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18/01/2022

André Chassaigne : « Il est illusoire d’espérer être au second tour »

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ENTRETIEN. Le député communiste refuse de céder aux sirènes de la candidature unique et appelle la gauche à se recentrer sur ses fondamentaux.

Voilà bientôt vingt ans qu’André Chassaigne promène sa silhouette et sa moustache blanche dans les travées de l’Assemblée nationale. À la tête du groupe de la Gauche démocrate et républicaine depuis 2012, le député communiste du Puy-de-Dôme, qui se représentera en juin, affiche aussi un long parcours d’élu local commencé en 1977 à la mairie de Saint-Amant-Roche-Savine.

En vieux briscard, cet ancien professeur d’histoire-géographie, qui a été candidat à la présidentielle en 2012 face à Jean-Luc Mélenchon, porte un regard acéré sur le paysage politique national. Et s’il regrette l’état dans lequel gît aujourd’hui la gauche, il se félicite du discours parfois décapant du candidat de son cher Parti communiste, Fabien Roussel.

Le Point : Le climat général de la France n’est pas au beau fixe. On sent une défiance généralisée vis-à-vis des élus, vis-à-vis des institutions et même de la communauté scientifique. Comment analysez-vous cette séquence ?

André Chassaigne : Le rejet de la parole politique, qui se double d’un manque de confiance dans la parole scientifique, est un phénomène ancien. Cela vient du fait que la politique a perdu de son éthique. Trop souvent la politique est faite de promesses, notamment pendant les campagnes électorales, de petites phrases et de choix à court terme. Elle ignore les fondamentaux qui consistent à répondre aux besoins des gens. La parole politique ne se concrétise plus par des actes qui prennent en compte les réalités du quotidien. C’est ce qui s’est manifesté, en particulier avec le mouvement des Gilets jaunes, qui est l’expression d’une souffrance du quotidien, et qui témoigne aussi d’une blessure, car une partie de la population se sent méprisée et rejetée.

Pourquoi la gauche n’arrive-t-elle pas à apporter une réponse politique à cette colère et à cette défiance ?

Parce que la gauche a oublié ses fondamentaux. Entre 2012 et 2017, avec la loi El Komry et aussi la loi Macron, François Hollande a conduit une politique à contresens de celle qu’il avait annoncée. Et ça, cela laisse des traces. C’est rédhibitoire. Alors qu’il avait dit qu’il lutterait contre la finance, il a mené une politique qui ne se différencie guère de celle qu’auraient pu conduire des libéraux s’ils avaient été aux manettes.

L’union de la gauche est-elle possible à nouveau ?

Je vais séparer deux choses pour ne pas tomber dans le piège de la question. Il y a d’abord la présidentielle, et ensuite les législatives. Il faut comprendre que le système de la Ve République avec son élection présidentielle suivie des élections législatives entraîne une personnalisation du pouvoir forte. Résultat, le parti qui ne participe pas à la course présidentielle disparaît du paysage politique. L’élection présidentielle, c’est une trappe à petits partis, c’est aussi une trappe à idées qui ne peuvent pas être défendues sous le prétexte de vote utile.

Il était donc impensable, cette fois-ci, de ne pas avoir de candidat communiste comme en 2012 et 2017… Vous regrettez ces choix ?

En 2012, j’étais favorable au Front de gauche et à la candidature unique de Jean-Luc Mélenchon. Je me suis présenté contre lui car je ne voulais pas d’un candidat autoproclamé. Mais on était dans une dynamique et je l’ai soutenu. En 2017, je me suis battu au sein du Parti communiste pour qu’il y ait un candidat communiste. Le vote interne a choisi de soutenir une fois encore Jean-Luc Mélenchon. Ce soutien s’est fait sans programme commun. Résultat : aux élections législatives, l’une des priorités de La France insoumise a été de plumer la volaille communiste. Leur objectif était qu’il y ait le moins de députés communistes possible. Voilà pourquoi je considère qu’en 2017, c’était une erreur de ne pas avoir de candidat qui porte nos orientations politiques, qui sont différentes de celles des socialistes et des Insoumis. L’élection présidentielle est un canal pour développer nos idées, essayer de mettre des graines dans les consciences afin de permettre une transformation de la société.

Vous n’êtes donc pas favorable à une candidature unique de la gauche pour la présidentielle ?

