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08/06/2014

Flavia Coelho, l’astre solaire du Brésil

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Trois ans après «Bossa Muffin», la jeune chanteuse brésilienne revient avec le dansant et festif album « Mundo Meu ». Nous en avons parlé avec elle à l’occasion de sa tournée en France qui passera par l’Olympia en octobre.
 
Flavia Coelho c’est d’abord du bonheur sur scène et une grosse dose de joie et de musique solaire qu’elle adore partager avec son public. La jeune chanteuse brésilienne originaire de Rio, revient avec Mundo Meu. Un album très réussi où se croisent les ambiances de forro, samba, boléro, ou les rythmes inspirés de musiques d’Europe de l’Est. Une joyeuse fusion à l’âme carioca parcourue par un flow teinté d’afrobeat et de hip-hop qui nous parle de l’histoire du Brésil. En tournée en France, nous sommes allés à sa rencontre.
 
Vous avez commencé votre carrière très jeune. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans la musique ?
Flavia Coelho : Je suis montée sur scène à l’âge de 14 ans. C’était à Rio. J’ai commencé à chanter, comme ça, à la maison, car au Brésil tout le monde chante et fait un peu de musique. J’ai répondu à l’annonce d’un journal pour un casting. C’est un groupe qui s’appelait Les Célibataires. Ils ont vu combien j’avais envie de participer, m’ont pris sous leurs ailes et ça a démarré très vite. Après, j’ai fait partie de pas mal de groupes. J’ai appris la musique, comme ça, sur le tas. Ça a duré jusqu’en 2006 au moment où je me suis installée en France.
 
Pourquoi avoir voulu quitter le Brésil ?
Flavia Coelho : J’avais commencé à chanter super tôt, j’ai voyagé dans différents styles de musiques différentes. J’avais 26 ans et l’envie de m’épanouir en tant que femme. Il fallait que je parte de mon pays pour découvrir d’autres choses. J’avais besoin de me mettre un peu en danger.
 
A mon arrivée en France, je ne parlais pas la langue, un cousin lointain m’a hébergé le premier mois et l’aventure a commencé. J’étais venue en France une première fois en 2002, en tournée avec un groupe, j’ai eu un coup de cœur pour Paris. Pas seulement pour son côté historique, étant très fan de l’histoire de France, mais aussi à cause de la quantité de musiciens, les clubs, les mélanges musicaux. Cela m’a permis de rencontrer des Sénégalais, des Maliens, des Congolais, des Camerounais, des Serbes, des Croates…Tout cela mélangé dans la musique brésilienne, du jazz, du blues.
 
Ces univers m’ont enchantée et j’ai pensé que si un jour je faisais un album, il viendrait de cette ville et de tous ces musiciens. Pour moi, ces ambiances musicales, ça été la redécouverte de la musique de mon pays. Au Brésil, on écoute tellement de la musique de chez nous, qu’on n’essaie pas de chercher ailleurs d’autres styles.
 
Votre nouvel album Mundo Meu est imprégné de toutes sortes de couleurs musicales. Comment définiriez-vous son univers?
flavia coelho,chanteuse,brésilienneFlavia Coelho : Je le vis comme un album brésilien, en fait. Nous, cela fait longtemps qu’on se mélange, qu’on fait des folies en mêlant le hip-hop, le reggae, la salsa, le calypso. Souvent, tout ce que les gens connaissent de la musique brésilienne, ce sont les grands maîtres, Chico Buarque, Caetano Veloso, etc…
 
Moi, j’ai voulu faire ma musique en mélangeant différentes sonorités en chantant dans ma langue, qui est mon drapeau le plus important. Dans mon premier album en 2011 (« Bossa Muffin»), j’étais dans la découverte des sonorités africaines, des sons latinos. Cela correspondait au chemin vers lequel je voulais aller pour mon deuxième album. J’essaie de toucher à tous les styles, rap, reggae, ambiances balkaniques, brésiliennes….
 
Ses sonorités sont parfois très urbaines….
Flavia Coelho : Je suis née à Rio de Janeiro et j’ai grandi dans un quartier simple, parfois un peu difficile, j’ai de la famille dans les favelas. Aujourd’hui mon père vit en banlieue dans un lieu cool, mais on a vécu dans des endroits durs. Je voulais que la couleur de l’album soit un peu plus «street». Il est plus tourné vers l’histoire du Brésil, la rue, le ghetto, les gens, les paysans.
 
Il va y avoir bientôt la coupe du monde de football. Comment vous apparaît le Brésil d’aujourd’hui ?
Flavia Coelho : En ce moment, la situation est compliquée parce ce qu’ils ont fait ce qu’on appelle «le nettoyage». On a obligé les gens de certains quartiers à déménager pour pouvoir construire des installations sportives et j’espère qu’ils vont bien les reloger. Le Brésil a beaucoup changé. C’est devenu un pays riche grâce aux brésiliens qui travaillent comme des fous depuis trente ans. Pour moi, ce n’est pas surprenant que le pays soit devenu ce qu’il est. Je ne suis plus à Rio depuis 2006, mais je suis au courant de ce qui se passe. Les gens sont assez partagés par rapport à la coupe du monde de foot, un peu comme moi. Je suis heureuse de la construction des stades, des diverses infrastructures parce ce que ce sont des installations dont va pouvoir se servir la communauté par la suite. On avait eu un avant-goût de cela avec les Jeux panaméricains, donc ça va développer le sport.
 
Si j’essaie de voir du positif dans cet événement sportif mondial, je pense d’abord à la communauté, aux travaux publics pour les gens. C’est bien, mais le Brésil a besoin aussi d’autres choses, d’écoles, d’un bon système judiciaire, de la santé…
 
Vous êtes de plus en plus reconnue en tant que chanteuse et musicienne au style unique et original. Heureuse de votre parcours?
Flavia Coelho : Très ! J’ai démarré de zéro quand je suis arrivée ici. Au Brésil, j’avais déjà ma vie, mon appart, mon chien, ma petite voiture, mon boulot, tout allait bien ! (rires). Et du jour au lendemain, je suis partie avec 200 euros en poche, un sac à dos, une petite veste avec le but de faire un album. Je ne jouais pas de guitare, je n’avais jamais écrit de morceaux, ni paroles, ni chanson. Le temps a passé très vite, aujourd’hui, je me produis un peu partout.
 
Je suis merveilleusement bien accueillie dans les festivals par les gens qui sont contents de voir mon évolution. Je suis reconnaissante de tout cela, cela me rend heureuse !
 
Entretien réalisé par Victor Hache
Album Mundo Meu chez Discograph. Tournée en France jusqu’au 7 novembre. Concert, le 17 octobre à l’Olympia.
 
Victor Hache pour l'Humanité

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13/03/2010

Rencontre avec Joan Baez

baez.jpgDans le cadre de sa tournée européenne, l’égérie de la protest-song a bien voulu nous accorder son temps, malgré un emploi du temps archi-comble. Discussion à bâtons rompus avec la plus humble des étoiles.

Qui a dit qu’une chanson ne peut pas changer le monde ?
Vous, qui avez mis votre art 
au service de nombreuses causes, êtes-vous consciente d’avoir donné un contre-exemple fulgurant 
à cette assertion ?

Joan Baez. Je vous remercie du compliment. Je suis en partie d’accord avec vous. Mais, un artiste ne peut faire la révolution dans son coin. à mon avis, il faut une condition : que cette chanson soit en synergie avec une action. Elle ne peut suffire en elle-même, elle doit s’intégrer dans une mobilisation.

Tôt dans votre vie, vous avez 
consacré votre énergie à la fois 
à la musique et à l’engagement politique, avec une ténacité surprenante…

Joan Baez. J’ai eu beaucoup de chance, parce que j’aime les deux. J’ai besoin des deux. Jeune déjà, je ne pouvais pas m’endormir tranquillement, sans rien faire, alors que je savais que des gens souffraient sous un coin du ciel. Je n’ai pas vécu mon engagement comme un sacrifice, même s’il m’a souvent conduite à mettre ma carrière au second plan, ce qui m’a maintes fois été reproché dans le milieu professionnel. Pour moi, dès mon enfance, il était clair que je pouvais mener les deux de front, je le faisais aussi naturellement que de respirer. J’ai l’habitude de formuler ça en disant que je n’ai pas choisi l’art et la conscience sociale. Mais ce sont eux qui m’ont choisie comme messagère.

Quand et comment votre conscience politique est-elle née ?

baez2.jpgJoan Baez. La première chose extérieure qui m’ait marquée a été la lecture du journal d’Anne Frank. Le sort et le courage de cette jeune fille m’ont secouée, bouleversée. L’autre élément a été d’ordre familial. J’avais huit ans, quand mes parents sont devenus Quakers. Ils m’ont expliqué de bonne heure que, pour cette religion, aucun nationalisme, aucun drapeau ne pouvait compter plus qu’une vie humaine, ni justifier que l’on assassine des gens. Adolescente, j’ai eu le soutien d’un maître spirituel qui était dans la lignée du Mahãtma Gandhi. C’était, pour moi, un véritable choix.

Martin Luther King a marqué 
votre démarche politique. 
Comment est-ce advenu ?

Joan Baez. Je l’ai rencontré à l’âge de seize ans. Je m’étais rendue à une grande conférence qu’il donnait auprès des étudiants. L’émotion m’a submergée, parce que je réalisais à quel point son action était en phase avec mes convictions. Il dirigeait la campagne de boycott des bus, dans le Mississipwpi. Les Noirs souffraient terriblement de la ségrégation. Ils affrontaient d’effroyables violences. Mais les actions que Martin Luther King menait étaient résolument non violentes. Je trouvais ça extraordinaire, parce que j’avais beaucoup lu au sujet de la non-violence, mais je ne l’avais encore jamais vu mise en pratique.

A seize ans, vous aviez donc déjà une conscience politique ?

Joan Baez. Oui. J’avais déjà accompli ma première action de désobéissance civile. C’était à l’école. On nous a ordonné d’évacuer l’établissement, en prétextant de nous préparer à un éventuel bombardement de missiles soviétiques. J’ai trouvé ça ridicule. Tout le monde est parti, sauf moi. Je suis restée dans l’enceinte de l’école afin de protester. Le lendemain, les journaux déclaraient que j’étais une fille dangereuse, une communiste !

Ces diatribes médiatiques vous ont-elle découragée ?

Joan Baez. Pas du tout. Les profs étaient déconcertés de ma position non violente. J’ai commencé à discuter avec eux, à leur expliquer. Et j’ai senti quelque chose s’éveiller en eux. C’était ma première action cruciale. Cela a fait du bruit. Je ne me préoccupais pas des conséquences, je me sentais prête à les assumer.

Ce qui frappe chez vous, 
c’est que l’on ne sent jamais d’amertume. Pourtant, vous avez essuyé des déceptions. Comment expliquez-vous cette absence d’animosité ?

Joan Baez. Quelquefois, bien sûr, je suis en colère. Mais je ne suis pas souvent désappointée, parce que je veille à ne pas entretenir d’attentes trop élevées. Je me concentre sur le présent, sur ce que je décide de faire. J’ai compris assez vite qu’il valait mieux cultiver la force intérieure et délaisser la rancune. J’essayais modestement de suivre l’exemple de Gandhi et de Martin Luther King. Gandhi se levait et, quels que fussent les coups contre lui, il se redressait et recommençait son action. Martin Luther King, lui, savait qu’il allait être assassiné.

C’est ce que l’on a pu entendre, effectivement…

baez1.jpgJoan Baez. Oui, il le savait ! En particulier, quand il s’est mis à dénoncer la guerre du Vietnam. Les autorités ont, alors, tenté de le marginaliser. La Maison Blanche ne voulait plus entendre parler de lui. Je suis convaincue que son action contre la guerre du Vietnam lui a coûté la vie. Il savait que ses ennemis possédaient un pouvoir énorme. C’est très dur de prendre les décisions qui ont été les siennes. Et plus dur encore de s’y tenir, comme il l’a fait.

Que s’est-il passé, quand il est venu vous voir en prison, où la police vous avait jetée parce que vous aviez manifesté ?

Joan Baez. Sa venue a été une merveilleuse source de réconfort, non seulement pour moi, mais aussi pour mes compagnes de geôle. Vous imaginez, votre héros vous rend visite ! En fait, ce qui m’a le plus touchée, c’est la réaction des autres prisonnières. Les femmes noires voulaient absolument le voir. Elles ont couru jusqu’à lui, avant même que les gardiens puissent les retenir. L’une d’elle a été si rapide qu’elle a pu s’accrocher à lui. Elle lui a dit : « Je n’ai rien à faire ni des avantages que les matons vont me retirer, ni des sanctions qu’ils vont m’infliger. Le simple fait de vous avoir touché me donne de la force ». Et elle s’est écriée : « J’ai touché Martin Luther King ! J’ai touché Martin Luther King ! » Le moral de toutes les détenues a subitement été regonflé à bloc.

N’aviez-vous pas peur de 
la répression, ne craigniez-vous pas d’être assassinée ?

Joan Baez. Avec le recul, je m’aperçois que je n’avais pas toujours complètement conscience du danger. Il y a des situations qui m’ont terrorisée. Par exemple, lors d’un concert à Birmingham, dans l’Alabama. Je traversais la scène. Quelqu’un, au balcon, a lancé une chaise. Cela a provoqué un bruit énorme. J’ai sauté en l’air à plus de trente centimètres du sol. Je ne savais même pas que je pouvais devenir à ce point nerveuse. Un silence de mort s’est brutalement abattu, parce qu’on croyait qu’une balle avait été tirée. Mon cœur battait la chamade. Mais, une fois qu’il a été vérifié qu’il n’y avait aucun danger, j’ai recommencé à chanter.

Vous qui avez connu l’âge d’or des luttes. Avez-vous parfois la sensation que, de nos jours, la pression économique est plus forte que la capacité à se mobiliser ?

Joan Baez. C’est vrai que l’on ressent un vide. Les années Bush ont découragé beaucoup de personnes. Aujourd’hui, je perçois encore cette sorte de désespérance. Toutefois l’élection de Barack Obama a suscité de nouveau l’espoir. Je l’appelle le miracle Obama. Mais le chemin sera extrêmement ardu pour lui. La droite le déteste. Elle ne supporte pas d’avoir affaire à cet homme très intelligent et cultivé. Elle va tenter de se débarrasser de lui. C’est à nous de jouer, maintenant. Les progressistes doivent s’organiser. J’ai conscience de n’avoir pas donné toute ma part. Accueillie à la Maison Blanche, j’ai fait un speech. Mais je sais que cela n’est pas suffisant. Nous avons beaucoup à faire.

Que pensez-vous de la situation économique et politique actuelle ?

Joan Baez. Les années Bush ont contribué au vide actuel… La droite a appris à faire des discours. Mais les progressistes n’ont pas appris à lui répondre. Longtemps restée aux manettes du pouvoir, elle est reine de la manipulation. Elle manipule le peuple, la presse, elle manipule ses propres troupes en enjolivant le tableau. Nous devons lui dire : vous racontez n’importe quoi, fermez-la !

Qu’est-ce qui vous préoccupe particulièrement aujourd’hui ?

Joan Baez. Outre la paupérisation mondiale, je pense que la détérioration de la planète va avoir de graves conséquences pour les plus démunis. Le dérèglement climatique aura des conséquences graves sur tous les plans : sanitaire, agricole, etc., sans oublier les réfugiés climatiques qui risquent de devenir de plus en plus nombreux et qui devront affronter des situations catastrophiques. C’est pourquoi, la sauvegarde de la planète m’apparaît comme l’urgence numéro un.

Avez-vous constaté que les droits 
de l’homme et leurs acquis sont 
de plus en plus remis en question ?

Joan Baez. Oui. Quand j’ai démarré mon action pour Amnesty International, je ne sais plus exactement si c’était en 1971 ou 1972, mais toujours est-il que nous notions de grandes avancées au sujet des droits humains. De nos jours, le monde est dans le chaos. La raison économique et financière prend de plus en plus le dessus.

Au début des années soixante-dix, vous vous êtes produite à la Fête de l’Humanité. Vous aviez chanté une chanson de Maxime Le Forestier. Quel message aimeriez-vous adresser à nos lecteurs, très sensibles à votre engagement ?

Joan Baez (en riant). Prenez une guitare et chantez avec moi ! Je plaisante. En fait, je ne me sens pas l’âme d’une donneuse de leçons. Je dirais simplement : écoutez votre cœur, car je sais que vous avez un cœur grand comme votre conscience.

Entretien réalisé Fara C, pour l'Humanité

11:42 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : joan baez, chanteuse | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!