15/12/2013
The Lunchbox, les chemins détournés de la séduction
The Lunchbox, de Ritesh Batra. Inde-France-Allemagne. 1 h 42. Ce premier long métrage mêle une délicatesse de romance aux fines épices de l’humour. Sélectionné dans de nombreux festivals avant sa sortie, la rumeur favorable est justifiée.
Les «lunchboxes», boîtes à déjeuner avec lesquelles les courants de la mode nous ont familiarisés, ne sont pas en Inde un élément de folklore. Petites tours de récipients empilés qui contiennent chacun un élément du repas, elles sont transportées par des dabbawallahs. Cette corporation de livreurs surchargent la vélocité de leurs vélos des énormes buissons bariolés que forment les housses des boîtes. Elles sont emplies de la nourriture préparée par les épouses, parfois des traiteurs, vers les lieux de travail des salariés. Les Dabbawallas, par tout un système de codes, ont la réputation de ne jamais commettre d’erreurs. Une sur un million de livraisons, d’après les études de l’université d’Harvard.
Lorsque, au tout début du film de Ritesh Batra, une jeune femme, Ila (Nimrat Kaur), concocte des assemblages de viandes et d’épices, galettes et légumes dont on a l’impression de percevoir le fumet gourmand. Tout à la fois rieuse et un peu mélancolique, Ila, seule avec sa petite fille et les conseils avisées d’une voisine échangés par la fenêtre, est certaine d’adresser un message d’amour quotidien à son époux peu empressé. Dans l’immense bureau collectif de son entreprise, Saajan (Irfan Khan), s’apprête à prendre sa retraite de comptable, une fois éclusée la corvée de former son successeur, Shaikh (Nawazuddin Siddiqui), cordiale nuisance. Ila et Saajan, depuis leurs univers clos, ne se seraient jamais rencontrés où que ce soit. Lui semble confiné dans les contraintes d’un travail accompli avec une rigueur sourcilleuse qu’un rien zèbre d’agacement. Ses routines encadrent le deuil assez récent de sa femme. Ila, enserrée dans une vie domestique qu’elle tente de façonner au mieux, notamment par l’excellence de sa cuisine, n’échappe pas totalement à l’ingratitude d’une existence sans aspérités mais dépourvue d’élans. Une erreur sur un million, donc, qui va tracer d’Ila à Saajan des lignes sensibles, des correspondances fragiles entre solitaires peu aptes à sortir d’eux-mêmes. L’un et l’autre ignoreront un temps le détournement de parcours de la nourriture dont les délices parviennent à un Saajan ébahi, bouleversé d’arômes, renversé d’un plaisir sensoriel qui ensoleille l’austère salle à manger d’entreprise. Un lien va également se tisser à l’aune d’épices et de partages entre le comptable recuit et l’encombrant Saikh, son zèle maladroit d’où percera une capacité d’ouverture à autrui dont les deux autres protagonistes principaux étaient empêchés.
Situé loin de Bollywood, dans les classes moyennes de Bombay, The Lunchbox ravive en demi-teinte les jeux de contrastes d’une modernité à grande vitesse quand elle cohabite encore avec les anciennes manières de vivre. Chansons romantiques, séries de télévision démodées, Ila comme Saajan sont habités du sentiment que le bonheur s’enchâsse dans leurs souvenirs. Leurs échanges, à pas comptés, passeront par l’épistolaire manuscrit des billets d’antan vers l’avenir dont ils choisiront le menu avec une faim ouverte.
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06/12/2013
Camarade Nelson Mandela : L'homme tranquille contre l'apartheid
En 1991, lors de son voyage en France, Nelson Mandela aujourd'hui disparue, accordait une interview exclusive à « l’Humanité ». Des extraits sont publiés dans l’Humanité Dimanche du 12 février 2010. Voici l’intégral de l’entretien.
L’homme tranquille contre l’apartheid
Hôte de la France, et plus précisément de son ministère des affaires étrangères, le vice-président du Congrès national africain (ANC) a reçu hier les journalistes de « l’Humanité » dans une de ses possessions « diplomatiques » du gouvernement français en région parisienne, le château de la Celle-Saint-Cloud. Aucune solennité cependant. Ni mythe ni symbole, c’est l’hôte, l’homme tranquille à la taille imposante, préservée, dont la main large et forte rappelle une jeunesse tumultueuse sur les rings de boxe pour amateurs condamnés à devoir prouver toujours plus qui pose la première question : « Où voulez-vous que je m’assoie ? »
Une question en appelant toujours une autre, et chacun d’entre nous ayant participé d’une manière ou d’une autre au combat pour la libération de Nelson Mandela ainsi qu’aux campagnes de solidarité avec le peuple sud-africain, nous ne pouvons que demander, plutôt émus :
Les journalistes de « l'Humanité » Claude Kroës et José Fort accueillent Nelson Mandela pour l'interviewer en 1991.
José Fort et Claude Kroës. Pouvons nous vous appeler camarade ?
NELSON MANDELA. Oui, tout à fait. Vous savez, je suis le camarade de Georges Marchais.
J. F. et C. K. Alors, la première vraie question. Il y a seize mois, vous étiez enfin libéré après plus d’un quart de siècle de prison. Quel regard portiez-vous sur ce que vous avez découvert au moment de votre libération ? Et quel regard portez-vous aujourd’hui sur le monde ?
N. M. Ce n’est pas facile à dire. Il n’est pas très facile pour moi de dire quel était mon regard il y a un an et demi. Il y a toujours un risque de spéculation dans ce genre de déclaration. Mais ce qui m’a frappé, c’est l’amélioration des rapports entre l’Est et l’Ouest, l’amélioration des rapports entre l’Union soviétique et les États-Unis d’Amérique, les pourparlers et les traités sur le désarmement et sur la réduction des armes nucléaires.
À mon avis, le premier ministre britannique, Mme Margaret Thatcher, a joué un rôle significatif dans le rapprochement entre Gorbatchev et Reagan pour favoriser les discussions sur la paix mondiale. Ce fut mon impression dominante. Et deuxièmement, il y a le problème de la lutte anti-apartheid dans le monde entier. En particulier en Grande-Bretagne, en Europe, en Asie, aux États-Unis, au Canada et en Amérique du Sud.
La voix des forces de libération et de progrès vers la démocratie et vers la suppression de la tyrannie s’est très fortement fait entendre. Je suis heureux de constater que les forces de paix sont si fortes, que la tendance en faveur d’une réduction des tensions dans le monde s’exprime toujours avec la même puissance et, bien sûr, que le mouvement anti-apartheid pèse toujours du même poids dans le monde entier.
J. F. et C. K. Camarade Mandela, croyez-vous que les réformes annoncées dans votre pays conduiront à l’élimination de l’apartheid ? Et pensez-vous que le poids de l’opinion publique internationale, qui s’est fortement exprimée pour exiger votre libération, puisse encore avoir un rôle décisif, alors que vous, démocrates sud-africains, êtes entrés dans une phase de négociation ?
N. M. Les réformes annoncées par le gouvernement sud-africain sont très encourageantes. Certains progrès ont été enregistrés dans le sens du démantèlement de l’apartheid et le chemin qui mène vers une Afrique du Sud unie et démocratique est en voie de construction. Mais nous sommes encore très loin de la satisfaction des revendications que nous avons avancées, parce que le contenu principal des réformes voulues, c’est la possibilité pour le peuple sudafricain de s’exprimer par le vote.
J. F. et C. K. Vous voulez dire « one man, one vote » ?
N. M. Oui, bien sûr, et dans la situation actuelle, moi, je ne peux toujours pas voter. Ça, c’est l’élément essentiel. Mais, indépendamment de ce qu’a annoncé le gouvernement sud-africain, nous sommes encore loin d’une situation où la majorité du peuple sud-africain pourrait se déterminer lui-même sur son avenir. C’est la raison pour laquelle nous demandons le maintien des sanctions par la communauté internationale et c’est la raison pour laquelle nous regrettons la décision prise en décembre 1990 par la Communauté européenne. (…)
J. F. et C. K. A propos de cette décision de lever les sanction, vous avez rencontré mardi Jacques Delors, à Bruxelles. Quelle appréciation portez-vous sur votre conversation avec le président de la Commission européenne et avez-vous le sentiment d’avoir été entendu ?