Je considère comme illusoire, trompeur, artificiel de dire que l’on peut avoir une candidature unique de la gauche. Pourquoi ? Parce que cela reposerait sur une personnalité et pas sur un programme. Aussi même s’il y avait l’espoir de gagner, ce qui n’est pas le cas, ce serait pour faire quelle politique ? Je sais qu’il y a une demande du peuple de gauche pour une candidature unique. Mais même si on y arrivait et si on gagnait, ça pourrait avoir des effets à moyen terme et à long terme désastreux. Notamment si nous n’étions pas capables de mettre en œuvre une politique de transformation de la société. Le deuxième élément, c’est que la gauche est aujourd’hui tellement affaiblie qu’il est illusoire d’espérer être au second tour. Le fait de se rassembler n’y changera rien.

Ne serait-il pas urgent de préparer l’Union pour les législatives pour avoir une opposition capable de faire entendre sa voix ?

Je le crois. Le conseil national du parti a pris la décision de travailler à un socle de propositions. Il y a déjà des contacts qui sont pris. Passée la présidentielle, il va falloir qu’on réfléchisse, car quel que soit le président ou la présidente de la République élu(e), tout ne sera pas joué. La gauche peut retrouver des forces au niveau du Parlement. Je ne suis pas pour un accord national, mais il serait pertinent d’en nouer sur certains territoires pour être au second tour et pour avoir une chance de gagner des circonscriptions.

D’où viendra alors le salut de la gauche ?

Il faut aller chercher ceux qui s’abstiennent et ceux qui votent en faveur de l’extrême droite. Or, on n’ira pas chercher cet électorat-là en se contentant d’avoir une candidature de rassemblement, surtout si elle apparaît artificielle. Pour aller le chercher, il faut des organisations politiques avec des candidats qui développent leurs propres thèses. Ainsi et seulement ainsi, on pourra reconquérir l’électorat populaire qui est parti.

Comment le Parti communiste a laissé s’échapper cet électorat populaire ? Et comment le Rassemblement national, lui, s’est-il imposé auprès de lui ?

Il faut que je pèse mes mots. Je suis obligé de me censurer un peu. On a abandonné, au nom d’une forme de boboïsation intellectuelle, ce que j’appelle nos fondamentaux. Le Parti communiste a perdu ses bases ouvrières parce qu’il a délaissé la valeur travail. Comme nous avons participé à la création de la sécurité sociale en 1946, il nous faut aujourd’hui défendre la mise en œuvre d’une sécurité du travail. L’idée est de garantir un travail ou une formation rémunérée à toute personne qui rentre dans la vie active, et cela jusqu’à la retraite. Nous défendons aussi l’idée que le revenu du travail soit plus élevé que les aides sociales. Et ça, c’est un discours qui décape. Mais je pense que le peuple comprend ça. Le travail a été délaissé par les communistes : on était plus sur une posture sociétale.

Est-ce la seule erreur commise par les communistes, qui ont du mal à dépasser la barre des 5 % aux élections ?

Nous n’avons pas eu le courage politique de porter des propositions qui pouvaient heurter une majorité de citoyens. Ainsi, pendant plusieurs années, on a pris des gants pour dire qu’on était favorable à l’énergie nucléaire. Parce que s’était développé dans le pays un mouvement qui consistait à dire que c’était assassin d’être favorable à l’énergie nucléaire. Aujourd’hui, Fabien Roussel dit clairement que l’énergie nucléaire est indispensable pour notre développement économique. Bien sûr, nous sommes favorables aux énergies renouvelables, mais par pitié arrêtons de créer une illusion avec ces dernières : on ne pourra pas mettre des éoliennes, des panneaux photovoltaïques et de la géothermie partout.

Enfin, nous avons délaissé la qualité de la vie et du quotidien des gens. Je suis issu d’un territoire rural et j’ai découvert les difficultés du quotidien dans la ville en arrivant à l’Assemblée nationale en 2002. J’ai été effaré quand les députés m’ont raconté qu’il y avait des quartiers entiers qui étaient abandonnés. Cela pour vous dire que par rapport aux questions de sécurité, nous n’avons pas été assez fermes dans nos propos, comme si nous étions gênés, voire tétanisés, de parler de cela. Les élus de terrain dans ces quartiers difficiles ont fait le boulot, mais je pense que dans nos propositions nationales, nous n’avons pas été suffisamment offensifs en défendant une politique plus sécuritaire. Et dire qu’il faut plus de force de police, une police de proximité, qu’il faut mettre les moyens par rapport à ça, ce n’est pas être fasciste.

Qu’est-ce que c’est qu’être un communiste en 2022 ?

Je suis fils d’ouvrier et j’ai le sens des choses. Pour moi, être communiste, ce n’est pas admirer le modèle soviétique – ça l’a été quand j’étais jeune, je ne veux pas le nier car il y avait ce regard admiratif sur ce système alimenté par une propagande vantant les évolutions industrielles, la culture, la démocratie et les kolkhozes. Mais tout ça a volé en éclat rapidement. Être communiste, c’est se battre pour plus de justice sociale et faire que les gens vivent mieux. C’est en finir avec l’argent roi et cette financiarisation scandaleuse et excessive qui fait que certains vivent sur un tas d’or et que d’autres à côté n’arrivent pas à vivre dignement. Je pense qu’il faut transformer la société. Notre difficulté est qu’on a du mal à montrer ce que serait la société que nous défendons. Ça a tellement été un gâchis dans les pays dits socialistes qu’aujourd’hui cette perspective d’une autre société, plus juste, plus humaine, on a du mal à la faire imaginer.

Fabien Roussel ne décolle pas dans les sondages. Comment expliquez-vous cela ?

Même si cela ne se traduit pas encore dans les enquêtes, les remontées que j’ai sur le terrain au sujet de sa campagne sont bonnes. On me dit qu’il parle clairement et simplement.

Certes… Mais il reste en dessous des 3 %…

Fabien Roussel est un député de terrain, qui est dans la vraie vie. Il n’a pas une approche idéologique et intellectuelle, il part du concret. En plus, il a une personnalité séduisante. La question qui se pose, c’est comme pour une imprimante : quand on met le papier, est-ce que cela va imprimer ou pas ? Même si cela ne se traduit pas dans les sondages, je suis assez optimiste sur le fait qu’il va y avoir un décollage. Ce n’est pas de la méthode Coué. Car au-delà de sa personnalité, les gens commencent à dire que les idées qu’il défend ne sont pas celles des autres candidats de gauche… Ce qui peut imprimer, c’est son courage de porter des idées contraires à l’air du temps, avec transparence et clarté.

Est-ce que vous craignez la primaire populaire ?

Fabien Roussel n’a pas été retenu, mais je ne la crains pas car elle n’a de sens que si elle s’appuie sur un programme, sur des objectifs partagés.

Et la candidature de Christiane Taubira ?

J’ai beaucoup d’estime pour Christiane Taubira. C’est quelqu’un que j’apprécie. Mais là, elle débarque à un mois de l’officialisation des candidatures, sans programme, uniquement sur la base de sa personnalité… Sa candidature ne va pas résoudre les difficultés. Cela va juste amener une candidate de plus.

Quels sont vos points de divergence avec La France insoumise et avec la candidature de Jean-Luc Mélenchon ?

On a des différences au niveau des idées notamment sur le nucléaire et sur le rapport au travail. Nous ne sommes pas pour le revenu universel. Mais aussi sur la façon de faire. Je vous donne un exemple : les Insoumis ont porté une proposition de loi pour arrêter l’utilisation du glyphosate au 1er janvier prochain. Nous sommes évidemment d’accord, mais nous avons conscience que cela ne peut pas se faire d’un coup de baguette magique et qu’il faut accompagner les agriculteurs. Souvent, ils ont une approche idéologique qui est à l’opposé de notre culture. Ils ne tiennent pas compte des réalités du terrain. Ils sont dans une logique tribunitienne, ils vont préférer d’emblée rejeter un texte alors que nous, nous aurons tendance à vouloir le discuter pour l’amender. Leur discours ne s’adresse pas à ceux qui sont dans l’hémicycle mais à ceux qui sont à l’extérieur. C’est leur parti pris. Nous sommes moins dans la violence verbale et l’attaque. Je me sentirais mal dans leur groupe. Nous ne visons pas seulement la prise de pouvoir, nous cherchons aussi à être utiles aux gens que nous représentons. Cela se voit aussi sur le terrain, lors des grèves, on essaie d’accompagner les gens pour trouver des solutions concrètes. Jamais je ne suis allé devant une usine avec un mégaphone pour gueuler et lever le drapeau rouge. Je préfère demander à rencontrer le chef d’entreprise et essayer de faire avancer les choses.

