07/05/2007
Portrait-robot de l'électeur pro-Sarko/pro-Royal
SOCIOLOGIE
Sur les 44 millions de citoyens qui votent les moins de 50 ans représentent 19 millions de personnes, les plus de 50 ans, totalisent 25 millions d'individus.
Chez les moins de 50 ans, selon le sondage TNS, la candidate socialiste Ségolène Royal est majoritaire : chez les 18/24 ans 61% voteraient pour Ségolène Royal (vs 39% pour Nicolas Sarkozy). Chez les 25/34 ans : 56% pour SR et 44% pour NS. Chez les 35/49 ans, la tendance s'inverse légèrement avec 47% SR et 53% pour NS. Seule tranche d'âge chez les moins de 50 ans à voter majoritairement pour le candidat UMP.
Chez les plus de 50 ans, dans la tranche des 50/64 ans, 52% se disent pour Ségolène Royal contre 48% pour Nicolas Sarkozy. En revanche, chez les plus de 65 ans, la tendance balance très nettement en faveur du candidat UMP qui récolte presque les deux tiers des votes avec 64% contre 36% pour la socialiste.
Enfin, chez les inactifs/retraités, 48% se disent pour Ségolène Royal et 52% pour Nicolas Sarkozy.
Un sondage Ifop du 27 avril dernier, réalisé pour M6/Le Journal du dimanche donne quant à lui 53% de votants pour Ségolène Royal et 47% chez les moins de 35 ans. Dans les tranches d'âges supérieures, les chiffres sont les suivants :
35/49 ans : 56% SR vs 44% NS ; 50/64 ans : 51% SR vs 49% NS et enfin chez les 65 ans et plus 25% SR vs 75% NS ! Pour les retraités, les chiffres sont les suivants 37% pour Ségolène Royal et 63% pour Nicolas Sarkozy.
Alors que la gauche dirige depuis 2004 20 des 22 régions métropolitaines, Nicolas Sarkozy l'a emporté dimanche dans 16 d'entre elles. Selon un sondage Ipsos, il a été massivement choisi par les ruraux (57%) et les habitants des villes de moins de 100.000 habitants (entre 54% et 56%), tandis que Ségolène Royal et lui font jeu égal dans les villes de plus de 100.000 habitants et dans l'agglomération parisienne.
A Nicolas Sarkozy, l'Est et le Nord
Longtemps terre socialiste, le Nord a basculé dans le camp de la droite, seul le Pas-de-Calais restant fidèle à la gauche. Nicolas Sarkozy est ainsi arrivé en tête dans le Nord, même si Lille (55,92%) a choisi Ségolène Royal. Il l'emporte aussi dans l'Aisne, les Ardennes et de peu dans la Somme, confirmant une tendance déjà perceptible au premier tour. Tous ces départements, victimes du déclin industriel, avaient majoritairement voté pour Lionel Jospin en 1995. En 2002, Jean-Marie Le Pen y avait réalisé des scores importants. Autre ancien bastion de la gauche qui bascule, la Seine-Maritime, même si là aussi les grandes villes ont choisi la candidate socialiste. C'est le cas de Rouen et même du Havre, pourtant dirigé par l'UMP Antoine Ruffenacht.
La vague rose sur le littoral atlantique
Les départements de l'Ouest et le Sud-Ouest ont voté en masse pour la candidate socialiste. Elle l'emporte notamment dans les Pyrénées-Atlantiques, le département du centriste François Bayrou. La Dordogne, la Corrèze de Jacques Chirac et de François Hollande, ont fait de même, ainsi que les Deux-Sèvres, le département de Ségolène Royal. A noter, la victoire emblématique de Ségolène Royal à Bordeaux, la ville d'Alain Juppé. Dans l'Ouest, le PS consolide ses positions. En Bretagne, seul le Morbihan a placé Nicolas Sarkozy en tête et à Rennes, Ségolène Royal réalise un des ses meilleurs scores dans une grande ville (62,71%).
Sarkozy s'impose en Ile-de-France, Royal dans les "quartiers"
Il est vainqueur d'un souffle à Paris, avec 50,19% des voix. Le nouveau président est devancé dans 11 des 20 arrondissements parisiens. Il réalise son meilleur score dans le XVIe et le XVIII tandis qu'il est nettement battu dans le XXe et le XVIIIe.
Côté banlieue, Nicolas Sarkozy rafle six départements sur huit. Son adversaire socialiste s'impose assez largement en Seine-Saint-Denis (56,54%), ainsi que dans le Val-de-Marne, de justesse, avec 50,2% des suffrages. Elle l'emporte également dans la plupart des grandes villes, avec notamment 67,94% des voix à Saint-Denis, 66,80% à Bobigny ou 64,19% à La Courneuve. C'est dans cette commune de Seine-Saint-Denis que le nouveau chef de l'Etat, en juin 2005, avait promis de nettoyer la cité des 4.000 au "kärcher".
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LE DESSIN DU MOIS DE MAI
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05/05/2007
PRESIDENTIELLES MEDIAS ET ECONOMIE
L’élection présidentielle française montre avec force comment une analyse économique erronée, et des problèmes d’arithmétique plus généraux, peut déterminer les idées et même l’avenir non seulement d’un pays mais d’un continent.
Les Etats-Unis ont fait face à une situation similaire lors du débat sur les retraites, où une majorité d’américains a été convaincue - par une tromperie autant verbale que comptable - que le système de retraite allait faire face à de sérieux problèmes financiers quand la génération du « baby boom » allait partir à la retraite. Ce qui est faux !
Le thème général de la campagne de Nicolas Sarkozy qui l’a propulsé en tête à l’issue du premier tour est que l’économie française serait d’une certaine façon « bloquée » et aurait besoin d’être réformée pour se rapprocher de celle des Etats-Unis. Il est également très largement admis que la France aurait besoin de devenir plus « compétitive » dans l’économie mondialisée, la concurrence étant devenue plus rude dans ce monde globalisé.
L’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman est le principal défenseur de la thèse selon laquelle les travailleurs français doivent baisser leur niveau de vie à cause de la globalisation de l’économie. « Toutes les forces de la mondialisation s’attaquent aux états-providence européens » dit-il. « Les français essaient de préserver une semaine de 35 heures dans un monde où les ingénieurs indiens sont prêts à faire des journées de 35 heures ». Pour Friedman et autres « experts », c’est impossible.
Il est important de comprendre qu’il n’y a aucune logique économique derrière l’argumentaire selon lequel les citoyens d’un pays riche doivent réduire leur niveau de vie ou subir une baisse des programmes sociaux gouvernementaux à cause des progrès économiques des pays émergents. Quand un pays développé a atteint un certain niveau de productivité, il n’y a aucune raison économique devant obliger ses citoyens à baisser leurs salaires ou acquis sociaux, ou à les faire travailler plus, parce que d’autres pays sont en train de rattraper leur retard. Cette productivité -fondée sur le savoir-faire collectif du pays, sa compétence, sa capitalisation, et son organisation économique - demeure, et augmente même chaque année. La circonstance que la concurrence internationale est utilisée comme excuse par des groupes défendant des intérêts particuliers pour baisser le niveau de vie des travailleurs français, allemands ou américains - ce qui est le cas - démontre que les règles du commerce internationale ne sont pas écrites par les bonnes personnes. Cela révèle un déficit démocratique et non un problème inhérent au progrès économique.
Une autre erreur souvent faite dans ce débat est de comparer le revenu français par habitant à celui des Etats-Unis, une comparaison qui désavantage la France : $30.693 contre $43.144 pour les Etats-Unis (ajusté pour établir une parité entre les pouvoirs d’achat). Mais cette comparaison est injuste parce que les français travaillent moins d’heures que les américains. Les économistes ne disent jamais qu’une personne est moins bien lotie qu’une autre si elle gagne moins parce qu’elle travaille moins. Un meilleur indicateur du bien-être économique, si l’on doit faire une comparaison, est donc la productivité. Or, elle est aussi forte, voire plus forte, en France qu’aux Etats-Unis.
Il convient à ce stade de faire un peu d’arithmétique sur le fort taux de chômage en France chez les jeunes, lequel a déterminé la politique française et influencé l’opinion mondiale durant les émeutes des banlieues en 2005. La méthode standard de mesure des taux de chômage place les chômeurs dans le numérateur, et les chômeurs plus les non chômeurs dans le dénominateur (c/c+nc). Par cette méthode, les français mâles âgés de 15 à 24 ans ont un taux de chômage de 20,8%, comparé à 11,8% aux Etats-Unis. Mais cette différence est principalement due aux fait qu’en France il y a proportionnellement beaucoup plus de jeunes hommes absents du marché du travail - parce qu’un plus grand nombre d’entre eux sont étudiants et que les jeunes en France travaillent beaucoup moins à mi-temps quand ils font leurs études que les jeunes américains. Ceux qui sont absents du marché du travail ne sont comptés ni dans le numérateur ni dans le dénominateur des taux de chômage.
Une meilleure façon de comparer consiste donc à prendre le nombre de chômeurs et de le diviser par la population dans la tranche d’âge 15 à 24 ans. On obtient alors un taux de chômage américain de 8,3% contre 8,6% pour les français. On voit que les deux pays ont un sérieux problème de chômage chez les jeunes, lequel se concentre par ailleurs dans les minorités ethniques. Mais le problème n’est pas sensiblement pire en France qu’aux Etats-Unis.
Nicolas Sarkozy propose de rendre les licenciements plus faciles, de baisser les impôts (y compris ceux frappant les successions), de revenir en fait sur la semaine de 35 heures, ainsi que d’autres mesures qui favoriseront les salariés à revenus élevés et les chefs d’entreprises. Ces mesures redistribueront les revenus vers le haut, comme cela est le cas aux Etats-Unis depuis plus de 30 ans. Mais, encore une fois, il y a peu ou pas de preuves économiques que ces mesures créeront des emplois ou de la croissance.
Ségolène Royal propose quant à elle une série de mesures pour stimuler la demande à travers toute l’économie - y compris une augmentation du salaire minimum, des allocations de chômage et la création d’emplois publics. Tout ceci a un sens économique, puisque les mesures de madame Royal offrent au moins la possibilité - principalement en stimulant la demande dans son ensemble et le pouvoir d’achat des consommateurs - de créer des emplois.
Si, par cette élection, la France marque un tournant historique vers la droite, ce sera dû principalement à de la désinformation économique.
Mark Weisbrot est Co-Directeur du “Center for Economic and Policy Research”, à Washington, DC.
Source : Center for Economic and Policy Research www.cepr.net/index.php
23:15 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Sarkozy, médias, économie | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
03/05/2007
MAI 1968
L’ancien secrétaire général de la CGT réplique au discours du candidat de la droite sur mai 1968.
En entendant devant son poste de télévision Nicolas Sarkozy diaboliser mai 1968, le sang de Georges Séguy n’a fait qu’un tour. L’ancien secrétaire général de la CGT, principale centrale syndicale, et leader, à l’époque, de la grève ouvrière, sait de quoi il parle...
Comment avez-vous réagi à chaud ?
Georges Séguy. J’ai sursauté. Je comprends que les événements de Mai 1968 aient laissé un douloureux souvenir dans la mémoire des réactionnaires et spécialement dans celle du patronat. Mais c’est la première fois que j’entends un politicien comme Nicolas Sarkozy condamner dans des termes aussi rétrogrades ce moment mémorable de notre histoire sociale nationale. Car ce qui fait l’importance historique de Mai 1968, ce ne sont pas essentiellement les violences policières du Quartier-Latin, ni les controverses légitimes des différents courants philosophiques de cette époque, c’est la grève générale de dix millions de travailleurs occupant les entreprises.
Quels en furent les résultats que tout le monde n’a pas en mémoire ?
Georges Séguy. Les travailleurs étaient excédés, depuis des années, par l’opposition gouvernementale et patronale à tout progrès social. L’arrêt général du travail a eu ce but : faire sauter le blocage, obtenir l’ouverture d’une véritable négociation. L’immense majorité des usines une fois occupées, souvent pour la première fois, elle s’engagea le 25 mai 1968 à Grenelle, au ministère du Travail.
Cela n’a pas traîné. En quelques heures de délibération, nombre de revendications, qu’il serait trop long d’énumérer, furent prises en compte. Dont la plus extraordinaire : l’augmentation de 30 % du SMIC. Quand on voit les conciliabules sur le SMIC à 1 500 euros, brut ou net, il n’est pas superflu de rappeler que cette revalorisation du salaire minimum et des petits salaires dans les régions, comme en Bretagne, stimula la consommation intérieure à tel point que la croissance économique connut l’une des plus importantes augmentations de la période dite des « Trente Glorieuses ».
