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16/05/2014

L'austérité au coeur du grand débat des européennes ! Alexis Tsipras, le plus convainquant de tous les candidats !

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Lors du débat organisé entre postulants à la présidence de la Commission européenne, Alexis Tsipras a porté le fer contre la politique d’austérité. Une rencontre importante, boudée par le service public France Télévision.

« Je suis Alexis Tsipras, candidat de la Gauche européenne et je viens de Grèce. Mon pays a été choisi comme cobaye pour l’austérité la plus dure. Ses résultats, je ne les souhaite à personne de les vivre, je le les souhaite à aucun autre peuple ».

D’emblée, jeudi soir au Parlement européen à Bruxelles, le leader de Syrisa, a porté le fer contre la politique d’austérité dès les premières minutes du débat auquel il participait avec les quatre autres postulants à la présidence de la Commission européenne : le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker (Parti populaire Européen-droite), le libéral belge Guy Verhofstadt, le social-démocrate allemand Martin Schulz et sa compatriote écologiste Ska Keller.

Cette unique confrontation à l’échelle européenne entre les chefs de file des grandes familles politiques représentées au Parlement européen avait été boudée par le service public France Télévision, au prétexte qu’un échange à cinq voix, en traduction simultanée n’était pas un « événement télévisuel ».

Ses responsables, en d’autres termes, semblent préférer les matchs de catch entre deux champions présélectionnés par leurs soins, avec si possible l’incontournable Marine Le Pen. En l’occurrence, la galaxie de l’extrême droite et du populisme ne présentant de candidat au remplacement de José Manuel Barroso, le débat aurait-il perdu tout intérêt aux yeux des responsables de France Télévision ?

Toujours est-il que sa diffusion fut « reléguée » aux chaînes d’informations et parlementaires, qui ont eu l’opportunité de démontrer qu’un débat portant sur les questions de fond pouvait être intéressant.

Les échanges ont parfaitement montré les lignes de partage et les oppositions sur les politiques d’austérité. Bien sûr personne n’a défendu cette tragédie sociale, selon le terme de Tsipras, on a même entendu Jean-Claude Juncker visiblement sur la défensive s’agacer du mot « austérité » s’emporter « Nous n’avons pas aidé les banques pour les beaux yeux des banquiers » et assurer « j’ai tout fait pour la Grèce ! » Aussi bien lui-même - « nous avons accumulé dettes et déficits, il nous faut continuer larigueur »- que Guy Verhofstadt «On ne peut s’endetter davantage » n’ont eu de cesse que de défendre l’orthodoxie financière. De son côté, oubliant le temps d’un débat la cogestion européenne entre la droite et les sociaux-démocrates, Martin Schultz a regretté que l’on ait taillé dans les budgets publics, a critiqué les banques qui spéculent, réclamé des taux d’intérêts bonifiés pour les PME, souligné l’importance de la fraude fiscale.

Ska Keller a prôné la création d’emplois dans le cadre de la transition écologique, dans les énergies renouvelables. « On ne sortira pas du chômage de masse sans remettre en cause la politique d’austérité », a démontré Alexis Tsipras, proposant l’effacement d’une partie des dettes publiques.

L’Union européenne souffre d’une grave crise de confiance. « Nous voulons sauver l’Europe en la changeant » a lancé Alexis Tsipras, pour qui les responsables de l’euroscepticisme sont les partis au pouvoir dans les institutions de l’UE ». Ska Keller a dénoncé le secret et le huis-clos qui entourent les négociations sur le traité transtlantique.

Pour Martin Schulz, il faut regagner la confiance de l’immense majorité des Européens qui gagnent entre 1000 et 2000 euros. Les élections européennes doivent déterminer le choix de qui présidera la Commission. Il serait inconcevable qu’il en soit autrement, ce qui fit dire à Martin Schulz que le futur président de la Commission se trouvait dans la salle. Une exigence justifiée, même si évidemment il pensait à lui-même. Cependant, la voix qui fit la différence, jeudi soir dans l’enceinte du parlement européen, venait de Grèce, de ce pays où socialistes, conservateurs et libéraux ont toujours affirmé qu’il n’y avait pas d’alternative à l’austérité.