L’urgence climatique est là et elle est visible. Comment les communistes y répondent-ils ?

La priorité, c’est de suivre les recommandations du Giec. Il s’agit d’une urgence absolue pour la planète et les humains, car c’est une question de vie ou de mort à moyenne échéance. Aussi la mesure prioritaire est évidemment de décarboner l’économie. C’est d’ailleurs un argument supplémentaire en faveur du nucléaire. Un autre domaine sur lequel il faut mettre les moyens : la rénovation énergétique des logements. Il faut aller plus loin que ce qui se fait aujourd’hui. Il ne faut pas opposer la lutte contre le changement climatique et la question sociale. Il y a de gros investissements à faire dans le public, sur le transport, sur les logements. J’ai défendu une proposition de loi qui visait à sortir du déficit toutes les dépenses faites pour lutter contre le réchauffement climatique. Ça a été recalé, mais l’idée fait son chemin. Pendant la crise sanitaire, on a laissé de côté le Pacte de stabilité. Je dis : faisons de même pour la crise écologique.

La gauche n’est-elle pas gênée avec le discours des Verts sur la sobriété et la décroissance ?

Aujourd’hui, on considère que les réponses aux problèmes de la planète relèvent des comportements individuels. Je ne dis pas qu’il ne faut pas changer nos habitudes, mais il faut aussi des actions politiques fortes sur l’obsolescence des produits, sur le recyclage… Notre mode de vie doit évoluer, mais la sobriété ne s’accompagne pas forcément d’une décroissance, car il y a des besoins à satisfaire au niveau de la population.

Il y a un autre sujet de fracture à gauche, c’est tout ce qui concerne la cancel culture… Le wokisme a tendance à prendre le pas sur la lutte sociale…

Pendant toute une période, le Parti communiste a été sur des luttes spécifiques : les sans logement, les sans-papiers, les sans travail, les exclus, les femmes… Je ne dis pas qu’il ne faut pas défendre ces causes, mais cela entraîne une fragmentation des messages. Je suis convaincu qu’il faut qu’on ait une approche globale en considérant que tous ces problèmes sont les conséquences d’un système libéral où l’argent l’emporte sur tout.

Quel bilan faites-vous de cette mandature ?

Je déplore les effets néfastes d’une majorité pléthorique. Le Parlement ne remplit pas son rôle car il est à la solde de l’exécutif. On a besoin d’un Parlement plus frondeur. Quand je les vois se lever comme un seul homme pour applaudir un ministre qui dit des contre-vérités ou qui fait de la communication, je me dis : mais qu’est-ce que c’est que ce Parlement ? Les mardis après-midi, c’est terrible : on a affaire à des ministres qui ne reconnaissent aucune erreur. Sauf, parfois, Jean Castex. Ils nous chantent tous la même chanson : « Tout va très bien, madame la Marquise… » Ils ont la queue du renard qui sort de la gueule, mais ils assurent qu’ils ne l’ont pas croqué. Olivier Véran est le spécialiste : on peut lui donner la Légion d’honneur dans ce domaine. Quand j’étais député sous une majorité de droite, et que je portais un amendement, s’il était correct, il était retenu. Aujourd’hui, aucun respect de l’opposition. Vous présentez un amendement, ils le récupèrent et le recyclent pour qu’il leur soit attribué.

La victoire d’Emmanuel Macron est-elle inéluctable ?

Autant je le croyais, il y a un an, autant je ne le crois absolument plus. Même lui doute… Ce n’est pas pour rien qu’il a fait sa sortie dans Le Parisien : il essaye d’alimenter les clivages pour redonner du souffle à l’extrême droite. Il avait beaucoup misé sur un second tour avec Marine Le Pen, mais, aujourd’hui, il a compris qu’il pourrait se trouver face à un autre candidat. Et là qui peut prédire le résultat ? Personne ! Les jeux sont beaucoup plus ouverts.

Est-ce que vous serez candidat aux élections législatives ?

Oui. Je ne suis pas tout jeune, mais j’aime le travail que je fais à l’Assemblée et j’ai envie de continuer. J’avais un suppléant qui aurait dû prendre ma suite, mais il est devenu conseiller départemental et ça lui plaît. Je vais donc me représenter avec un nouveau suppléant plus jeune qui j’espère un jour me succédera. J’attends avec gourmandise de faire campagne électorale. Parce que depuis deux ans, on n’est plus en lien avec la population comme avant. Moi, j’étais toutes les fins de semaine sur le terrain dans les communes, les manifestations et sur les marchés… Cela me manque énormément.

Source le Point

 

24/04/2020

Non, Monsieur le gouverneur de la Banque de France, la dette du Covid-19 ne sera jamais remboursé

André Chassaigne, dette, coronavirus

André Chassaigne, député PCF, Président du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine

L’endettement public engendré par le plan d’urgence contre l’épidémie oblige à sortir des dogmes monétaires. Pourquoi pas financer directement par la BCE les Etats et dans la foulée annuler d’une partie de la dette existante ?

Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, ancien directeur général adjoint de BNP Paribas, annonçait qu’il faudrait, dans la durée, rembourser la dette publique contractée pour faire face à la crise du coronavirus.

A l’en croire, l’orthodoxie budgétaire doit demeurer la règle, quoi qu’il en coûte à nos concitoyens.

En faisant le choix d’un endettement massif pour faire face à la crise, le gouvernement a pourtant délibérément rompu avec le dogme budgétaire qui faisait dire au chef de l’Etat, il y a encore quelques mois, qu’il ne disposait pasd’« argent magique » pour sauver l’hôpital et financer notre système de santé.

Du haut des fonctions qu’il occupe, le gouverneur de la Banque de France n’ignore évidemment pas que la dette publique, et a fortiori celle accumulée durant la crise actuelle, ne sera jamais remboursée

Le gouvernement s’est donc en dernier ressort rangé, de manière pragmatique, derrière un principe simple : Il est rationnel de s’endetter quand il y a urgence économique, sociale ou environnementale, d’autant plus quand les taux d’intérêt sont faibles

Cette crise fera sans doute passer le niveau de notre dette publique à 115%, 120% du PIB, voire davantage. Du haut des fonctions qu’il occupe, le gouverneur de la Banque de France n’ignore évidemment pas que la dette publique, et a fortiori celle accumulée durant la crise actuelle, ne sera jamais remboursée. L’histoire économique a montré que jamais un pays n’a remboursé sa dette et que l’intérêt général commande de ne pas compromettre l’avenir dans des politiques de restrictions budgétaires.

"Monde d'après"

Les déclarations du Gouverneur n’ont au fond pour but que de nous faire entendre la petite musique habituelle, cet air de pipeau que joue studieusement le secteur bancaire depuis des années, afin de faire accroire aux peuples qu’ils doivent en bon « père de famille » assumer de se serrer toujours plus la ceinture.

A l’heure où fleurissent les attentes et les promesses d’un monde d’après plus juste et solidaire, les serviteurs zélés du système économique préparent l’appel à verser “de la sueur, du sang et des larmes”.

Pourtant, nous savons qu’à l’issue de la crise actuelle les besoins de financement public seront plus importants que jamais, que l’Etat aura un rôle central à jouer dans la relance économique, le redressement de notre système de santé, la réussite de la transition écologique.

Pour éviter l’écueil d’une nouvelle cure d’austérité, injuste et mortifère, deux solutions majeures sont sur la table : la première, la monétisation de la dépense publique, et la seconde, le financement direct des Etats couplé à l’annulation d’une partie de la dette existante. Ces alternatives, nécessitent de faire preuve de réalisme et de volonté politique. Mais elles sont parfaitement viables et doivent être inscrites à l’ordre du jour des discussions avec nos partenaires européens.

monétiser les dépenses d’investissement des Etats

La première est certainement la plus novatrice et la plus radicale : elle consiste à monétiser les dépenses d’investissement des Etats, afin que celles-ci ne pèsent plus sur la dette publique. Les Etats pourraient alors mener des politiques d’investissement ambitieuses, financées directement par la BCE, sans avoir à rembourser ces sommes dans le futur. Un tel changement marquerait une évolution de doctrine majeure mais nécessaire.

La seconde option pourrait constituer une première étape ambitieuse. Aujourd’hui, la BCE rachète aux banques des titres de dette publique, qu’elles avaient elles-mêmes achetés aux Etats. Dès lors, pourquoi ne pas l’autoriser à consentir des prêts de long terme directement aux Etats pour leur permettre d’investir massivement dans la transition écologique, la santé ou la recherche ? Certes, ce financement direct accroîtra le niveau de dette, ce qui pourrait poser un problème de soutenabilité. Il faudra alors que la BCE annule une partie de la dette des Etats qu’elle détient. Une telle solution n’a rien d’extravagant : l’Allemagne en 1953, l’Irak en 2005 ou encore l’Argentine en 2006 sont autant de pays qui ont vu une partie de leur dette publique annulée par leurs créanciers. Il suffira pour cela que la BCE compense ses pertes par de la création monétaire dont elle détient le monopole.

Bâtir le monde d’après, dans une perspective écologique, sociale et solidaire, impose de ne pas reproduire les erreurs de 2008 et de nous détourner des potions amères que préconise le gouverneur de la Banque de France. Il est temps d’abandonner le dogme de l’austérité à « la critique rongeuse des souris » et d’ouvrir la voie à une transformation radicale de notre système monétaire et économique.

Publié dans Marianne

19:21 Publié dans Cactus, Economie, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andré chassaigne, dette, coronavirus | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

02/10/2015

Affaire Morano : "Retirer le mot race de notre législation permettra une éducation populaire"

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Après les propos de Nadine Morano sur la "race blanche", le député PCF André Chassaigne milite pour la suppression du mot "race" du droit français.

Et si les récentes déclarations de Nadine Morano sur la "race blanche" étaient l'occasion d'un coup de balai dans le droit français ?

Les parlementaires de la gauche de la gauche ont demandé au gouvernement, mercredi 30 septembre, d'inscrire à l'ordre du jour du Sénat une proposition de loi supprimant le mot "race" de la législation.

Le texte, déjà adopté à l'Assemblée nationale en mai 2013, avait été déposé notamment par le président du groupe Gauche démocrate et républicaine, André Chassaigne.

Francetv info revient sur cette démarche avec l'élu communiste du Puy-de-Dôme.

Francetv info : Pourquoi avoir déposé, en 2012, ce texte visant à supprimer le terme de "race" de notre corpus juridique ?

André Chassaigne : Ce n'était pas une première, le sujet avait déjà été mis à l'ordre du jour en 2003, mais le texte avait été rejeté par la majorité [UMP] de l'époque. Il s'agissait pour nous de rappeler que l'utilisation du mot "races", au pluriel, est une ineptie complète. Il n'y a pas plusieurs races humaines (blanche, noire...), mais une seule race humaine.

En 1996, 600 scientifiques avaient répondu à Jean-Marie Le Pen sur le sujet de "l'inégalité des races""Les gènes n'ont pas de race", disait alors le généticien André Langaney. Son collègue Albert Jacquard a depuis écrit qu'il était "impossible de classer les différentes populations humaines en races".  Dès lors, on ne peut pas conserver dans nos textes un mot qui n'a aucune justification.

Que recherchez-vous précisément par cette démarche ?

Nous voulons éviter l'instrumentalisation du mot "race". Celle-ci a eu cours au XIXe siècle, au moment du colonialisme, pour justifier la supériorité d'une race sur une autre. L'actualité nous montre que l'instrumentalisation continue : si on dit que la population française est de "race blanche" dans son histoire et dans ses gènes, par opposition à d'autres "races", c'est inacceptable.

Nous avons besoin de faire de la pédagogie, de nous adresser aux consciences. Le fait de retirer le mot "race" de notre législation permettra, grâce à un débat, de donner des explications sur le sujet. Cela ne mettra pas fin au racisme mais permettra une éducation populaire. Trop de gens croient encore qu'il existe plusieurs races et qu'elles sont différentes. 

Quel a été le parcours de votre proposition de loi à l'Assemblée ?

Le texte a été voté à l'unanimité [le texte a été voté à main levée, avec quelques votes contre de l'UMP, selon Reuters], avec un avis favorable du gouvernement représenté par la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Il était accompagné d'un rapport du député Alfred Marie-Jeanne, qui avait listé 59 articles contenant le mot "race" dans neuf codes et treize lois, dont la dernière remontait à 2008.

La proposition de loi est ensuite partie au Sénat, avec un quasi engagement du gouvernement de l'inscrire à l'ordre du jour. Les sénateurs communistes attendent toujours que le gouvernement le fasse.

Etes-vous confiant quant à une adoption prochaine de la proposition de loi au Sénat ?

Je suis assez optimiste. On espère qu'une décision sera prise lors de la prochaine conférence des présidents de groupe au Sénat, le 7 octobre. Le ministre des Finances, Michel Sapin, s'y est dit favorable, ce matin. Cela serait un geste fort pour remettre les choses en place et souligner l'usage fallacieux du mot "race".

Vous militez aussi pour une suppression du terme "race" de la Constitution elle-même, comme s'y était engagé François Hollande en 2012. Y croyez-vous ?

Oui, car ce n'est pas un texte clivant. Je vois mal un groupe parlementaire dire qu'il existe plusieurs races humaines. Recueillir une majorité des trois cinquièmes au Parlement ne devrait pas être un problème. Le seul obstacle pourrait être juridique, sur la forme, mais je n'y crois pas.

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25/02/2011

André Chassaigne : « Le Front de Gauche doit être dans une radicalité utile »

Par Thibault Leroy, pour Témoignage Chrétien

chasagne.jpg ENTRETIEN - Député communiste du Puy-de Dôme, conseiller régional d'Auvergne, André Chassaigne est candidat à l'investiture du Front de Gauche pour la présidentielle. Il évoque son concurrent, Jean-Luc Mélenchon, et les stratégies pour les prochaines élections.

TC : Comment définissez-vous la singularité de votre candidature à gauche ?

André Chassaigne  : J'ai une approche locale, rurale. Mais il ne s'agit pas uniquement des campagnes françaises, ce sont aussi les campagnes du monde qui sont en jeu. Le fait de vouloir chez nous une agriculture paysanne, c'est pour avoir des aliments de qualité, développer une consommation de proximité, et créer de l'emploi tout en répondant aux besoins de la population.

Par ce biais, on bloque le développement de l'agro-business, qui s'appuie sur des productions venant des pays du Sud en y favorisant la monoculture, dirigée vers l'exportation, ce qui a des conséquences terribles. La sauvegarde de la biodiversité est en jeu. Ce sont des attaques contre les espaces naturels, comme la forêt amazonienne. Ce sont aussi des menaces contre des communautés villageoises. Et, en même temps, la disparition d'une agriculture vivrière.

Il y a une complémentarité entre les intérêts des paysans d'Europe et ceux des paysans des pays du Sud. Il faut donc très nettement s'inscrire dans une politique de rupture du système : si on ne s'y inscrit pas, on développe une forme d'illusion écologique qui n'est faite que pour exonérer les véritables responsables de ce qu'ils provoquent sur la planète.

C'est ce que j'essaie de développer dans l'ouvrage que j'ai écrit (1). J'y ai traduit mes contributions, mes réflexions, pour être un passeur entre les questions écologiques et les questions sociales.

TC : Quelles sont les mesures emblématiques qui devraient être défendues par le Front de gauche ?

Le Front de Gauche doit être dans la rupture avec le capitalisme. Nous défendons un meilleur partage des richesses, qui s'impose pour que cesse le scandale du si grand écart entre ceux qui vivent dans l’opulence et ceux qui vivent dans les pires difficultés.

Les députés du Parti communiste et ceux du Parti de gauche ont déposé plusieurs propositions de lois, pour la taxation des transactions financières, mais aussi la limitation des écarts de revenus de 1 à 20 (déposée en 2010) avec des mesures fiscales extrêmement fortes contre les privilégiés de ce pays. Par voie de conséquence, nous voulons donner plus à ceux qui ont le moins : augmenter les salaires et les minima sociaux.

La deuxième mesure consiste à avoir une prise sur le développement par les finances. On doit créer un pôle financier public, autour de plusieurs banques liées à l'Etat. Des banques coopératives par exemple. Cela nous permettrait d'avoir un levier pour développer l'économie par des crédits sélectifs (sur un critère environnemental ou social).

Si on n'a pas ce levier, on laissera les financiers et les banques faire ce qu'ils veulent, c'est à dire servir l'intérêt de quelques-uns aux dépens du plus grand nombre.

Le Front de gauche rassemble le Parti communiste et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Êtes vous pour une ouverture à d'autres partis ? 

Oui. Un rassemblement peut se faire sur des orientations qui peuvent être partagées. Si le Front de Gauche est une citadelle isolée, on ne réussira pas l'enjeu du rassemblement du plus grand nombre, nécessaire pour créer une dynamique et un rapport de force. Mais je ne suis pas un partisan des accords de sommets. Le rassemblement se créé aussi sur les territoires.

J'ai constaté dans mes sorties récentes dans plusieurs départements que des candidats du Front de Gauche, dans la perspective des cantonales, ont des démarches communes avec des militants du NPA, d'Europe écologie et avec des candidats qui ne sont dans aucune organisation : des militants syndicaux, associatifs, ou de simples citoyens.

Je ne suis pas sur l'idée d'une autre gauche protestataire qui considère que l'adversaire est aussi bien la droite de Nicolas Sarkozy que les socialistes, qui seraient vendus au capitalisme et qui porteraient tous les maux du monde. La stratégie du Front de Gauche ne doit pas consister à creuser une tranchée et arroser tout ce qui présente. Elle doit au contraire consister à faire avancer des propositions.

Il suffit de regarder la situation autour de nous : des personnes en grande difficulté, des parents qui ont l'angoisse du lendemain pour leurs enfants, des petites entreprises qui veulent se développer mais ne trouvent pas les financements, des territoires qui souffrent des suppressions des services publics. Il y a urgence ! Nous devons suivre une forme de radicalité utile, qui doit porter la colère des populations et améliorer concrètement leur vie.

TC : Dans le cas d'une victoire de la gauche à la présidentielle, vous êtes donc favorable à une participation au gouvernement avec les socialistes et les écologistes ?

Je ne prononce pas de rejet a priori, mais je ne suis en aucun cas pour une participation mécanique. Est-ce-que participer peut permettre de faire avancer les orientations politiques que l'on porte ? J'espère que le PS fera le choix, pour que ce soit toute la gauche qui l'emporte, d'un candidat très nettement attaché à la transformation sociale et pas à l'accompagnement du libéralisme. La victoire de la gauche dépendra surtout du contenu qui sera mis en avant.

TC : La stratégie du Front de gauche ne signifie-t-elle pas un effacement progressif du PCF ?

Je ne suis pas favorable à l'effacement du Parti communiste. Là où les partis révolutionnaires, comme les partis communistes, ont pu se délayer dans des organisations pouvant laisser penser que ça allait faciliter l'élargissement, cela a parfois abouti à une disparition de la gauche, comme en Italie.

Le rassemblement peut se faire avec plusieurs organisations, qui ont leur façon d’être, leur histoire, leur culture, leur approche. Il se fait dans le respect des structures et des individus qui rejoignent ce rassemblement dans des actions communes. Il faut être attentif à ce que ce ne soit pas le parti le plus important qui impose ses vues, ayant autour de lui des nébuleuses ou des compagnons de route.

TC : N'est-ce pas une contrainte que les médias vous soient fermés, alors même que M. Mélenchon y est régulièrement invité ?

C'est une contrainte, et une révélation pour moi d'une nouvelle conception de la politique, avec la place importante des médias. Je laboure le terrain, je fais avancer mes idées, sans avoir le relais que d'autres peuvent avoir.

Tous les autres candidats à la candidature, comme les socialistes qui se présentent aux primaires, ont les plateaux de télé ouverts, les émissions de radio de grande écoute... Je n'arrive pas à émerger de cette façon. Ce sont des choix faits par le système : c'est tout le problème de la démocratie politique dans ce pays.

Du côté du Parti de Gauche, il y a un candidat qui mène très bien sa campagne, qui est dans les médias parce qu'il fait monter l'audimat et fait vendre du papier, et qui porte un discours avec des valeurs fortes dans lesquelles les populations se reconnaissent. Mon discours est différent, plus nuancé : je travaille les idées sur le terrain, sans en rester aux grands slogans. C'est important parce qu'au moment du vote, tout ce qui est artificiel sera balayé.

Il faut faire comprendre que le Front de gauche s'appuie sur des orientations politiques. Si c'est Jean-Luc Mélenchon qui est retenu, je le soutiendrai : je ne suis pas dans une aventure personnelle.


(1) Pour une Terre commune, Arcane 17, 2010.


Politiques à la Ferme
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