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07/08/2013

UNE FRANCAISE DE FABRICATION : UN LIVRE SALUTAIRE

sophia.jpgEcrire sa biographie à 20 ans ce nest pas courant, et pourtant le témoignage de Sophia Hocini est salutaire, cest un cri, une colère, un espoir, une souffrance exprimés en une centaine de pages.

Ce nest pas sa vie, cest la vie de centaines de milliers, de millions de personnes, venues en France, vivants en France, « déportés économiques » qui est ainsi décrite.

Elle témoigne pour tant dautres qui nont pas la « plume » comme elle, et quelle plume, quelle belle écriture !

Née en Algérie, de mère française par la naissance, elle quitte son pays dorigine accompagnée de ses parents et de ses 7 frères et sœurs pour rejoindre la France. Elle raconte son périple, son installation dans ce pays qui deviendra le sien sans pour autant rejeter ses origines, sa culture, ses traditions familiales. « Chez moi, cest la France ! Chez nous, cest la France ! Mais chez moi cest également partout dans le monde » dit-elle.

Elle raconte, la misère, lespoir, lécole de la République où elle sépanouit, sa famille, le racisme quotidien. Elle dit sa haine dans cette ville de Marseille des idées de lintolérance distillées particulièrement par le Front National. Elle proteste contre les caricatures quelle vit tous les jours assimilant arabes, musulmans, délinquants, profiteurs, parias. Cest une écorchée vive, et tout ce quelle dit parfois maladroitement, parfois aussi rapidement, vient spontanément, naturellement.

Sophia connait mieux la France profonde, que la plupart des Français. Ce quelle dit sur les ghettos, les quartiers populaires, elle le vit tout les jours et est particulièrement juste, sauf sur un point, non ces quartiers ne sont pas constitués que dimmigrés même sils sont nombreux. Son analyse est pertinente en parlant de quartiers qui doivent souvrir sur la vie.

Sa conclusion est poignante « Est-ce les 10 % de la population immigrée déviante et criminelle représente les autres 90 % qui ne cherchent quà se faire tout petit et à être des modèles de réussite ? Ces 90 % qui sont le fruit de la méritocratie et qui portent vos couleurs et vos valeurs. Pourtant, nous sommes le vrai visage de la France, celle de limmigration. Limmigration, ce sont toutes ces personnes qui comme moi, avons tout fait pour vous honorer, ce nest rien dautres. »

francaise-de-fabrication-sophia-hocini.jpgOui, la France est honorée dêtre habitée par des millions de Sophia qui donnent à notre pays une richesse qui rayonne dans lUnivers.

« Une française de fabrication » Sophia Hocini Les éditions du Net. 90 pages. 12

Sophia Hocini est aussi une blogueuse prolifique que vous pouvez retrouver sur son excellent blog : « La Robe Rouge »

Commentaires

Ce qui m'a séduit de plus dans le livre de Sophia, c'est son style de narration, je ne sais pas d'où lui est venu, mais elle me fait rappeler ma grand-mère lorsqu'elle nous racontait des contes autour d'un feu les nuits d'hiver.
Avant que la télévision envahisse les foyers, tous les Kabyles passaient une partie de leurs longues nuits froides tous en semble autour d'un Kanoun pour écouter les personnes âgées raconter de merveilleux contes pleins de rêves, de sagesse et d'éducation. Je me souviens qu'à la fin de chaque récit, nous les enfants, nous demandions toujours plus et cette grande dame qui est ma grand-mère nous disait : "je n'ai pas besoin de vous raconter les drames des contes, car nous les vivons réellement". Et cela s'applique totalement à l'ouvrage "Une Française de fabrication", car le récit est merveilleux et le drame est vécu.

Si je devais comparer ce livre, je le comparerais à une jolie charmante fille d'une beauté naturelle, car mademoiselle Hocini n'avait à aucun moment essayé de maquiller ou de looker ses phrases avec de l'artificiel. Elle était naturelle et sincère dans son récit, avec notre langage quotidien. La Française de fabrication maîtrise parfaitement la langue de Molière, elle pouvait nous envoyer au dictionnaire à chaque phrase pour chercher le sens des mots, mais comme son but n'est nullement de séduire le juré du prix Goncourt, mais c'est de nous faire partager la tragédie de l'immigration et de l'humanité, elle a tenu à ce que les gens comprennent ce drame qui n'est guère littérature.

Le génie d'un artiste n'est pas de faire un beau collier avec de l'émeraude, mais de faire un admirable avec les pierres qu'on trouve sur le bord de la route et notre écrivaine a réussi à écrire un ouvrage de qualité avec les mots que nous utilisons chaque jour. Bravo l'artiste !

Habituellement, les jeunes de son âge (20 ans) passent les nuits devant les librairies à la sortie des romans d'Harry Potter pour rêver et vivre dans le virtuel, ou à la sortie de "cinquante nuances de Grey" afin de vivre leurs passions, mais comme l'école de la vie n'était pas douce avec Sophia, elle l'a forgé à devenir adultes et sage avant l'âge et elle a accouché de ces merveilleuses pages (une Française de fabrication).

Depuis qu'elle a savouré ce fruit exotique (banane) pour la première fois jusqu'au jour où l'en a fait d'elle une citoyenne exotique, Sophia n'avait pas cessé de lutter avec toutes ses forces pour prouver que c'est une Française comme les natives et qu'elle aime ce pays mieux que ceux qui la regardent avec leurs yeux bleus, car elle a abandonné son chat la langue de sa maman et a effacé ses pas pour se retrouver à la fin tout en bas.

Les critiques peuvent dirent beaucoup de choses sur la structure, le style le niveau de la langue, mais l'essentiel, le message et le noyau ne peut être compris que par ceux qui ont subi le rejet, le racisme, l'injustice et j'en passe ainsi que ceux qui luttent comme elle pour bannir toutes ces atrocités qu'on fait subir à son prochain à cause de sa couleur, de son origine de sa religion, etc.
Si les prix littéraires s'attribuer sur des critères rationnels et prennent en considération toutes les conditions qui contribuent à l'écriture d'un livre, sans exagéré, cet ouvrage aura la raison d'être sélectionné. Ce que notre demoiselle de lettre a écrit, je l'avais déjà entendu, mais de la bouche de nos anciens immigrés qui ont vécu ici en France quarante et cinquante ans. En écoutant ces vieux qui ont toujours vécu sous les Français, en dessus des Français et devant les Français, mais jamais avec eux.
Oui, en dessous, car ils ont passé leurs vies à dormir dans les caves et à travailler dans les mines de charbon, dans les galeries du métro … et en dessus, sur les échafaudages des hauts bâtiments et de monuments qu'ils construisaient.
Devant les natifs durant les guerres qui ne sont pas les leurs, oui, ils étaient tout le temps en première ligne et servaient de chair à canon contre l'Allemagne et en Indochine, etc. Lorsque les paroles sortaient de la bouche de ces gens, je ne m'étonnais pas, car je disais que c'est une expérience de toute une vie qui aboutit à ces récits, mais quand j'ai lu les mêmes drames dans le l'ouvrage d'une jeune fille de 20 ans qui ne vit en France que depuis 12 ans, j'étais hors de moi.

Ce livre n'est nullement la biographie de l'écrivaine. Sophia est très intelligente et connait parfaitement ce qui attire les lecteurs. Si elle avait écrit un ouvrage sur l'histoire de l'immigration ou sur l'injustice sociale ou le racisme, personne ne s'intéressera à ces sujets. Alors, elle avait choisi d'envelopper toutes ces choses qui fâchent dans la biographie d'une jeune fille exotique, comme on enveloppe le médicament dans une capsule pour ne pas sentir son amertume. Quel génie !!

Le sujet de l'intégration dans cet ouvrage m'a fait penser à un adage de chez nous qui disait : une poule a voulu imiter la marche de la perdrix, mais elle n'a pas pu et lorsqu'elle a voulu reprendre sa propre marche elle s'est rendu compte qu'elle l'a oublié.
Comme Sophia est loin d'être une idiote, elle avait évité le piège dans lequel est tombée la poule, car elle avait sauvegardé l'essentiel qui est " la famille" dont elle a parlé dans ce livre ; elle a décidé de renouer les liens avec ses origines qu'elle n'avait d'ailleurs jamais niées et cela avec l'aide de cette famille soudée.
Envers la France, elle était toujours correcte. Elles ont fait un pacte gagnant, gagnant : "le savoir contre l'amour". Pour ses origines kabyles, elle ne les a jamais trahis même si à un moment elle les a négligées, mais maintenant elle est militante pour la cause de son peuple de celle de tous les opprimés.

Pour la conclusion, je dirais que Sophia a poussé le même cri que celui du feu Matoub Lounes dans la chanson suivante :

Monsieur le Président,
C'est avec un cœur lourd que je m'adresse à vous. Ces quelques phrases d'un condamné étancheront peut-être la soif de certains individus opprimés. Je m'adresse à vous avec une langue empruntée, pour vous dire, simplement et clairement, que l'État n'a jamais été la patrie. D'après Bakounine, c'est l'abstraction métaphysique, mystique, juridique, politique de la patrie. Les masses populaires de tous les pays, aiment profondément leur patrie, mais c'est un amour réel, naturel, pas une idée : un fait. Et c'est pour cela que je me sens franchement le patriote de toutes les patries opprimées.

Écrit par : Rachid | 27/08/2013

Je vous approuve pour votre exercice. c'est un vrai œuvre d'écriture. Continuez .

Écrit par : MichelB | 13/08/2014

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