Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/04/2014

"La France est de plus en plus perçue comme l’adversaire du monde arabe"

Proche-Orient, egypte, libye, syrie, israël, palestine, tel aviv, Etats-Unis, Iran , qatar , benjamin netanyahu, marwan barghouti, moyen-orient, hamas, printemps arabe, occupation israëlienne, bande de gaza, décolonisation, ramzi baroud,

À Gaza, les enfants tombent malade à cause de la pollution des sources d’eau potable

Journaliste et écrivain palestinien de renommée internationale, né à Gaza, Ramzy Baroud (*) a sillonné pendant plusieurs mois le Proche et le Moyen-Orient, pour le compte de la chaîne Al Jazeera. A l’occasion de sa première visite à Paris, il livre à l’Humanité son regard sur les bouleversements régionaux en cours, et juge avec sévérité le nouveau rôle joué par la diplomatie française.

Comment expliquez-vous la dégradation actuelle, en particulier sanitaire, que connaît la bande de Gaza ?

Ramzy Baroud. L’Etat de siège est perpétuel. Mais effectivement, même selon les « standards » de Gaza, la situation s’est considérablement dégradée. Il n’y a de courant qu’entre 2h et 6h du matin. Les générateurs des hôpitaux ne fonctionnent plus. Les enfants tombent malade à cause de la pollution des sources d’eau potable, les ordures et les eaux usées se déversent dans les rues. Nous sommes au-delà de la logique de punition collective. Il y a selon moi une volonté politique des dirigeants israéliens d’accentuer cette punition afin d’accroître la défiance de la population envers le Hamas, et le rendre responsable de la dégradation des conditions de vie. Avec l’élimination des Frères musulmans en Egypte, le moment est idéal pour marginaliser le Hamas, sa branche palestinienne.

C’est votre premier voyage en France, un pays qui était connu pour sa politique « équilibrée » au Proche-Orient…

Ramzy Baroud. Il y a eu un changement significatif de votre politique étrangère, en particulier vis-à-vis du Proche-Orient : Les Palestiniens considèrent la position de la France comme engagée du côté israélien. Ils ont perdu leurs illusions sur l’équilibre français, sa sympathie supposée pour la cause palestinienne. Après l’intervention militaire en Libye, puis la tentative avortée de bombarder la Syrie, comme j’ai pu m’en rendre compte après un séjour de six mois dans les pays arabes pour le compte de la chaîne Al-Jazeera, la France est de plus en plus perçue comme l’adversaire du monde arabe. Il y a un manque de confiance pour un pays clairement identifié comme faisant partie de l’axe Londres-Washington-Tel Aviv.

Dans votre dernier livre, vous décrivez Benjamin Netanyahu comme un « homme malveillant à l’esprit tordu ». Pourquoi François Hollande lui a-t-il manifesté une telle amitié à l’occasion de son dernier voyage en Israël ?

Ramzy Baroud. Je vais essayer de rester le plus poli possible. Mais je suis obligé d’admettre que j’ai trouvé ce spectacle absolument écœurant. C’est d’autant plus incompréhensible venant du président d’un pays au passé révolutionnaire, qui a connu la brutalité de l’Occupation, qui comprend la violence d’un processus de décolonisation. Et voir François Hollande donner aux dirigeants israéliens cet amour inconditionnel à un moment où même le gouvernement américain atteint le point où il défie l’influence du lobby pro-israélien aux Etats-Unis a quelque chose de profondément choquant. Netanyahu est à l’extrême-droite de l’échiquier politique israélien et il pourrait même être taxé de fasciste selon certains standards politiques internationaux… Peut-être que cette attitude était justifiée par la volonté d’amadouer les dirigeants israéliens sur le dossier du nucléaire iranien, mais faire cela sur le dos des Palestiniens avait quelque chose de révoltant.

Vingt ans après les accords d’Oslo, le Moyen Orient connaît des bouleversements majeurs : l’Iran normalise sa relation avec les Etats-Unis, Israël coopère étroitement avec l’Arabie Saoudite... Quel impact ces évolutions peuvent-elles avoir sur la lutte du peuple palestinien ?

Ramzy Baroud. Il y a un changement de paradigme à l’œuvre dans la région. Dans les décennies à venir, on se souviendra de cette période comme celle qui a changé le visage du Proche et du Moyen-Orient. La raison fondamentale vient des Etats-Unis : ils ont compris après l’Irak qu’ils n’avaient plus les moyens de mener une guerre de grande envergure. En conséquence de cela, d’autres acteurs tentent de combler ce vide. L’autre facteur est l’émergence du peuple arabe en tant qu’entité politique. Les analystes ont à mon avis commis une erreur en considérant que le soulèvement était une victoire en soi. Ce n’était pas le cas. La signification, selon moi, c’est que le Moyen-Orient ne pourra plus être gouverné par cette alliance entre le néocolonialisme occidental et une poignée de dirigeants corrompus et despotiques. Il est néanmoins difficile de définir ce nouvel acteur : ce n’est pas vraiment une « société civile », parce qu’elle est fragmentée et divisée, comme on peut le voir en Libye ou en Egypte, mais c’est incontestablement une émergence populaire. Il n’y a pas vraiment eu de culture de la mobilisation collective dans la région depuis des décennies. Cette conscience sera probablement longue à émerger, que ce soit au Yémen ou à Bahreïn, mais elle finira par redessiner le visage du Moyen-Orient. Prenons le cas de l’Egypte : les puissances étrangères y faisaient et y défaisaient les rois. Aujourd’hui, elles sont obligées d’ajuster leur attitude en fonction de qui la population a permis ou rendu possible l’accession au pouvoir.

L’émir du Qatar a tenté de mettre la main sur le Hamas l’année dernière, avant que son pays ne semble disparaître progressivement de la scène régionale. Que s’est-il passé ?

Ramzy Baroud. Il n’y a pas de réelle dynamique au Qatar. C’est un tout petit pays qui essaie d’apparaître comme influent sur la scène internationale. Mais tout ce qu’il a à offrir, c’est de l’argent. L’argent permet de vous acheter une amitié temporaire, mais certainement pas une influence durable. Vous pouvez acheter des groupes, des militants, et après ? Le chèque signé au Hamas s’inscrivait dans la stratégie de récupération des mouvements politiques islamistes suite au Printemps arabe. Le Hamas était alors dans une position très inconfortable vis-à-vis du conflit syrien, et il fallait l’obliger à s’engager du côté de l’opposition armée soutenue par le Qatar. Les dirigeants du Hamas ont visiblement misé sur le mauvais cheval.

Comment résoudre la défiance grandissante de la population palestinienne vis-à-vis de leurs dirigeants ? La libération d’une figure comme Marwan Barghouti peut-elle changer la donne ?

Ramzy Baroud. La crise est beaucoup trop profonde pour qu’elle puisse être résolue par un seul homme. La classe politique palestinienne dépend du bon vouloir de ses partenaires politiques et financiers, et même d’Israël. Si Israël en venait à considérer que l’autorité palestinienne représente un réel danger pour ses intérêts, elle serait encore d’avantage affaiblie : les Etats-Unis cesseraient par exemple de financer la formation de policiers, lesquels sont entre autres chargés d’empêcher toute forme de lutte armée contre l’occupant israélien. Le problème du Hamas est différent : c’est un parti plus récent, qui est apparu aux yeux de la population palestinienne comme moins corrompu, n’ayant pas renoncé à la lutte armée, et c’est ce qui explique que nombre de chrétiens vivant à Gaza ont voté pour lui. Il ne s’agissait pas de soutenir le Hamas pour ce qu’il est réellement, mais pour ce qu’il représente. C’est le même phénomène qui explique la popularité du Hezbollah au Liban, qui va bien au-delà de la population chiite. Pour revenir à votre question, je pense que la question de la représentation du peuple palestinien sera « naturellement » tranchée lorsque les circonstances politiques permettront à une telle figure d’émerger. Ce n’est pas le cas actuellement.

(*) Dernier ouvrage paru : Résistant en Palestine, une histoire vraie de Gaza, publié aux éditions Demi Lune.

Publié dans l'Humanité

Lire aussi :

Propos recueillis par Marc de Miramon

18/01/2009

MARWAN BARGHOUTI LE MANDELA PALESTINIEN

barghouthi.JPGAlors que les bombes de l’armée Israélienne résonnaient et frappaient dans Gaza dévastée devenue aux yeux des Palestiniens ville martyre, aux 600 enfants tués par les bombardements, le quasi-silence du Président de l’autorité Palestinienne Mahmoud Abbas, âgé de 74 ans, et dont le mandat se termine, surprenait et donnait alors plus d’écho à l’appel à l’unité de tout le peuple Palestinien  du fond de sa prison israélienne, de Marwan Barghouti, secrétaire général du Fatah, membre du Conseil législatif (parlement palestinien issu des accords d’Oslo).

Il trouve les mots justes aux yeux de la plupart des Palestiniens, qu’ils soient membres du Fatah ou du Hamas : « J’appelle les Palestiniens, les citoyens des pays arabes et musulmans tout comme l’ensemble des citoyens épris de liberté dans le monde à poursuivre leur mobilisation contre l’agression israélienne sur la bande de Gaza, afin de stopper le carnage qui continue dans la brutalité la plus grande, depuis deux semaines. Je condamne cette agression, l’invasion et la destruction de la bande de Gaza.

« Je salue la grande détermination des Palestiniens à faire face à cette agression et sa résistance courageuse pour faire payer un lourd tribut aux envahisseurs et aux agresseurs.

« Je salue aussi tous les Palestiniens où qu’ils se trouvent, en Cisjordanie, à Jérusalem, en Israël dans les camps de réfugiés et dans la diaspora, les peuples des nations arabes et musulmanes et les progressistes du monde entier qui expriment leur solidarité avec le peuple palestinien.

« J’appelle toutes les organisations palestiniennes, toutes les forces nationales dans leur diversité à s’unir pour faire face à l’agression et à dépasser toutes les différences car l’attaque israélienne vise le peuple palestinien tout entier, vise à détruire sa détermination. Le Fatah et ses membres sont parties intégrantes de la bataille pour faire face à l’agression.

« Le sang versé par les martyres réclame de nous une rapide fin de la division actuelle et de réaliser l’unité nationale. Il faut engager un dialogue national sur la base du document de réconciliation, des principes nationaux et du choix démocratique. Il faut parvenir à un partenariat national au sein de l’Organisation de libération de la palestine (OLP) et de l’Autorité palestinienne dans la lutte contre l’occupation. »

La ville de Stains en Seine St Denis, le nommant citoyen d’honneur précisait à l’occasion du conseil municipal du 23 Décembre 2008, Marwan Barghouti est «  l’un des dirigeants palestiniens les plus respectés par le peuple palestinien pour son engagement, sa générosité, son honnêteté politique, intellectuelle et personnelle, Il a toujours prôné la résolution politique du conflit israélo-palestinien sur la base du droit international et a condamné les attentats en Israël. »

Marwan Barghouti est né le 6 juin 1959.

Il est originaire du village de KOBAR, au nord de Ramallah.
En 1994, Il soutient la politique de négociation et rentre en Palestine à la faveur des accords d'Oslo et est de nouveau élu responsable du FATAH, pour la Cisjordanie.
Lors des élections législatives de 1996, il est élu Député de Ramallah. Au Conseil Législatif Palestinien, il prend une part active dans la lutte contre la corruption et dans le combat pour la justice économique et sociale, la promotion des droits de l'homme et l'égalité entre hommes et femmes.
A peine élu député, il se fait aussi le promoteur de rencontres israélo-palestiniennes. Il se rend notamment en Israël pour proposer aux membres de plusieurs partis de la Knesset de constituer un groupe d'amitiés parlementaires israélo-palestiniennes.
 
barghouti1.gifAprès l’avoir menacé et tenté de le tuer, les forces israéliennes le kidnappent à Ramallah assiégé, le 15 avril 2002, lors de l’offensive « Rempart.

Yossi Bellin et plusieurs «colombes» israéliennes ont d'ailleurs protesté contre son arrestation, se joignant ainsi à ses amis du camp de la paix

Gisèle Halimi, membre du collectif d’avocats de Marwan Barghouti, a estimé pour sa part que cette arrestation constituait une violation des droits de l’homme,  et de l’article 49 de la quatrième convention de Genève qui interdit tous les transferts forcés de populations ou d’individus par l’autorité occupante, signée pourtant par Israël.


Peu après son arrestation, Marwan Barghouti à été transféré sur le territoire israélien, et est enfermé à la « Moskobieh » à Jérusalem dans une cellule de 2 m x 1,5 m, sans éclairage, sans fenêtre...

Condamné cinq fois à la prison à vie et assorti d’une peine de sûreté de quarante ans, il  est devenu un  symbole de la lutte contre l’occupation mais aussi du dialogue et de la paix.

Marwan Barghouti, que beaucoup surnomme le Mandela Palestinien tellement son histoire se confond avec celle de l’ancien Président Sud Africain,  semble en 2009, apparaître comme la seule personnalité assez forte pour rassembler tous les Palestiniens et permettre d’aller vers un vrai dialogue porteur de Paix, et ainsi voir enfin naître l’Etat Palestinien à côté d’un Etat Israélien enfin sécurisé.

VIDEO SUR MARWAN BARGHOUTI

11:47 Publié dans Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marwan barghouti, mandela, palestine | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!