26/05/2013
LA VIE D'ADELE : PALME D'OR AU FESTIVAL DE CANNES : UNE OEUVRE MAGISTRALE
Palme d'or Festival de Cannes 2013. Après l’Esquive, la Graine et le Mulet ou Vénus noire, Abdellatif Kechiche présente, La Vie d’Adèle, une œuvre magistrale et offre la découverte d’une jeune actrice extraordinaire, Adèle Exarchopoulos.
La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche. France, 2 h 55. Compétition. Dans la Vie de Marianne, Marivaux écrit, à la première personne et d’une plume intensément libre, l’histoire de son héroïne, d’une femme dans son époque. On connaît la prédilection d’Abdellatif Kechiche pour les grands textes qui parlent au monde, sa volonté artistique réitérée d’en insuffler la puissance à des personnages qui, par une réappropriation commune, la porteront au présent de la société. Ici, Adèle (Adèle Exarchopoulos), lycéenne qui festoie de littérature, dévore livres et bolognaises des repas familiaux avec un égal plaisir des sens.
À l’âge où les mouvements du cœur et du corps débordent, Adèle cherche à s’orienter au plus intime entre réfractions du regard des autres, carrefour des possibles et voies de traverse. Kechiche installe sa classe de bacheliers en y circulant à l’envi, scrute à fleur de peau les frémissements dont le mystère peut tout soudain s’éclairer de fulgurances comme de sensibles flammèches sur les pas d’Antigone, s’évader dans le recoin obtus d’un silence. Comme eux, ses plans basculent en un instant de la haute tragédie aux conversations de filles sur le dernier qui passe. C’est cru, drôle, source de jubilatoires remémorations. Adèle est d’emblée nimbée d’une grâce cinématographique que le cinéaste va tenir près de trois heures d’écran, au fil du récit d’une passion d’amour et de désamour sublimement charnelle. Invitée par les enseignants à méditer sur le coup de foudre et ses représentations littéraires, Adèle en sera frappée au coin de la rue.
Déconcertée par la spirale de ses désirs
Au bleu sourd de la chevelure d’Emma (Léa Seydoux) répondent en frottement d’étincelles les fleurettes de l’écharpe d’Adèle. Abdellatif Kechiche s’est inspiré d’une bande dessinée de Julie Maroh, Le bleu est une couleur chaude. De la couleur et du récit, il restituera l’essence, s’en emparant à sa manière singulière. Il excelle encore dans les scènes de groupe, bars de femmes où Adèle et Emma lieront leurs approches, réunions d’amis et repas de famille dont il sait inventer les effets de langages et de visages comme s’il s’agissait d’un répertoire qu’il se contenterait d’enregistrer.
Premier extrait de La vie d'Adèle :
Premiers pas fragiles d’Adèle, déconcertée par la spirale de ses désirs. Elle tombe en amour en même temps qu’elle semble surgir à la lumière depuis un abîme de cruelles incertitudes. Premier baiser solaire dans un parc que tout enchante avant la fournaise de l’étreinte. Kechiche et deux comédiennes abandonnées à leur art la représentent comme jamais, passions de femmes dans la durée du filmage et la violence de l’élan, chorégraphie de corps qui s’affirment et s’abolissent dans l’autre, sauvagerie magnifique de la jouissance. À cette scène de sexe plein cadre, deux autres feront écho, amoindrissant subtilement leur intensité. Les présentations aux familles respectives des deux jeunes femmes donneront lieu à deux dîners où tout sera dit en mets et gestes de leurs différences sociales. Chez Emma, son homosexualité pas plus que son cursus aux beaux-arts ne soulève de préoccupation. Les parents d’Adèle, bien plus modestes, ne conçoivent ni l’un ni l’autre. De là viendra la chute, frayant peu à peu sa percée dans une histoire de couple et de désunion telle qu’elle peut résonner en chaque spectateur. L’intime, en plans très serrés sur la palette infinie de ses expressions, se conjugue ainsi à l’universel que sculptent les choix plastiques, membres rompus de plaisir rejoignant presque l’abstraction à l’instar d’une toile de Francis Bacon. Emma peint. Adèle suit sa vocation d’institutrice et de nombreux retours de séquences caressantes substitueront aux amours mortes l’attendrissement des tout petits. Adèle écrit son histoire à la première personne, libre et franche. Elle ne s’aliène qu’à la toute-puissance amoureuse et se fie à sa seule boussole.
Deuxième extrait :
Publié par le journal l'Humanité
"La Vie d'Adèle" : les mots bleus de Kechiche par lemondefr
Débat autour d’un tournage qui n’a pas tourné rond
Envoyée spéciale de l'Humanité MJS. Dans un communiqué envoyé à toutes les rédactions, le Spiac CGT dénonce les difficiles conditions de tournage du film d’Abdellatif Kechiche, présenté à Cannes en compétition : « Journées de travail de seize heures, déclarées huit », ainsi que des « horaires de travail anarchiques ou modifiés au dernier moment, avec convocations par téléphone pendant les jours de repos ou durant la nuit ; renégociations des contrats en milieu de tournage, qui contraignent les techniciens à travailler les samedis sans être payés ; modification du plan de travail au jour le jour. »
Le syndicat des techniciens pointe la responsabilité de la région Nord-Pas-de-Calais en tant que collectivité territoriale coproductrice du film (« nous nous demandons si l’institution régionale n’est pas en train d’apporter sa caution à ce type de pratiques et de comportements », écrit-il), ainsi que celle des autres coproducteurs, Quat’Sous Films, Wild Bunch, Vincent Maraval et Brahim Chioua, ces derniers s’étant par ailleurs opposés au syndicat sur la question de l’extension de la convention collective.
Pour le Spiac CGT, cette « affaire » révèle l’urgence de l’application d’une convention collective pour que cessent de telles méthodes.
20:03 Publié dans Actualités, ACTUSe-Vidéos, Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma français, festival de cannes 2013, professionels du cinéma, conditions de travail, intermittents, abdellatif kechiche, spiac, palme d'or | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
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