Mais vous parlez des ouvriers, de leur grève, et c’est justement de cet aspect dont ne parle pas Nicolas Sarkozy. N’y a-t-il pas malentendu ?
Georges Séguy. Non, Sarkozy sait très bien ce qu’il fait. Il censure, dans ses propos, la grève ouvrière parce que cela contredit son attaque contre mai 1968. Il ne peut pas à la fois clamer son amour pour les ouvriers et vilipender ceux-ci quand ils font accomplir un bond en avant à leur propre condition et à la société. L’ouvrier qu’il respecte c’est celui qui se lève tôt et se défonce pour son patron, même si celui-ci le met dehors un jour, ce n’est pas celui qui se couche tard pour préparer l’action qui aidera les autres à se défendre et à vivre mieux. Son slogan « Travailler plus pour gagner plus » est trompeur. Pour gagner plus, il faut lutter plus. Je mets au défi quiconque, au vu de l’histoire, de démontrer le contraire.
Quel est l’enjeu de cette diatribe ?
Georges Séguy. Cette condamnation haineuse, assimilant voyous et acteurs des luttes, militants, syndicalistes, cherche à discréditer un mouvement où justement la fameuse valeur travail que brandit Sarkozy s’imposa spectaculairement à ceux qui ne pensent qu’à le surexploiter à leur profit. Ce mouvement profond reste et restera, très au-delà des prétentions d’un politicien, comme l’un des exemples les plus significatifs de l’attachement des travailleurs français au modèle social issu du programme du Conseil national de la Résistance.
Nicolas Sarkozy n’hésite pas cependant à se référer à cette même Résistance, au général de Gaulle, à Jean Moulin, à Guy Môquet. Quelle est votre réaction, vous qui avez été déporté résistant très jeune ?
Georges Séguy. Il a le front effectivement de citer ces noms glorieux. Mais, c’est précisément les grandes conquêtes sociales imposées par la Résistance unie qu’il veut détruire : la Sécurité sociale fondée sur la solidarité des générations, le droit à la retraite, les libertés syndicales, les nationalisations, les grands services publics, etc. Son programme, c’est le programme inversé du CNR. En vouant aux gémonies mai 1968, cette historique avancée sociale, tout en serinant son amour pour les travailleurs, Sarkozy montre que, s’il était élu, le modèle social français ne survivrait pas à sa ferveur dévorante pour le travail.
On sait que les vues du monde ouvrier et du monde étudiant n’étaient pas, en 68, exactement les mêmes. Peut-être Sarkozy croit-il, d’ailleurs, pouvoir spéculer là-dessus. Et cependant, le mot d’ordre du grand défilé du 13 mai 1968 était « étudiants-travailleurs solidarité », ce qui finalement réunissait les uns et les autres était une sorte de soulèvement contre un ordre social qu’ils subissaient à des titres divers...
Georges Séguy. À mes yeux, dans les propos du chef de l’UMP, il y a quelque chose de très important qui vaut globalement pour mai 1968. Mis à part les diversions gauchisantes de quelques groupes, mai 1968 est aussi une formidable révolte de la jeunesse contre les adeptes d’une pensée unique et un pouvoir politique d’esprit totalitaire qui tendait à scléroser la démocratie.
Il y a eu, alors, un vaste élan juvénile vers une société libérée de la ringardise de certaines mentalités, de l’injustice, et du carcan de toutes sortes d’interdits, de tabous. On a assisté à une puissante volonté d’émancipation sociale, politique et culturelle. Pour les femmes, c’est le rejet de l’inégalité et de la discrimination, la force novatrice du féminisme, des droits de la femme. En bref, mai 1968 est un grand mouvement social et une extraordinaire demande de modernisation des moeurs, des habitudes, de la société, dont le mouvement ouvrier, j’en témoigne, n’a peut-être pas pris, sur le moment, la juste mesure. En clamant sa répugnance pour cette volonté d’émancipation, Nicolas Sarkozy laisse apparaître la préférence de son camp, celui du grand patronat, pour un système monarchique arriéré.
Entretien réalisé par Charles Silvestre, pour l'Humanité
13:31 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Georges Séguy, mai 1968, Sarkozy | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |