sont à l’extérieur. C’est leur parti pris. Nous sommes moins dans la violence verbale et l’attaque. Je me sentirais mal dans leur groupe. Nous ne visons pas seulement la prise de pouvoir, nous cherchons aussi à être utiles aux gens que nous représentons. Cela se voit aussi sur le terrain, lors des grèves, on essaie d’accompagner les gens pour trouver des solutions concrètes. Jamais je ne suis allé devant une usine avec un mégaphone pour gueuler et lever le drapeau rouge. Je préfère demander à rencontrer le chef d’entreprise et essayer de faire avancer les choses.

L’urgence climatique est là et elle est visible. Comment les communistes y répondent-ils ?

La priorité, c’est de suivre les recommandations du Giec. Il s’agit d’une urgence absolue pour la planète et les humains, car c’est une question de vie ou de mort à moyenne échéance. Aussi la mesure prioritaire est évidemment de décarboner l’économie. C’est d’ailleurs un argument supplémentaire en faveur du nucléaire. Un autre domaine sur lequel il faut mettre les moyens : la rénovation énergétique des logements. Il faut aller plus loin que ce qui se fait aujourd’hui. Il ne faut pas opposer la lutte contre le changement climatique et la question sociale. Il y a de gros investissements à faire dans le public, sur le transport, sur les logements. J’ai défendu une proposition de loi qui visait à sortir du déficit toutes les dépenses faites pour lutter contre le réchauffement climatique. Ça a été recalé, mais l’idée fait son chemin. Pendant la crise sanitaire, on a laissé de côté le Pacte de stabilité. Je dis : faisons de même pour la crise écologique.

La gauche n’est-elle pas gênée avec le discours des Verts sur la sobriété et la décroissance ?

Aujourd’hui, on considère que les réponses aux problèmes de la planète relèvent des comportements individuels. Je ne dis pas qu’il ne faut pas changer nos habitudes, mais il faut aussi des actions politiques fortes sur l’obsolescence des produits, sur le recyclage… Notre mode de vie doit évoluer, mais la sobriété ne s’accompagne pas forcément d’une décroissance, car il y a des besoins à satisfaire au niveau de la population.

Il y a un autre sujet de fracture à gauche, c’est tout ce qui concerne la cancel culture… Le wokisme a tendance à prendre le pas sur la lutte sociale…

Pendant toute une période, le Parti communiste a été sur des luttes spécifiques : les sans logement, les sans-papiers, les sans travail, les exclus, les femmes… Je ne dis pas qu’il ne faut pas défendre ces causes, mais cela entraîne une fragmentation des messages. Je suis convaincu qu’il faut qu’on ait une approche globale en considérant que tous ces problèmes sont les conséquences d’un système libéral où l’argent l’emporte sur tout.

Quel bilan faites-vous de cette mandature ?

Je déplore les effets néfastes d’une majorité pléthorique. Le Parlement ne remplit pas son rôle car il est à la solde de l’exécutif. On a besoin d’un Parlement plus frondeur. Quand je les vois se lever comme un seul homme pour applaudir un ministre qui dit des contre-vérités ou qui fait de la communication, je me dis : mais qu’est-ce que c’est que ce Parlement ? Les mardis après-midi, c’est terrible : on a affaire à des ministres qui ne reconnaissent aucune erreur. Sauf, parfois, Jean Castex. Ils nous chantent tous la même chanson : « Tout va très bien, madame la Marquise… » Ils ont la queue du renard qui sort de la gueule, mais ils assurent qu’ils ne l’ont pas croqué. Olivier Véran est le spécialiste : on peut lui donner la Légion d’honneur dans ce domaine. Quand j’étais député sous une majorité de droite, et que je portais un amendement, s’il était correct, il était retenu. Aujourd’hui, aucun respect de l’opposition. Vous présentez un amendement, ils le récupèrent et le recyclent pour qu’il leur soit attribué.

La victoire d’Emmanuel Macron est-elle inéluctable ?

Autant je le croyais, il y a un an, autant je ne le crois absolument plus. Même lui doute… Ce n’est pas pour rien qu’il a fait sa sortie dans Le Parisien : il essaye d’alimenter les clivages pour redonner du souffle à l’extrême droite. Il avait beaucoup misé sur un second tour avec Marine Le Pen, mais, aujourd’hui, il a compris qu’il pourrait se trouver face à un autre candidat. Et là qui peut prédire le résultat ? Personne ! Les jeux sont beaucoup plus ouverts.

Est-ce que vous serez candidat aux élections législatives ?

Oui. Je ne suis pas tout jeune, mais j’aime le travail que je fais à l’Assemblée et j’ai envie de continuer. J’avais un suppléant qui aurait dû prendre ma suite, mais il est devenu conseiller départemental et ça lui plaît. Je vais donc me représenter avec un nouveau suppléant plus jeune qui j’espère un jour me succédera. J’attends avec gourmandise de faire campagne électorale. Parce que depuis deux ans, on n’est plus en lien avec la population comme avant. Moi, j’étais toutes les fins de semaine sur le terrain dans les communes, les manifestations et sur les marchés… Cela me manque énormément.

Source le Point

 

24/04/2020

Non, Monsieur le gouverneur de la Banque de France, la dette du Covid-19 ne sera jamais remboursé

André Chassaigne, dette, coronavirus

André Chassaigne, député PCF, Président du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine

L’endettement public engendré par le plan d’urgence contre l’épidémie oblige à sortir des dogmes monétaires. Pourquoi pas financer directement par la BCE les Etats et dans la foulée annuler d’une partie de la dette existante ?

Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, ancien directeur général adjoint de BNP Paribas, annonçait qu’il faudrait, dans la durée, rembourser la dette publique contractée pour faire face à la crise du coronavirus.

A l’en croire, l’orthodoxie budgétaire doit demeurer la règle, quoi qu’il en coûte à nos concitoyens.

En faisant le choix d’un endettement massif pour faire face à la crise, le gouvernement a pourtant délibérément rompu avec le dogme budgétaire qui faisait dire au chef de l’Etat, il y a encore quelques mois, qu’il ne disposait pasd’« argent magique » pour sauver l’hôpital et financer notre système de santé.

Du haut des fonctions qu’il occupe, le gouverneur de la Banque de France n’ignore évidemment pas que la dette publique, et a fortiori celle accumulée durant la crise actuelle, ne sera jamais remboursée

Le gouvernement s’est donc en dernier ressort rangé, de manière pragmatique, derrière un principe simple : Il est rationnel de s’endetter quand il y a urgence économique, sociale ou environnementale, d’autant plus quand les taux d’intérêt sont faibles

Cette crise fera sans doute passer le niveau de notre dette publique à 115%, 120% du PIB, voire davantage. Du haut des fonctions qu’il occupe, le gouverneur de la Banque de France n’ignore évidemment pas que la dette publique, et a fortiori celle accumulée durant la crise actuelle, ne sera jamais remboursée. L’histoire économique a montré que jamais un pays n’a remboursé sa dette et que l’intérêt général commande de ne pas compromettre l’avenir dans des politiques de restrictions budgétaires.

"Monde d'après"

Les déclarations du Gouverneur n’ont au fond pour but que de nous faire entendre la petite musique habituelle, cet air de pipeau que joue studieusement le secteur bancaire depuis des années, afin de faire accroire aux peuples qu’ils doivent en bon « père de famille » assumer de se serrer toujours plus la ceinture.

A l’heure où fleurissent les attentes et les promesses d’un monde d’après plus juste et solidaire, les serviteurs zélés du système économique préparent l’appel à verser “de la sueur, du sang et des larmes”.

Pourtant, nous savons qu’à l’issue de la crise actuelle les besoins de financement public seront plus importants que jamais, que l’Etat aura un rôle central à jouer dans la relance économique, le redressement de notre système de santé, la réussite de la transition écologique.

Pour éviter l’écueil d’une nouvelle cure d’austérité, injuste et mortifère, deux solutions majeures sont sur la table : la première, la monétisation de la dépense publique, et la seconde, le financement direct des Etats couplé à l’annulation d’une partie de la dette existante. Ces alternatives, nécessitent de faire preuve de réalisme et de volonté politique. Mais elles sont parfaitement viables et doivent être inscrites à l’ordre du jour des discussions avec nos partenaires européens.

monétiser les dépenses d’investissement des Etats

La première est certainement la plus novatrice et la plus radicale : elle consiste à monétiser les dépenses d’investissement des Etats, afin que celles-ci ne pèsent plus sur la dette publique. Les Etats pourraient alors mener des politiques d’investissement ambitieuses, financées directement par la BCE, sans avoir à rembourser ces sommes dans le futur. Un tel changement marquerait une évolution de doctrine majeure mais nécessaire.

La seconde option pourrait constituer une première étape ambitieuse. Aujourd’hui, la BCE rachète aux banques des titres de dette publique, qu’elles avaient elles-mêmes achetés aux Etats. Dès lors, pourquoi ne pas l’autoriser à consentir des prêts de long terme directement aux Etats pour leur permettre d’investir massivement dans la transition écologique, la santé ou la recherche ? Certes, ce financement direct accroîtra le niveau de dette, ce qui pourrait poser un problème de soutenabilité. Il faudra alors que la BCE annule une partie de la dette des Etats qu’elle détient. Une telle solution n’a rien d’extravagant : l’Allemagne en 1953, l’Irak en 2005 ou encore l’Argentine en 2006 sont autant de pays qui ont vu une partie de leur dette publique annulée par leurs créanciers. Il suffira pour cela que la BCE compense ses pertes par de la création monétaire dont elle détient le monopole.

