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24/09/2025

Les richesses de la Gaza antique exposées à l’Institut du monde arabe

gaza

La cité de Gaza, fondée il y a environ 3 500 ans, fut, dans l’Antiquité, l’un des principaux carrefours commerciaux entre Orient et Occident. C’est cette position stratégique exceptionnelle et l’extraordinaire richesse qui en découlait que révèle l’exposition « Trésors sauvés de Gaza : 5 000 ans d’histoire », présentée à l’Institut du monde arabe, à Paris, jusqu’au 2 novembre 2025.


L’exposition « Trésors sauvés de Gaza : 5 000 ans d’histoire » met en lumière les divers et nombreux sites historiques de Gaza qui ont récemment été détruits par des bombardements.

On y découvre un choix de 130 objets, datant du VIIIᵉ siècle avant notre ère au XIIIᵉ siècle de notre ère, qui témoignent de la foisonnante imbrication des cultures dans l’antique cité de Palestine, forte de ses échanges avec l’Égypte, l’Arabie, la Grèce et Rome.

Mais cette prospérité suscita la convoitise des États voisins et d’envahisseurs étrangers. Gaza s’est ainsi trouvée, dans l’Antiquité, au cœur de guerres d’une violence inouïe dont témoignent les auteurs anciens.

Le débouché maritime de la route des aromates

À Gaza arrivaient les aromates, encens et myrrhe, transportés à dos de chameaux, dans des amphores, depuis le sud de la péninsule Arabique. L’encens est une résine blanche extraite d’un arbre, dit boswellia sacra, qu’on trouve en Arabie du sud. On pratiquait une incision dans le tronc de l’arbre dont s’écoulait la sève qu’on laissait ensuite durcir lentement.

La myrrhe provenait également du sud de l’Arabie. C’est une résine orange tirée d’un arbuste, nommé commiphora myrrha.

La cité de Gaza, fondée il y a environ 3 500 ans, fut, dans l’Antiquité, l’un des principaux carrefours commerciaux entre Orient et Occident. C’est cette position stratégique exceptionnelle et l’extraordinaire richesse qui en découlait que révèle l’exposition « Trésors sauvés de Gaza : 5 000 ans d’histoire », présentée à l’Institut du monde arabe, à Paris, jusqu’au 2 novembre 2025.


L’exposition « Trésors sauvés de Gaza : 5 000 ans d’histoire » met en lumière les divers et nombreux sites historiques de Gaza qui ont récemment été détruits par des bombardements.

On y découvre un choix de 130 objets, datant du VIIIᵉ siècle avant notre ère au XIIIᵉ siècle de notre ère, qui témoignent de la foisonnante imbrication des cultures dans l’antique cité de Palestine, forte de ses échanges avec l’Égypte, l’Arabie, la Grèce et Rome.

 

Mais cette prospérité suscita la convoitise des États voisins et d’envahisseurs étrangers. Gaza s’est ainsi trouvée, dans l’Antiquité, au cœur de guerres d’une violence inouïe dont témoignent les auteurs anciens.

Le débouché maritime de la route des aromates

À Gaza arrivaient les aromates, encens et myrrhe, transportés à dos de chameaux, dans des amphores, depuis le sud de la péninsule Arabique. L’encens est une résine blanche extraite d’un arbre, dit boswellia sacra, qu’on trouve en Arabie du sud. On pratiquait une incision dans le tronc de l’arbre dont s’écoulait la sève qu’on laissait ensuite durcir lentement.

La myrrhe provenait également du sud de l’Arabie. C’est une résine orange tirée d’un arbuste, nommé commiphora myrrha.

Commencez votre journée avec des articles basés sur des faits.

Le siège de Gaza par Alexandre le Grand, peinture de Tom Lovell (1909-1997).

Les Nabatéens, peuple arabe antique, qui contrôlaient le sud de la Jordanie actuelle, le nord-ouest de l’Arabie et le Sinaï, convoyaient ces produits vers Gaza, en partenariat avec d’autres peuples arabes, notamment les Minéens, dont le royaume se trouvait dans l’actuel Yémen. Au IIIᵉ siècle avant notre ère, les papyrus des archives de Zénon de Caunos, un fonctionnaire grec, évoquent l’« encens minéen » vendu à Gaza.

Il y avait également des épices qui arrivaient à Gaza depuis le sud de l’Inde après avoir transité par la mer Rouge. Zénon mentionne le cinnamome et la casse qui sont deux types de cannelle. Le nard, dit parfois « gangétique », c’est-à-dire originaire de la vallée du Gange, provenait lui aussi du sous-continent indien.

Le nard entrait dans la composition d’huiles parfumées de grande valeur, comme en témoigne un passage de l’évangile selon Jean. Alors que Jésus est en train de dîner, à Béthanie, dans la maison de Lazare, intervient Marie, plus connue sous le nom de Marie-Madeleine.

« Marie prit alors une livre d’un parfum de nard pur de grand prix ; elle oignit les pieds de Jésus, les essuya avec ses cheveux et la maison fut remplie de ce parfum. » (Jean, 12, 3)

Flacon en forme de dromadaire accroupi, chargé de quatre amphores, découvert à Gaza, VIᵉ siècle de notre ère. Wikipédia, Fourni par l'auteur

Parfums d’Orient

Depuis Gaza, les aromates étaient ensuite acheminés par bateau vers les marchés du monde grec et de Rome. L’Occident ne pouvait alors se passer de l’encens et de la myrrhe utilisés dans un cadre religieux. On en faisait deux types d’usage sacré : sous la forme d’onctions ou de fumigations. On produisait des huiles dans lesquelles on faisait macérer les aromates ; on enduisait ensuite de la substance obtenue les statues ou objets de culte. On faisait aussi brûler les aromates dans les sanctuaires pour rendre hommage aux dieux.

Résine d’encens. Wikimédia, Fourni par l'auteur

Ces pratiques étaient devenues aussi courantes que banales à partir du IVᵉ siècle avant notre ère. Il était impensable de rendre un culte sans y associer des parfums venus d’Orient. Les fragrances qu’exhalaient les aromates étaient perçues comme le symbole olfactif du sacré. Outre cet usage cultuel, les aromates pouvaient aussi entrer dans la composition de cosmétiques et de produits pharmaceutiques.

La convoitise d’Alexandre le Grand

Mais la richesse de Gaza suscita bien des convoitises. Dans la seconde moitié du IVᵉ siècle avant notre ère, le Proche-Orient connaît un bouleversement majeur en raison des conquêtes d’Alexandre le Grand, monté sur le trône de Macédoine, royaume du nord de la Grèce, en 336 avant notre ère. Deux ans plus tard, Alexandre se lance à la conquête de l’Orient.

Après une série de succès fulgurant, en 332 avant notre ère, le Macédonien arrive sous les murailles de Gaza qu’il encercle. Bétis, l’officier qui commande la ville, mène une résistance acharnée, mais il ne dispose que de « peu de soldats », écrit l’historien romain Quinte-Curce (Histoire d’Alexandre le Grand, IV, 6, 26).

Alexandre fait alors creuser des tunnels sous le rempart. « Le sol, naturellement mou et léger, se prêtait sans peine à des travaux souterrains, car la mer voisine y jette une grande quantité de sable, et il n’y avait ni pierres ni cailloux qui empêchent de creuser les galeries », précise Quinte-Curce. Les nombreux tunnels aménagés sous la ville, jusqu’à nos jours, témoignent encore de cette caractéristique du sol de Gaza et sa région.

Après un siège de deux mois, une partie de la muraille s’effondre dans la mine creusée par l’ennemi. Alexandre s’engouffre dans la brèche et s’empare de la ville.

« Bétis, après avoir combattu en héros et reçu un grand nombre de blessures, avait été abandonné par les siens : il n’en continuait pas moins à se défendre avec courage, ayant ses armes teintes tout à la fois de son sang et de celui de ses ennemis. »

Affaibli, le commandant de Gaza est finalement capturé et amené à Alexandre. Avec une extrême cruauté, le vainqueur lui fait percer les talons. Puis il y fait passer une corde qu’il relie à son char, avant d’achever Bétis en traînant son corps autour de la ville, jusqu’à ce qu’il l’ait réduit en lambeaux. Quant aux habitants de Gaza qui ont survécu au siège, ils sont vendus comme esclaves.

Lors du pillage qui s’ensuit, Alexandre s’empare d’une grande quantité de myrrhe et d’encens. L’auteur antique Plutarque raconte que le vainqueur, très fier de son butin, en envoya une partie à sa mère, la reine Olympias, restée en Macédoine, et à Léonidas qui avait été son instructeur militaire dans sa jeunesse (Plutarque, Vie d’Alexandre, 35).

Monnaie (tétradrachme) d’argent de Ptolémée III, frappée à Gaza, 225 avant notre ère. Fourni par l'auteur

La renaissance de Gaza

Après la mort d’Alexandre, la ville est reconstruite et placée sous la domination des Ptolémées, successeurs d’Alexandre en Égypte et au Proche-Orient. Les souverains ptolémaïques collaborent alors avec l’élite des marchands de Gaza et les transporteurs nabatéens. Cette politique est largement bénéfique : elle enrichit à la fois les Gazéens, les Nabatéens et les Ptolémées qui prélèvent des taxes sur les produits acheminés dans la ville.

Au cours du IIᵉ siècle avant notre ère, Gaza devient la capitale d’un petit État indépendant, allié du royaume nabatéen. Suivant le modèle des cités grecques, les Gazéens élisent à leur tête un commandant militaire qui porte le titre de « stratège ».

Nouveau siège, nouvelle destruction

C’est alors que le roi juif Alexandre Jannée, qui appartient à la dynastie des Hasmonéens régnant sur la Judée voisine, décide d’annexer Gaza. En 97 avant notre ère, il attaque la ville qu’il assiège. Un certain Apollodotos exerce la fonction de « stratège des Gazéens », écrit Flavius Josèphe (Antiquités Juives, XIII, 359). Face à la menace, il appelle à l’aide Arétas II, le puissant souverain nabatéen, qui règne depuis Pétra, au sud de la Jordanie actuelle, sur une large confédération de peuples arabes. C’est pour cette raison qu’il porte le titre de « roi des Arabes », et non pas des seuls Nabatéens, selon Flavius Josèphe.

Dans l’espoir d’une arrivée prochaine d’Arétas II, les habitants de Gaza repoussent avec acharnement les assauts de l’armée d’Alexandre Jannée.

« Ils résistèrent, écrit Flavius Josèphe, sans se laisser abattre par les privations ni par le nombre de leurs morts, prêts à tout supporter plutôt que de subir la domination ennemie. » (« Antiquités juives », XIII, 360)

« Les soldats massacrèrent les gens de Gaza »

Mais Arétas II arrive trop tard. Il doit rebrousser chemin, après avoir appris la prise de la ville par Alexandre Jannée. Apollodotos a été trahi et assassiné par son propre frère qui a pactisé avec l’ennemi. Grâce à cette trahison, Alexandre Jannée, vainqueur, peut pénétrer dans la ville où il provoque un immense carnage.

« Les soldats, se répandant de tous côtés, massacrèrent les gens de Gaza. Les habitants, qui n’étaient point lâches, se défendirent contre les Juifs avec ce qui leur tombait sous la main et en tuèrent autant qu’ils avaient perdu de combattants. Quelques-uns, à bout de ressources, incendièrent leurs maisons pour que l’ennemi ne puisse faire sur eux aucun butin. D’autres mirent à mort, de leur propre main, leurs enfants et leurs femmes, réduits à cette extrémité pour les soustraire à l’esclavage. » (Flavius Josèphe, « Antiquités juives », XIII, 362-363)

Monnaie de bronze de Cléopâtre VII frappée à Gaza, 51 avant notre ère. Fourni par l'auteur

Trente ans plus tard, la ville renaîtra à nouveau de ses cendres, lorsque les Romains, vainqueurs de la Judée hasmonéenne, rendent Gaza à ses anciens habitants. Puis la ville est placée, pendant quelques années, sous la protection de la reine Cléopâtre, alliée des Romains, qui y frappe des monnaies. La cité retrouve alors son rôle commercial de premier plan et redevient pour plusieurs siècles l’un des grands creusets culturels du Proche-Orient.


Christian-Georges Schwentzel vient de publier les Nabatéens. IVᵉ siècle avant J.-C.-IIᵉ siècle. De Pétra à Al-Ula, les bâtisseurs du désert, aux éditions Tallandier.

 
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Cheffe de rubrique Éducation + Jeunesse

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09/08/2025

« Le Mystère Cléopâtre » à l’Institut du monde arabe : la reine d’Égypte au-delà des clichés

Cleopatre, exposition

L’Institut du monde arabe accueille une nouvelle exposition consacrée à l’évolution de la représentation de la mythique Cléopâtre VII, reine d’Égypte. Réhabilitation joyeuse et contemporaine d’une figure historique longtemps victime des stéréotypes patriarcaux.

 

Les rumeurs ont la vie dure. Même la reine d’Égypte, Cléopâtre VII, n’y échappe pas. Depuis plus de deux mille ans, la célèbre souveraine est victime d’un discrédit misogyne, qui s’étend aujourd’hui sur tous les continents.

Ses contemporains, d’abord, diffusent de fausses informations à son sujet. Dès l’Antiquité, elles sont reprises par différents historiens peu scrupuleux, puis amplifiées par de nombreux artistes au cours des siècles et désormais par la pop culture.

L’Institut du monde arabe a voulu réhabiliter l’histoire de la pharaonne dans son exposition « Le Mystère Cléopâtre ».

L’événement commence par rappeler que Cléopâtre VII était avant tout une grande dirigeante, motrice de changements et phénomènes de société majeurs. Elle initie entre autres une réforme de la monnaie et des grands chantiers architecturaux.

Ses racines macédoniennes ont par ailleurs encouragé le cosmopolitisme de la société égyptienne, de plus en plus hellénisée. Mais l’Institut du monde arabe ne s’est pas contenté de rétablir la réalité historique, il a aussi tenu à dénoncer l’instrumentalisation dont la descendante des Ptolémées a fait l’objet.

Dénigrement permanent

Diabolisation, orientalisme, colonialisme, misogynie, et hypersexualisation, tout est bon pour dénigrer une monarque qui a pour principal tort d’être femme. Cléopâtre voit des rumeurs sur ses relations sentimentales et sexuelles émerger alors qu’elle est encore en pouvoir.

L’empereur Auguste en est à l’origine, mais elles sont reprises à travers les âges par des figures aussi majeures que Virgile, Shakespeare, Pascal ou Pouchkine. Au-delà de leur caractère calomnieux, ces rumeurs relèvent de ce que les études de genre qualifient aujourd’hui de slut-shaming : stigmatiser une femme à cause de ses vêtements, de son attitude ou de sa sexualité.

Pas étonnant de voir les publicitaires du XXe siècle s’emparer de son image et la transformer en véritable sex symbol. Déjà populaire comme sujet pictural et théâtral, elle investit rapidement sur le petit et le grand écran.

Plus de 1 500 marques la prenant comme égérie sont déposées et environ 220 films, tournés entre 1963 et 2023, la représentent. Des comédiennes aussi importantes que Liz Taylor (Cléopâtre, 1963) et Monica Bellucci (Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, 2002) l’incarnent et pérennisent la « cléomania ».

La légende noire de la souveraine est d’autant plus propagée qu’elle se nourrit de son suicide. Sarah Bernhardt, tragédienne réputée pour son goût du morbide, interprète d’ailleurs elle aussi ce rôle, entre macabre et sensualité.

Redorer la légende

Mais à cette légende noire se superpose une légende dorée. Cléopâtre a vu son image restaurée par de nombreuses personnalités à travers les âges. Parmi les plus importantes, Jean de Nikiou, Ibn ‘Abd al-Hakam ou encore Murtada Ibn al-Khafif.

Plus récemment, des artistes militantes féministes et anticolonialistes sont allées plus loin en refusant le traitement sexiste et raciste à son égard. Les peintres Nazanin Pouyandeh et Cindy Sherman revisitent les codes de représentation cléopâtrins : la reine n’apparaît plus douce et soumise, mais imposante et charismatique.

L’artiste multidisciplinaire Esméralda Kosmatopoulos raille, elle, sa caricature littéraire en corrigeant les textes la mentionnant. Elle travaille également à dénoncer les diktats de beauté contemporains. Elle a pour cela envoyé le portrait de profil de Cléopâtre à des chirurgiens esthétiques, qui lui ont rapporté de nombreuses opérations.

Ironie cinglante qui ne manquera pas de faire rire le visiteur au terme de la visite d’une exposition mêlant art et histoire, peinture et cinéma pour donner un nouveau souffle à une figure familière, celle de la dernière reine ptolémaïque.

Cléopâtre peut aujourd’hui être considérée comme une icône féministe, figure tutélaire du pouvoir politique à l’instar de ses homologues masculins. Plus qu’un décryptage, c’est une déconstruction que propose l’exposition. Surprise : ni son nez, ni sa beauté n’ont changé la face du monde, pour reprendre la célèbre formule de Pascal, à l’inverse de ses décisions.

« Le Mystère Cléopâtre », jusqu’au 11 janvier 2026, à l’Institut du monde arabe, à Paris (5e). https://www.imarabe.org/fr

11:28 Publié dans Actualités, Cinéma, Connaissances, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cleopatre, exposition | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

12/01/2025

"Figures du fou, du Moyen Âge aux romantiques" au musée du Louvre

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Cette exposition, très attendue, présente toutes les figures de celui que l'on appelle, de façon générique, le fou. Du Moyen Âge au XIXe siècle, il a beaucoup inspiré les artistes. 

Article rédigé par Valérie Gaget
France Télévisions - Rédaction Culture

C'est une exposition ambitieuse que propose de la mi-octobre au 3 février 2025 le musée du Louvre, à Paris(Nouvelle fenêtre). Plus de 300 œuvres sont réunies dans le hall Napoléon, un espace d'expositions temporaires qui rouvre ses portes après un an et demi de travaux. Le parcours, chronologique, présente toutes sortes d'objets : des manuscrits enluminés, des sculptures, des coffrets en ivoire, des médailles, des gravures, des peintures sur panneau, des meubles...

Certains sont minuscules [prévoir une loupe ou des lunettes adaptées] et d'autres de taille monumentale comme les tapisseries ou les sculptures venues des tours de Notre-Dame de Paris. Ce mélange des genres et des tailles vise à souligner les multiples facettes de la figure du fou. L'une des deux commissaires de l'exposition, Elisabeth Antoine-König, explique que "le but est de donner une vision kaléidoscopique de ce personnage qui est tantôt symbolique, tantôt réel".

Elle ajoute que "les fous sont absolument partout. Ils permettent d'avoir une vision intime et rapprochée de la pensée, de la culture et de l'art du Moyen Âge et de la Renaissance, ce moment de passage vers les temps modernes. Le fou est une figure clé, témoignant de l'évolution de notre histoire". À l'entrée de l'exposition, comme un prologue, une salle introduit le visiteur au monde des marges. Le fou est un marginal au sens propre comme au figuré.

Des manuscrits enluminés montrent la naissance et le développement de figures bizarres, hybrides, grotesques, parfois comiques et parfois inquiétantes, dans les marges de ces ouvrages sérieux (des traités de philosophie, des livres de droit…). Ces figures sont littéralement en marge et viennent en contrepoint du texte, introduisant un monde renversé. À côté de l'ordre qui figure dans le texte, elles incarnent le désordre qui est dans la marge. Elles ont aussi une dimension humoristique, très présente dans la pensée médiévale.

L'amour ouf

exposition,fou,louvreTrès vite, les marges vont sortir des livres et se répandre dans l'espace public, par exemple sur le sol des églises, sur des vitraux et sur des sièges. Au Moyen Âge, la définition du fou est donnée par les Écritures, en particulier le premier vers du psaume 52 : "L'insensé a dit en son cœur : il n'y a pas de Dieu !" Ce n'est alors pas une question de santé mentale, mais de spiritualité. Celui qui refuse d'écouter la parole de Dieu se place en dehors du monde. La première image du fou au Moyen Âge apparaît dans les livres de psaume, les psautiers. L'amour ou le non-amour de Dieu est ce qui fait l'insensé.

À l'inverse, il existe aussi des "fous de Dieu", tel saint François. Ce jeune homme de la riche bourgeoisie d'Assise renonce à tous ses biens pour embrasser la pauvreté et le message du Christ. Il dira lui-même : "Je suis un nouveau fou de Dieu." La commissaire de l'exposition du Louvre explique que l'on assiste ici à un renversement : "L'insensé est dans le psaume 52, mais le christianisme est aussi une folie. C'est une notion qui est toujours ambivalente et que l'on peut renverser."

Particulièrement savoureuse, la deuxième section de l'exposition se concentre sur l'amour, les fous étant très présents dans la littérature courtoise, notamment dans les grands romans de chevalerie. "L'idée est que l'amour est une folie, une dépossession de soi qui entraîne l'homme vers des extrémités qui lui font perdre parfois son identité", surligne Elisabeth Antoine-König. Une statuette magnifique représente le philosophe Aristote à quatre pattes, rendu fou par son amour pour la belle Phyllis.

exposition,fou,louvreLe personnage du fou est celui qui dénonce les valeurs courtoises et met l'accent sur le caractère lubrique, voire obscène, de l'amour humain. "Le fou a un sourire ironique, sardonique, sarcastique et fait souvent des gestes obscènes. Il apparaît comme un personnage lubrique. Il devient alors un personnage allégorique qui symbolise la luxure", raconte la commissaire. Sa présence à l'arrière-plan d'un tableau montre que l'on assiste à une scène de débauche. Là encore, la figure du fou peut être renversée, comme une carte à jouer. Il est tour à tour transgressif ou moralisateur.

Au XIVe siècle, le fou se "politise". Il entre à la cour du roi et se fait bouffon. Ce personnage bien réel devient l'antithèse de la sagesse royale, celui dont la parole ironique ou critique est acceptée, voire sollicitée. Le plus connu était Triboulet, le bouffon du roi René d'Anjou.

Le fou est désormais représenté avec ses attributs : un costume bariolé (produisant un désordre visuel), un capuchon avec des oreilles d'âne (évoquant sa sottise), des grelots (parce qu'il a la tête vide) et une marotte (bâton surmonté d'une tête avec laquelle il dialogue, une parodie de sceptre).

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Quand les fous sont à la fête

La Renaissance sera l'âge d'or des insensés. Dans la rotonde rénovée du hall Napoléon, les fous mènent la danse avec toutes sortes de portraits et de sculptures. Ils jouaient un rôle essentiel dans les fêtes, ces moments de soupape où le désordre était temporairement autorisé.

Sur tous les objets, des plus quotidiens aux plus précieux, les artistes se sont mis à représenter des fous. On les trouve sur l'orfèvrerie, la terre cuite, la tapisserie... Et bien sûr dans l'œuvre du fameux peintre Jérôme Bosch dont l'univers est marqué par l'étrange et le mystère. Sur ses tableaux réapparaissent ces créatures des marges évoquées au début de l'exposition.

L'exposition présente également le travail de Pieter Bruegel l'Ancien chez qui le fou devient le témoin de la folie des êtres humains. La commissaire évoque enfin l'énorme succès de La Nef des fous, un ouvrage allemand paru à la fin du XVe siècle, illustré de gravures.

D'après elle, "c'était l'ouvrage le plus vendu après la Bible. Il a eu un fort impact sur la culture et notamment sur les arts visuels par le biais de ses gravures qui ont fixé l'image du fou avec son capuchon, ses grelots, sa marotte. Ils apparaissent à chaque chapitre qui dénonce un vice, un travers… Donc il y a des fous partout !"

La figure du fou va ensuite pratiquement disparaître des arts. Dans les cours d'Europe, il est remplacé par le bouffon et le nain. Dans les arts, d'autres personnages prennent le relais, entre autres ceux de la Commedia dell'arte. Le XVIIIe siècle verra un regain d'intérêt pour le bizarre, les créatures hybrides et le monde marginal. On pense particulièrement au peintre espagnol Goya. Au même moment, la psychiatrie va se développer.

Dans l'exposition, une immense toile, très marquante, signée Tony Robert-Fleury, montre l'épisode fondateur du Dr Pinel qui libère les aliénées de l'hôpital de la Salpêtrière en enlevant leurs chaînes. On entre alors dans une autre histoire de la folie où l'on ne va pas seulement enfermer les malades, mais tenter de les soigner. Les artistes vont alors développer un intérêt pour ces autres figures de fous, les malades en souffrance.

À la fin de l'exposition se trouvent aussi d'impressionnantes chimères venues des tours de Notre-Dame de Paris. Un hommage au roman de Victor Hugo qui s'ouvre sur la fête des fous. Quasimodo, le bossu, est élu "Pape des fous". Peut-être le plus touchant de tous.

"Figures du fou, du Moyen Âge aux romantiques" au musée du Louvre(Nouvelle fenêtre), du 16 octobre 2024 au 3 février 2025

Tarif : 22 euros (musée + exposition). Durée de visite d'environ 2 heures.

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31/03/2024

EXPOSITIONS IMPRESSIONNISTES PARIS, ORSAY, ET PLUSIEURS VILLES DE FRANCE

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En 1874, la première exposition impressionniste se tenait à Paris. Le musée d'Orsay revient sur cet art novateur et ses grands maîtres, dans une exposition inédite à voir du 26 mars au 14 juillet 2024. On est allé y faire un tour... 

Le musée d'Orsay fête un anniversaire très spécial, qui devrait parler à de nombreux amateurs d'art : le 15 avril 1874, la première exposition impressionniste était organisée à Paris. Refusant les normes et les traditions de leur époque, Monet, Degas, Pissaro, Renoir, Cézanne, Morisot et bien d'autres décidaient de créer leur propre exposition, mettant en avant leur mouvement artistique novateur, l'impressionnisme.

Du 26 mars au 14 juillet 2024, 150 ans après ce coup d'éclat, le musée d'Orsay revient sur ce moment charnière dans l'histoire de l'art. L'exposition Paris 1874, inventer l'impressionnisme rassemble 130 œuvres de ces grands maîtres pour raconter et expliquer cette période d'évolution et d'innovation en France. 

Au début des années 1870, à peine remise de la guerre contre la Prusse, d'importants conflits perturbent la France : plusieurs Communes ont lieu dans les grandes villes du pays, et des affrontements sanglants opposent les citoyens. Dans ce contexte de violences et d'incertitudes, de nombreux artistes décident de laisser derrière eux les règles du passé, pour créer un style plus adapté à ce monde en perpétuel changement. 

Diego DIAZNombre de pages : 449 €
Format(s) : Papier PDF EPUB MOBI

Cette jeune génération de créateurs rejette l'académisme conservateur, et choisit de s'intéresser aux scènes du quotidien, à la vie moderne telle qu'ils la voient, aux paysages, aux peintures en plein air, aux couleurs claires et aux techniques plus oniriques. Émotions, sensations, instant présent : les mots d'ordre de ces artistes ne manquent pas de faire grincer quelques dents. 

Impressioniste paris.jpgPour cette exposition, le musée d'Orsay met donc en lumière des grands noms du genre, quelques œuvres phares de cette période, mais aussi des artistes tombés aujourd'hui dans l'oubli. Pissaro, Cézanne, Monet, Manet, Sisley, Boudin, Morizot... Autant de monstres sacré de l'un des courants artistiques les plus connus au monde célébré ici. Et des toiles de légendes, à l'image d'Impression, soleil levant, des Coquelicots et de La Gare Saint-Lazare de Claude Monet, de La Classe de Danse d'Edgar Degas, du Chemin de Fer d'Edouard Manet, d'Une Loge aux Italiens d'Eva Gonzalès, ou encore du Bal du Moulin de la Galette et de La Balançoire d'Auguste Renoir.

Le parcours propose une petite reconstitution historique intéressante : d'un côté, on peut admirer certaines des toiles et sculptures présentées en 1874, lors de la première exposition impressionniste. Juste en face, le musée dévoile également des œuvres montrées au même moment au Salon officiel, la manifestation artistique de l'Académie des Arts. Avec ce face-à-face, le choc de l'ancien et du moderne, de la tradition et de l'innovation ressort avec force. On peut presque rejouer les querelles qui opposaient les artistes de l'époque, en découvrant ainsi leurs différences, mais aussi leurs points communs.

Avec cette grande exposition événement, le musée d'Orsay sait séduire tous les amoureux de l'impressionnisme et de l'art. À ne pas manquer !

Le Musée d'Orsay prêtera des tableaux à une quinzaine de musées dans toute la France pour que cette exposition soit décentralisée et visible partout y compris dans certains pays étranges.

Source Sortir à Paris

 

12:23 Publié dans Actualités, Arts, Connaissances | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : exposition, impressionistes, orsay | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!