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14/12/2009

À quoi sert la vidéosurveillance ?

 TABLE RONDE

camera-de-surveillance.jpgAVEC : ALAIN BAUER, PRÉSIDENT DE LA COMMISSION NATIONALE DE LA VIDÉOSURVEILLANCE (*) GILLES SAINATI, MAGISTRAT, MEMBRE DU SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE (**)

Le gouvernement veut tripler le nombre de caméras de vidéosurveillance sur la voie publique en France, d’ici à la fi n 2011… Ce dispositif vous semble-t-il effi cace pour prévenir la criminalité et faciliter le travail d’enquête de la police ?

GILLES SAINATI. Non ! En Grande- Bretagne, le pays qui compte le plus de caméras de vidéosurveillance au monde et où les personnes sont filmées, en moyenne, trois cents fois par jour, la délinquance n’a pas baissé de façon significative. Même le rapport sur la vidéosurveillance, réalisé par l’inspection générale de l’administration, l’inspection générale de la police nationale et l’inspection technique de la gendarmerie nationale, pour le ministère de l’Intérieur, démontre manifestement que les violences faites aux personnes, par exemple, ne diminuent pas si une caméra est installée sur les lieux de l’événement. Il ne faut pas succomber à une fascination du tout-technologique, je pense que la vidéosurveillance n’apporte rien en matière de lutte contre la délinquance.

ALAIN BAUER. C’est vrai qu’il existe une certaine fascination pour la technologie… mais je ne suis pas d’accord avec le reste de vos propos. Certes, au début, une partie des opérateurs de vidéosurveillance – l’exemple le plus emblématique étant celui de Levallois (92) – considéraient quasiment que les caméras allaient descendre des poteaux avec leurs petits bras musclés pour arrêter les voleurs ! Les caméras étaient installées avant même de savoir à quoi elles devaient servir. En revanche, aujourd’hui, si l’on place une caméra qui isole un objectif précis, sur un territoire où il existe une visibilité et qui permet de répondre à ce qui est vu en temps réel, enregistré et transmis au centre gérant les images, alors la vidéosurveillance est efficace. Par exemple, le fait de protéger des véhicules dans un parking avec ce type de dispositif a beaucoup rassuré les gens, et je pense notamment aux parkings parisiens dans lesquels les femmes avaient peur de garer leur voiture. Donc, la vidéosurveillance « prêt-àporter  » ne sert pas à grand-chose, tandis que la vidéosurveillance « sur mesure » peut être très efficace.

videosurveillance1.jpgGILLES SAINATI. Certes, les caméras installées dans les parkings pour protéger les objets, les voitures, peuvent avoir un effet dissuasif ou rassurant… Mais le problème, c’est de vouloir résoudre la délinquance par les caméras de surveillance, c’est autrement différent  ! La vidéosurveillance ne permet pas d’élucider plus d’affaires que les procédures classiques, et elle ne prévient pas le passage à l’acte. Dans la réalité on se heurte souvent à d’autres problèmes humains, notamment à la violence inhérente à l’auteur qui donne lieu au passage à l’acte, caméra ou non. Donc fonder une politique de sécurité uniquement sur la vidéosurveillance… c’est dangereux !

ALAIN BAUER. La question de savoir si la vidéosurveillance est plus efficace en matière de prévention ou pour le travail des enquêteurs est très complexe. Beaucoup d’études anglaises ont analysé ce sujet et leurs conclusions sont diverses : il y en a pour qui ce dispositif ne change rien, d’autres un peu, tandis que certaines montrent que la vidéosurveillance a eu de vrais effets bénéfiques… Concernant ces publications, on se rend compte d’ailleurs que la vidéosurveillance est efficace lorsque les caméras sont bien utilisées. Par exemple, si vous mettez une caméra aux portes du Stade de France, vous avez un objectif clairement identifié qui est la gestion de la sortie des supporters du PSG, dont chacun sait qu’ils ne sont pas systématiquement aussi gentils que ceux du Stade Français de rugby : cette caméra pourra donc être utile sur un espace ouvert parce qu’elle a un objectif précis. Dans ces cas, la vidéo permet de rassurer le public, peut dissuader les auteurs d’actes malveillants ou encore permettre à la police d’identifier plus facilement les personnes en cause. L’exemple est aussi vrai pour le métro, ou le bus dans lequel aujourd’hui le conducteur est seul et ne peut pas exercer les deux autres métiers de contrôleur et de receveur qui existaient autrefois… Plus l’objet est précis, plus le moment est déterminé, plus l’action est identifiée, plus le dispositif est efficace. Comme à Lyon, la préfecture de police à Paris a fait ce travail doublé d’un contrôle éthique.