Bâtir le monde d’après, dans une perspective écologique, sociale et solidaire, impose de ne pas reproduire les erreurs de 2008 et de nous détourner des potions amères que préconise le gouverneur de la Banque de France. Il est temps d’abandonner le dogme de l’austérité à « la critique rongeuse des souris » et d’ouvrir la voie à une transformation radicale de notre système monétaire et économique.

Publié dans Marianne

19:21 Publié dans Cactus, Economie, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré chassaigne, dette, coronavirus | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

02/10/2015

Affaire Morano : "Retirer le mot race de notre législation permettra une éducation populaire"

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Après les propos de Nadine Morano sur la "race blanche", le député PCF André Chassaigne milite pour la suppression du mot "race" du droit français.

Et si les récentes déclarations de Nadine Morano sur la "race blanche" étaient l'occasion d'un coup de balai dans le droit français ?

Les parlementaires de la gauche de la gauche ont demandé au gouvernement, mercredi 30 septembre, d'inscrire à l'ordre du jour du Sénat une proposition de loi supprimant le mot "race" de la législation.

Le texte, déjà adopté à l'Assemblée nationale en mai 2013, avait été déposé notamment par le président du groupe Gauche démocrate et républicaine, André Chassaigne.

Francetv info revient sur cette démarche avec l'élu communiste du Puy-de-Dôme.

Francetv info : Pourquoi avoir déposé, en 2012, ce texte visant à supprimer le terme de "race" de notre corpus juridique ?

André Chassaigne : Ce n'était pas une première, le sujet avait déjà été mis à l'ordre du jour en 2003, mais le texte avait été rejeté par la majorité [UMP] de l'époque. Il s'agissait pour nous de rappeler que l'utilisation du mot "races", au pluriel, est une ineptie complète. Il n'y a pas plusieurs races humaines (blanche, noire...), mais une seule race humaine.

En 1996, 600 scientifiques avaient répondu à Jean-Marie Le Pen sur le sujet de "l'inégalité des races""Les gènes n'ont pas de race", disait alors le généticien André Langaney. Son collègue Albert Jacquard a depuis écrit qu'il était "impossible de classer les différentes populations humaines en races".  Dès lors, on ne peut pas conserver dans nos textes un mot qui n'a aucune justification.

Que recherchez-vous précisément par cette démarche ?

Nous voulons éviter l'instrumentalisation du mot "race". Celle-ci a eu cours au XIXe siècle, au moment du colonialisme, pour justifier la supériorité d'une race sur une autre. L'actualité nous montre que l'instrumentalisation continue : si on dit que la population française est de "race blanche" dans son histoire et dans ses gènes, par opposition à d'autres "races", c'est inacceptable.

Nous avons besoin de faire de la pédagogie, de nous adresser aux consciences. Le fait de retirer le mot "race" de notre législation permettra, grâce à un débat, de donner des explications sur le sujet. Cela ne mettra pas fin au racisme mais permettra une éducation populaire. Trop de gens croient encore qu'il existe plusieurs races et qu'elles sont différentes. 

Quel a été le parcours de votre proposition de loi à l'Assemblée ?

Le texte a été voté à l'unanimité [le texte a été voté à main levée, avec quelques votes contre de l'UMP, selon Reuters], avec un avis favorable du gouvernement représenté par la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Il était accompagné d'un rapport du député Alfred Marie-Jeanne, qui avait listé 59 articles contenant le mot "race" dans neuf codes et treize lois, dont la dernière remontait à 2008.

La proposition de loi est ensuite partie au Sénat, avec un quasi engagement du gouvernement de l'inscrire à l'ordre du jour. Les sénateurs communistes attendent toujours que le gouvernement le fasse.

Etes-vous confiant quant à une adoption prochaine de la proposition de loi au Sénat ?

Je suis assez optimiste. On espère qu'une décision sera prise lors de la prochaine conférence des présidents de groupe au Sénat, le 7 octobre. Le ministre des Finances, Michel Sapin, s'y est dit favorable, ce matin. Cela serait un geste fort pour remettre les choses en place et souligner l'usage fallacieux du mot "race".

Vous militez aussi pour une suppression du terme "race" de la Constitution elle-même, comme s'y était engagé François Hollande en 2012. Y croyez-vous ?

Oui, car ce n'est pas un texte clivant. Je vois mal un groupe parlementaire dire qu'il existe plusieurs races humaines. Recueillir une majorité des trois cinquièmes au Parlement ne devrait pas être un problème. Le seul obstacle pourrait être juridique, sur la forme, mais je n'y crois pas.

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