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07/01/2019

TRIBUNE. Quand antisémitisme et racisme s'infiltrent chez les "gilets jaunes"

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L’historien et l'essayiste Marc Knobel analyse les différents mécanismes et ressorts de la xénophobie telle qu’elle se développe depuis la crise des "gilets jaunes".

Le mouvement des "gilets jaunes" est loin d'être homogène. Les revendications disparates et contradictoires s'ajoutent les unes aux autres, depuis plusieurs semaines. Les "gilets jaunes" disent se battre contre les taxes et les impôts, la cherté de la vie, l'injustice sociale, pour une plus grande représentativité démocratique et une plus juste solidarité.

Il est vrai que la pauvreté et la misère affectent des millions de Français : travailleurs, ouvriers, chômeurs, déclassés, agriculteurs sacrifiés, classe moyenne, retraités, jeunes… Ces gens se sentent abandonnés par les technocrates, la classe politique. L'injustice, l'isolement, l'abandon, la paupérisation sont insupportables, nous le soulignons ici.

J'ajouterai une touche personnelle. L'auteur de ces quelques lignes a connu et vécu la misère totale et la détresse de ses propres parents, qui étaient marchands forains au Carreau du Temple, à Paris. Je l'ai raconté dans un article qui a été publié dans la "Revue des Deux Mondes", en novembre 2018. Je peux donc comprendre le cri de douleur et de colère de ceux qui ont faim, de ceux qui ont mal.

Mais, pour se faire entendre par la classe politique, le président et le gouvernement, doit-on casser et brûler ? N'avons-nous pas assisté ces derniers temps à des scènes d'une violence inouïe, dans un Paris outragé et violenté, également par des casseurs et de petits voyous, des factieux de l'ultra gauche ou de l'ultra droite et des gens qui se sont radicalisés, qui infiltrent ce mouvement ?

Une frange infiltrée

Par ailleurs, beaucoup de questions se posent après les débordements choquants et clairement antisémites observés par exemple le samedi 22 décembre à Paris lors des manifestations des "gilets jaunes".

Théories conspirationnistes, refus du système, puissants stéréotypes racistes et antisémites, propagande distillée par la nébuleuse complotiste, radicalisation et instrumentalisation diverse de l'ultra droite et/ou de l'ultra gauche, permettent à l'antisémitisme de se développer et de prospérer plus ouvertement depuis plus de deux mois, chez une frange infiltrée de ce mouvement.

Il ne s'agit pas de condamner tous les "gilets jaunes", bien évidemment. Cependant, certains commentateurs s'étonnent. Par exemple, le 24 décembre 2018, excédée, l'humoriste et comédienne Sophia Aram s'exclame sur son compte Twitter : "Les slogans complotistes, antisémites, racistes, sexistes, homophobes, les menaces et violences envers les journalistes et les élus… ne sont rien comparés à la masse inerte de Gilets Jaunes que ça ne dérange pas".

Alors, tentons d'expliquer ce qui se passe ici, lorsque l'on parle d'antisémitisme ou de racisme.

Les conspirationnistes prolifèrent sur Internet

Sur Internet, les théories conspirationnistes se développent, plus que partout ailleurs. Elles se diffusent également dans la société, tant à l'extrême gauche qu'à l'extrême droite et touchent toutes les classes sociales. Or, s'il existe des expressions de complotisme dépourvues d'antisémitisme, l'antisémitisme est une constante du conspirationnisme.

Expliquons. L'historien des idées Stéphane François rappelle que les théories du complot consistent en une interprétation des évolutions du monde et des mœurs par l'existence d'un "métacomplot". Pour les complotistes, celui-ci serait fréquemment juif, maçonnique ou financier, les trois pouvant d'ailleurs fusionner, dans un délire paranoïaque.

L'historien des idées explique que parmi les points communs, nous trouvons le refus du "système", la condamnation du néolibéralisme, ainsi qu'un antisionisme/antisémitisme, qui peuvent tous combiner dans la condamnation des financiers juifs. Cette condamnation est d'ailleurs parfois devenue une constance importante de ce type de pseudo-discours dans les mouvances antimondialistes et antilibérales, depuis le début des années 2000.

A ce propos, le politologue Yves Camus rappelle dans un entretien qu'il accorde aux Inrocks.com, le 11 novembre 2018, que c'est "principalement la nébuleuse complotiste soralienne et dieudonniste qui propage les préjugés antisémites".

Antisémitisme et « gilets jaunes » ?

Ajoutons ces derniers développements depuis que le mouvement s'est constitué :

• Une députée de La République en Marche (LREM) dénoncée comme "youpine" sur les réseaux sociaux après un débat télévisé avec des meneurs du mouvement ; la récurrence du procès en collusion "juive" du président de la République, "pute à juifs" (sur une banderole de l'autoroute A6), "pourriture [sic] de juifs" (graffiti rue Molitor à Paris), "Macron (…) = Sion" (panneau à Pontcharra, en Isère), dont les slogans proviennent d'un site particulièrement ordurier et antisémite, bloqué dernièrement par la justice de notre pays. 

• "Vous nous gazez comme des putains de juifs", prononcé le 23 décembre 2018 par des "gilets jaunes" à Paris. Des quenelles et des saluts nazis à Montmartre qui témoignent d'un risque certain d'adoption par des groupes de plus en plus divers des thèmes de l'antisionisme raciste, selon l'historien Vincent Duclert ("Le Monde", 11 novembre 2018). Rappelons ici que les quenelles sont à la fois signe de ralliement antisystème, mais aussi hymne antisémite codé. Dans un tweet ce 24 décembre 2018, Bernard Pivot s'insurge avec raison et fait part de son dégoût, à ce sujet : "Quenelle, joli mot de la cuisine lyonnaise, mot que je chéris parce que les quenelles de ma mère étaient divines, mot sali, souillé, déshonoré par Dieudonné et les 'gilets jaunes' antisémites." Des propos négationnistes sur la ligne 4 du métro parisien ; sur les quais de Rhône, en plein mouvement "gilets jaunes", une inscription sur une banderole : "Macron=Drahi=Attali, Banques=médias=Sion"

Voilà là également en ces quelques slogans, la résurgence de préjugés puissants et terrifiants. En octobre 2016, un sondage d'opinion CNCDH/SIG/IPSOS révélait que 35% des Français pensent que "les Juifs ont un rapport particulier avec l'argent" (1) Depuis quelques années, cet antisémitisme (primaire) connaît un nouvel écho et la montée des préjugés et des stéréotypes est particulièrement alarmante.

L'ultra droite se fédère-t-elle autour de l'antisémitisme ?

Cette fois-ci, les choses sont claires. Sur le site Internet de "l'essayiste" d'extrême-droite Alain Soral, une annonce est publiée. Une "grande réunion publique" devrait avoir lieu le 19 janvier 2019, en présence du militant d'extrême droite, Yvan Benedetti, qui a présidé le groupuscule l'Œuvre française en 2012. Rappelons que le 22 octobre 2018, à l'occasion du décès du négationniste Robert Faurisson, Benedetti rendait sur Twitter hommage au négationniste, qu'il qualifie notamment de "Hérault (sic) des temps modernes qui aura marqué la 2ème moitié du XXe siècle."

Il faut compter aussi sur la présence du directeur de l'hebdomadaire d'extrême droite "Rivarol", Jérôme Bourbon, condamné récemment par la justice pour des tweets négationnistes et antisémites ; d'Elie Hatem, du mouvement royaliste l'Action française ; du militant antisémite et négationniste, Hervé Ryssen, multirécidiviste, condamné maintes fois par la justice et de l'inénarrable Alain Soral.

L'ultra-droite s'avance, profite de la colère, l'instrumentalise et veut fédérer autour de l'antisémitisme. L'ultra droite, factieuse par nature, récupère ici les mécontents, pour jeter en pâture la République, la mondialisation, les minorités et bien évidemment, les juifs.

"Gilets jaunes" et racisme

Le site Internet de "l'Obs" nous alertait déjà et à juste titre, dans un article qui avait été publié le 19 novembre 2018. Depuis deux mois, des "gilets jaunes" profèrent des insultes antisémites, mais également racistes et homophobes. Dernièrement, Jean François Mbaye qui fait partie des nouveaux députés LREM, élu du Val-de-Marne, se voit menacé de mort avec une lettre anonyme, ouvertement raciste, et glaçante : "Tu es ce qu'on appelle un noir de service. On va tout simplement te mettre une balle dans la tête, le climat actuel s'y prête bien. Les victimes d'accident de chasse augmentent. Tu vas mourir."

Cette lettre visait également Henri Berville, député de la 2e circonscription des Côtes-d'Armor et Lætitia Avia, députée de la 8e circonscription de Paris. Jean François Mbaye vient de déposer plainte. Voilà là, un exemple terrifiant d'un racisme outrancier qui vise délibérement les noirs, un racisme qui s'exprime notamment sur l'Internet. 

Les exemples ne manquent d'ailleurs pas. 

En novembre 2018, alertés par du bruit, des "gilets jaunes" ont signalé à la gendarmerie la présence de migrants dans un camion-citerne bloqué sur un barrage à Flixecourt (Somme). Dans une vidéo tournée sur place et publiée sur les réseaux sociaux, un homme appelle à faire un "barbecue géant" avec les migrants, en paraissant se réjouir de l'intervention des forces de l'ordre.

Repenser la colère

"On a été bons les gars, mieux que la douane ! ", entend-on également alors que les migrants descendent du poids lourd, interpellés par les gendarmes. Nous voyons là encore à quel point les délires racistes hostiles aux immigrés ou aux réfugiés sont récupérés, eux qui sont si perfidement instrumentalisés par l'extrême droite. 

Les souffrances sont réelles, la colère est palpable, c'est un fait. Les "gilets jaunes" expriment uns souffrance sociale, une désespérance. Pourtant, il faudrait repenser cette colère plus sereinement, plus fraternellement, plus démocratiquement surtout et la traduire différemment et d'abord et surtout sans la moindre violence. Vouloir en découdre tous les samedis, pousser des coups de gueule, balancer des pavés sur la gueule des flics, occuper des ronds-points, rien de tout cela n'est démocratique, républicain et ne constituera jamais une politique.

Enfin, aucune cause sociale, économique, politique, aucune désespérance, aucune misère ne pourra jamais légitimer, justifier, tolérer, développer, faire se développer des comportements racistes, homophobes, xénophobes, sexistes et/ou antisémites. 

Marc Knobel

1) Sondage CNCDH/SIG/IPSOS, réalisé du 17 au 24 octobre 2016, sur un échantillon de 1006 personnes. Voir à ce sujet le rapport de la CNCDH, "La Lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie", Paris, La Documentation Française, pp. 58 et suivantes.

Les intertitres sont de la rédaction

Sources NouvelObs

17:27 Publié dans Actualités, Cactus, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gilets jaunes, tribune, racisme | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

07/04/2016

« Pour une Primaire des idées » – Tribune collective

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Elus du PS, d’EELV, du PCF ou de Nouvelle Donne, appellent dans cette tribune « à une primaire des idées » avant « une primaire des candidatures », via des débats organisés d’ici à l’été partout en France. « Sans quoi notre tentative démocratique ne sera pas à la hauteur des mouvements citoyens qui émergent en France », préviennent-ils.

« Nous sommes des électrices et électeurs. Nous voulons que la politique soit de nouveau faite par les citoyennes et les citoyens. Comme beaucoup d’entre nous recommencent déjà à le faire dans les rues et sur les places publiques de France.

Depuis quelques semaines, nous avons accepté de participer à un processus ouvert de toutes les forces politiques de la gauche et des écologistes, pour construire ensemble la primaire de gauche. Nous pensons que c’est le bon outil pour relever une gauche en lambeaux, pour sortir de l’ornière annoncée de 2017. Cette primaire a vocation à élire une candidate ou un candidat de gauche et à gagner l’élection présidentielle. Mais aussi, et surtout, à faire revivre les idées progressistes dans l’espace public.

Nous ne supportons pas les débats sur la réforme du droit du travail ou la déchéance de nationalité, tandis que la finance n’est toujours pas combattue et continue d’imposer sa loi. Les réels sujets ne sont toujours pas soulevés.

« Si nous ne pouvons pas nous rassembler sur le fond, le rassemblement autour d’une candidature à la présidentielle restera une illusion sans lendemain »

Un projet politique de gauche peut-il passer à côté de l’instauration d’une VIe République? Peut-il se retenir d’ouvrir le débat sur l’augmentation des salaires, un revenu de base et sur la réduction du temps de travail? Peut-il s’abstenir de protéger notre environnement et notre santé des pollutions? Peut-il retarder une vraie ambition de transition énergétique? Peut-il hésiter à faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité? Peut-il reculer devant le droit de vote des étrangers? Peut-il continuer de dissoudre nos libertés individuelles? Peut-il renoncer à mettre en place une loi forte contre les paradis fiscaux et pour la justice sociale?

Avant une primaire des candidatures, nous avons besoin d’une primaire des idées. Si nous ne pouvons pas nous rassembler avant tout sur le fond, le rassemblement autour d’une candidature à la présidentielle restera une illusion sans lendemain. Ces débats doivent d’abord exister partout dans le pays, sans quoi notre tentative démocratique ne sera pas à la hauteur des mouvements citoyens qui émergent en France pour pratiquer la politique sincèrement.

« Nous proposons que d’ici à l’été se tiennent à travers toute la France des débats ouverts »
L’essentiel est de fabriquer en commun. Comment y parvenir si nous ne sommes pas d’accord sur le minimum vital? Voilà pourquoi nous appelons à ce que la primaire soit imaginée, construite, alimentée par des citoyennes et des citoyens venus de tous horizons. Les électeurs et les électrices sont les meilleurs experts de leurs propres vies. Nous proposons donc que d’ici à l’été se tiennent à travers toute la France des débats ouverts pour leur permettre d’exprimer leurs préoccupations, leurs envies et leurs idées sur les sujets de leurs choix.

C’est de la richesse de ces débats que doit émerger un socle commun des exigences indispensables pour toute candidature, élaboré collectivement lors de ces assemblées citoyennes, capable d’offrir le cadre dans lequel il sera possible de penser un autre chemin ensemble. »

Les signataires :
Elliot Lepers et Nadia Ahmane, de la Primaire de gauche
Olivier Dartigolles et Isabelle de Almeida, dirigeants du PCF
Marine Tondelier et Julien Bayou, membres du Bureau exécutif d’EELV
Jérôme Guedj et Fanélie Carrey-Conte, membres du Bureau national du Parti socialiste
Nathalie Cayet et Pierre Larrouturou, membres du Bureau national de Nouvelle donne

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09:25 Publié dans Actualités, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tribune, primaire à gauche | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!