- Par Jean-Paul Piérot, pour l'Humanité.

Alexis Tsipras le plus offensif...contre l'austérité

tsiprars,élections,europe,débat"L'austérité a été au cœur du grand débat des élections européennes, retransmis en direct jeudi soir dans tous les pays de l'UE, à dix jours d'un scrutin qui devrait être marqué par une poussée des eurosceptiques. Des débats avaient déjà eu lieu à Bruxelles ou dans d'autres capitales. Mais il s'agissait du premier avec les cinq candidats des principaux partis européens à la présidence de la Commission, dont le représentant de la gauche radicale, le Grec Alexis Tsipras.

D'emblée, il s'est montré le plus offensif face à ses concurrents, le chrétien-démocrate luxembourgeois Jean-Claude Juncker, le social-démocrate allemand Martin Schulz, le libéral belge Guy Verhofstadt et l'écologiste allemande Ska Keller, tous plus rompu que lui aux questions européennes. M. Tsipras a dénoncé les "politiques catastrophiques d'austérité", en demandant de "sortir de cette paranoïa vis-à-vis de la dette", un "changement de cap" et plus de "solidarité"..."

Le Monde

SONDAGE SUR L'EMISSION, ALEXIS TSIPRAS, LE PLUS CONVAINQUANT !

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07/05/2014

Catherine Ringer : « le tango, ça swingue, ça tangue... »

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On la savait passionnée de musiques sud-américaines depuis Marcia Baila au sein des Rita Mitsouko. Catherine Ringer revient avec l’album PLaza Francia aux côtés d’Eduardo Makaroff et Christoph Müller du Gotan Project, dans lequel elle se révèle magistrale en chanteuse de tango.

C’est une véritable fête latino-américaine qui attend le Printemps de Bourges durant trois soirs. Une fête du tango avec dans le rôle de la diva argentine la prêtresse rock Catherine Ringer. Eduardo Makaroff et Christoph Müller, deux des membres fondateurs du Gotan Project, ont imaginé un écrin à sa mesure et ont fait appel à elle pour interpréter les chansons qu’ils ont composées tout spécialement pour l’album Plaza Francia. Ils forment un trio en totale osmose, réunis autour d’une seule cause, le tango, entre bandonéon, guitares jazzy, ambiances électro-pop et voix magistrale de la chanteuse des Rita Mitsouko, qu’on n’aurait jamais imaginée à ce point pétrie de culture sud-américaine même si son interprétation de Marcia Baila pouvait laisser envisager le meilleur. Catherine Ringer a tout ce qu’il faut, la gouaille, l’accent argentin, l’autorité et le tempérament, pour se glisser dans la peau de la chanteuse de tango. Après la mort du guitariste et compositeur Fred Chichin en 2007, son compagnon avec qui elle a créé les Rita Mitsouko, elle a poursuivi sa route en solo. La voici émouvante et troublante reine de la milonga. Une nouvelle aventure et un répertoire qui lui vont comme un gant. La promesse d’un concert magnifique au Théâtre Jacques-Cœur.

Comment est née l’idée de créer Plaza Francia ?

Eduardo Makaroff Plus qu’une idée, c’est l’impulsion, le désir de continuer à faire évoluer le travail sur le tango que l’on fait avec Christoph. Après avoir travaillé sur le tango électronique, nous avions envie d’aller vers le tango-chanson. On a eu la chance de rencontrer Catherine Ringer pour interpréter ces chansons.

Christoph Müller Quand on a commencé à écrire, elles étaient destinées à plusieurs interprètes. Quand est apparu le nom de Catherine, on a pensé que ce serait fantastique. Aujourd’hui, cela paraît évident, mais au début c’était juste une idée mise sur le papier. Personne ne savait que ça pourrait donner ça.

Catherine Ringer Moi non plus ! (rires). J’ai reçu un coup de téléphone d’Eduardo qui me demandait si je voulais participer au projet. Je lui ai demandé de m’envoyer les chansons, pour voir. Comme ça me plaisait beaucoup, on a fait un essai. On s’est tout de suite bien entendu. Je crois qu’ils ont été charmés par mon interprétation et l’idée est née dans leur cœur et leur âme de musiciens que ça pourrait être moi qui fasse toutes les chansons. J’ai toujours considéré la musique comme un travail d’équipe et j’étais ravie de pouvoir faire partie de cette équipe.

On vous connaît surtout pour votre expérience rock au sein des Rita Mitsouko, puis en solo.On imagine que cela n’a pas dû être facile
de vous glisser dans le rôle de chanteuse de tango ?

Catherine Ringer Je suis connue pour mon expérience rock, mais ce que l’on sait moins, c’est que je suis une chanteuse qui travaille sur des tas de choses. Quand j’ai commencé à chanter professionnellement à l’âge de dix-sept ans, je chantais de la musique contemporaine. J’ai chanté des comédies musicales, du Bertolt Brecht. Après, j’ai rencontré Fred (Chichin) à l’âge de vingt et un ans. On s’est mis à composer des chansons ensemble, ce que je ne savais pas faire. Il m’a appris. Quand on m’a proposé de chanter du tango, ça ne m’a pas paru quelque chose d’impossible. D’autant plus que la voix, quand j’interprète de vieilles chansons françaises, de Fréhel ou de Piaf, ce n’est pas très éloigné du timbre du tango. Ce qu’il fallait voir surtout, c’est comment ça sonne.

 

Il a aussi fallu que vous appreniez à chanter avec l’accent argentin…

Catherine Ringer J’ai appris, comme tous les interprètes lorsqu’ils travaillent une partition. Il arrive aux chanteurs d’opéra de chanter en latin, en allemand, en italien, en français sans forcément parler la langue. On peut apprendre une chanson de trois minutes avec un refrain qui se répète, trois couplets, faire la traduction de manière à bien saisir le sens de chaque mot. Ce n’est pas comme toute une pièce de théâtre. Ce sont des poésies courtes, qu’on peut apprendre par cœur pour bien s’imprégner du texte. Mon défi, c’est aussi de pouvoir faire écouter ces chansons sans 
nécessairement que les gens comprennent 
les paroles. Le tango, c’est une sensation, une impression.

Vous possédez une véritable âme de chanteuse de tango. Comment expliquez-vous que sa musicalité soit aussi présente en vous ?

Catherine Ringer Le tango est une musique universelle qui s’est baladée à travers le monde. À Paris, où il est très présent, il est arrivé au début du siècle dernier. Je suis née dans les années 1950, et j’ai assisté à l’essor du rock, du yé-yé, des musiques qu’on entendait partout mais il y a toujours eu énormément de chansons à base de tango en France. J’ai écouté Astor Piazzolla que j’aimais beaucoup, Carlos Gardel. Peut-être suis-je capable de me plonger dans d’autres univers parce que j’aime le voyage musical.

Eduardo, vous êtes argentin. Considérez-vous que Paris est une bonne place pour le tango ?

Eduardo Makaroff C’est plus que ça ! C’est la deuxième capitale historique du tango. Il est né du côté du rio de la Plata à Buenos Aires et à Montevideo mais très vite, il est devenu à la mode à Paris, puis est revenu et accepté par l’establishment argentin. Il y a bien sûr eu Carlos Gardel, Astor Piazzolla, qui a développé sa carrière ici, et beaucoup d’autres. Des paroliers, des danseurs, des réalisateurs de cinéma, comme Pino Solanas, etc. À la brasserie La Coupole, il y a eu un orchestre de tango depuis les années 1920 qui a duré quatre-vingts ans.

Le célèbre pianiste argentin Gustavo Beytelmann, arrangeur d’une grande partie de l’album, dit que Catherine Ringer a « le caractère tango ». Vous êtes d’accord ?

Christoph Müller Elle a la gouaille. C’est ce que l’on sent aussitôt. Par rapport à ce qu’on voulait faire, c’est devenu l’idéal. Elle a une supervoix, une oreille extraordinaire. Catherine n’a pas que le tempérament du tango, elle a du tempérament tout court ! (rires). On a fait appel à elle en pensant à son passé de musicienne et de chanteuse des Rita Mitsouko que nous connaissions. Le résultat a largement dépassé ce que nous pouvions imaginer. Elle s’est révélée être une chanteuse de tango !

Catherine, on vous sent tellement bien dans ce nouveau répertoire qu’on a l’impression que vous pourriez vivre longtemps avec en tournée…

Catherine Ringer C’est vrai que c’est une belle aventure. Je me sens bien avec cet univers. Eduardo et Christoph sont des musiciens merveilleux. Ca swingue, ça tangue ! C’est émotionnel, on peut faire des variations. Il n’y a pas de raison que l’ennui me guette. J’espère pouvoir interpréter ces chansons durant un bon moment. Surtout que ce sont des auteurs-compositeurs prolifiques. Je suis sûre d’ailleurs qu’ils vont encore amener très rapidement de nouvelles chansons ! (rires).

Entretien réalisé par Victor Hache pour l'Humanité

EXTRAIT DE CET ALBUM EN CLIQUANT SUR CETTE LIGNE

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28/04/2014

Quand la Cour suprême américaine mine la démocratie

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Il y a certaines décisions qui, prises à Washington, nous concernent directement. C’est le cas de celle qu’a prise mercredi la Cour suprême dans l’affaire McCutcheon vs FEC : au nom du Premier amendement de la Constitution, qui promeut la liberté d’expression, les juges suprêmes, par cinq voix contre quatre, ont refusé que soient plafonnés les dons que peuvent faire les particuliers pour des campagnes électorales.

Le plafond, fixé à 123 200 dollars, a donc disparu depuis mercredi. En débridant le rôle des plus riches dans le processus politique, la Cour renforce concrètement leur influence, déjà immense, sur les décisions publiques.

Prise au nom de la liberté, sa décision aboutit à miner celle-ci. Car quelle est la liberté des citoyens dans un système de plus en plus ploutocratique, de moins en moins démocratique ?

Un enjeu de civilisation

On pourrait se dire que c’est certes scandaleux, OK, mais que c’est l’affaire des Américains : « Tant pis pour eux ! » Ce serait raisonner à courte vue. Que la première puissance mondiale se laisse glisser sur cette pente-là est une mauvaise nouvelle non seulement pour le peuple américain, mais aussi pour le reste de la planète.

Cette dérive ploutocratique américaine ne fait qu’accroitre, dans l’ensemble du monde, la course de l’accumulation de l’argent vers une petite élite bien décrite par l’économiste français Thomas Piketty dans « Le Capital au XXIe siècle » (un livre publié chez Seuil, et dont la traduction fait sensation aux Etats-Unis, soit dit en passant). L’enjeu n’est donc pas seulement américain : c’est un enjeu de civilisation.

La Cour suprême. Pastilles rouges : les plus conservateurs, majoritaires (Steve Petteway/Wikim&eacute ; dia Commons)

La Cour suprême a perdu une occasion de mettre un coup d’arrêt à cette dérive de l’argent en indiquant qu’on est allé bien trop loin. C’est ce que souhaitaient les quatre juges (dont les trois femmes de la Cour) qui ont voté contre la décision.

Lorsque, comme c’est le cas outre-atlantique, 85% des élus sont ceux qui ont dépensé le plus d’argent pour leur campagne, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Lorsque des milliardaires créent leur propre structure politique, comme c’est le cas des frères Koch, obsédés par l’idée de chasser Obama du pouvoir, il y a même quelque chose de pourri au cœur du système.

« La voix de l’argent à plein volume »

Dans un avis dissident joint à la décision, le juge Stephen Breyer, nommé par Clinton, résume le problème d’une formule :

« Quand la voix de l’argent s’exprime à plein volume, celle des citoyens devient inaudible. »

Selon lui, cette décision, qui fait suite à une autre de la même eau (Citizens United vs FEC) empêche tout contrôle du financement de la vie politique et de ce fait soulève « de graves problèmes de légitimité démocratique ». Des mots qui, sous la plume d’un des garants de la Constitution américaine, sont très lourds.

Sans surprise, ce sont les cinq juges conservateurs, qui ont voté pour laisser la voix de l’argent « s’exprimer à plein volume ». Selon eux, « dépenser des larges sommes d’argent en lien avec une élection, et non en vue de contrôler l’exercice du pouvoir de celui qui sera en charge, n’est pas en soi un pacte de corruption [en VO : “quid pro quo corruption”, ndlr] ». Une vision bien étroite du mot corruption...

Publié par le Nouvel Obs

22/04/2014

"La France est de plus en plus perçue comme l’adversaire du monde arabe"

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À Gaza, les enfants tombent malade à cause de la pollution des sources d’eau potable

Journaliste et écrivain palestinien de renommée internationale, né à Gaza, Ramzy Baroud (*) a sillonné pendant plusieurs mois le Proche et le Moyen-Orient, pour le compte de la chaîne Al Jazeera. A l’occasion de sa première visite à Paris, il livre à l’Humanité son regard sur les bouleversements régionaux en cours, et juge avec sévérité le nouveau rôle joué par la diplomatie française.

Comment expliquez-vous la dégradation actuelle, en particulier sanitaire, que connaît la bande de Gaza ?

Ramzy Baroud. L’Etat de siège est perpétuel. Mais effectivement, même selon les « standards » de Gaza, la situation s’est considérablement dégradée. Il n’y a de courant qu’entre 2h et 6h du matin. Les générateurs des hôpitaux ne fonctionnent plus. Les enfants tombent malade à cause de la pollution des sources d’eau potable, les ordures et les eaux usées se déversent dans les rues. Nous sommes au-delà de la logique de punition collective. Il y a selon moi une volonté politique des dirigeants israéliens d’accentuer cette punition afin d’accroître la défiance de la population envers le Hamas, et le rendre responsable de la dégradation des conditions de vie. Avec l’élimination des Frères musulmans en Egypte, le moment est idéal pour marginaliser le Hamas, sa branche palestinienne.

C’est votre premier voyage en France, un pays qui était connu pour sa politique « équilibrée » au Proche-Orient…

Ramzy Baroud. Il y a eu un changement significatif de votre politique étrangère, en particulier vis-à-vis du Proche-Orient : Les Palestiniens considèrent la position de la France comme engagée du côté israélien. Ils ont perdu leurs illusions sur l’équilibre français, sa sympathie supposée pour la cause palestinienne. Après l’intervention militaire en Libye, puis la tentative avortée de bombarder la Syrie, comme j’ai pu m’en rendre compte après un séjour de six mois dans les pays arabes pour le compte de la chaîne Al-Jazeera, la France est de plus en plus perçue comme l’adversaire du monde arabe. Il y a un manque de confiance pour un pays clairement identifié comme faisant partie de l’axe Londres-Washington-Tel Aviv.

Dans votre dernier livre, vous décrivez Benjamin Netanyahu comme un « homme malveillant à l’esprit tordu ». Pourquoi François Hollande lui a-t-il manifesté une telle amitié à l’occasion de son dernier voyage en Israël ?

Ramzy Baroud. Je vais essayer de rester le plus poli possible. Mais je suis obligé d’admettre que j’ai trouvé ce spectacle absolument écœurant. C’est d’autant plus incompréhensible venant du président d’un pays au passé révolutionnaire, qui a connu la brutalité de l’Occupation, qui comprend la violence d’un processus de décolonisation. Et voir François Hollande donner aux dirigeants israéliens cet amour inconditionnel à un moment où même le gouvernement américain atteint le point où il défie l’influence du lobby pro-israélien aux Etats-Unis a quelque chose de profondément choquant. Netanyahu est à l’extrême-droite de l’échiquier politique israélien et il pourrait même être taxé de fasciste selon certains standards politiques internationaux… Peut-être que cette attitude était justifiée par la volonté d’amadouer les dirigeants israéliens sur le dossier du nucléaire iranien, mais faire cela sur le dos des Palestiniens avait quelque chose de révoltant.

Vingt ans après les accords d’Oslo, le Moyen Orient connaît des bouleversements majeurs : l’Iran normalise sa relation avec les Etats-Unis, Israël coopère étroitement avec l’Arabie Saoudite... Quel impact ces évolutions peuvent-elles avoir sur la lutte du peuple palestinien ?

Ramzy Baroud. Il y a un changement de paradigme à l’œuvre dans la région. Dans les décennies à venir, on se souviendra de cette période comme celle qui a changé le visage du Proche et du Moyen-Orient. La raison fondamentale vient des Etats-Unis : ils ont compris après l’Irak qu’ils n’avaient plus les moyens de mener une guerre de grande envergure. En conséquence de cela, d’autres acteurs tentent de combler ce vide. L’autre facteur est l’émergence du peuple arabe en tant qu’entité politique. Les analystes ont à mon avis commis une erreur en considérant que le soulèvement était une victoire en soi. Ce n’était pas le cas. La signification, selon moi, c’est que le Moyen-Orient ne pourra plus être gouverné par cette alliance entre le néocolonialisme occidental et une poignée de dirigeants corrompus et despotiques. Il est néanmoins difficile de définir ce nouvel acteur : ce n’est pas vraiment une « société civile », parce qu’elle est fragmentée et divisée, comme on peut le voir en Libye ou en Egypte, mais c’est incontestablement une émergence populaire. Il n’y a pas vraiment eu de culture de la mobilisation collective dans la région depuis des décennies. Cette conscience sera probablement longue à émerger, que ce soit au Yémen ou à Bahreïn, mais elle finira par redessiner le visage du Moyen-Orient. Prenons le cas de l’Egypte : les puissances étrangères y faisaient et y défaisaient les rois. Aujourd’hui, elles sont obligées d’ajuster leur attitude en fonction de qui la population a permis ou rendu possible l’accession au pouvoir.

L’émir du Qatar a tenté de mettre la main sur le Hamas l’année dernière, avant que son pays ne semble disparaître progressivement de la scène régionale. Que s’est-il passé ?

Ramzy Baroud. Il n’y a pas de réelle dynamique au Qatar. C’est un tout petit pays qui essaie d’apparaître comme influent sur la scène internationale. Mais tout ce qu’il a à offrir, c’est de l’argent. L’argent permet de vous acheter une amitié temporaire, mais certainement pas une influence durable. Vous pouvez acheter des groupes, des militants, et après ? Le chèque signé au Hamas s’inscrivait dans la stratégie de récupération des mouvements politiques islamistes suite au Printemps arabe. Le Hamas était alors dans une position très inconfortable vis-à-vis du conflit syrien, et il fallait l’obliger à s’engager du côté de l’opposition armée soutenue par le Qatar. Les dirigeants du Hamas ont visiblement misé sur le mauvais cheval.

Comment résoudre la défiance grandissante de la population palestinienne vis-à-vis de leurs dirigeants ? La libération d’une figure comme Marwan Barghouti peut-elle changer la donne ?

Ramzy Baroud. La crise est beaucoup trop profonde pour qu’elle puisse être résolue par un seul homme. La classe politique palestinienne dépend du bon vouloir de ses partenaires politiques et financiers, et même d’Israël. Si Israël en venait à considérer que l’autorité palestinienne représente un réel danger pour ses intérêts, elle serait encore d’avantage affaiblie : les Etats-Unis cesseraient par exemple de financer la formation de policiers, lesquels sont entre autres chargés d’empêcher toute forme de lutte armée contre l’occupant israélien. Le problème du Hamas est différent : c’est un parti plus récent, qui est apparu aux yeux de la population palestinienne comme moins corrompu, n’ayant pas renoncé à la lutte armée, et c’est ce qui explique que nombre de chrétiens vivant à Gaza ont voté pour lui. Il ne s’agissait pas de soutenir le Hamas pour ce qu’il est réellement, mais pour ce qu’il représente. C’est le même phénomène qui explique la popularité du Hezbollah au Liban, qui va bien au-delà de la population chiite. Pour revenir à votre question, je pense que la question de la représentation du peuple palestinien sera « naturellement » tranchée lorsque les circonstances politiques permettront à une telle figure d’émerger. Ce n’est pas le cas actuellement.

(*) Dernier ouvrage paru : Résistant en Palestine, une histoire vraie de Gaza, publié aux éditions Demi Lune.

Publié dans l'Humanité

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Propos recueillis par Marc de Miramon