29/09/2007
Claude Hagège « La langue française est menacée »
En quoi le protocole de Londres menace-t-il la langue française ?
Claude Hagège. Jusqu’ici, tout brevet déposé par un étranger en France, pour être opposé à une contrefaçon ou à une imitation, devait être traduit en français. Les partisans du protocole prétendent que le français, placé à côté de l’allemand et de l’anglais, serait toujours défendu par le protocole. Or, étant donné le rapport des forces, la ratification du protocole signifierait que l’anglais se répandrait encore plus. En effet, l’obligation de traduction en français disparaîtrait. Aujourd’hui, il n’y a que 7 % de brevets déposés en français. Cette proportion passerait à 0 %…
Pourquoi est-ce un risque que « l’anglais se répande encore plus » ?
Claude Hagège. Le français serait éliminé de la langue scientifique de demain. En effet, un brevet est un texte constitué de deux parties, la description et la revendication. Le fait que ces deux parties du texte soient traduites en français permettait, avec la puissance de diffusion d’Internet, que le français soit une langue dans laquelle la science de demain s’exprime. Désormais, le français ne serait plus le vecteur de terminologies savantes et innovantes, qui s’expriment dans les brevets.
C’est un enjeu culturel ?
Claude Hagège. C’est un enjeu linguistique et culturel. Le président de la République s’est rendu récemment à Budapest où il a dit aux Hongrois l’importance de leur langue comme identité. La principale affirmation d’identité des pays d’Europe centrale, au XIXe siècle, était leur langue. Pourquoi cette parenthèse sur le président ? Parce que, si le protocole de Londres est adopté, l’identité même de la France, c’est-à-dire sa langue, est gravement menacée.
Pour le secrétaire d’État à la Francophonie Jean-Marie Bockel, le problème est ailleurs : la France ne produit pas assez de brevets. Que lui répondez-vous ?
Claude Hagège. D’après lui, la raison principale de ce nombre insuffisant de dépôts de brevet serait le coût de la traduction des brevets. C’est aussi l’argument du MEDEF. Or, pour les grandes entreprises qui dominent le MEDEF, cela ne coûte rien puisqu’elles se servent déjà de l’anglais. La raison du manque de dépôts de brevet, c’est l’insuffisance d’esprit d’invention et d’esprit commercial. Les PME n’ont pas cette culture. On devrait développer chez les enfants le goût de la découverte et, ensuite, une compétence pour la faire valoir.
Que faire pour conserver le rayonnement de la francophonie dans un contexte où l’anglais domine le milieu de la recherche et de l’innovation ?
Claude Hagège. Il faut commencer par cesser de mépriser les cinquante pays et régions qui appartiennent à l’Association internationale de la francophonie. Les mépriser, c’est ignorer que la France, sans la francophonie, est bien petite en Europe. Avec eux, la France est une puissance culturelle et économique considérable. On a été conscient de cela pendant longtemps, mais depuis les années 1990, en fait depuis la diffusion galopante de la pensée néolibérale, on ignore cette dimension. Or, en France la langue a toujours été une affaire politique. Voyez les mesures prises pendant la Révolution, par le comité de salut public, par la commune insurrectionnelle de Paris et par Robespierre… Désormais, la France est en train de devenir un pays dans lequel on est prêt à vendre sa langue. On n’y croit plus. Une grande partie de la droite et une non moins grande partie de la gauche ont des positions nouvelles qui ne s’inscrivent pas dans la tradition française. Résultat : on finit par ne plus avoir conscience de ce que signifie le fait d’avoir une conception politique de la langue.
C’est-à-dire ?
Claude Hagège. La francophonie apparaît comme la seule alternative à l’impérialisme de l’anglais, derrière lequel se profilent les États-Unis. Dans bien des cas, mondialisation signifie américanisation. À l’heure actuelle, l’Europe doit se concevoir de l’Atlantique à Vladivostok. Aujourd’hui, la Russie, c’est nous, c’est l’Europe, bien plus que les États-Unis. Ces zones qui composeraient cette Europe forte sont autant de contrepoids à la présence unique des États-Unis et à ce que l’anglais symbolise. À travers une grande Europe, la francophonie a tout à gagner à la diversité. Cette diversité est une réponse à l’unicité redoutable de l’anglais aujourd’hui.
Entretien réalisé par Vincent Defait
PS : Les parlementaires socialistes et UMP ont voté ce protocole.
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28/09/2007
« La caricature d’un capitalisme pour enrichir quelques-uns »
François Fillon parle de « faillite » des finances publiques. Qu’en pensez-vous ?
Jean-Claude Sandrier. Il y a une telle volonté d’en rajouter dans les cadeaux fiscaux aux plus riches et un tel acharnement à réduire les finances publiques chez les gouvernants qu’ils utilisent un argument qui condamne en fait leur politique, puisque si faillite il y a, c’est eux qui l’ont créée ! C’est le loup qui crie au loup. Pendant cinq ans, le gouvernement Raffarin-Sarkozy-Fillon, puis le gouvernement Villepin-Sarkozy n’ont cessé de réduire les recettes et de distribuer des cadeaux aux riches. Or, qu’observe-t-on ? La croissance était de 2,2 % il y a cinq ans, elle ne sera plus que de 1,8 % à la fin de 2007. Sarkozy-Fillon viennent d’en rajouter une louche de 14 milliards cet été, avec le paquet fiscal qui était un « pari sur la croissance » en comptant sur elle pour le financer. Mais les prévisions du gouvernement pour 2008 sont identiques à 2007. Cela montre qu’il ne croit pas à sa politique, comme il ne croit pas aux franchises médicales pour combler le déficit de la Sécu, désormais justifiées par la lutte contre la maladie d’Alzheimer… C’est une politique contradictoire et irresponsable, car dictée en fait par la volonté de sacrifier le progrès et la justice sociale pour favoriser la finance.
Que retenez-vous des orientations connues du budget 2008 ?
Jean-Claude Sandrier. Rien n’est prévu pour le pouvoir d’achat hormis le crédit d’impôt immobilier et la prime pour l’emploi qui se substitue au MEDEF en matière de rémunération du travail et encourage les bas salaires. Dans le chapitre du « soutien à l’innovation », on trouve l’extension du crédit d’« impôt recherche » sans aucun contrôle de la qualité de la recherche effectuée ni de créations d’emplois. Quant à « l’équité du système fiscal », cela consiste pour le gouvernement à instaurer un prélèvement libératoire sur les dividendes des actionnaires de 16 %. C’est un nouveau cadeau aux plus aisés, imposés aux plus hautes tranches de l’impôt sur le revenu. Ce sera autant de manque à gagner à partir du budget 2009. Le gouvernement prévoit aussi de nouvelles exonérations d’ISF en « simplifiant » les dispositions votées l’an dernier pour les pactes d’actionnaires. Le gouvernement poursuit dans la même voie contre vents et marées. On est dans la caricature d’un capitalisme qui ne pense qu’à enrichir quelques-uns, au prix d’un recul social considérable avec la montée en flèche des inégalités et de la pauvreté.
A-t-on les moyens d’impulser une autre politique ?
Jean-Claude Sandrier. Nous vivons dans un monde où l’argent coule à flot, comme l’a dit Patrick Artus. La sphère financière pèse aujourd’hui trois fois plus que le PIB mondial. Cela produit une montée fulgurante de la finance depuis 1980 au détriment des capacités humaines. La Banque centrale européenne a injecté en trois jours l’équivalent du budget de la France pour soutenir des institutions bancaires privées ! Il est possible de prélever tout de suite 80 milliards d’euros supplémentaires pour satisfaire les besoins humains. En taxant les actifs financiers à 0,5 %, ce qui rapporterait 17 milliards. En faisant cotiser les revenus boursiers comme les salaires, ce qui ferait rentrer 13 milliards. En supprimant les 17 milliards d’exonérations de cotisations patronales. En annulant les 12 milliards au bénéfice exclusif des riches dans le paquet fiscal. En multipliant par deux l’ISF, ce qui rapporterait 4 milliards, et en réformant l’impôt sur le revenu dans le sens d’une plus grande progressivité, pour accroître son produit de 17 milliards.
Entretien réalisé par S. C.
17:20 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : budget 2008, Sandrier | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
22/09/2007
PRES DE LA CHINE PROFONDE
Pour toutes ces raisons, "Le mariage de Tuya" a remporté l'Ours d'or au dernier festival de Berlin. Une nouvelle récompense pour un film chinois qui montre une réalité aux antipodes de la modernité décoiffante des centres urbains. Wang Quanan lui-même soulignait lors de la remise du prix à Berlin qu'il avait voulu montrer "ce que nous perdons peut-être, dans notre héritage culturel, sur l'autel du boom économique".
L'histoire est simple et belle: la belle Tuya est marié à un homme paralysé depuis un accident, et c'est sur elle que repose la tâche de nourrir la famille, de s'occuper du bétail, d'aller chercher de l'eau à 30km du campement, de faire la cuisine, de s'occuper des deux enfants. Elle se laisse convaincre de divorcer pour se remarier, mais y met une condition: que le nouvel époux accepte également d'accueillir l'ancien, handicapé. Yu Nan, lancée par Wang Quanan dans "Eclipse de Lune", est la seule professionnelle du film.
"Je vais continuer à faire des films sur les petites gens", soulignait Wang Quanan à Berlin. Il rejoint assurément Jia Zhangke et quelques autres cinéastes chinois dans ce cinéma exigeant qui a choisi de nous montrer l'envers du décor. A voir avant d'affronter, dans quelques mois, la déferlante d'images des JO de Pékin, en provenance d'une Chine en décor de cinéma, celui d'Hollywood.
17:20 Publié dans Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Tuya, Chine, film | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
20/09/2007
LE DESSIN DU MOIS DE SEPTEMBRE
14:50 Publié dans Le dessin du mois | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Fillon, Sarkozy, fonctionnaire | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |