Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/12/2015

Fatéma Hal   : «  La vraie révolution, 
c’est de ne pas laisser nous priver d’espoir  »

faheta.jpg

Cheffe du restaurant marocain
 Le Mansouria à Paris, Fatéma Hal privilégie le lien. Pour elle, la cuisine 
a un rôle politique, économique, 
social et culturel.

Quel est pour vous le rôle de la cuisine ?

Fatéma Hal Ce n’est pas qu’une affaire de recettes, ni une affaire de femmes, comme si elles n’étaient intéressantes que dans la cuisine. Ce qui m’intéresse depuis trente ans dans la cuisine, c’est son rôle politique, économique, social et culturel. Je mets culturel à la fin parce que très souvent, on la réduit à ça. Elle a ce rôle de partage et par les temps qui courent, on en a vraiment besoin mais en même temps, on ne dit pas d’oublier le rôle qu’elle joue sur l’économie, la politique, le social. Il fut un temps, des guerres étaient déclenchées pour une poignée de poivre. Dans la balance commerciale, l’agroalimentaire arrive juste après l’armement. Quand on parle de blé, de sucre ou de la famille, c’est économique et politique. On ne peut pas saucissonner tous ces points. Ce qui m’intéresse dans la cuisine, c’est quand elle me parle, me raconte une histoire. Même dans les situations les plus dures, ou même pendant les guerres, la cuisine est l’un des derniers liens qui restent forts. Lorsqu’on mange ensemble, même si l’on n’est pas d’accord, il reste la possibilité du dialogue. Il faut utiliser ce rôle social. L’aspect culturel parle de notre histoire, de notre évolution humaine depuis l’invention du feu, qui est la vraie grande révolution.

Vous êtes ethnologue. Comment êtes-vous passée en cuisine en 1985 ?

Fatéma Hal Très exactement le 31 décembre 1984. En fait, c’était une question de survie. Je n’avais que des contrats à durée déterminée. En ouvrant mon restaurant, je me suis rendu compte à quel point le rapport avec les clients, le rapport avec la mémoire, comme d’aller rechercher des vieilles recettes oubliées, faisaient du restaurant un éclairage sur tout ce qu’il me restait à apprendre. Ce que l’on me donnait, c’était à moi ensuite de le donner. J’ai compris ce rôle comme un jeu de balle : vous lancez la balle, elle rebondit et on vous la relance. J’apprends et je transmets, c’est pour moi fondamental. Mon travail, c’est trouver les recettes qui ont disparu et préserver celles qui risquent de disparaître. J’ai dû en faire une quinzaine de livres. J’espère avoir assez de temps de vie pour finir ce travail pour voir ce qui me lie aux autres dans la cuisine. J’ai ouvert ce restaurant pour être libre, assurer la vie de tous les jours, nourrir mes enfants, payer mon loyer. Quand on règle les problèmes élémentaires, par la suite chacun prend un chemin. Le mien est axé sur la cuisine du lien. Il faut remettre les choses dans le contexte de 1984. J’étais très militante féministe, féministe je le suis toujours. J’ai mis, comme on dit en français, un peu d’eau dans mon vin. Avant, tous les pauvres étaient fantastiques et tous les riches malfaisants. Les gens de gauche d’un côté, ceux de droite de l’autre. Aujourd’hui, ce sont les individus qui m’intéressent et ce qu’ils font, ce qu’ils ont envie de faire. Parfois, je me dis que les associations devraient travailler plus sur la création d’entreprise et la formation. Je pense que par le travail viennent la liberté et le respect de soi.

Que pensez-vous des émissions de cuisine à la télévision ?

Fatéma Hal La cuisine a un côté spectacle quand elle passe à la télé, c’est le côté que j’aime le moins. Les concours ne m’ont jamais intéressée parce que dans la cuisine, c’est ce qui lie les gens entre eux qui m’intéresse, pas de se retrouver les uns contre les autres. Je préfère les uns avec les autres. Bien sûr, cela fait plaisir de voir des gens talentueux, des chefs étoilés quand ils montrent leur savoir-faire à partir de choses simples ou compliquées. Ce qui m’attriste, c’est quand on ne voit pas les côtés que je viens d’évoquer. Et si je participe à une émission ou à un jury, c’est plus pour encourager. Dans la cuisine, nous sommes dans la transmission, l’apprentissage. Celui qui ne sait pas doit comprendre qu’il lui faut travailler. La compétition ne m’ennuie pas dans le sport, elle m’ennuie dans la cuisine. Les deux n’ont pas le même rôle. Si on ne fait pas de sport, on est moins en forme, si on ne mange pas, on meurt.

La malbouffe vous touche-t-elle ?

Fatéma Hal Le travail en cuisine est très dur. Beaucoup de restaurants ouvrent avec des gens peu formés. La plupart ne cuisinent pas. Ils achètent des produits qu’ils assemblent. Je suis maître restaurateur, je défends le métier de cuisinier. On épluche, on coupe et on travaille le produit. Chez moi, pas de congelés hormis la glace et les crevettes, très difficiles à acheter très fraîches, ni de sous-vide, que du frais cuisiné tous les jours. Nous faisons notre pain et nos pâtisseries sans colorants et sans additifs. On ne peut mieux manger que quand on respecte le produit, la provenance, la proximité. Par chance, on trouve tout à Paris. Ce n’est pas une ville, c’est un continent. Il suffit de changer de quartier pour changer de ville, de pays, on a cette chance-là. Je ne suis ni naïve, ni aveugle. Je vois bien que le monde est à l’envers. La seule vraie révolution, c’est de ne pas laisser nous priver d’espoir. Nous, petits restaurateurs, nous pouvons à notre niveau rendre les gens heureux. Quand on fait la cuisine, on ne peut pas manger seul, sinon on ne cuisine pas. Tous les pays sont meurtris. Le rôle de la cuisine et des cuisiniers est dans ce contexte important. Donner un tout petit peu de bonheur tous les soirs, c’est notre utilité.

Fatéma Hal a fait des études de littérature arabe et d’ethnologie. Arrivée en France à 17 ans, elle suit les cours à Paris-VIII, l’université de Vincennes, écoute Bourdieu, Lacan, l’ethnologue Camille Lacoste. Elle apprendra son premier métier avant d’ouvrir son restaurant
de gastronomie marocaine, le Mansouria (en hommage à sa mère), à Paris en 1984. Depuis, elle traque les recettes anciennes et oubliées dans toutes les régions 
du Maroc, carrefour 
des civilisations berbère, africaine, arabo-andalouse, juive, européenne, chinoise… Toujours sur la trace 
des épices qu’elle magnifie dans sa cuisine au 11, rue Faidherbe (Paris, 11e). 
Où l’on découvre que 
la cuisine marocaine, 
ce n‘est pas seulement 
les couscous et les tagines. Elle est l’auteure de nombreux ouvrages dont le Grand Livre de la cuisine marocaine (Hachette, 25 euros) ou les Saveurs et les gestes (Stock, 48 euros).

Les chefs mettent les pieds dans le plat
Entretien réalisé par Claude Baudry
Lundi, 21 Décembre, 2015
L'Humanité
 
Google-Translate-English to French Traduire français en German  Traduire français en Italian Google-Translate-English to Japanese BETA  Traduire français en Portuguese  Traduire français en Russian  Traduire français en Spanish Traduire français en Arabic  Traduire français en danish Traduire français en Greek
 

Fatéma Hal, Cheffe restaurant

La recette de la mourouzia

Une recette qui date du XIIe siècle 
(elle a subi quelques changements dans cette belle traversée).

Ingrédients (pour 6 personnes)

  • 1 kg d’agneau coupé en morceaux dans l’épaule.
  • 2 oignons
  • 300 g de raisins secs
  • 150 g d’amandes émondées
  • 2 c. à soupe de smen (beurre clarifié)
  • 2 c. à café de ras el-hanout
  • Une pincée de filaments de safran
  • 2 c. à soupe d’huile
  • 1/2 c. à café de sel
  • 1 c. à soupe d’eau de fleur d’oranger
  • 5 verres d’eau
  • 100 g de miel
  • 6 boutons de rose pour la décoration.

Préparation : 20 minutes

Cuisson : 2 heures

  • Dans un saladier, mettre les raisins secs avec l’eau de fleur d’oranger, couvrir d’eau tiède et les laisser se réhydrater pendant une heure. Émonder les amandes en les plongeant dans l’eau bouillante et les sortir dès qu’elles remontent 
à la surface. Avec du papier absorbant ou une serviette en tissu, enlever la peau.
  • Dans un bol, mélanger le sel, le poivre, le safran, le ras el-hanout et un grand verre d’eau. Enduire la viande de la moitié de ce mélange. Placer les morceaux dans une marmite en fonte avec l’huile et le reste d’eau, l’oignon râpé, le smen (beurre clarifié) et les amandes émondées. Porter à ébullition, goûter et ajuster
le sel à son goût. Laisser cuire à feu doux pendant une heure et vérifier de temps en temps la sauce, ajouter un peu d’eau si nécessaire.
  • Égoutter les raisins secs et les ajouter à la viande ainsi que l’autre moitié
des épices.
  • Laisser cuire encore une heure puis verser le miel et maintenir à petit feu
jusqu’à ce que les amandes et les raisins soient caramélisés.
  • Servir chaud en entourant la viande des amandes et des raisins et planter 
un bouton de rose sur chaque morceau de viande.

11:35 Publié dans Connaissances, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fatéma hal, cheffe restaurant | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!