18/02/2016
« En avant vers le passé ! »
L'éditorial de Patrick Apel-Muller, journal l'Humanité
: "Tout cela dessine un ordre cohérent, le libéralisme autoritaire où le patron n’est pas seulement choyé par un premier ministre qui aime les entreprises, mais dont la toute-puissance s’édifie sur les vestiges de la République. À gauche, il est grand temps de rallier le mot d’ordre de Rimbaud : « Il faut être résolument moderne, tenir le pas gagné. » Et reprendre la marche vers le progrès."
Mais que restera-t-il à Nicolas Sarkozy ? Je n’évoque pas là ses malheurs judiciaires mais le pillage en règle dont il est victime. Après lui avoir ôté la part de copropriété qu’il détenait avec Marine Le Pen sur la déchéance de la nationalité, voilà que François Hollande et Manuel Valls lui dérobent son libéralisme forcené.
La loi, qu’ils ont chargé Myriam El Khomri de présenter, est une véritable bombe placée au cœur du monde du travail, pulvérisant le droit au repos, démantelant le droit syndical par le référendum d’entreprise et la primauté des accords d’entreprise sur la loi, hachant menu les protections contre les licenciements… Le site du Figaro hier soir éprouvait un ravissement au bord de la pâmoison et même de l’épectase. Voilà l’avènement de la loi du plus fort, celle du patron restaurée dans sa version la plus rétrograde. « En avant vers le passé ! », proclament les marquis du régime.
La même inspiration préside à ce démantèlement du droit du travail qu’au monstrueux gaspillage de fonds publics que constitue le pacte de responsabilité. Des dizaines de milliards d’euros sont jetés dans la fournaise des dividendes et des placements financiers. Calculez ce que 40 milliards auraient pu utilement financer : au moins 400 000 emplois annuels convenablement rémunérés, autant de chômeurs en moins, de consommateurs en plus relançant l’activité, de postes utiles pour l’éducation, la santé, la culture, la transition énergétique… Mais ils ont été détournés vers les profits, cette politique de l’offre et son corollaire, le démantèlement du modèle français, avec ses protections sociales et ses droits.
Tout cela dessine un ordre cohérent, le libéralisme autoritaire où le patron n’est pas seulement choyé par un premier ministre qui aime les entreprises, mais dont la toute-puissance s’édifie sur les vestiges de la République. À gauche, il est grand temps de rallier le mot d’ordre de Rimbaud : « Il faut être résolument moderne, tenir le pas gagné. » Et reprendre la marche vers le progrès.
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29/04/2013
ANI : La reculade organisée (point de vue !)
Non, ça ne colle vraiment pas. Discuter cinq mois du mariage pour tous, peut-être. Mais passer en trois semaines, avec procédure d’urgence et vote bloqué, une loi essentielle très contestée sur le droit du travail, ça ne se justifie pas.
Même pour ceux qui la défendent, ce n’est pas glorieux : silence médiatique général, aucun débat contradictoire, obscurité organisée sur les 27 articles disparates de l’ANI péniblement transformés en loi, votes forcés, expéditifs, et à reculons, sous pression, des députés.
On en arrive à une des lois les plus mal votées de l’histoire de la Ve République. Elle ne créera aucun emploi, ne supprimera aucun précaire. Pourtant le Code du travail est le droit le plus intime, le plus décisif pour 18 millions de salariés du privé. Même pour ceux qui ne le connaissent pas, leur vie en dépend.
Un bon Code du travail, ça produit de bons salaires. Un bon Code du travail, ça protège l’emploi. Un bon Code du travail, c’est la civilisation. Un mauvais Code du travail, c’est la précarité, la flexibilité, le mal contre ceux qui bossent. Le droit du travail est fait de sueur et de sang, de luttes et de larmes.
Il a fallu 170 ans pour le bâtir. Il a fallu 80 ans pour passer de la journée de 17 heures à celle de 10 heures. Et encore 70 ans pour passer de la semaine de 40 heures à celle de 35 heures. Le Code du travail c’est l’histoire du progrès, du respect, de l’humanité.
C’est le droit le moins enseigné, le plus dénigré, le plus fraudé. C’est le droit qui établit, ou non, la dignité des salariés. Sans État de droit dans l’entreprise, la subordination liée au contrat de travail devient une soumission sans contrepartie.
La gauche a toujours fait progresser le droit du travail dans l’unité. Il y a eu des « ANI » célèbres, en juin 1936 à Matignon (40 heures et congés payés). Autre ANI célèbre en juin 1968 à Grenelle où le SMIG a augmenté de 33 % et le SMAG de 55 % pour constituer le SMIC ! Jospin avait eu le courage de convoquer un « sommet social » le 10 octobre 1997 pour imposer les 35 heures.
La droite a passé à l’acide le Code du travail pendant dix ans. Elle a « recodifié » dans un silence général entre 2004 et 2008. On s’attendait à ce que la gauche reconstruise. C’était dans le programme de Hollande. Si c’était la droite qui avait fait ce forcing ANI-MEDEF on aurait tous été dans la rue, le 5 mars, le 9 avril et le 1er mai.
C’est la première fois dans l’histoire que la gauche décide de faire reculer, gravement, le Code du travail pour tenter d’amadouer le MEDEF, rassurer les marchés et leurs agences de notation. Michel Sapin a même évoqué « les lois Hartz 1, 2, 3 et 4 » votées de 2002 à 2004 par le SPD et la CDU, Schröder et Merkel. Le paradoxe, c’est que le SPD aujourd’hui s’en mord les doigts et les remet en cause pour affronter Merkel aux élections de 2013 (et Hartz, comme Cahuzac, a été inculpé et condamné pour corruption). Ainsi, au moment où ces lois Hartz qui ont fait tant de mal aux salariés allemands sont enfin dénoncées par les socialistes à Berlin, de façon incroyable, à contretemps, ce sont les socialistes français qui les font passer à Paris.
C’est la première fois dans l’histoire que la gauche décide de faire reculer, gravement, le Code du travail.
GÉRARD FILOCHE, INSPECTEUR DU TRAVAIL, MEMBRE DU BUREAU NATIONAL DU PS
Tribune publiée dans l'Humanité Dimanche
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10/04/2013
Ce que la droite n'avait pas osé les socialistes l'ont fait ! procès d'une loi scélérate
L'affaire Cahuzac, dont tous les médias nous rebattent les oreilles , fait écran de fumée pour masquer le débat parlementaire qui se déroule autour de la retranscription dans la loi de l'accord national interprofessionnel (Ani) conclu le 11 janvier 2013 entre les organisations patronales (MEDEF, CGPME et UPA) et trois syndicats de salariés (CFDT, CFTC et CFE-CGC), mais contre l’avis de la CGT et de FO.
C’est ce mardi 9 avril, au terme d’une semaine de discussions en séance, que l’Assemblée nationale doit voter le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi élaboré à partir de l’accord national interprofessionnel précité. C'est la pire "réforme du marché du travail" jamais envisagée depuis 70 ans.
Et c'est un gouvernement "socialiste" qui est en train de la voter ! Comme le note très justement la CGT " de nombreuses dispositions d'application immédiate vont accélérer les licenciements, les rendre moins coûteux pour l’entreprise et moins facilement contestables par les salariés.
Elles vont accroître la précarité et la pression sur les salaires, généraliser la mobilité professionnelle forcée, tout en réduisant les moyens actuels de défense devant la justice. Ce qui a été présenté comme de nouveaux droits pour les salariés est virtuel et renvoyé à d’hypothétiques négociations ultérieures "
Voici quelques mesures qui donnent un avant goût, du plat de résistance distribué aux salariés......
pour aller plus loin dossier Assemblée Nationale
- Les délais de prescription, dérogatoires en droit du travail, sont encore réduits :
En effet le salarié aura un délai de deux ans pour saisir le juge (délai ramené à un an en cas de licenciement économique collectif), et les rappels de salaires ou d'heures supplémentaires seront limités à une période de 3 ans (au lieu de 5 actuellement).
- Une flexibilité accrue des salariés :
Aujourd’hui, si un salarié refuse une mutation qui affecte un élément essentiel de son contrat de travail il est licencié pour motif économique. En cas de litige avec l'employeur , c'est le juge qui apprécie le caractère de la modification..
Demain, un accord d’entreprise pourra autoriser l' employeur à muter le salarié sur un autre poste ou sur un autre lieu de travail. ( les limites étant prévues par l'accord) et si le salarié refuse il sera licencié pour motif personnel.
Aujourd’hui, les salariés peuvent refuser une baisse de salaire ou la modification de leur temps de travail, même si un accord collectif le prévoit. Dans ce cas et si l'entreprise rencontre de graves difficultés , ils sont licenciés pour motif économique avec les garanties prévues .
En outre ils peuvent contester devant les tribunaux le caractère réel et sérieux de leur licenciement .
Demain, L’employeur pourra imposer une réduction du temps de travail ou une diminution du salaire dans le cadre « d’accords de maintien dans l’emploi » et le refus du salarié entraînera son licenciement, dont le motif économique, présumé, ne pourra pas être contrôlé par le juge.
Très critiquée par les députés communistes, cette mesure s'inscrit pour eux dans la même ligne politique que le gouvernement précédent.
André Chassaigne, président des députés Front de Gauche a dénoncé "une mesure promue par Nicolas Sarkozy sous le nom d'accord compétitivité emploi et alors combattue par le Parti socialiste". A ses yeux elle permettra "un chantage patronal généralisé". "Les travailleurs d'aujourd'hui seront les précaires de demain", a ajouté le député communiste Jean-Jacques Candelier.
- Le contrat de travail intermittent redevient à la mode...
Le contrat de travail intermittent est un contrat qui comporte, une alternance de périodes travaillées et non travaillées.
Tous les professionnels des ressources humaines savent que le temps partiel annualisé et le travail intermittent crée une déstabilisation de la vie familiale des salariés .......
Malgré cet inconvénient ( mineur semble t-il pour nos partenaires sociaux et nos députés ) ce type de contrat pourra être généralisé dans les petites entreprises.
En effet dans les branches visées par l’accord, les employeurs d’entreprise de moins de 50 salariés pourront utiliser ce contrat directement.
- Évolutions liées à la rupture du contrat de travail qui ressemblent à une sécurisation des licenciements !
L'employeur pourra dans certaines conditions, pour fixer l'ordre des licenciements, privilégier la compétence professionnelle ;
L'accord crée une indemnité forfaitaire pour réparer le préjudice subi par un salarié en cas de licenciement abusif.
Cette indemnité est calculée en fonction de l'ancienneté du salarié, et a le caractère social et fiscal de dommages et intérêts ;
Le texte de loi privilégie le recours au Bureau de conciliation où sera négociée l’indemnité forfaitaire versée au salarié avec un plancher de 2 mois de salaire et un plafond de 14 mois, selon l’ancienneté. A défaut de conciliation, l’affaire sera portée devant le Bureau de jugement.
Selon le syndicat de la magistrature "En fixant un barème d'indemnisation forfaitaire du salarié pour mettre fin à la contestation d'un licenciement, l’accord rompt avec le principe de réparation intégrale des conséquences de la perte d'emploi et dissuade le juge d'exercer son pouvoir d’appréciation sur l’étendue du préjudice réellement subi par le salarié."
. Pour supprimer, encore, le contrôle du juge sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi et sur le respect de la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel, la loi organise deux procédures, alternatives, de licenciement économique collectif (10 salariés et plus sur 30 jours). La première renvoie aux institutions représentatives du personnel le soin de signer avec l’employeur un accord de méthode dont la contestation est très encadrée. La seconde attribue le pouvoir de contrôle à l’administration du travail, qui n’aura pas les moyens de l’exercer réellement dans le bref délai imparti.
Selon le syndicat de la magistrature "Au lieu d'empêcher les licenciements collectifs qui satisfont des intérêts purement financiers, l'accord et par la même la loi organisent la neutralisation du juge judiciaire, conformément aux voeux du Medef dont c'était l'une des toutes premières préoccupations."
En « contrepartie » de ces reculs, des avancées… de Polichinelle.......
- Des « droits rechargeables » à l’indemnisation pour les demandeurs d’emploi
Un demandeur d’emploi qui retrouve un travail mais qui n’a pas utilisé l’ensemble de ses droits pourra les conserver en cas de perte d’emploi ultérieure. le Medef ne voulant pas financer ce nouveau droit,il faudra donc diminuer le niveau d’indemnisation de l’ensemble des demandeurs d’emploi.
- Une taxe sur les contrats précaires qui n'empechera pas le recours massif à ce type de contrat ( voir mon article sur le sujet ).
- Un encadrement du travail à temps partiel qui reste limité
Certes, il est prévu que le temps partiel soit de 24h minimum par semaine, mais les possibilités de déroger à cette durée sont multiples. De plus, les règles permettant de moduler le temps de travail sont renforcées.
À titre d’exemple, l’employeur pourra modifier la durée du travail du salarié huit fois dans l’année. Le salarié devra se tenir à la disposition de l’employeur. Les heures qu’il fera en plus ne seront pas systématiquement majorées.
Artémis
Juriste de formation spécialisée en droit du travail
10:45 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ani, députés, socialistes, code du travail | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
18/01/2013
L'ANALYSE D'ATTAC RELATIVE A L'ACCORD MEDEF/SYNDICATS DU 11 JANVIER 2013
Accord sur la réforme du marché du travail : "en attendant la Troïka En signant avec le Medef un accord « au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi », trois syndicats minoritaires ont donné en France un aval anticipé aux réformes structurelles du marché du travail imposées par la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le FMI dans le Sud de l’Europe.
Tout y est : baisse des salaires en cas de menace sur l’emploi, prédominance de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche et sur la loi, facilitation des mobilités forcées et des licenciements.
Le Wall Street Journal félicite les patrons français d’avoir « gagné une nouvelle flexibilité ».
L’accord signé le 11 janvier par le Medef, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC confirme la possibilité, déjà adoptée par la majorité précédente, d’accords d’entreprise dits de « maintien dans l’emploi », avec une baisse des salaires, en cas de « graves difficultés conjoncturelles ». Les salariés qui refuseraient la baisse de salaire seraient licenciés pour « motif personnel », exonérant l’entreprise de toute obligation de reclassement. De même, tout salarié qui refuserait un changement de poste ou une mutation géographique pourra être licencié pour « motif personnel », dès lors que l’entreprise a signé un accord sur la mobilité.
La « sécurisation des licenciements » tant souhaitée par le Medef se traduit aussi dans l’accord du 11 janvier par une réduction des délais de contestation des plans sociaux et des licenciements, ainsi que par une priorité donnée à la conciliation prudhommale, avec des indemnités minimes dont l’acceptation par le salarié interdit ensuite toute poursuite judiciaire.
Plus profondément encore, l’accord du 11 janvier dynamite toute la législation sur les plans sociaux : un accord d’entreprise peut prévoir une procédure totalement différente de celle prévue par la loi ; et s’il ne parvient pas à obtenir la signature des syndicats, l’employeur peut déposer son plan social à l’Inspection du travail, qui doit motiver un éventuel refus dans un délai de 2 à 4 mois.
En guise de contreparties, l’accord prévoit essentiellement un renchérissement limité des CDD de très courte durée (moins d’un mois), la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés des PME et une majoration de 10% pour les heures complémentaires des salariés à temps partiel.
Des avancées qui seraient appréciables si elles n’étaient pas payées aussi cher. Car la France et l’Europe s’enfoncent dans une grave récession, provoquée par les politiques d’austérité et par la frilosité des banques qui réduisent leurs crédits pour préserver leur bilan.
Les brèches ouvertes par l’accord du 11 janvier ne vont certainement pas « accélérer la création d’emploi » comme l’annonce le gouvernement ; elles vont plutôt faciliter le passage du tsunami de licenciements qui s’annonce et accélérer la montée du chômage.
Attac appelle les parlementaires français à corriger les graves dangers que présente ce texte et invite tous les acteurs sociaux à organiser ensemble la résistance et la construction d’alternatives à ces politiques suicidaires pour les salariés et pour les peuples européens.
Dans cette perspective, les nombreuses forces syndicales et associatives européennes engagées dans le processus d’Altersommet se réuniront début juin à Athènes en vue d’affirmer haut et fort qu’une autre Europe est possible.
Attac France,Le 14 janvier 2013.
16:50 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : code du travail, attac, contrat, analyse | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |