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21/12/2008

Marie-George Buffet « Je lance un appel pour sauver le sport français »

Entretien . Marie-George Buffet veut défendre l’unité du mouvement sportif tricolore, alors que Laporte favorise les pros au détriment des pratiquants.

Bernard Laporte l’assure. En dénouant les cordons de la bourse aux clubs professionnels, singulièrement aux footballeurs, tout en dégraissant son secrétariat d’État pour le recentrer sur le sport de haut niveau, il a « choisi l’ambition plutôt que le déclin ». Pour les cinq cents à huit cents personnels du ministère qui manifestaient mardi « contre la casse du service public du sport », comme pour Marie-George Buffet, ancienne ministre des sports, le choix formulé par le gouvernement est bien inverse.

Qu’avez-vous pensé des annonces de Bernard Laporte ?

buf.JPGMarie-George Buffet. Elles portent toutes sur le sport professionnel. Il oublie donc le vivier, tout le maillage des clubs, des fédérations, le mouvement sportif, soit l’essentiel de son sujet, ce qui n’est pas mal pour un secrétaire d’État au Sport ! Il ne se préoccupe absolument jamais du développement de la découverte et de la pratique sportive, des aides à fournir aux clubs, aux fédérations et à l’encadrement. Son deuxième oubli, c’est le ministère lui-même. Après ses annonces, on peut même se demander s’il y a encore besoin d’un ministère.

Qu’est-ce qui vous a choquée le plus ?

Marie-George Buffet. Le modèle sportif français est mis à sac. D’un côté, on détruit le ministère, ses missions de service public, avec la disparition de ses formations et de ses diplômes, des CREPS (centres régionaux d’éducation physique et sportive), de ses directions départementales et régionales bientôt noyées dans de plus vastes ensembles administratifs, alors qu’elles assuraient le lien avec le mouvement sportif local. De l’autre côté, c’est la priorité au tout-marchand. Mais je me dis que Bernard Laporte n’a pas été attentif à ce qu’a récemment affirmé son gourou. Pour Nicolas Sarkozy, il faut maintenant réguler le système capitaliste. Mais son secrétaire d’État entend, lui, lever les dispositifs qui protégeaient le sport du système marchand. Les clubs pourront devenir des sociétés anonymes à même d’entrer tranquillement en Bourse, en dépit des dangers de la spéculation. Et il y a la réforme du numéro d’affiliation. Une mesure qui peut paraître secondaire, mais qui représente l’essentiel de son discours. En confiant ce numéro aux clubs pro plutôt qu’à l’association amateur socle, il ouvre la voie aux compétitions fermées, sur le modèle des ligues privées américaines. C’est la rupture entre le sport professionnel et le mouvement sportif. Le premier va vivre sa vie tout seul, en se séparant de son vivier amateur et des autres disciplines. Tout cela au nom d’une nouvelle compétitivité. Mais lorsqu’on regarde les résultats des Tricolores aux derniers jeux Olympiques, on s’aperçoit que les résultats sont très satisfaisants par rapport à la place de la France dans le monde. Alors qu’on nous rebat les oreilles sur le modèle anglais, moi, je préfère que nos résultats s’appuient sur un plus grand nombre de sports que seulement sur le cyclisme sur piste, l’aviron ou quelques autres disciplines. J’ai alerté contre les attaques portées au modèle sportif français en démontrant qu’il n’y avait aucune raison valable derrière tout cela. Bernard Laporte ne fait que répondre aux pressions de ceux qui privilégient l’argent dans le sport et qui abandonnent les pratiquants aux collectivités territoriales.

Que proposez-vous ?

rugby3.JPGMarie-George Buffet. Il faut que tous ceux qui font la qualité du sport français et son éthique - élus, bénévoles des clubs, techniciens, entraîneurs… - se mobilisent. Voir les personnels des CREPS et du ministère manifester aussi nombreux mardi dernier fut formidable. Lorsque j’étais ministre des Sports, je leur rendais souvent hommage en leur rappelant qu’ils formaient une administration militante. Avec le peu de moyens dont ils disposent, ces femmes et ces hommes font des miracles car ils sont attachés au sport, à la jeunesse et à l’éducation populaire. Ils assurent le maillage territorial qui fait que tout club, toute mairie sait à quelle porte taper afin de trouver les appuis et les moyens nécessaires. Je lance un appel pour que l’ensemble du mouvement sportif, des élus locaux, départementaux et régionaux se place maintenant aux côtés des salariés pour sauver le sport français. Celui-ci forme un tout. Du retraité qui fait de la marche avec son club au jeune de sept ans qui vit son premier entraînement, jusqu’à Alain Bernard ou Karin Benzema qui nous font rêver. Si les champions donnent des résultats, c’est parce qu’ils sortent du vivier des pratiquants et qu’ils sont portés par un mouvement sportif uni et par un État qui l’accompagne. On ne doit pas laisser tout cela aux marchands. Le modèle sportif français n’est pas ringard. Ce qui est ringard, c’est de penser que la Bourse va régler les problèmes du sport.

Pour autant, n’y a-t-il pas des réformes à mener ?

Marie-George Buffet. Bien sûr. Il faudrait revisiter les champs de compétence et de financement des différents acteurs du sport. Définir ce qui relève du mouvement sportif, de l’État, de la région, du département et de la commune. Il faut aussi poser la question des moyens. Le budget des Sports n’a jamais été aussi réduit. Il y a aussi le danger de la libéralisation du marché des paris en ligne, alors que la Française des jeux finançait une partie des équipements. Le sport relève-t-il encore de la dépense publique ? D’autre part, l’accompagnement du sportif de haut niveau incombe-t-il à des écuries privées, comme le Team Lagardère, ou à l’encadrement du mouvement sportif dont la qualité serait renforcée ? L’INSEP et les CREPS pourraient jouer un rôle plus important. Ensuite, il y a ce débat passionné concernant la démocratisation du fonctionnement du mouvement sportif. Chaque licencié doit être acteur des décisions qui se prennent dans sa fédération. Enfin, il faut poser la question de la mutualisation des moyens. En reste-t-on à la « taxe Buffet » de redistribution de 5 % des droits de retransmission ou allons-nous plus loin ? Ces dernières années, les fédérations délèguent de plus en plus de pouvoir à leur ligue professionnelle. Si bien que Laporte propose aujourd’hui de mettre complètement de côté les pros. Il faudrait plutôt que les ligues, qui recueillent énormément de moyens, les mutualisent encore plus vers ses pratiquants et les autres disciplines.

Entretien réalisé par Stéphane Guérard, pour l'Humanité

11:42 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sport, buffet, laporte | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

18/04/2007

UNE AUTRE VISION DU SPORT

medium_rugbyauch.2.jpg« Il n’y a pas de star en rugby » Rugby . Pour l’entraîneur Henry Broncan, l’amitié et la solidarité sont la clé de l’accession du FC Auch-Gers (Pro D2) dans le Top 14. Homme de gauche, il se raconte sans détours. Entretien.

Auch (Gers), correspondance particulière.

Ancien professeur d’histoire-géographie, entraîneur de l’équipe amateur de Lombez-Samatan, Henry Broncan entraîne le FC Auch-Gers depuis neuf ans. Après sa victoire 31-0 face à Tarbes samedi (27e journée), son club, sacré champion de Pro D2, est désormais mathématiquement assuré d’accéder au Top 14 la saison prochaine. Homme de gauche, il raconte sans détours comment il applique ses valeurs au rugby.

Comment expliquez-vous la réussite de votre équipe ?

medium_brocan.jpgHenry Brocan. C’est une aventure humaine formidable, alors que nous avons le plus petit budget de la Pro D2 (2,3 millions d’euros). Trente-cinq joueurs ont évolué régulièrement dans l’équipe, selon une rotation. Cela a permis de garder une certaine fraîcheur. À la dernière intersaison, nous avons effectué un recrutement de qualité et l’équipe est très soudée. Chacun a trouvé sa place. L’équipe a étonné ses adversaires par sa solidarité.

La solidarité permet-elle de compenser la faiblesse du budget ?

Henry Brocan. Le rugby est un sport extrêmement collectif. Les chefs d’entreprise qui arrivent dans notre sport ne comprennent pas que la vérité est remise en cause chaque week-end. On ne peut pas programmer les rapports humains. Pourquoi un groupe réussit et pas un autre ?

 On ne peut pas le savoir en début de saison. Il y a tellement de tâches ingrates dans le rugby que, s’il n’y a pas d’amitié entre les joueurs, elles ne sont pas effectuées. Je regrette l’individualisation. Après un match, on récompense le talent d’or. Ce n’est pas ça le rugby ! Je ne crois pas à la star en rugby. Les journalistes créent des stars pour faire rêver, mais ce n’est pas l’essence de notre sport. Un seul joueur peut faire gagner son équipe ? Je n’y crois pas. Il y a trop d’écarts de salaire entre les joueurs. À Auch, les salaires vont de 1 à 3, mais les niveaux sont très faibles. Beaucoup de joueurs touchent le SMIC.

Quelle est votre part dans la réussite d’Auch ?

Henry Brocan. J’ai toujours su avoir autour de moi un groupe solidaire. J’ai bien choisi le staff technique : les deux co-entraîneurs, les préparateurs physiques, le kiné, le diététicien, le psychologue bénévole...

Qu’avez-vous apporté au jeu de l’équipe ?

Henry Broncan. Je suis un homme âgé (soixante-trois ans - NDLR), un homme du passé. Les innovations, ce n’est pas mon fort. Je ne suis pas un novateur, je suis un copieur. Je suis aussi un homme de rigueur qui demande politesse et exactitude. Mais quand je pique une crise envers mes joueurs, c’est une forme d’amour envers eux. Et j’en pique assez souvent.

On vous a surnommé le Guy Roux du rugby...

Henry Brocan. Je n’apprécie pas. Le foot, ce n’est pas le même monde que le rugby. Je n’aime pas le milieu du foot. Je n’ai pas regardé la finale France-Italie. Je faisais un scrabble !

Pourquoi quitter Auch au moment où l’équipe accède au Top 14 et rejoindre Agen ?

Henry Brocan. Agen m’a sollicité, je crois, plus comme meneur d’hommes que comme entraîneur. Dans le rugby, il y a encore un champ à exploiter : le mental. C’est difficile de conserver un collectif dans un monde de stars ! D’autre part, j’entraîne Auch depuis neuf ans et je suis arrivé au bout d’un cycle. À Agen, je serai bien mieux payé qu’à Auch mais je n’y vais pas pour l’argent.

J’y vais parce que je ne peux plus supporter que mes joueurs travaillent dans des conditions indignes d’un club pro. On s’est battus pendant neuf ans pour obtenir une salle de muscu ! J’avais d’abord dit non à Agen, puis j’ai changé d’avis en raison de mon impuissance ici à faire évoluer le club. Je ne supporte plus l’indifférence de la mairie. Je pars sur un échec.

Dans le sport de haut niveau, a-t-on le temps de s’intéresser à la campagne électorale ?

medium_brocan.2.jpgHenry Brocan. On a un peu de mal. Il y a toujours un entraînement ou une séance vidéo. Et on a moins de temps à consacrer à ce qui se passe en dehors du rugby. Ségolène Royal et Marie-George Buffet sont venues à Auch mais je n’ai pas eu le temps d’assister à une seule réunion publique.

Depuis l’âge de vingt-quatre ans, je suis très à gauche. J’ai été très déçu car les antilibéraux n’ont pu s’entendre pour présenter une seule personne. Au début, j’ai dit : je n’irai pas voter. Mais j’irai voter quand même !

Tout le monde sait ici que je voterai pour Marie-George Buffet au premier tour. C’est une femme extraordinaire. Pour le second tour, je verrai... J’ai toujours voté communiste. Je n’ai jamais caché mes opinions politiques. Tout ce que j’ai fait dans le rugby, je l’ai fait dans une démarche de gauche et même d’extrême gauche : partage du travail et des reconnaissances, éviter de trop gros écarts de salaire, mettre en avant le collectif... Je suis pour une société de partage.

Entretien réalisé par Bruno Vincens, pour l'Humanité

12:10 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rugby, sport, Auch, Broncan, présidentielles, MG Buffet | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!