Mais le gouvernement parle de milliers de caméras dans la rue…

videosurveillance.jpgALAIN BAUER. Il existe déjà des centaines de caméras de gestion de la circulation contre lesquelles personne n’a d’objection particulière parce qu’elles permettent de gérer les feux tricolores, le trafic…

GILLES SAINATI. Mais aujourd’hui on parle de la prévention de la délinquance  : c’est l’objectif des soixante mille caméras de vidéosurveillance annoncées par l’État !

ALAIN BAUER. Effectivement, le gouvernement a une politique qui vise à rajouter des caméras pour lutter contre la délinquance. Les caméras peuvent aider à la prévention situationnelle dès lors qu’elles sont bien placées, avec un objectif précis, comme je l’ai l’expliqué, et elles peuvent aussi permettre d’identifier un auteur après un événement et éventuellement enclencher une procédure. Or ce travail d’enquête peut être facilité par des caméras qui ont été positionnées, à l’origine, pour contrôler des activités techniques. Il n’existe pas une espèce de caméra gentille et de caméra méchante.

GILLES SAINATI. Je ne rentre pas dans ce discours binaire. Bien sûr, on ne doit pas donner un rôle à la vidéosurveillance qu’elle ne peut pas assumer, c’est-à-dire, à mon sens, remplacer les hommes sur le terrain. Or on assiste aujourd’hui à la suppression d’un nombre de postes de policiers qui donne tout de même l’impression que cette augmentation du nombre de caméras de vidéosurveillance aurait pour objectif de remplacer le contact à la fois de l’éducateur de rue mais aussi des policiers qui font de la prévention. Puis, certes, la caméra de vidéosurveillance ne date pas d’aujourd’hui, c’est un dispositif que l’on a commencé à utiliser un peu avant les années 1980 mais il n’a pas empêché l’évolution de la délinquance quelle qu’elle soit. C’est donc un instrument dont il faut maîtriser l’utilisation et non pas être maîtrisé par lui. Bien sûr, notre société évolue vers un transfert des données papier en données numériques et en données visuelles, ça a un avantage mais il ne faut pas s’y restreindre : les rapports humains sont très importants en matière de délinquance, que ce soit au niveau de la prévention ou de la sanction. On ne pourra jamais se passer des hommes. Pour reprendre l’exemple du bus, évoqué par M. Bauer, je crois qu’il serait judicieux qu’il y ait à la fois des caméras et une personne présente pour voir comment se passe le trajet tout simplement, mais aujourd’hui, nous avons perdu cette notion de service à l’usager.

Justement l’investissement, d’environ 21 millions d’euros, consacré à la vidéosurveillance ne risque-t-il pas de se faire au détriment d’autres actions préventives et de celles des policiers sur le terrain ?

ALAIN BAUER. La France, contrairement à ce qui est souvent dit, ne possède pas moins de policiers que d’autres pays, elle est dans la moyenne de ceux de l’Union européenne. Ensuite, le débat qui a amené vers l’usage des caméras découle justement de la multiplication, qui a existé, longtemps, de policiers à caractère statique, les « pots de fleurs » comme on les appelait. Donc l’idée que les policiers statiques soient remplacés par la vidéosurveillance, et qu’ils puissent alors faire du travail de présence, de visibilité, de proximité, a du sens. De la même manière, l’idée de posséder une police d’intervention qui se serve de l’outil caméra en temps réel plutôt que d’avoir des forces statiques, peu à même d’intervenir parce que jamais à l’endroit où l’événement se produit, a du sens. Donc la caméra peut avoir son utilité, elle ne doit pas être considérée comme un « remplaçant à », mais comme une amélioration de la disponibilité et de l’efficacité des forces sur le terrain.

GILLES SAINATI. C’est le débat sur la police de proximité qui revient de manière sporadique dans le débat public sur la sécurité… Mais il faut savoir que ces caméras seront implantées par les municipalités et je me demande s’il est judicieux de dépenser autant – et pour quelle efficacité – pour l’installation de caméras, notamment dans les petites villes où finalement le lien social n’est pas si rompu, et où un travail de terrain réalisé par des associations subventionnées ou des éducateurs de rue pourrait faire mieux qu’une vidéo. Je parle des petites villes ou des zones semi-rurales, parce qu’on entend souvent dire que le maire pourrait trouver une solution au désordre apparent sur la voie publique en disposant des caméras, alors qu’en réalité il passerait à côté de la réponse. Le problème est citoyen : il s’agit de notre rapport à l’État et au service public. La technique peut être utilisée, bien sûr, mais elle doit l’être sans fascination. Or j’ai bien peur que, dans cette politique de multiplication des caméras de vidéosurveillance, nous soyons là-dedans.

Et qu’en est-il de ce qu’on appelle « l’effet plumeau » : la vidéosurveillance déplace-t-elle la délinquance des zones surveillées vers des zones non couvertes ?

ALAIN BAUER. Par préjugé, je pense que la vidéosurveillance engendre un effet plumeau, mais j’avais indiqué il y a plusieurs années qu’il donnait des effets assez étranges : si on imagine des cercles concentriques qui vont de A au centre, à E à l’extrême périphérie, l’effet plumeau ne passe pas de A à B mais de A à E, c’està- dire que l’effet plumeau est assez large et aussi qu’il a un effet quantitatif décroissant. Par exemple, si on considère cent personnes qui auraient pu commettre un délit à un endroit où on a installé une caméra, on en retrouve soixante-dix plus loin. Un certain nombre d’études sur l’effet plumeau concluent qu’il existe un effet de transfert soit marginal, soit complexe. Mais actuellement, en France, on ne peut affirmer si cet effet plumeau existe ou non, car il n’existe pas encore d’outil de cartographie criminelle à l’échelle nationale.

GILLES SAINATI. C’est un peu le mouvement brownien ! Selon les chiffres du rapport du ministère de l’Intérieur, 48 % des commissariats estiment que l’effet plumeau est nul, et 52 % qu’il existe, mais ils ne sont pas en mesure de l’évaluer, donc nous ne connaissons pas réellement cet « effet ». Un trafic de drogue, par exemple, peut se déplacer d’un lieu à un autre à cause d’une caméra mais, de toute façon, la délinquance ellemême évolue de mois en mois, il est donc difficile de lui attribuer une causalité directe et temporelle par une caméra. Le problème est plus profond : le transfert d’un lieu de délinquance vers un autre répond aux contraintes des délinquants eux-mêmes, cela dépasse la mise en place d’une caméra ou non. La vidéosurveillance, par définition, aura d’ailleurs du mal à s’adapter à cette évolution de la délinquance.

L’extension de la vidéosurveillance, des banques aux parkings et à la voie publique, ne risque-t-elle pas de nous mener vers une « société de surveillance », avec toutes les menaces que cela induit pour les libertés individuelles, politiques… ?

videosurveillance-vie1.jpgGILLES SAINATI. Il existe une volonté de classifier les personnes, d’autant plus qu’avec l’évolution de la technologie, les caméras de vidéosurveillance pourront être reliées à des ordinateurs ayant pour mission de cataloguer les comportements et éventuellement les comportements « pré »-délinquants. Il faut donc faire attention à la catégorisation des individus. C’est le problème du fichage en général : la vidéosurveillance devient un élément d’une possibilité de fichage plus généralisé sur la voie publique. Or le fichage porte atteinte, par définition, au droit à l’oubli. Ensuite, la vidéosurveillance pose le problème du respect de la vie privée, je pense notamment aux petites villes où les gens se connaissent, et où il ne faudrait pas que tous les voisins connaissent la vie de l’autre grâce à leurs relations par le biais de ceux qui géreront les images des caméras. Et, justement, la question se pose de qui va gérer les caméras des réseaux de vidéosurveillance, sontce des personnes qui vont avoir une obligation au secret professionnel et une obligation de déontologie forte ou bien ces images seront-elles aux mains des sociétés privées, comme c’est parfois le cas, et dont on sait que les informations récupérées peuvent être utilisées à leurs fins ? Car plus la caméra de vidéosurveillance est placée dans des endroits de proximité, plus l’intrusion dans la vie privée est importante et plus il faut faire attention. La prudence est de mise par rapport à cette généralisation parce que notre société est fondée, aussi, sur le respect de la vie privée.

ALAIN BAUER. En 1995, le Conseil constitutionnel a lui-même partiellement censuré la loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité et indiqué à quel point tout dispositif de sûreté de sécurité de police était attentatoire aux libertés individuelles et que le problème était d’arriver à une sorte d’équilibre. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’il fallait une autorisation expresse dans des délais stricts pour que des caméras puissent être installées dans les établissements ouverts au public ou sur la voie publique. Ce n’est pas la vie privée qui est protégée, mais l’intimité de la vie privée. Pour ce qui est du fichage, la vidéoprotection, comme la vidéosurveillance, ne permet pas l’identification des individus, elle permet de voir des individus qui sont de toute façon en situation d’être vus par n’importe quel oeil dans la rue.

GILLES SAINATI. Je pense qu’il faut prolonger la réflexion par rapport au droit à l’oubli. Il existe actuellement des dispositifs en matière de vidéosurveillance qui prévoient que les enregistrements soient effacés au bout d’un certain délai, mais aujourd’hui il est nécessaire d’avoir une exigence accrue parce que l’usage d’images publiques peut atteindre la vie privée. Toutes ces questions exigent une grande réflexion, une modération de l’utilisation de la vidéosurveillance. Il faut replacer la vidéosurveillance comme technologie au sein de cette évolution technologique plus générale du fichage, des fichiers de la police, du service comportemental de la délinquance sur la voie publique… Tous ces éléments liés à la vidéosurveillance interpellent sur la société de demain et sur la notion de liberté publique et individuelle. Ces notions ne doivent pas être passées sous silence mais primer sur l’économie de l’industrie et de la vidéosurveillance.

ALAIN BAUER. Je pense que la vraie difficulté se situera dans la caméra intelligente, celle qui vous identifiera par rapport à votre comportement, ou qui repérera un visage masqué par exemple, avec ce type d’évolutions technologiques déjà visibles en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, il y aura alors un enjeu, citoyen, légal et réglementaire important. Enfin, et là je rejoins Gilles Sainati, il ne faut pas que les autorités publiques, pour des raisons financières, fassent sous-traiter par des opérateurs privés le contrôle de la voie publique. Ce dispositif serait probablement anticonstitutionnel. La Commission nationale de la vidéosurveillance y est fortement opposée.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNA MUSSO, POUR L'HUMANITE

(*) Professeur de criminologie au Cnam, coauteur de Vidéosurveillance et vidéoprotection, avec François Freynet (PUF). (**) Coauteur de la Décadence sécuritaire, avec Ulrich Schalchli. Éditions la Fabrique.

17:07 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : videosurveillance | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

13/12/2009

MINARET ET VACCINATION

minaret0001.jpg

Dessin publié pa le journal l'Humanité

11:46 Publié dans Le dessin du mois | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : minaret, vaccination | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

12/12/2009

LU DANS LA PRESSE VAROISE

journal3.gifUn fait divers particulier qui s’est déroulé dans la nuit du 05 août au 06 août 1965 dans le Var comme il s’en déroule tous les jours en France. Celui là ne manque pas de piquant. Il concernait deux futurs ministres UMP dont le thème de « l’insécurité » et la clé de voûte de toute la politique qu’ils mènent .

Imaginons le même fait divers aujourd’hui avec deux prénoms différents à consonances étrangères et vous aurez à coup sûr droit à une débat par exemple sur l’identité nationale.

L’ARTICLE PUBLIE DANS LE JOURNAL DU VAR :

Deux jeunes délinquants en vacances à la Croix Valmer avaient essoufflé la police... Un an de prison avec sursis et trois ans de mise à l’épreuve pour chacun d’eux.

Deux jeunes gens ont tenu la vedette. Il s’agit des nommés Devedjian Patrick et Madelin Alain, étudiants à la Faculté de Droit de Paris se trouvaient en vacances sur la Côte d’Azur.

Dans la nuit du 5 au 6 août 1965, M. Voli, maire de la Croix-Valmer, surprenait deux individus qui tentaient de lui dérober de l’essence dans son véhicule. À sa vue, les deux voleurs prenaient la fuite abandonnant une Simca 1000 73 QT 83.

les deux hommes qui tentaient de mettre un véhicule en marche sont tombés dans une embuscade tendue par la police qui avait été alertée. Si Madelin parvenait à être appréhendé, Devedjian par contre échappait aux poursuites.

Mais comme tout a une fin, il était récupéré le lendemain matin dans un état lamentable, les pieds ensanglantés, les vêtements déchirés. ll demanda aux policiers de le ramener sur son bateau ancré à Cavalaire.

La police ne se fait pas prier pour le raccompagner d’autant plus que la perquisition effectuée sur le bateau devait s’avérer des plus fructueuses. On y trouva des pièces de voitures, un pistolet 6.35 garni de 5 cartouches, et des pièces d’identité appartenant à Mlle Castells Eliane.

Devant le magistrat instructeur, voir le pdf ci-dessous, fac-similé de l’article originalDevedjian niera toute participation aux vols d’essence, Madelin lui, reconnaît les faits qui lui sont reprochés et fait entrer dans la danse, à la place de Devedjian, un dénommé Gérard.

L’enquête déterminera bien vite tous les vols commis par Devedjian et Madelin :

Vol d’une Simca 1000 à St-Cyr le 2 août 65, à Laréol le 19 juillet 1965 , vol d’un moteur de bateau, le 23 juillet vol à Villefranche-Laranguais de pièces d’identité, à la Croix-Valmer le 6 août 1965 d’avoir fait usage de fausses plaques d’immatriculation et enfin à Cavalaire également le 6 août 1965 de détenir illégalement un pistolet 6.35.

( )

Cliquer ici : voir le pdf ci-dessous, fac-similé de l’article original

 

11:57 Publié dans Cactus | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fait divers, futurs ministres | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

01/12/2009

Renaud. Vagabondage irlandais

renaud2.jpgDepuis la Ballade nord-irlandaise, 
en 1991, on savait que Renaud aimait l’Irlande. Aujourd’hui, il sort l’album Molly Malone, 
et nous invite 
à une promenade 
en terres celtes 
en reprenant treize chansons traditionnelles témoignant de l’histoire de ce pays.

Vous sortez, Molly Malone, un album entièrement consacré aux musiques irlandaises. À quand remonte votre passion pour l’Irlande  ?

Renaud. Cela doit faire plus de vingt ans, quand je suis allé avec une équipe de Canal Plus tourner une émission dans le Connemara. J’ai été bouleversé par les paysages, séduit par les gens. C’est un des peuples les plus sympathiques d’Europe. Cette fraternité, cette joie de vivre. On l’a vu notamment récemment à l’occasion d’un match de football où d’autres supporters qu’eux auraient tout cassé, semé la terreur dans la banlieue du stade de France, à Saint-Denis. Je connais l’histoire et un peu la géographie de ce pays, mais ce qui m’a guidé là-bas, c’est son folklore et ses chansons traditionnelles.

Qu’aimez-vous précisément 
de la culture irlandaise  ?

Renaud. Elle est très riche. Quand je vais là-bas, je sens que les gens sont attachés à leur terre, leur patrie, leur pays, leurs racines, à leurs légendes. Cela me touche infiniment.

Vous avez failli vous installer 
à Londres. Pourriez-vous vivre en Irlande  ?

Renaud. Je crois que, définitivement, je suis fait pour vivre en France, quitte à voyager à l’occasion en pays étranger. Je suis attaché, moi aussi, au moins à ma ville.

Quand on écoute votre nouvel album on se dit que vous auriez pu naître dans ces terres de vent, de bruyère, de tourbe et de bière tellement vous vous êtes imprégné de ces ambiances…

Renaud. Parce que j’aime ces chansons traditionnelles que j’ai écoutées pendant vingt ans. Il y avait plus de trois cents chansons en stock, j’en ai gardé treize. Quand j’étais à Londres en 1991 pour l’album Marchand de cailloux, j’ai écumé les disquaires au rayon musiques irlandaises. J’allais des plus anciens aux plus modernes, des Pogues jusqu’aux Dubliners. J’ai découvert des joyaux et j’en ai délaissé certains. Mon répertoire n’est pas très éloigné de la chanson irlandaise, laquelle a émigré aux États-Unis pour devenir le folksong et un peu la country. Tous ces répertoires ont influencé le mien dans une certaine mesure. Qu’est-ce qui vous fait vibrer dans 
les musiques celtiques  ? Renaud. À la fois la mélancolie et la joie de vivre qui s’en dégagent. Quand les Irlandais ont l’occasion de jouer en public, la fraternité autour d’une Guinness pour écouter cette musique et chanter en chœur, c’est formidable.

Vous avez d’ailleurs eu l’occasion 
de jouer là-bas dans des pubs…

Renaud. J’ai produit moi-même financièrement une tournée qui m’a coûté les yeux de la tête, avec sept musiciens, la sono, les voyages, les hôtels, les cachets. Je suis parti en 1997 pour quinze jours en Irlande, une douzaine de villes dont Shannon, Cork, Galway, Limerick, Dublin, Belfast… Un souvenir inoubliable. Chanter dans des pubs archibondés, noirs de monde irlandais. J’avais tout à offrir et à démontrer, alors que quand je chante ici, j’ai un public plutôt acquis d’avance, même si ce n’est jamais le cas. Là-bas, j’avais tout à prouver et je me suis décarcassé sur des scènes improbables, parfois sans estrade où on chantait au ras du sol, avec des gens presque assis sur nos genoux. Vous chantiez en français  ?

Renaud. Oui et je faisais les présentations en anglais dans mon anglais approximatif avec l’accent de Maurice Chevalier  ! (rires)

renaud.jpgComment avez-vous adapté 
ces chansons traditionnelles pour 
les traduire au mieux  ?

Renaud. Les traductions sont d’Henri Loevenbruck, un ami écrivain qui a travaillé sur les textes, une trentaine. Moi, j’ai choisi les musiques qui me séduisaient le plus. J’en ai délaissé des magiques. C’est toujours un choix difficile car choisir, c’est renoncer. Il fallait ensuite que le sujet m’inspire soit en restant fidèle aux paroles, soit en dérivant vers d’autres sujets.

En quoi ces chansons traditionnelles restent-elles d’actualité  ?

Renaud. Elles sont d’actualité parce qu’elles parlent du chômage, de l’exil, d’émigration, de difficultés économiques, de misère, de conflits, d’antimilitarisme, notamment dans Willie McBride, une chanson sur la guerre de 1914-1918. Je ne sais pas toujours de quand elles datent, si elles sont du XIXe ou du XXe siècle ou plus anciennes pour certaines, mais je trouve que ce disque est vraiment les deux pieds dans l’actualité, très marqué par son époque.

Avec toujours un côté insoumis 
que l’on retrouve dans vos choix…

Renaud. Dans les chansons irlandaises, s’il est un peuple insoumis, c’est bien le peuple irlandais. Mais il y a aussi des chansons d’amour, Je reviendrai, la Fille de Cavan, Molly Malone…

Qui est Molly Malone  ?

Renaud. Une figure légendaire, mythique de Dublin, qui a sa statue dans cette ville. C’était une marchande de poissons qui vendait des coques et des moules à la criée sur un chariot. Une femme qui vendait aussi ses charmes à l’occasion, qui est morte d’une maladie d’amour.

Vous qui venez d’un milieu relativement privilégié, comment expliquez-vous que vous chantiez avec autant de justesse les gens 
du peuple, le monde ouvrier, 
les usines qui ferment  ?

Renaud. Parce que j’y suis sensible, parce que ça me touche infiniment, me bouleverse. Cela me révolte de voir des pans entiers d’industries, les filatures, les chantiers navals, les mines de charbon, les aciéries, qui ferment, licencient et mettent sur le carreau et à la rue des familles entières, des milliers d’individus. Je viens des classes moyennes, mais je suis sensible au destin parfois tragique de la classe ouvrière.

Vous sentez-vous une âme 
de « vagabond », à l’image 
de la chanson qui ouvre l’opus  ?

Renaud. Non, mais j’ai de l’admiration pour ces gens qui marchent le long des voies ferrées, prennent des trains au hasard pour aller de ville en ville, espérant trouver un emploi. Les vagabonds, les sans-emploi, les migrants, les routards de la misère…

Comment l’auteur d’Hexagone ressent-il le débat sur l’identité nationale  ?

Renaud. Je n’y comprends rien. Je ne saurais même pas dire ce que c’est que l’identité nationale, à mes yeux. À part vivre ici et avoir du respect pour son prochain. J’ai l’impression que ce débat a été ouvert par la droite, par un ex-mec de gauche qui plus est, pour séduire l’électorat du Front national aux prochaines échéances électorales. C’est une spécialité sarkozyenne. Je trouve que le problème ne se pose pas. Ce n’est pas l’immigration qui pose un problème à l’identité nationale. Je ne crois pas que dans les autres pays d’Europe, il y ait de tels projets de loi. Il y a des relents de xénophobie. Chasser les immigrés, chasser les sans-papiers, les sans-abri – et dieu sait s’ils sont nombreux –, se refermer sur soi-même au lieu de s’ouvrir aux autres. C’est un rejet absolu de ce que j’aimais en France, cette tradition de terre d’asile et d’exil pour les réfugiés économiques ou politiques du monde entier.

Des sujets qui pourraient faire l’objet d’un prochain album  ?

Renaud. Probablement d’une chanson. Mais les chansons, je les espère touchant des sujets plus universels que des problèmes franco-français. Je suis plus sensible au problème du milliard d’individus qui n’ont pas accès à l’eau potable qu’au problème de l’identité nationale. Mais, au passage d’un couplet ou d’un refrain, j’aurai sûrement quelques coups de griffes à adresser à ce gouvernement.

Justement, vous parlez dans Vagabonds d’un système qui détruit 
nos rêves…

Renaud. Un système qui s’écroule aujourd’hui et fait s’écrouler les rêves de toute une vie. Il y a huit millions de personnes en France, près de 15 % de la population, qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Je trouve ça scandaleux. Dans un pays riche, moderne, huit millions de personnes sans emploi, sans avenir, des gens qui du jour au lendemain perdent leur emploi et, qui faute de pouvoir honorer des crédits, se retrouvent dans une caravane ou dans une voiture. Je vois ça à travers le prisme de ma télévision et ça me choque, me met en colère, me bouleverse.

Vous reprenez une nouvelle fois 
la Ballade nord-irlandaise, qu’est-ce qu’elle dit au fond, cette chanson  ?

Renaud. Elle parle de fraternité, notamment dans le conflit qui oppose protestants et catholiques en Irlande du Nord, elle parle d’amour à travers le symbole d’un arbre (un oranger) qui symboliserait la liberté, comme on en a planté un à la Révolution française.

Envisagez-vous des concerts dans 
les pubs  ?

Renaud. Je l’ai fait avec mes chansons, mais avec les leurs, j’ai peur qu’ils ne fassent trop la comparaison. Le seul regret que j’ai avec cet album, même si je me fais reprocher de-ci, de-là sur des blogs ma voix pourrie alors qu’elle ne l’est pas tant que ça, c’est que ces chansons, elles sonnent infiniment mieux en anglais qu’en français. La langue anglaise est plus mélodique. C’est comme si un chanteur irlandais inconnu venait en France interpréter Brassens en français. Je n’ai pas prévu avec cet album de faire de scène. Le public est toujours fidèle et amoureux des anciennes chansons. Il réclame Hexagone et Mistral gagnant. Je vais attendre que ces chansons irlandaises fassent partie de leur mémoire, qu’elles renvoient à des souvenirs de leur vie et qu’elles soient bien ancrées dans leur cœur. Pour qu’ils aient du bonheur à les écouter et qu’il les chante en chœur avec moi plutôt que de les applaudir du bout du doigt poliment parce que ce sont de nouvelles.

Vous dites que vous vous faites accrocher sur votre voix…

Renaud. Violemment. Je n’ai jamais été un grand chanteur, mais qu’est-ce que je dérouille  !

Comment vivez-vous cela  ?

Renaud. Je sais que j’ai des problèmes vocaux, je dois avoir une inflammation des cordes vocales, même quand je parle. C’est comme à la télévision où le trac tétanise mes cordes vocales. Je vis assez mal les critiques sur ma voix. Quand on dit que je chante moyennement, c’est supportable, mais dire que je chante « atrocement mal », je trouve ça dégueulasse, surtout dans cet album-là où j’ai vraiment fait des efforts. J’ai travaillé et retravaillé, chanté et rechanté à l’aide parfois de cures de cortisone pour dégager les cordes vocales. Je trouve cet album tout à fait audible et vocal. C’est ma voix, et en plus c’est exactement les chansons interprétées en chœur dans les pubs.

Entretien réalisé par Victor Hache, pour l'Humanité

14:10 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : renaud, ballade irlandaise | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!