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18/06/2013

Retraites : le mensonge de l’espérance de vie

retraites,démographie,actualités,sociétéC’est un argument qu’on nous martèle, et dont personne ou presque ne peut se permettre de contester la pertinence ni la véracité. En pleine réforme perpétuelle des retraites, on nous sort les courbes d’espérance de vie pour nous expliquer que nous vivons de plus en plus longtemps et qu’il convient donc de travailler de plus en plus tard. Cela semble une évidence mais n’est ce pas justement trop évident ?

De nombreux acteurs se gargarisent de l’augmentation de l’espérance de vie dans nos pays développés, justifiant de fait le modèle de société à très grande consommation. Ainsi vous entendrez toujours un industriel de l’agroalimentaire, celui qui vous met du cheval malade roumain à la place de bœuf ou qui va vous remplir le caddy de produits aux graisses saturés, contenant un maximum de sucre, de sel, d’huile de palme et de produits chimiques, vous affirmer que cette alimentation industrielle est plus saine que l’alimentation naturelle d’antan.

Il est vrai que les courbes ne prêtent pas à confusion : l’espérance de vie est actuellement de 77 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes en France. Il y a 50 ans, elle était respectivement de 66 et 77 ans. On a gagné 10 années de vie en un demi siècle, il est donc normal de travailler au moins 5 ans de plus non ? Pas si simple.

 

1ère manipulation : ne pas parler d’espérance de vie à la naissance

Le débat sur les retraites touche actuellement les gens âgés entre 30 et 60 ans. Or l’espérance de vie donnée dans les médias est celles des nouveaux nés en 2013(1). Demander aux personnes actuellement sur le marché de travailler jusqu’à 65 ans sous prétexte qu’ils vont vivre jusqu’à 77 ou 85 ans en moyenne est donc un mensonge.

Si on considère une personne qui a 50 ans aujourd’hui, son espérance de vie, si c’est un homme, est bien de 66 ans. Il appréciera le report de son départ…

 

2ème manipulation : ne pas parler du taux de mortalité infantile

C’est une des plus grosse arnaque de notre temps. Croire que l’allongement de l’espérance de vie est uniquement dû à l’allongement de la vie des adultes. Or même avec une espérance de vie de 30 ans, les périodes antérieures nous ont bien montré que de nombreux adultes vivaient aussi vieux que notre troisième et quatrième âge actuel. Que s’est-il donc passé ? Et bien tout simplement la médecine et l’hygiène ont permis de juguler le taux de mortalité infantile. Une simple recherche dans les archives paroissiales ou communales vous fera découvrir le nombre impressionnant d’enfants morts dans la première année sous l’ancien régime. Si de nombreux enfants mourraient avant 5 ans, l’espérance de vie était autant impactée, alors que ceux devenus adultes pouvaient vivre relativement vieux.

Il y a 60 ans le taux de mortalité avant 5 ans était de 29/1000. Il est passé à 4/1000 soit une baisse de 86% environ. Ce taux de mortalité a fait augmenter l’espérance de vie de manière mathématique, pourtant, les adultes n’ont pas vu pour autant leur vie allonger d’autant réellement.

 

3 ème manipulation : occulter l’espérance de vie « en bonne santé »

L’Espérance de vie sans incapacité » (EVSI) désigne une vie sans limitations des fonctions essentielles telles que les aptitudes à se déplacer, se nourrir, se vêtir. Une absence de dépendance majeure en somme. Le dossier consacré à ce sujet dans le magazine Science et Vie de juin 2013 se révèle particulièrement alarmant. Aujourd’hui, la mesure de l’évolution de la part de la vie que l’on peut espérer passer en bonne santé affiche une forte baisse. Ainsi, elle est de 74% pour une femme qui naît aujourd’hui alors qu’elle était de 77% en 2004. Ainsi, elle pourrait passer 22 ans de sa vie avec des incapacités contre 15 ans et demi si elle était née en 2004. Plus la vie s’allonge, plus elle se passe en mauvaise santé. Un phénomène non anticipé, qui remet bien des choses en cause et dont on ne parle pas trop au risque de fâcher (2) .

 

En conclusion

Ces manipulations visent surtout à ne pas remettre en cause le mode de société dans lequel nous nous trouvons et le mythe du progrès constant linéaire, inéluctable et universel Le rôle de la filière médicale (improprement appelée « santé ») est de dépenser des sommes folles pour maintenir en vie coûte que coûte des êtres isolés (madame vivra 10 ans minimum sans son mari) dans des établissements où la retraite paye intégralement les mensualités (si on peut y ajouter la vente du capital) et permet ainsi à certains secteurs d’être florissants. Quand cette tromperie est utilisée comme argument pour reporter l’âge de la retraite il convient de la dénoncer avec plus de force.

 

notes :

  1. L'espérance de vie à la naissance indique le nombre d'années qu'un nouveau-né devrait vivre si les règles générales de mortalité au moment de sa naissance devaient rester les mêmes tout au long de sa vie. (source, Banque Mondiale)
  2. http://blogs.mediapart.fr/blog/newcotcot/280513/esperance...

 

autres références :

http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.DYN.LE00....

http://fr.wikipedia.org/wiki/Esp%C3%A9rance_de_vie_en_bon...

Didier-David Maurice

 

13/06/2013

C’est parti : le JT de France 2 prépare une nouvelle réforme des retraites

puj1.jpgpar Blaise Magnin, Frédéric Panne, pour Acrimed le 7 juin 2013

Le JT de 20 heures de France 2 du 4 juin 2013 (que l’on peut voir ici consacre deux minutes (de 14’15 à 16’23) au rapport de la commission chargée d’examiner plusieurs hypothèses sur la nouvelle réforme des retraites. Deux minutes d’informations tronquées et faussées.

« L’actualité en France, c’est d’abord, je vous le disais, les premières pistes de la réforme des retraites. La commission chargée d’établir un rapport vient de rendre ses conclusions. Elle évoque de nombreuses possibilités : revenir sur les avantages fiscaux des retraités, augmenter, soit l’âge de départ, soit la durée de cotisation, augmenter aussi les charges patronales, bref, il y en a pour tout le monde. Mais ce qui retient le plus l’attention c’est ce qui concerne l’harmonisation des régimes. La commission suggère de modifier les règles de calcul pour les fonctionnaires. »

« Ce qui retient l’attention ». Mais de qui au juste et pourquoi ? Peu importe : l’attention est focalisée sur la sempiternelle « question » des régimes de retraite des fonctionnaires. Et en quoi est-elle de nature à justifier que le JT s’y intéresse tout particulièrement – plutôt qu’à celle des cotisations patronales, par exemple ? David Pujadas s’abstiendra d’en dire plus, mais le reportage qui suit, réalisé par « Margaux Manière, Didier Dahan, avec notre bureau à Poitiers », permettra peut-être d’y voir plus clair…

Sur fond d’images de fonctionnaires au travail, la journaliste commente, ou plutôt pronostique : « Instituteurs, infirmiers ou encore employés de mairie, leur pension de retraite pourrait baisser. Aujourd’hui le mode de calcul des retraites du public est plus favorable que celui des salariés du privé ; la commission Moreau qui rendra son rapport au gouvernement la semaine prochaine propose de rapprocher les deux systèmes. Une piste qui fait bondir les fonctionnaires... »

Manifestement, la journaliste considère qu’il est inutile de préciser que par « rapprocher les deux systèmes », il ne faut pas entendre aligner les retraites du privé sur celles, dont le mode de calcul serait plus avantageux, du public… Cela va de soi !

La suite du reportage, sans doute censée illustrer à quel point l’idée fait « bondir les fonctionnaires  », propose l’interview d’une femme…

Au téléspectateur de deviner non seulement qui elle est – ni le commentaire, ni aucune incrustation ne l’indiquent – mais aussi quelle question lui est posée – laquelle a été coupée au montage. Et si cette femme, qui est probablement fonctionnaire, retraitée ou non, ne semble pas « bondir », elle est effectivement opposée – quelle surprise – à une baisse éventuelle de sa (future ?) pension : « C’est perdre nos acquis, quelque part, parce que si nous, c’était calculé sur les 6 derniers mois… Il y a beaucoup de prise d’échelon en fin de carrière. C’est quand même plus intéressant.  »

Avec l’infographie qui suit, que redouble le commentaire, la journaliste choisit de présenter les conséquences d’une telle réforme pour « un fonctionnaire » virtuel qui s’avère quelque peu atypique…

« Aujourd’hui, les pensions sont calculées sur les derniers mois de la vie professionnelle. Ainsi un fonctionnaire qui gagne en fin de carrière 4000 euros par mois, touche aujourd’hui 3000 euros de retraite. Mais si la piste évoquée par le rapport était suivie, une période plus longue serait prise en compte, par exemple les 10 dernières années. Et sur cette période, le fonctionnaire n’a pas gagné 4000 euros en moyenne mais seulement 3500. Résultat sa retraite ne s’élèverait plus qu’à 2625 euros, 11 % de moins qu’aujourd’hui. »

On reste perplexe devant cette simulation : en 2009, selon l’INSEE, le revenu moyen des fonctionnaires était d’un peu moins de 2400 euros… Alors qui sont ces fonctionnaires qui finissent leurs carrières à 4000 euros par mois ? Existent-ils ? Combien sont-ils ? De quoi parle-t-on ? Salaire net ou salaire brut ? Celui ou celle qui aurait voulu suggérer que les fonctionnaires sont des nantis ne s’y serait pas pris autrement…

Le reportage enchaîne avec quelques mots d’Éric Aubin, présenté comme le responsable chargé des retraites à la CGT. Là encore, on ne sait quelle question lui a été posée…

« C’est une mesure pour rien. Qui avait fait l’objet d’un débat en 2010 avec Éric Woerth qui avait, à l’époque, abandonné cette mesure parce qu’elle ne sert à rien et elle va crisper, effectivement, les salariés notamment du public. » Des propos si brefs et allusifs, qu’on ne pourra en retenir que son opposition à la mesure. Il aurait par exemple pu être intéressant de savoir pourquoi ce bon connaisseur du dossier affirme à deux reprises que ce serait « une mesure pour rien »... Mais ce n’est pas dans le JT France 2 que le téléspectateur l’apprendra.

En revanche, ledit téléspectateur se voit apporter une nouvelle preuve des privilèges inouïs dont bénéficient les fonctionnaires, avec une nouvelle statistique dont on ne saura pas d’où elle sort, ni ce qui pourrait l’expliquer.

« Aujourd’hui dans le privé la retraite est calculée sur les 25 dernières années. Et elle est moins élevée en moyenne : 1216 € contre 1724 pour le public. » On appréciera le souci de cohérence de la journaliste qui choisit de réfléchir sur une pension de 3000 euros quelques secondes avant d’annoncer qu’elles s’élèvent en moyenne à un peu plus de 1700 euros dans la fonction publique… Quant à savoir si, par exemple, des différences de qualification, et donc de rémunération, entre salariés des secteurs public et privé, ne pourraient pas contribuer à expliquer de tels écarts, ce serait trop demander…

Et la journaliste de préciser que « ce soir, Matignon évoque de simples pistes. Les discussions sur les retraites commenceront réellement le 20 juin. » En plateau, David Pujadas conclut même avec un quasi scoop : « Précision importante il y a quelques minutes. L’entourage de François Hollande a confirmé que le calcul des retraites des fonctionnaires fera bien partie du débat. »

Si la qualité de l’information, dans ce « sujet », fut d’une nullité affligeante, l’équipe de David Pujadas pourra au moins se féliciter d’avoir accompli son travail de « pédagogie »… en esquissant les conclusions de discussions qui n’ont pas commencé.

Frédéric Panne et Blaise Magnin

23/05/2013

Un Français sur deux vit avec moins de 1610 euros par mois

gitane.jpg"Les revenus et le patrimoine des ménages" - Insee Références - Édition 2013

L’Insee présente avec "Les revenus et le patrimoine des ménages" les principaux indicateurs et des analyses sur les inégalités monétaires, la pauvreté et le patrimoine des ménages. L’édition 2013 propose une vue d’ensemble qui fait le point sur les évolutions des inégalités de niveau de vie et de la pauvreté monétaire provoquées par la crise de 2008.

Deux dossiers étudient l’évolution du niveau de vie des personnes âgées entre 1996 et 2009 et l’endettement des ménages en 2010. Enfin, une trentaine de fiches thématiques complètent ces analyses en fournissant les derniers chiffres essentiels, commentés et illustrés, sur les revenus, le niveau de vie, la pauvreté, le patrimoine et l’endettement.

Même si 2010 signe, après le recul de 2009, une légère reprise de l’activité économique, «  le niveau de vie de la majorité de la population stagne ou baisse », introduit l’Insee. Et la persistance des inégalités entre les ménages les plus riches et les ménages les plus modestes reste criante.

Ainsi, le taux de pauvreté monétaire, c’est-à-dire le nombre de personnes vivant dans un ménage dont le niveau de vie est en dessous du seuil de pauvreté (964 euros/mois) est passé de 13,5 % en 2009 à 14,1 % de la population en 2010, soit 440 000 personnes de plus. Cette hausse de la pauvreté, qui impacte à plus forte raison les retraités, les étudiants et les chômeurs, «  touche particulièrement les familles  », rappelle l’Insee, qui chiffre à 2,7 millions le nombre d’enfants qui grandissent dans des familles pauvres, en hausse de 278 000.

Par ailleurs, le niveau de vie médian, au-dessus et en dessous duquel se situent 50 % des Français, a chuté de 0,5 % (et seulement 0,3 % pour les plus riches) entre 2009 et 2010, pour atteindre 19 270 euros annuels (1 610 euros/mois). Les 10 % les plus pauvres survivent avec moins de 10 430 euros par an quand les 10 % les plus riches cumulent au moins 36 270 euros annuels. Un rapport de 1 à 3,5.

En comparant les effets de la crise actuelle à ceux des précédentes, l’Insee souligne que, si «  le précédent ralentissement économique au début des années 2000 avait également pesé sur le niveau de vie du plus grand nombre, la crise actuelle affecte cette fois plus spécifiquement les personnes modestes  ». Les 1 % les plus riches, eux, continuent de s’enrichir, grâce, entre autres, aux revenus de leur patrimoine, qui expliquent, en partie, la hausse de près de 5 % de leur niveau de vie en 2010.

Malgré tout, l’étude pointe que le système de protection sociale français, via le versement de prestations familiales, allocations logement, minima sociaux, a permis d’amortir la paupérisation des couches populaires. L’explosion du chômage a fait chuter la part des revenus du travail dans les ménages les plus modestes, augmentant mathématiquement celle des prestations sociales. Mais leur faible revalorisation menace plus que jamais les plus fragiles.

Plus de pauvres et des riches plus riches, cette étude de l’Insee matérialise une nouvelle fois, la fracture sociale d’un pays malade de ses inégalités.

07/10/2012

En Allemagne, l’espérance de vie des plus pauvres a reculé d’au moins deux ans depuis 2001

allemagne.jpgL’espérance de vie des plus pauvres – ceux qui ne disposent que des trois-quarts du revenu moyen – recule en Allemagne. Pour les personnes à bas revenus, elle est tombée de 77,5 ans en 2001 à 75,5 ans en 2011 selon les chiffres officiels. Dans les Lander de l’Est du pays c’est encore pire : l’espérance de vie est passée de 77,9 ans à 74,1 ans.

Ces chiffres ont été fournis au député Matthias Birkwald (Die Linke) en réponse à une question écrite, interpellation qui oblige le gouvernement à répondre à en fournissant toutes les données officielles.
Matthias Birkwald est un spécialiste des retraites et son interpellation éclaire d’un jour nouveau la réforme intervenue dans le système allemand de retraites. Le parlement a en effet adopté en 2007 – le gouvernement de l’époque rassemblait sociaux-démocrates du Spd et conservateurs de la Cdu – un report graduel de l’âge de la retraite à 67 ans justifié (comme en France) par l’allongement de l’espérance de vie...

Le pays est souvent montré en exemple pour son taux d’emploi des plus de 60 ans. Dans les faits, montrent les chiffres livrés hier, leur situation les expose souvent à la pauvreté.
En mars 2011, seulement 26,4 % des 60-64 ans occupaient un emploi “normal”, soumis à cotisations sociales. Et moins de 19 % de ces actifs seniors avaient un travail à temps plein.

allemagne,espérance de vie,diminution,pauvresQu’en sera-t-il demain ? Il n’y a pas de salaire minimum garanti en Allemagne et 7,6 millions de personnes ne disposent que d’un “emploi atypique”. Environ 5 millions des quelques 30 millions de travailleurs allemands sont à temps partiel.
En 2009, 2,5 millions de travailleurs – dont 600 000 retraités – étaient en contrat “mini job” payé environ 400 euros (sans cotisations patronales, sans assurance-maladie, sans droits à la retraite...).
Autant de formes de travail qui font (et feront) des retraités pauvres, premières victimes de ce recul de l’espérance de vie.

Article publié dans Viva