29/09/2013
Braque, le fauvisme et le retour à la terre
Le Grand Palais à Paris accueille la plus grande exposition consacrée au plus classique des modernes, inventeur, en cordée avec Picasso, du cubisme.
Que peint Georges Braque dans ses dernières années et jusqu’à sa mort, en 1963, alors qu’il vit retiré à Varengeville, non loin de Dieppe, dont le petit cimetière, près de l’église, sur la falaise accueille sa tombe ? La réponse à cette question pourrait paraître simple. Il peint des paysages, des marines, des barques échouées… Ses paysages, des petits formats rectangulaires, sont ramenés à l’essentiel. Le ciel, l’horizon, des champs, peints avec une touche grasse, épaisse. « J’essaye, dit-il, de tirer mon œuvre du limon de la terre. » Mais si l’on ose ce paradoxe, c’est cette simplicité même qui fait problème aujourd’hui, plus que l’invention du cubisme, « en cordée » selon ses termes avec Picasso, à partir de 1907-1908. Ses derniers tableaux, à propos desquels on pense un peu au Champ de blé aux corbeaux, la dernière toile de Van Gogh, clôturent logiquement la rétrospective au Grand Palais, en gardant leur mystère.
C’est la plus grande exposition Braque depuis quarante ans et c’est un événement considérable, retraçant un parcours de plus de soixante ans. Né à Argenteuil en 1882, et donc exactement contemporain de Picasso à quelques mois près, le jeune Braque va passer son enfance au Havre, où il suivra les cours de l’école des beaux-arts. Son père dirigeait une entreprise de peinture en bâtiment et l’on se plaira parfois à opposer leurs formations.
Les aventures les plus audacieuses
Mais Le Havre, où se constitue le cercle de l’art moderne, est alors une ville de peintres, de Boudin et Monet à Othon Friesz ou Dufy. Très vite, Braque rencontre Matisse, Derain, c’est la période des fauves, de la couleur pure. Braque peint des paysages du Midi et expose mais ce n’est qu’un passage. Peu à peu il va construire ses toiles comme en suivant l’idée de Cézanne de traiter la nature par le cylindre, la sphère et le cône. Il ajoutera les cubes, ce que notera le journaliste Louis Vauxcelles, d’où le « cubisme ». Curieusement, la rencontre de cet esprit de construction et de la peinture comme à la hache dans laquelle s’est engagé Picasso depuis 1906 va donner naissance à l’une des aventures les plus audacieuses de toute l’histoire de la peinture. Dès 1907, les deux peintres se voient tous les jours, échangent en permanence leurs expériences et leurs idées, jusqu’à l’invention des papiers collés… La guerre de 1914-18 – Braque est mobilisé – va les séparer. Braque va évoluer vers des figures et des natures mortes à la fois élégantes et complexes, puis vers l’apparente simplicité, l’évidence de ses oiseaux qui se souviennent de l’antiquité grecque comme en témoigne à l’envi un petit bol aux oiseaux du musée du Louvre, venant de Béotie, six siècles avant J.-C. Il invente des couleurs raffinées et de nouveaux espaces du tableau, de nouveaux rapports entre formes et couleurs qui vont très vite le faire considérer comme un classique. En réalité, dans un registre devenu différent, il expérimente tout autant que Picasso, que Matisse, et ce n’est pas le moindre mérite de cette expo que de le donner à voir.
- À voir : Salade, expertise d'une oeuvre
Jusqu’au 6 janvier au Grand Palais. Toutes les informations sur l'exposition, cliquez ici.
Catalogué édité par la Réunion des musées nationaux, 344 pages, 45 euros.
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22/06/2013
"L'Art nouveau, la Révolution décorative" et "Tamara de Lempicka, la Reine de l'Art déco"
Exposition : L'Art nouveau et l'Art déco : deux mouvements consécutifs et antagonistes
L'Art nouveau s'est fait en réaction à l'académisme et à une société en pleine industrialisation et l'Art déco s'est constitué en réaction et en opposition à l'Art nouveau. À partir de 1895, l'Art nouveau a joué pendant deux décennies un rôle dynamique et controversé sur la scène parisienne. Ses formes en arabesques et ses volutes finissent par s'assagir puis disparaître avant la Première Guerre mondiale pour donner naissance au mouvement Art déco, dont Tamara de Lempicka est l'icône incontestée. Mondaine, libre et théâtrale, elle développe durant les Années folles un style audacieux, qui lui confère une place tout à fait à part dans l'art moderne.
Les deux expositions présentées simultanément sur les deux sites de la Pinacothèque, permettent aux visiteurs de découvrir la première rétrospective de l'Art nouveau français et son évolution en mouvement Art déco par l'intermédiaire d'une de ses icônes, Tamara de Lempicka.
L'art nouveau, la Révolution décorative
En réaction au classicisme, l'Art nouveau n'impose aucune obligation à l'artiste. Conçu comme l'art de la liberté, il se dégage des convenances qui entravaient jusque-là la création. Les formes codifiées qui sont la caractéristique de l'académisme volent en éclats comme pour faire de l'Art nouveau un art transgressif au cœur duquel l'érotisme devient une donnée incontournable.
Conçu comme un art total, l'Art nouveau est partout, il est aussi bien peinture que mobilier, bijou, architecture et verrerie, référence à la nature, à la femme, aux plantes : l'interpénétration de tout en tout pourvu qu'elle chasse l'austérité et les règles.
Les grands noms de l'Art nouveau sont parmi les plus célèbres du tournant du XIXè au XXè siècle. Ce sont Gallé, Daum, Mucha, Majorelle, Horta, Van de Velde, Gaudí, Guimard, Lalique, Grasset, Steinlein, Ruskin, Klimt ou Bugatti. Ils bouleversent les schémas de la vie et transforment son esthétique pour la rendre agréable et décorative.
L'Art nouveau est à son apogée de 1890 à 1905. Il devient rapidement le support d'une production foisonnante qui triomphe à partir de l'Exposition universelle de 1900 et que commencent à dénoncer les " inventeurs " du mouvement. Qualifiant avec mépris l'Art nouveau de style " nouille " ou " ténia ", ses opposants suggèrent une idée de mollesse dans les images strictement ornementales et décoratives qu'il voulait imposer.
Juste avant la Première Guerre mondiale, ces critiques conduisent finalement à une évolution de l'Art nouveau vers un style nettement moins sophistiqué. Il s'affaiblit au point de devenir plus géométrique et laisse rapidement place à l'Art déco, qui prend la relève à partir de 1920. Totalement dénigré pendant plus de dix ans, c'est finalement les surréalistes qui œuvreront pour la réhabilitation de l'Art nouveau à partir des années 1930.
L'exposition est la première rétrospective de l'Art nouveau français à Paris depuis 1960. Véritable événement, elle présente plus de deux cents objets qui, dans tous les domaines de la vie et des arts, ont bouleversé l'esthétique et la pensée culturelle de la planète qui vivait alors au son du classicisme et de l'académisme depuis plus de trois siècles. Cette exposition se concentre sur les fondateurs de ce mouvement et sur ses principaux créateurs, évoquant de façon exhaustive le meilleur de leur production, à l'exception de l'architecture.
Tamara de lempicka, la Reine de l'Art déco
Alors que l'Art nouveau s'essouffle et voit ses formes évoluer vers un abandon de l'arabesque, retourner vers une géométrisation et se transformer petit à petit en ce qui s'est appelé l'Art déco, la représentation de la figure féminine va, elle aussi, connaître une évolution majeure.
De la sensualité et l'érotisme, nous allons passer à une sexualité transgressive beaucoup plus poussée. La figure de la " garçonne " comme caractéristique marquante de l'Art déco va donner à Tamara de Lempicka une position prépondérante dans ce mouvement, au point d'en faire son égérie.
La sexualité assumée de Tamara - bien que mariée deux fois, elle affiche ouvertement son goût pour les femmes et exprime librement son homosexualité - va correspondre à la volonté d'émancipation des femmes à cette époque. À l'égal de Louise Brooke ou de Joséphine Baker, Tamara de Lempicka va incarner cette image d'une femme dont le statut est équivalent à celui de l'homme.
Tamara est contemporaine de l'Art déco. Elle crée ses plus belles œuvres de 1925 à 1935. Sa carrière et sa vie sont plus que liées à ce mouvement dont elle est la plus célèbre représentante. Illustration des Années folles, d'un mode de vie, d'une forme de mondanité et de liberté de création et de pensée, elle adopte un style très particulier qui lui donne une place tout à fait à part dans l'art moderne. Inclassable, elle signe pourtant les plus beaux chefs-d'œuvre de l'Art déco.
La Pinacothèque de Paris choisit aujourd'hui de montrer l'œuvre de Tamara de Lempicka et d'illustrer la manière dont cette artiste, par ses travaux mais aussi par sa personnalité inclassable et ambiguë, va coller parfaitement à la période qu'elle incarne.
Sa vie très mondaine et théâtrale est une succession de mises en scène donnant le premier rôle à la modernité et au luxe. Ce rapport à la transgression et aux idées progressistes en fait sans doute le personnage le plus troublant du début du xxe siècle.
Jouant sans état d'âme sur les attitudes érotiques des femmes, ou tout au moins leur sensualité, elle les place néanmoins dans un univers néo-cubiste et profondément Art déco.
Visite virtuelle : l' Art nouveau à la... par FranceInfo
Informations pratiques
•L'art nouveau, la Révolution décorative à la Pinacothèque 1 - 28, place de la Madeleine - 75008 Paris
•Tamara de lempicka, la Reine de l'Art déco à laPinacothèque 2 - 8, rue Vignon - 75009 Paris
•Tous les jours, de 10h30 à 18h30 - Fermeture de la billetterie à 17h45.
11:22 Publié dans Actualités, ACTUSe-Vidéos, Arts, Connaissances | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art nouveau, art déco, exposition, pinacothèque, tamara de lempicka | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
14/08/2009
Les modernes interrogent la postérité d'Ingres
Exposition. Les œuvres d’une centaine d’artistes parmi les plus renommés toutes exposées à Montauban témoignent de la modernité du grand portraitiste, du maître des baigneuses et odalisques.
Montauban (Tarn-et-Garonne).
« Quel meilleur commentaire d’une œuvre d’art qu’une autre œuvre d’art ? »
Exceptionnelle par son ampleur et sa démarche, l’exposition « Ingres et les modernes » qui se tient actuellement à Montauban met en scène une judicieuse confrontation d’œuvres, plus de deux cents venues du monde entier, et interroge sur la postérité du maître du Bain turc et de la Grande
Odalisque. Les créations d’une centaine de plasticiens et dessinateurs parmi les plus renommés comme Picasso, Dali, Robert Rauschenberg, Francis Bacon, David Hockney, Martial Raysse, Marcel Duchamp, les plus actuels aussi (Nancy Lang, Invader, Guerrilla Girls) voisinent avec des pièces maîtresses de Jean-Auguste Dominique Ingres. Ni faire-valoir, ni simple copie, elles reprennent ou s’inspirent de thèmes, de tableaux, d’études d’Ingres pour s’y coltiner avec respect pour certains, avec insolence ou provocation pour d’autres.
Toutes ces créations révèlent, confirment et rendent hommage à leur manière à la modernité du maître de Montauban, trop souvent catalogué comme académique, enfermé entre classicisme et romantisme. « Ce que son art contient de pouvoir de déformation, de simplificateur, de chatoyant, d’érotique, de bizarre, de cocasse a pu être ainsi sans dommage successivement ou simultanément exploité : chacun son Ingres », écrit Jean-Pierre Cuzin, conservateur général du patrimoine et l’un des trois commissaires de l’exposition .
Des œuvres de Picasso, Matisse, Martial Raysse, Julio Pomar, mais aussi Miss.tic, Kathleen Gilge et d’autres modernes montrent comment ils ont été influencés par la Grande Odalisque ou, tout aussi audacieuse, Odalisque à l’esclave. Considéré comme un génie de la peinture, mais aussi comme un artiste « dérangeant » tel que le qualifiait Baudelaire, Ingres a toujours intrigué les surréalistes par son côté bizarre, par les audaces plastiques des corps peints, par son érotisme fortement suggéré.
Des œuvres comme la Source, Mademoiselle Rivière, des études pour le Bain turc ont été étudiées, décortiquées, reprises par ricochet ou détournées par d’autres grands, également exposés à Montauban : Joan Miro, Raoul Dufy, Salvador Dali, Yasumasa Morimura, René Magritte, Robert Rauschenberg, Marcel Duchamp, Francis Bacon.
Florence Viguier-Dutheil rappelle que cette manifestation « provoque ce pourquoi l’art est fait, à savoir du plaisir, de la stupeur, de l’étonnement ». Rendue possible grâce à une collaboration fructueuse avec le musée du Louvre, cette exposition majeure a mobilisé quelque 115 collections publiques et privées. Elle est coproduite par le musée Ingres de Montauban et le musée national des Beaux-Arts du Québec.
Alain Raynal, pour l’Humanité, photos et vidéos : E-Mosaïque
10:09 Publié dans TV E-MOSAIQUE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ingres, exposition, montauban, moderne | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |