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20/08/2012

Quel sens cela a-t-il de se dire «communiste» en 2012 ?

laurent.jpgPierre Laurent est secrétaire national du Parti communiste français (PCF).

Quel sens cela a-t-il de se dire «communiste» en 2012 ?

Le communisme, c’est une mise en commun, un partage. Et la révolte contre l’injustice est toujours autant d’actualité. Tous les systèmes d’aliénation doivent être dépassés pour inventer une autre manière de vivre ensemble. Après plusieurs décennies de mondialisation accélérée, on voit aujourd’hui émerger la question des «biens communs» de l’humanité et revenir celle de la maîtrise sociale des richesses. Pendant une partie du XXe siècle, les idées communistes ont été dogmatisées, jusqu’à être détournées de leur objet dans les pays de l’Est. Mais les idées communistes, au-delà des caricatures et de leurs perversions profondes, restent valables. Cela suppose un effort d’invention extrêmement profond pour penser des solutions dans un monde très différent.

Par exemple ?

L’impasse majeure des expériences communistes a été l’aveuglement démocratique. Il a empêché de dépasser les obstacles rencontrés. Aujourd’hui, les modèles représentatifs touchent leurs limites à cause d’un niveau inédit de savoir dans la société. Les démocraties doivent être profondément renouvelées. Le sens de la production doit être repensé. La question du sens des richesses produites, qu’il s’agisse de leur utilité et de leur finalité, devient décisive pour l’avenir écologique de la planète.

En tant que communiste, êtes-vous toujours opposé à la propriété privée des moyens de production ?

La vision étatiste, centralisée de la propriété collective est dépassée, mais pas l’appropriation sociale des richesses. Le système de la Sécurité sociale, créé en France à la Libération à l’initiative d’un ministre PCF, est une idée profondément communiste ! Prélever à la source une partie des richesses pour la consacrer au bien-être social des populations, c’est communiste ! Mais cela n’est pas contradictoire avec l’existence d’entreprises privées ! Le communisme aujourd’hui est tout sauf un égalitarisme qui s’imposerait de manière administrative et qui nierait le travail. Les individus ont besoin de confronter librement leurs envies de création. Mais, je n’aspire pas à une société idéale.

C’est une révolution chez les communistes de ne plus avoir l’idéal comme horizon !

Je suis animé par le fait de rêver une société, mais ça n’a rien à voir avec définir une société idéale. Je ne crois pas plus au communisme par plans quinquennaux. Le communisme est un mouvement, un chemin de projets partagés, sans cesse remis en discussion. Ce n’est pas une société parfaite à atteindre.

Le communisme d’aujourd’hui ne serait-il pas devenu le socialisme d’hier ?

Entre 1830 et 1917, le Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels se décline dans une multitude d’expériences dites socialistes. Mais à partir de 1917, un débat traverse les forces socialistes dans le monde entier, et un très grand nombre d’entre elles choisit la voie communiste. Relisez les textes socialistes de 1936, vous verrez la distance avec ce que dit le PS actuel. Le PCF d’aujourd’hui est l’héritier des traditions socialistes et communistes de la première moitié du XXe siècle, alors que la plupart des sociaux-démocrates ont perdu le fil de cette tradition.

Mais pourquoi garder le nom «communiste» ? Par nostalgie ?

Parce que la gauche française s’est structurée en deux grands courants issus de la même matrice. Les communistes et les socialistes. Cela marque les consciences et les cultures. A partir des années 60, ces deux grands courants ont eu des stratégies communes de conquête du pouvoir à travers un programme commun, la gestion de municipalités, des expériences gouvernementales. C’est une originalité française d’avoir eu en Europe une gauche très à gauche ! Mais on voit aujourd’hui, à rebours de l’histoire, le PS français vouloir faire tardivement une mue sociale-démocrate. Au moment où toute la gauche française doit repenser ses fondamentaux ! Avec la stratégie du Front de gauche, le PCF est engagé dans une transformation très profonde. En tirant les leçons de son histoire et grâce aux nouvelles générations.

Le communisme productiviste et l’écologie sont-ils compatibles ?

Ils sont inséparables. Produire toujours plus sans se poser la question de savoir si on répond à des besoins utiles, cela n’a pas de sens. La réflexion écologique permet de s’interroger sur le sens de l’activité humaine. Mais pour penser la transition écologique, nous aurons besoin d’outils industriels. On peut à la fois défendre notre industrie et défendre le fait qu’elle doit connaître une mutation. Nous sommes bien conscients que si la prévention écologique n’est pas intégrée dans l’activité industrielle, celle-ci va continuer à faire des dégâts environnementaux.

Les déchets nucléaires engagent des générations… Vous êtes toujours pronucléaire ?

Pour certains, le nucléaire est devenu l’alpha et l’oméga de la question écologique. C’est très réducteur. Deux questions se posent : est-ce que la maîtrise de cette technologie dans de bonnes conditions écologiques est possible ? Est-ce que les risques sont supportables et répondent aux enjeux énergétiques ? Si la société répond que le nucléaire ne doit pas être utilisé, les ouvriers du secteur, avec leur haut niveau de qualification, peuvent facilement se reconvertir. Si on considère qu’il reste nécessaire, il faut créer des conditions de sécurité suffisantes pour les salariés comme pour la société.

Par LILIAN ALEMAGNA, JONATHAN BOUCHET-PETERSEN, pour Libération

16:11 Publié dans Actualités, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre laurent, pcf, communisme | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

28/01/2009

LE COMMUNISME EST UNE IDEE NEUVE EN EUROPE

badiou.jpgTCHAT : Alain Badiou, philosophe, auteur de l’essai "De quoi Sarkozy est-il le nom?", a passé la journée de lundi à Libération. Il a répondu à vos questions.

Kangourou. Il est de plus en plus clair que ce sont toujours les citoyens qui sont perdants, la crise l’a démontré amplement. Pourquoi la société donne-t-elle l’impression d’être neutralisée, incapable de réagir et d’exiger un autre modèle?

Alain Badiou. La difficulté actuelle est qu’il est très difficile de résister et de réagir dans les cadres politique et institutionnel existants. Il faudrait inventer à la fois les moyens de réagir et le contenu de cette réaction. Cela prendra du temps, mais je reste convaincu que c’est possible.

Senso69. Pensez-vous, comme l’a affirmé Jean-Luc Mélenchon hier soir chez Serge Moati, que l’ambiance se "pourrit" au plan des libertés publiques en France ces derniers mois sous l’action du gouvernement et du président?

Sans aucun doute. Toute une partie de la politique de Sarkozy produit une diminution des libertés publiques. Il y a multiplication des contrôles, aggravation de peines, et attaques ouvertes contre les institutions chargées de défendre ces libertés. Il ne fait maintenant aucun doute que la conception que se fait Sarkozy de l’action de l’Etat est de façon principale une conception autoritaire et répressive.

Hugues. Le PS appelle jeudi à une mobilisation "sociale et politique". Le temps est-il enfin venu de la mobilisation contre la politique de Sarkozy?

Je ne crois pas que le PS ait démontré, dans la dernière période, une vocation particulière à être le moteur d’une mobilisation. Il semble plutôt courir après les initiatives prises en ce sens. Le temps est donc venu de cette mobilisation depuis longtemps. Toute la question est de savoir si elle va enfin s’unifier et se renforcer.

Equalbeings.net. Pendant le premier tiers de son quinquennat, y a-t-il eu des choses auxquelles vous ne vous attendiez pas dans la politique qu’a menée Sarkozy avec ses ministres et capitalo-parlementaires complices ? Avez-vous été surpris ou bien au contraire a-t-il été à la hauteur de vos "espérances"?

Une partie de l’action répressive de Sarkozy a été au-delà de ce que je pouvais imaginer. Je citerai notamment la rétention administrative concernant les malades mentaux, et les tentatives répétées de durcissement sans limite de la répression des mineurs. D’un autre côté, on peut évidemment être surpris de l’intervention systématique de l’Etat pour renflouer les banques, alors que la doctrine libérale voulait comprimer, presque sans mesure, les dépenses publiques.

Prataine. Nous sommes sans doute nombreux à attendre que des "intellectuels" s’il en existe encore, sortent du silence, que des grandes voix s’élèvent, ensemble, et de manière forte, pour ne pas laisser nos braves instits seuls à "résister" et à "désobéir". Que quelques universitaires, qui ne courent aucun risque, élèvent le ton et passent à l’action...

Il me semble injuste de dire qu’aucun intellectuel ne prend aujourd’hui la parole contre l’état des choses. Il est vrai que nous sortons péniblement d’une période où bon nombre d’intellectuels paraissaient s’accomoder de l’ordre établi. Je crois et plus encore, je souhaite, que cette situation change. En tout cas en ce qui me concerne, le fait nouveau n’est pas tant que je prenne la parole, que le fait qu’elle soit plus entendue qu’autrefois.

Soussou. Que pensez-vous du traitement de l’information en France concernant l’agression israélienne sur Gaza?

Je voudrais intervenir sur un point d’apparence secondaire mais à mes yeux, très important : il aurait été essentiel de produire plus d’informations et de témoignages sur les manifestations opposées à la guerre, en Israël même. Ce courant était, certes, minoritaire, mais il existait, il était courageux et déterminé, et si l’avenir doit être celui de la paix, c’est ce courant qui incarne l’avenir.

Simone. Tu es athée. Dirais-tu que les religions ne sont jamais autre chose que des formes archaïques ou totémiques de la politique? Politique comme destitution de la transcendance comme norme du destin collectif?

Ma position sur ce point, renforcée par un récent voyage en Palestine, est qu’il est aujourd’hui tout à fait décisif de séparer la politique de la religion.Tout comme il faut la séparer, par exemple, des questions raciales ou identitaires. Des religions peuvent et doivent coexister dans un même pays, mais elles ne le peuvent que si la politique et l’Etat en sont séparés.

Spartacus2. Pensez-vous que les Francais se réveilleront avant la fin de ce quinquennat? Car quand on pense qui a été élu en 2007, cela en dit long sur l’etat de délabrement du cerveau de nos nombreux concitoyens...

L’élection de Sarkozy est le résultat de deux processus. Premièrement, la captation des voix du Front national par la droite classique, et deuxièmement, le caractère illisible de la politique de la gauche. Ce n’est que dans cet élément que les cerveaux ont pu se ramollir.

Xalatparis. Pourquoi le non au référendum européen n’a-t-il pas provoqué un éclatement du Parti socialiste et par là même une reconstruction cohérente à gauche?

L’avenir a montré que dans une large mesure le ralliement de certains dirigeants du PS au non du référendum correspondait plus à un choix tactique, interne au parti, qu’à une volonté sincère de créer une nouvelle gauche. Ce vote a été en réalité instrumenté, bien plus qu’il n’a trouvé son expression politique.

Dodcoquelicot. La philosophie s’invitant auprès de la politique, c’est nouveau? Croyez-vous que Nicolas Sarkozy en vaille la peine et n’est-ce pas lui faire trop honneur?

L’engagement politique de la philosophie est une tradition française depuis le XVIIIème, je n’ai donc rien inventé. Quant à Sarkozy, il fonctionnait pour moi comme un symptôme de la situation de la politique actuelle, et c’est pourquoi je parlais de ce dont "il est le nom", et non pas de sa personne.

Albanulle. Les intellectuels ont un petit porte-voix alors que les gouvernements et les institutions ont accès à un très gros micro et à des millions de téléviseurs. Pensez-vous comme Chomsky que les mass media font leurs affaires de la manufacture du consentement en tournant l’économie politique à leur avantage? N’est-ce pas un détournement de la démocratie?

L’Etat et les puissants ont toujours disposé de beaucoup plus de moyens et de propagande et d’information que les pauvres et les révoltés. Considérons par exemple l’appareil de propagande de l’Eglise au Moyen-Age, avec une église dans chaque village, il n’y a là rien de nouveau. Le succès du mouvement populaire ou des révolutions a toujours dû triompher des opinions dominantes. Et nous savons que c’est possible, y compris en utilisant certains des nouveaux moyens disponibles, comme l’imprimerie, la radio, la télévision et finalement Internet.

Gogol. Vous ne pensez pas qu’il y a une juste mesure entre le capitalisme débridé d’un Sarkozy et votre ligne radicale archaïque ?

Commençant son aventure il y a quatre siècles, le capitalisme, même débridé, est beaucoup plus ancien et archaîque que toutes les lignes radicales qu’on lui oppose. Cessons de considérer que le libéralisme, à la mode dans les années 1840, incarne la modernité et les réformes. C’est le communisme qui est une idée neuve en Europe.

Simone. Quelles sont les limites politiques des émeutes de la jeunesse en France?

Le problème est un problème d’unité de la jeunesse, et ensuite de l’unité de la jeunesse et de la masse des travailleurs ordinaires. Sur le premier point, la limite c’est qu’il n’y a, pour l’instant, pas de convergence réelle, entre les émeutes de la jeunesse populaire et la protestation des lycéens et des étudiants. Sur le deuxième point, la limite est qu’il manque un mot d’ordre unificateur qui pourrait être commun à la frustration de la jeunesse et aux graves difficultés de la vie des adultes.

http://www.liberation.fr/politiques...

15:42 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alain badiou, communisme | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!