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27/09/2020

Pourquoi le quinquennat est devenue la pire idée de la Ve République

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En 2000, les Français approuvaient par référendum le passage du septennat au quinquennat. Vingt ans plus tard, la prophétie de ses détracteurs s’est réalisée : les pouvoirs sont déséquilibrés au profit d’une présidence hypertrophiée.

C’est une des pires réformes de l’histoire constitutionnelle contemporaine qui a fêté ses 20 ans, jeudi. Le 24 septembre 2000, les électeurs français étaient invités aux urnes pour répondre à la question suivante : «  Approuvez-vous le projet de loi constitutionnelle fixant la durée du mandat du président de la République à cinq ans ? » La suite est connue : une large victoire du oui, à 73 %, mais surtout une très forte abstention, à 69,8 %. Il aura donc suffi d’environ 7,4 millions de voix (sur 39 millions d’inscrits) pour que la Ve République change de visage et bascule un peu plus dans l’hyperprésidentialisation.

Le pouvoir de l’Assemblée a fini dans le cercueil.

Loué comme une manière d’adapter le rôle du président à une temporalité politique qui s’accélère, le quinquennat produit son hypertrophie. Car, derrière le passage au mandat de cinq ans, il y avait surtout un autre projet politique : l’inversion du calendrier électoral, pour que les élections législatives se tiennent dans la foulée de la présidentielle, actée par une loi de 2001. La présidentielle devient l’élection nationale qui conditionne tous les autres scrutins. Le but : enterrer toute cohabitation avec une majorité parlementaire élue sur le nom du vainqueur. Mais, dans la manœuvre, c’est surtout le pouvoir de l’Assemblée qui finit dans le cercueil.

Une abstention majoritaire

Le quinquennat aurait certes pu accoucher de tout autre chose, si le calendrier avait été maintenu. Des législatives à mi-mandat permettraient, par exemple, de sanctionner ou d’avaliser la politique du président. « La réforme de 2000 seule ne suffit pas à expliquer l’évolution du régime. La clé de l’hyperprésidentialisation, c’est l’inversion du calendrier électoral, confirme Lauréline Fontaine, constitutionnaliste à la Sorbonne Nouvelle-Paris-III. Le président a son nez partout, dès lors que les calendriers législatif et présidentiel se confondent. » Une omniprésence présidentielle encore plus frappante sous Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, qui en ont fait une marque de fabrique. Cela n’a pas échappé aux détracteurs de la Ve République. Les critiques répétées contre le régime, qu’elles soient portées par les promoteurs d’une VIe République davantage parlementariste ou par les gilets jaunes, à travers le référendum d’initiative citoyenne, vont dans le sens d’un rééquilibrage des institutions.

« Péché originel »

À l’origine du « péché originel », le premier ministre Lionel Jospin, alors en cohabitation avec Jacques Chirac. Le contexte penche en sa faveur : 71 % des Français, lassés des cohabitations, sont favorables au quinquennat, selon un sondage de l’été 1999. Le chef de l’État finit par plier et prend l’initiative d’un référendum, pour donner l’impression que Lionel Jospin a eu le dernier mot sur ce dossier. Pourtant le président redoute que cela renforce la présidentialisation du régime. En porte-à-faux, le PCF fait campagne sur le thème de «  l’abstention critique et active », selon la formule du secrétaire national de l’époque, Robert Hue.

Si l’abstention s’est en effet avérée majoritaire, la réforme, elle, a produit ses effets délétères. «  S’il fallait légiférer à nouveau, la première chose à faire serait de remettre les législatives au cœur de la vie politique française, au-delà de la question de la durée du mandat », juge la sénatrice PCF Éliane Assassi.

16:08 Publié dans Connaissances, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : présients, législatives | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

11/09/2020

Espagne. “Le Silence des autres”, le film qui donne la parole aux victimes du franquisme

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Produit par Pedro Almodóvar, le documentaire Le Silence des autres met au premier plan des victimes de la dictature de Franco qui, encore aujourd’hui, se battent pour obtenir justice. Un film à découvrir...

Sa voix n’est plus qu’un souffle, un râle presque. Arrachés au silence et au poids des ans, ses mots n’en ont que plus de force. Ils concentrent l’obsession de toute une vie, une obstination ultime. María Martín avait six ans quand, le 21 septembre 1936, les franquistes ont emmené et liquidé sa mère.

Faustina López González a été ensevelie dans une fosse commune, par-dessus laquelle file aujourd’hui la route de Buenaventura, dans la province de Tolède. Jamais sa fille n’a pu obtenir que ses assassins soient jugés, jamais elle n’a pu donner à sa mère une digne sépulture. Alors que, pour elle, les jours comptent désormais pour des années, elle refuse de se résigner. Sous le soleil d’une fin de journée, elle vient déposer un bouquet de fleurs sur le bas-côté de la chaussée. “Comme la vie est injuste ! Pas la vie. Nous, les humains… nous sommes injustes.”

À l’instar de centaines de milliers d’Espagnols, María Martín a fait les frais de la loi d’amnistie votée en 1977 par le Congrès de son pays. Pour tourner la page du franquisme (1939-1975), décision a été prise de pardonner tous les délits, les actes de rébellion et de sédition, les abus d’autorités, les répressions politiques, les assassinats et les actes de torture commis sous la dictature. Un “pacte de l’oubli” comme en ont adopté beaucoup de pays au sortir d’années noires. À une spécificité près : “Dans le reste du monde, les jeunes démocraties – en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie – ont abrogé les lois adoptées à la fin des dictatures.

L’Espagne ne l’a pas fait”, souligne la cinéaste espagnole Almudena Carracedo, interrogée par le quotidien El País. Dans la péninsule ibérique, il n’y a eu ni procès des dignitaires du franquisme ni commission de vérité et réconciliation. Un amer retournement de l’histoire Avec son compagnon, Robert Bahar, Almudena Carracedo est l’auteure d’un documentaire poignant, El Silencio de los otros [“Le Silence des autres”].

Il donne la parole à plusieurs victimes du franquisme que la loi de 1977 a privées de justice. Certaines, comme María Martín, sont les enfants, les proches de disparus (cent mille personnes ont été enterrées dans des fosses communes aux quatre coins du pays, rappelle El País). D’autres ont été torturées par des sbires du franquisme comme le sadique Billy el Niño [“Billy the Kid”]. D’autres, enfin, sont les victimes du scandale des bébés volés : des milliers d’enfants en bas âge soustraits à leurs parents pour être vendus à l’adoption.

La caméra d’Almudena Carracedo et de Robert Bahar réunit ces personnes alors qu’elles se préparent à saisir la justice argentine. Un amer retournement de l’histoire : en 1998, c’est à la demande d’un tribunal espagnol, sur la base du principe de compétence universelle, que l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet avait été arrêté à Londres – un événement qui avait bouleversé la notion de justice internationale. Vingt ans plus tard, des Espagnols sont obligés d’aller déposer plainte à dix mille kilomètres de chez eux, en Argentine, pour tenter de faire voler en éclats le pacte de l’oubli.

L’objectif des réalisateurs, comme ils le confient à El País, est toutefois d’aller au-delà des statistiques et des procédures juridiques, “pour qu’il soit clair que c’est de personnes qu’il s’agit”. Ainsi que le formule Robert Bahar : Quand on voit María assise au bord de la route, comment est-il possible de s’opposer à ce qu’une enquête soit ouverte sur [la disparition de sa mère] ?” “Une honte nationale” Produit par El Deseo, la société des frères Almodóvar, Le Silence des autres est “un documentaire indispensable”, écrit El País. Il explore un épisode douloureux de l’histoire espagnole, sur la mémoire duquel les Espagnols se divisent encore aujourd’hui : ouvrir les fosses communes et juger les coupables ? Prolonger l’impunité ? Oublier ?

Le film “est émouvant, mais nous fait surtout honte. Nous avons honte en tant que citoyens et en tant que nation”, commente pour sa part le site El Diario. L’un de ses journalistes, Carlos Hernández, a assisté à une projection du long-métrage en Espagne. Il raconte la fin de la séance, devant une salle a priori en accord avec le message du film : “Les lumières se rallument avant la fin du générique. La majorité des fauteuils est encore occupée ; personne ne semble pressé de partir. Quelques spectateurs déglutissent pour tenter de faire passer la boule qu’ils ont dans la gorge. D’autres ne se cachent pas et essuient leurs joues avec un mouchoir ou directement avec le revers de leur manche.” La chronique d’un “oubli prémédité”

Dans les couloirs du cinéma, les témoignages fusent. “Ils ont emmené mon père, et je n’ai plus jamais eu de nouvelles” ; “Ma grand-mère et ses sœurs ont été tondues et exhibées dans le village… au moins, elles n’ont pas été violées comme les autres voisines qui étaient aussi républicaines…” Et Carlos Hernández de commenter : Ce film est la chronique de l’oubli prémédité des victimes de la dictature, du système grâce auquel le tyran a garanti l’impunité des bourreaux.” Ces derniers mois, comme à chaque fois que la gauche prend le pouvoir en Espagne, la chape de plomb s’est de nouveau fissurée. Porté en juin 2018 à la tête du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sánchez a présenté plusieurs réformes : déplacer les restes de Franco de l’imposant mausolée où ils reposent aujourd’hui, véritable monument à la gloire du régime déchu ; exhumer et identifier les restes des disparus enterrés dans des fosses communes ; créer une commission de vérité sur les exactions commises ; supprimer tous les symboles qui rappellent la guerre civile ou la dictature.

Il souhaiterait aussi retirer sa médaille du Mérite au tortionnaire Billy el Niño, tout un symbole. Mais, pour María Martín, tout cela survient trop tard. La vieille dame s’est éteinte avant la fin du tournage du Silence des autres. Sa fille a repris le flambeau. Le Silence des autres sort le 13 février en France, en partenariat avec Courrier international.

Marie Bélœil, Courrier International

18:27 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le silence des autres | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!