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29/07/2011

Le bombardier de l’Elysée...

TRIBUNE LIBRE

lybie,afghanistan,sarkozyEn Afghanistan, notre Président a donné au monde une sacrée leçon, en expliquant à tous ces étrangers qu’« il faut savoir finir une guerre ». Nom d’un marteau ! S’il nous expliquait déjà pourquoi on l’a commencée, ça serait pas plus mal. Il pourrait aussi nous dire pourquoi il vient d’y envoyer des renforts. Et oui, car Sarko raconte, sans rire, qu’on retire les troupes de chez les Talibans parce qu’on a rempli la mission. Fillon balance carrément que « l’Afghanistan de 2012 n’est plus le sanctuaire du terrorisme ». Tiens-tiens : un « sanctuaire »… à Kaboul… Soit il confond avec Lourdes, soit il a vraiment envie de déconner. Les barbus, eux, ont répondu en massacrant six soldats français en deux jours. Mais pas de panique, tout est sous contrôle, c’est de l’Afghanistan de 2012 que parlait Fillon…

A ce propos, j’ai appris grâce à cette histoire que les Mollah, mauvaises langues, appelaient les deux têtes (façon de parler) de notre exécutif « petit canon » et « rase-rafale ». Mais je n’ai pas compris lequel est censé être Fillon.
Il reste que, comme le dirait le Premier Ministre de la Fille aînée de l’Eglise, l’Afghanistan n’est qu’un pèlerinage par rapport à la croisade en Libye. Là, c’est sûr, on est les champions !

D’une part, côté info, on a gagné sec. Sarko en voulait tout à coup à son pote Kadhafi qui, il est vrai, n’est pas exactement un administrateur d’S.O.S. Médecins. Alors, on nous a raconté que le colonel avait bombardé des civils à Tripoli : aujourd’hui on nous dit que c’était certes des bobards, mais qu’il a fait tout ça à Benghazi. Sauf qu’Amnesty nous explique que là-bas aussi, il n’y a rien eu de tel. On ne trouve tout simplement plus les massacres de civils, en somme. Où sont-ils donc passés ? On nous a dit très sérieusement que le régime distribuait du viagra à ses militaires pour faciliter les viols, puis plus rien : malgré de fortes demandes venues d’Amérique, les hordes de libyens en rut demeurent introuvables. Aujourd’hui, il reste deux « infos » de taille. La première : Kadhafi n’a pas massacré les habitants de Benghazi mais il allait « certainement » le faire ; on a donc évité cette horreur, en bombardant tout ce qui bouge et en plongeant le pays dans une guerre civile qui, pour le coup, a fait des milliers de morts et de centaines de milliers de réfugiés. La deuxième : il semblerait que Kadhafi ait un plan pour faire sauter la ville de Tripoli (qui pourtant le soutient en masse) si jamais les rebelles gagnent. Que faire ? Avec la méthode Sarko c’est simple : on la fait sauter nous même pour éviter le massacre.

Sur le terrain, d’autre part, la victoire est d’autant plus criante qu’on est censé rester en l’air. Des fois on l’oublierait : il n’y a pas de « guerre » en Libye, c’est simplement une « zone d’exclusion aérienne » pour protéger les civils… A la différence des terroristes du régime qui, comme chacun sait, tuent lâchement, les braves soldats de la démocratie larguent courageusement des gentilles bombettes sur leurs cranes pervers (et si c’est de mômes qui les prennent, c’est uniquement la graine de kadhafiste). Les « civils » de Benghazi, au demeurant, ont des tanks, des lance-roquettes, des armes automatiques (qu’on leur parachute pour mieux les protéger), des mercenaires, des « experts militaires » occidentaux. Ils ont d’ailleurs à leur tête un gentil garçon, qui a juste condamné à mort les infirmières bulgares avant de devenir ministre de la Justice de Kadhafi… Mais la liberté est à ce prix, et c’est pour la faire triompher que ces jeunes gens si attachants ont opportunément édifié une palissade dans la place emblématique de la « révolution » de Benghazi… afin d’éviter que les filles se mêlent aux braves garçons, comme dans les écoles mixtes dictatorialement imposées par ce gros cochon de Kadhafi.

Il y a juste un truc qui m’intrigue : on a gelé le pognon du régime pour qu’il ne puisse pas payer les soldats et embaucher des mercenaires, on l’empêche de s’armer et d’acheter des munitions, les gentils libérateurs n’ont pas oublié de lui bloquer aussi l’accès au pétrole, les plus puissantes armées du monde dépensent plusieurs millions par jour pour lui écraser la gueule, la population s’est soulevée contre lui, mais les rebelles n’avancent pas (ce qui a d’ailleurs foutu en l’air le 14 juillet de notre pauvre président)… Comment est-ce possible ? Tu vas voir que ces imbéciles de libyens n’ont pas compris qu’il fallait préférer les barbus de Benghazi, les tortionnaires confirmés qui les guident, et les occidentaux qui les couvrent de bombes. Ah, c’est vraiment des abrutis ! Faut dire qu’ils n’ont pas TF1.
 

21/02/2010

UNE FEMME EN COLERE ET LIBRE !

MalalaiJoya1.jpgMalalai Joya est une femme en colère. En colère contre la guerre que mène la coalition internationale en Afghanistan, son pays, en colère contre les bombes de l’Otan qui tuent les civils dans les villages, en colère contre l’appel à la réconciliation avec les talibans et les seigneurs de guerre. « Faites cesser les massacres dans mon pays, faites retirer les troupes étrangères pour que s’arrête la talibanisation ! » lance la jeune députée afghane aux opinions publiques occidentales.

La conférence de Londres, qui s’est tenue fi n janvier, a officialisé une négociation avec les dirigeants de l’ancien régime taliban. Que peut-il se passer ?
Malalai Joya. Des millions de dollars ont été promis au régime de Karzai pour que les insurgés déposent les armes alors que des millions d’Afghans meurent de pauvreté. Cela va conduire à la réhabilitation des talibans, ils vont prendre le contrôle de la Loya Jirga, l’assemblée des anciens et des représentants des tribus qui doit se réunir prochainement. Croit-on pouvoir établir la démocratie avec de tels réactionnaires ? Mais les talibans ne sont pas les seuls intégristes. Quand les États- Unis et leurs alliés ont renversé le régime du mollah Omar, ils ont installé à sa place d’autres fondamentalistes, des seigneurs de guerre alliés à l’Alliance du Nord, que dirigeait Massoud. Ce groupe ressemble aux talibans sur le plan des croyances. Au cours des dernières années, il y a eu toute une série de lois et de décisions de justice scandaleuses. Sous prétexte de réconciliation nationale, on a accordé l’immunité aux seigneurs de guerre et autres criminels de guerre connus, dont plusieurs siègent au Parlement. Ces anciens seigneurs de guerre ont des postes élevés, ils sont au Parlement, dans les ministères, l’administration judiciaire, et ils sont tous corrompus. Et voilà maintenant que l’ONU elle-même biffe de sa « liste noire » les noms d’anciens dirigeants talibans. Est-ce avec de tels actes que l’on construit l’avenir d’un peuple ? À moins de lui faire croire que c’est l’usine Coca-Cola, inaugurée par le président Karzai dans la banlieue de Kaboul, dans notre pays pauvre où l’eau est une denrée précieuse, qui doit servir d’emblème des bienfaits du progrès occidental…

Vous avez été élue au Parlement en 2005. Dix-huit mois plus tard, vous en étiez expulsée, pourquoi ?
Malalai Joya. Lors de la cérémonie d’ouverture de la session parlementaire, j’ai présenté « mes condoléances au peuple afghan ». Ce qui évidemment n’a pas plu à de nombreux députés, qui se sont plaints d’être offensés. Ce sont ces seigneurs de guerre qui ont voulu mon exclusion. J’avais rappelé qu’ils avaient saccagé Kaboul pendant la guerre civile qui s’est déroulée de 1992 à 1996 et qu’ils étaient responsables de la mort de dizaines de milliers de personnes. J’ai dit qu’ils devaient être traînés devant les tribunaux internationaux. J’ai aussi dénoncé la corruption, alimentée par les milliards versés par la communauté internationale au nom de la reconstruction. Très vite je n’ai même plus pu. Ils coupaient aussitôt mon micro quand je demandais la parole et je devais crier à pleins poumons sous les insultes et les menaces. Des députés m’ont défendue, des hommes, des femmes, mais ils étaient peu nombreux. On m’a traitée de communiste et d’infidèle. Des injures suprêmes à leurs yeux. J’ai fini par comparer, lors d’un entretien télévisé, le Parlement à un zoo ! Pire qu’une étable car, au moins, il y a des animaux qui servent à quelque chose.

À quoi vont servir les renforts de troupes annoncés par Obama ?
Malalai Joya. La guerre ne visait pas à apporter la démocratie et la justice ou à déraciner des groupes terroristes, elle a servi à pérenniser l’occupation, installer des bases militaires et à garder la mainmise sur la région où se trouvent de grandes ressources naturelles. Obama est comme Bush, voire pire puisqu’il intensifie la guerre, et la porte au Pakistan. Le gouvernement américain maintient une situation dangereuse pour rester plus longtemps en Afghanistan, et surveiller ainsi plus facilement des pays voisins comme l’Iran, le Pakistan, la Russie, l’Ouzbékistan. Si Obama ne retire pas ses soldats, il y aura plus de sang et plus de désastres. Regardez les bombardements de l’Otan. Dans ma province de Farah, en mai (2009 – NDLR) plus de 150 civils ont été tués. Ce massacre permet au monde d’entrevoir les horreurs auxquelles notre peuple fait face. Mais veut-on vraiment les voir ? J’ai organisé une conférence de presse, un homme du village de Geranai, accablé de douleur, est venu expliquer qu’il avait perdu 20 membres de sa famille dans le massacre. N’aura-t-il pas envie, lui ou d’autres jeunes gens, de rejoindre les insurgés, même s’ils sont des intégristes ?

Le sort réservé aux femmes sous le régime taliban avait fi ni par émouvoir l’opinion publique internationale. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Malalai Joya. La Constitution afghane contient des clauses concernant les droits des femmes. J’étais l’une des nombreuses déléguées, à la Loya Jirga de 2003, qui ont poussé fort pour leur inclusion, mais elle est marquée par la forte influence des fondamentalistes avec lesquels Karzai et l’Occident ont fait des compromis. Le texte fondamental a beau déclarer l’égalité entre les hommes et les femmes, le pays est régi selon la charia. La soidisant démocratie de la Constitution officielle est bafouée systématiquement. Elle ne sert que de faire-valoir pour attirer les deniers de l’assistance internationale, généralement détournés. L’Afghanistan est aujourd’hui un pays où les femmes, souvent des gamines de quatorze ou quinze ans, qui fuient le domicile conjugal à cause de l’extrême violence, sont considérées comme criminelles et emprisonnées. On peut, certes, constater un retour des filles à l’école, mais les chiffres ne tiennent pas compte du nombre d’entre elles qui sont obligées de la quitter à cause des menaces pour leur sécurité et des pressions familiales pour se marier. Le suicide est devenu l’ultime arme des jeunes femmes désespérées, qui sont conscientes d’alternatives, mais qui savent qu’elles n’y auront jamais droit.

Et quelles sont, justement, ces alternatives ?
Malalai Joya. Toutes les troupes étrangères doivent partir et les milices des seigneurs de guerre démantelées. La démocratie ne peut être établie par une occupation qui ne fait qu’étendre et renforcer la talibanisation de mon pays. Et c’est mon peuple qui en souffre. Si les États-Unis et les troupes de l’Otan qui occupent notre pays ne quittent pas volontairement l’Afghanistan dans un délai raisonnable, ils vont être confrontés à encore plus de résistance de la part des Afghans. Volontairement, les gouvernements occidentaux ne veulent pas voir que des gens se battent pour reconstruire leur pays dans la paix et la sécurité, en respect des droits de chacun et de chacune. Des partis, des associations démocratiques luttent le plus souvent dans la clandestinité. N’oublions pas que la Constitution interdit l’existence de partis laïcs qui ne se réfèrent pas au Coran. Les manifestations étudiantes contre les plus récents bombardements, tout comme les protestations de centaines de femmes, le mois dernier à Kaboul, montrent au monde la voie vers une réelle démocratie en Afghanistan. Il y a beaucoup de héros et d’héroïnes obscurs. Ils luttent dans leurs ville et village. Pourquoi aucun dirigeant occidental ne veut reconnaître l’existence même d’une force progressiste qui pourrait émerger et jouer un véritable rôle ? Je ne perds pas espoir, nous avons besoin de l’aide des opinions publiques occidentales et, au cours de mes voyages, je me rends compte qu’elles bougent. Il y a eu des manifestations contre l’envoi de renforts, on ne croit plus à une « guerre juste ». La pression doit monter pour faire fléchir les gouvernements bellicistes.

Entretien réalisé par Dominique Bari pour l'Humanité

17:28 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : malalai joya, afghanistan | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!