N.M. Mr Delors est un homme qui soutient la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud et je souhaite pouvoir croire, surtout après notre rencontre d’hier, qu’il acceptera de faire connaître aux chefs d’Etats de la CEE les positions de l’ANC. Mais nous discutons d’un problème qui sera soumis aux chefs d’Etat, et il ne serait pas opportun que j’entre dans les détails sur cette question.
J. F. et C. K. Les images montrant les affrontements entre Noirs marquent beaucoup la population française. Est-ce qu’il est possible d’arrêter ces massacres ? Quel avenir pour l’Afrique du Sud ? Etes-vous prêt à gouverner avec les Blancs et dans quel cadre législatif ? Pouvez-vous nous dire quelques mots du Congrès de l’ANC, prévu à Durban, au début du mois prochain ?
N. M. D’abord au sujet de la violence : elle a été présentée comme un affrontement entre noirs. Or, ce n’est là qu’un élément de cette violence. Il y a d’autres éléments qui incitent à la violence. Il y a actuellement des escadrons de la mort, organisés par le gouvernement sud-africain, qui font beaucoup plus de mal à des victimes innocentes que la violences entre Noirs.
Et puis il y a aussi la connivence du gouvernement dans cette violence. Si le gouvernement utilisait la capacité qu’il a de mettre un terme à la violence et de maintenir l’ordre, il pourrait le faire le plus aisément du monde. C’est la raison pour laquelle nous l’avons menacé de ne pas poursuivre les pourparlers sur la Constitution future, aussi longtemps qu’il n’aura pas mis un terme à cette violence.
Mais nous sommes optimistes quant au fait que nous réussirons à contraindre le gouvernement à arrêter la violence. Celle-ci ne continue que parce que le gouvernement le souhaite.
J. F. et C. K. Et le devenir de l’ANC, dans ce contexte changeant et difficile ?
N. M. En ce qui concerne le congrès de l’ANC en juillet, nous sommes très optimistes. Les mass média, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Afrique du Sud, ont essayé de faire croire à l’existence de factions. C’est parfaitement mensonger. C’est la même propagande que celle qui a eu cours par le passé, avant la première conférence consultative légale de l’ANC de décembre dernier. Bien sûr, il y a des divergences qui s’expriment sur tous les sujets, divergneces qui existent aussi dans d’autres congrès, dans d’autres organisations, ailleurs. Mais les décisions que nous avons prises ont été unanimes et saines.
J. F. et C. K. Etes-vous prêt à gouverner avec les Blancs et dans quel cadre législatif ?
N. M. Notre politique est favorable à une Afrique du Sud non raciste, véritablement démocratique et, à cet égard, le mérite personnel sera pour nous le seul critère pertinent. Ce qui signifie que nous sommes prêts à travailler avec tous les groupes nationaux, avec les Noirs et avec les Blancs. Et malgré les problèmes que nous rencontrons, les choses avancent très bien.
J. F. et C. K. Vous avez rencontré François Mitterrand et le premier ministre Édith Cresson. Avez-vous maintenant un message à faire passer au peuple français ?
N. M. Eh bien, notre message est très simple : nous demandons au peuple français de continuer à soutenir la lutte anti-apartheid parce que notre lutte repose sur les principes démocratiques que sont l’égalité, la liberté et la fraternité humaines. Et ces valeurs ont été répandues en Europe par les philosophes français, Voltaire, Montesquieu et d’autres… Et nous espérons donc que le peuple français continuera à soutenir notre lutte.
Propos recueillis par José Fort et Claude Kroës
Derniere photo, Nelson Mandela avec la chanteuse Whitney Houston disparu le 11 février 2012
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01/12/2013
LES MEDIAS FACE AU DEFI DE L'IMPARTIALITE
Salim Lamrani, Maître de conférences à l’Université de la Réunion et journaliste spécialiste de Cuba, vient de sortir un nouvel ouvrage aux Editions Estrella avec un titre éloquent : Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité. Ce livre de 230 pages se divise en neuf chapitres. Il est introduit par une préface du grand écrivain uruguayen Eduardo Galeano, auteur du célèbre livre Les veines ouvertes de l’Amérique latine. Lamrani, comme pour tout bon historien et chercheur, enrichit toujours son travail par des sources abondantes, avec pas moins de 350 notes dans cet ouvrage. Entretien avec Salim Lamrani par André Garand, France-Cuba Marseille.
André Garand : Salim Lamrani, parlez-nous de votre dernier ouvrage.
Salim Lamrani : Ce livre part du postulat suivant : le phénomène de concentration de la presse entre les mains du pouvoir économique et financier est devenu, partout en Occident, une réalité indéniable. Or, ces médias, qui sont liés aux puissances d’argent et qui défendent l’ordre établi, sont souvent confrontés au défi de l’impartialité, surtout lorsqu’il s’agit de Cuba. Il leur est difficile de présenter de manière objective une nation dont le projet de société défie l’idéologie dominante. De plus, Cuba est, par définition, un sujet médiatique qui suscite critiques et controverses et attise régulièrement les passions.
André Garand : Quels thèmes abordez-vous dans ce livre ?
Salim Lamrani : Mon livre tente d’apporter une réponse aux questions suivantes : Comment les médias présentent-ils la réalité cubaine ? De quelle manière abordent-ils des problématiques aussi complexes que les droits de l’homme, le débat critique, l’émigration, le niveau de développement humain et les relations avec les États- Unis ? Remplissent-ils réellement leur rôle de quatrième pouvoir ? Sont-ils capables de s’émanciper du pouvoir politique, des puissances d’argent et d’apporter une vision plurielle sur la société cubaine ? Car une presse libre et indépendante est essentielle dans toute démocratie et elle s’accompagne, à l’évidence, d’un devoir de vérité informationnelle vis-à-vis des citoyens.
André Garand : Pourquoi les médias sont-ils si critiques à l’égard de Cuba ?
Salim Lamrani : Cuba, depuis le triomphe de la Révolution et l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro, est un sujet de débat vif et animé. Il est une raison essentielle à cela : le processus de transformation sociale initié en 1959 a bouleversé l’ordre et les structures établis, a remis en cause le pouvoir des dominants et propose une alternative sociétale où – malgré tous ses défauts, ses imperfections et ses contradictions qu’il convient de ne pas minimiser – les puissances d’argent ne règnent plus en maître, et où les ressources sont destinées à la majorité des citoyens et non à une minorité.
André Garand : Eduardo Galeano, célèbre écrivain latino-américain, a rédigé la préface de votre livre.
Salim Lamrani : Eduardo Galeano a effectivement rédigé un texte incisif non dépourvu de l’humour sarcastique, si caractéristique de son style, sur Cuba et les médias. J’en profite pour le remercier chaleureusement d’avoir bien voulu associer son nom et son prestige à mon travail. J’en profite également pour remercier publiquement Estela, journaliste espagnole, qui m’a aidé dans cette tâche.
André Garand : La quatrième de couverture comporte une citation de Jean-Pierre Bel, notre Président du Sénat, qui vous remercie pour votre travail. Elle dit la chose suivante : « Merci pour ce regard sur Cuba, tellement utile ». C’est une belle reconnaissance, non ?
Salim Lamrani : Le Président Jean-Pierre Bel est un grand ami de Cuba. C’est un grand connaisseur de l’Amérique latine. Il est très attaché à la liberté d’expression et à la pluralité d’opinions. Il est issu d’une famille de résistants communistes et est un grand admirateur de la Révolution cubaine. Il a lu certains de mes ouvrages et m’a fait parvenir ce petit mot. Je l’en remercie grandement.
André Garand : Une citation de Robespierre, à qui vous dédiez votre ouvrage, introduit le livre. Pourquoi ce choix ?
Salim Lamrani : Robespierre parlait de passer la « vérité en contrebande » car il avait la conviction profonde qu’elle finirait par triompher. Je partage cette foi.
Maximilien Robespierre est le plus pur patriote de l’Histoire de France. C’est la figure emblématique de la Révolution, le défenseur de la souveraineté populaire. Il avait compris dès le départ que les puissances d’argent étaient le principal ennemi du peuple, de la République, de la Patrie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’idéologie dominante vilipende tant son héritage. Ses aspirations à la liberté et à la justice sociale sont toujours d’actualité.
Nous vivons une époque assez curieuse. On glorifie les ennemis du peuple et on méprise ses défenseurs. Prenez la ville de Paris : Pas une rue ne porte le nom de notre Libérateur, pas une statue à l’effigie de Robespierre, alors que le traitre Mirabeau a un pont et Adolphe Thiers, le boucher de la Commune qui a fait fusiller 20.000 patriotes en une semaine, dispose d’un square et d’une statue. Rendez-vous compte, le 22 septembre, jour de la Fondation de notre République, n’est même pas célébré en France.
Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité
Préface d’Eduardo Galeano
Paris, Editions Estrella, 2013
230 pages
18€
Disponible auprès de l’auteur : lamranisalim@yahoo.fr
Egalement en librairie : http://www.librairie-renaissance.fr/9782953128437-cuba-le...
Et chez Amazon
http://www.amazon.fr/Cuba-Medias-Face-Defi-lImpartialite/...
17:19 Publié dans Connaissances, Entretiens, International, Livre, Médias | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cuba, médias, salim lamrani, livre | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
28/11/2013
Coût du capital: actionnaires gavés, salariés à la diète
Trente années de partage de la valeur ajoutée se soldent par une explosion des dividendes versés aux actionnaires, tandis que la part revenant à la rémunération du travail a reculé.
Médias, économistes, commentateurs patentés, ils nous le répètent tous, jusqu’à l’overdose : si l’économie française décroche, la faute en incombe au « coût du travail ». Voilà trente ans qu’au nom de ce dogme un arsenal sans cesse grossissant de mesures budgétaires visant à alléger ce prétendu fardeau des entreprises est mis en œuvre. Loin de les remettre en cause, le gouvernement Ayrault en rajoute aujourd’hui une grosse louche, avec les 20 milliards du crédit d’impôt compétitivité.
Pourtant, les chiffres très officiels de l’Insee permettent d’établir un tout autre diagnostic. D’après les comptes nationaux des entreprises non financières, depuis le début des années 1980, le partage de la richesse créée n’a pas évolué à l’avantage du travail, bien au contraire : la masse salariale représentait ainsi, en 2012, 66,6 % de la valeur ajoutée, contre 72,9 % en 1981. À l’inverse, la part de la valeur ajoutée revenant au capital, sous forme d’intérêts versés aux banques et de dividendes octroyés aux actionnaires, a été multipliée par plus de 7, passant de 39,1 milliards d’euros à 298,6 milliards. Les seuls dividendes, qui pesaient 5 % de la valeur ajoutée il y a trente ans, en représentent 22,4 % en 2012.
Les entreprises versent donc près de cinq fois plus de dividendes actuellement que dans les années 1980, alors que, dans le même temps, elles ont comprimé la part du gâteau réservée au travail. C’est bien le capital qui a tiré son épingle du jeu. Et on peut constater que, crise ou pas, que la santé des entreprises soit bonne ou mauvaise, les actionnaires sont désormais toujours gagnants : leur rémunération est préservée et toujours à la hausse. Ce, alors que, selon la théorie libérale classique, ces financiers prennent des risques en investissant, et seraient donc exposés à de mauvaises fortunes. En réalité, les risques ont été transférés sur les salariés : l’emploi et la rémunération sont les véritables variables d’ajustement.
Autre constat essentiel : contrairement là aussi au discours dominant, la baisse relative du « coût du travail » ne s’est pas accompagnée d’un accroissement de l’investissement, celui-ci représentant en 2012 la même part de la valeur ajoutée qu’en 1981 (19,4 %).
- Brisons le tabou ! Editorial par Jean-Emmanuel Ducoin.
N’écoutez plus ceux qui ne parlent que de «coût du travail» en oubliant le coût prohibitif du capital !
17:37 Publié dans Actualités, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : économie, finances, actions, budget, salaires | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |