Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/04/2011

Le surloyer rassemble contre lui

logement.jpgProfondément réformé en 2006 et 2008, le « supplément de loyer de solidarité » est dénoncé par les associations de locataires et combattu par de nombreux bailleurs sociaux.

Instauré en mars 1954, le supplément de loyer a subi ces dernières années de profondes modifications d’application. Sous la férule de la droite au pouvoir, deux décrets parus en juillet 2006 et août 2008 ont été adoptés pour circonscrire l’accès au logement social. Rebaptisé pour la circonstance « supplément de loyer de solidarité » (SLS) ou « surloyer », ce dispositif s’inscrit dans la loi de mobilisation et de lutte contre l’exclusion dite loi Boutin promulguée en février 2009.

Entré en application dès janvier 2009, le SLS impose une majoration obligatoire de loyers de 20 à 60 % pour les locataires dont les ressources dépassent les plafonds d’accès au logement social. Plafonds déterminés en fonction des revenus fiscaux et de la taille du foyer. Selon la ministre du Logement de l’époque, Christine Boutin, il s’agissait de mettre un terme « à certains abus » et d’« injecter de la mobilité ». 143 000 ménages sur les 4,2 millions logés en HLM devaient être concernés, selon le ministère. Chiffres à l’appui, ce dernier promettait, en mai 2009, au plus « une augmentation de quelques dizaines d’euros ». Simulation extrême : « Un couple avec deux enfants à Paris locataire d’un 75 m² verra son loyer passer de 522 euros à 733 euros si ses revenus dépassent de 50 % le plafond », promettait-on...

Après le bâton, la carotte : ce dispositif devait permettre, selon le ministère, de rapporter 300 millions d’euros aux organismes HLM et ainsi favoriser de nouveaux logements. Un écran de fumée qui n’a pas aveuglé les associations de locataires. La Confédération nationale du logement (CNL) dénonçait une loi « restrictive et discriminatoire » quand l’association Droit au logement (DAL) critiquait un texte « très libéral, au secours des promoteurs et des bailleurs privés ».

Côté bailleurs, nombre d’organismes sont entrés en résistance : Villejuif, Nanterre, Fontenay-sous-Bois. En mars dernier, le principal bailleur social de Seine-Saint-Denis a gagné son bras de fer (lire entretien) provoquant l’ire de Benoist Apparu. Le secrétaire d’État voyant dans l’argument de la mixité sociale, « une excuse pour ne pas agir ».

Stéphane Peu « Un recul pour la mixité sociale »

apl,logementStéphane Peu, président de l’office HLM de Plaine Commune Habitat en Seine-Saint-Denis, décrypte les conséquences néfastes de la loi Boutin sur le logement social en France.

Quelle conséquence la loi Boutin a-t-elle sur les locataires 
de Plaine Commune Habitat ?

Stéphane Peu. Avec la loi Boutin, 
le nombre de locataires payant 
un surloyer passe d’une cinquantaine à environ 600, avec des montants 
de loyers bondissant parfois de plus de 100 % ! Dans notre agglomération de communes, les personnes concernées sont notamment des jeunes sans enfant ou des personnes d’un certain âge, souvent retraitées, dont les enfants ont quitté le domicile. Il ne s’agit pas, contrairement à ce que sous-entend la loi, de « riches » qui profiteraient du système, mais bien d’ouvriers et d’employés qui deviennent, à cause de cette loi, inéligibles au logement social alors qu’ils l’étaient auparavant.

 Quel est, selon vous, le vrai objectif 
de ces surloyés ?

Stéphane Peu. Très clairement, de faire sortir du parc social les personnes 
un peu moins modestes que les autres. Mais, attention. Cette idée, qui peut apparaître comme justifiée de prime abord, modifie la conception 
même du logement social en France. 
Elle en fait un logement résiduel 
pour les plus en difficulté et non plus un logement à caractère universel pour le salariat. Derrière, se profile 
un nouveau recul de la mixité 
sociale dans ces quartiers où cette 
mesure accentuera fatalement 
la concentration des plus pauvres 
et la ghettoïsation. Au-delà, 
ces surloyers sont aussi un moyen 
pour le gouvernement de porter 
le discrédit sur les HLM en suggérant qu’ils ne remplissent plus leur 
mission sociale, ce qui est totalement faux, et qu’il ne serait donc pas forcément nécessaire d’en construire de nouveaux. Or, tout le monde sait que le problème du logement 
ne pourra être réglé que par un immense effort de construction 
avec un investissement public 
massif, surtout dans les zones 
tendues, et non pas en chassant 
des locataires.

Comment l’office HLM de Plaine Commune Habitat, que vous présidez, est-il parvenu à refuser l’application 
des surloyers ?

Stéphane Peu. Depuis 2009, on a exploité toutes les failles légales pour ne pas appliquer la loi Boutin (sursis, moratoire…). Mais on arrivait aux limites de l’exercice. En décembre dernier, on a donc proposé l’exonération totale de Plaine Commune du surloyer dans le cadre du programme local de l’habitat. Insistant, notamment, sur le fait qu’augmenter les surloyers dans 
des communes à 50 % de logements sociaux, comme c’est le cas à Plaine Commune, cela a des répercussions autrement plus graves en termes de pluralité sociale que dans une ville comme Neuilly, où l’on ne dépasse pas les 5 % de logements sociaux… 
L’État a refusé cette exonération. 
On a donc décidé de créer nos propres critères, en exonérant de surloyers toutes les sections cadastrales 
où il y a plus de 30 % de logements sociaux, toutes celles où il y a plus 
de 20 % de logements insalubres 
et toutes celles où il y a plus de la moitié de la population en dessous 
du seuil du logement dit « très social ». Au final, cela couvre 97,5 % 
du territoire de Plaine Commune. 
Et, cette fois, cela a été accepté.

Les autres offices suivent-ils 
votre exemple ?

Stéphane Peu. Les organismes 
HLM sont obligés de signer 
une convention d’utilité sociale 
avec l’État au 1er juillet. Mais, 
dans cette convention, les offices peuvent demander l’exonération 
du surloyer s’ils le veulent. 
Et, avant cela, exiger un moratoire. 
Si certains offices ne le font pas, 
c’est qu’ils manquent de détermination. Le sujet est pourtant fondamental pour préserver le vivre ensemble dans une société où se multiplient les séparatismes sociaux et communautaires.

Entretien réalisé par L. D. et Laurent Mouloud

19:41 Publié dans Actualités, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : apl, logement | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!