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18/09/2016

Inès Safi, la diplomate de l’islam

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Publié par LE MONDE

Polytechnicienne et croyante, cette chercheuse en physique quantique veut jeter des ponts entre les cultures. Dans le cadre du Monde Festival, elle a participé à un débat sur la place des femmes dans l’Islam .

Questionner ses propres certitudes. Tel est le leitmotiv d’Inès Safi, chercheuse au CNRS en physique théorique. Ce questionnement permanent, elle ne l’applique pas qu’à son métier, mais à toute son existence, et en particulier à sa foi. Car cette ancienne élève de l’Ecole polytechnique ne fait pas mystère de son attachement à la religion musulmane, qu’elle a paradoxalement redécouverte en quittant sa Tunisie natale.

Née à Sfax en 1967 dans une famille de la classe moyenne – ses parents sont enseignants dans le domaine paramédical –, Inès Safi manifeste tôt un vif intérêt pour les sciences et les lettres, arabes et françaises. Lycéenne brillante, elle participe aux Olympiades de mathématiques et termine major du classement national tunisien, ce qui lui permet d’obtenir des bourses pour poursuivre ses études à l’étranger. Elle opte pour une prépa scientifique au prestigieux lycée Sainte-Geneviève de Versailles (« Ginette »), dans les Yvelines. C’est là, au contact de camarades qui la questionnent sur sa culture, qu’elle approfondit sa connaissance de l’islam. Car si, dès ses 12 ans, elle prie seule dans sa chambre, ce qui l’intéressait alors, ce n’était pas le dogme, « mais le recueillement ». A Ginette, elle se lance dans le dialogue interreligieux. Elle le poursuivra à l’X, qu’elle intègre en 1987.

C’est lors d’une année d’études à l’université Rutgers (Etats-Unis) qu’elle se spécialise dans la physique quantique… et qu’elle se rend pour la première fois dans une mosquée, fréquentant une communauté musulmane ouverte et raffinée, notamment aux côtés de la féministe Mohja Kahf – aujourd’hui professeure de littérature comparée et écrivaine. A son retour en France, elle enchaîne doctorat et post-doctorat en physique quantique, avant d’entamer une carrière au CNRS – ses travaux sont reconnus sur le plan international. Ce qui la passionne dans cette discipline, c’est qu’elle « pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses ». Et de faire l’éloge de la « perplexité », notion qui lui est chère et qui l’invite, dit-elle, à aller au-delà du dogmatisme. Benoît Douçot, directeur du laboratoire de physique théorique (CNRS), est impressionné par « son indépendance d’esprit » : « Il est très rare, dans notre domaine, de rencontrer des personnes qui allient à la fois sûreté de jugement, regard critique et esprit de dialogue. »

« Le choc des ignorances »

Dans un milieu professionnel masculin, le profil d’Inès Safi détonne. Et si l’on reproche fréquemment à l’islam d’entretenir un rapport compliqué à la rationalité… et aux femmes, la chercheuse prouve que l’on peut être femme, musulmane et parvenir au meilleur niveau scientifique. Sans rien renier de sa foi. En 2005, elle se joint au groupe de recherche « Science et religion en islam », dirigé par l’astrophysicien Bruno Guiderdoni. « J’aime ouvrir des portes entre la science et la foi », confie-t-elle.

« Aujourd’hui, nous connaître mutuellement n’est guère une option, mais le fondement même du cheminement. »

C’est aussi entre les peuples qu’elle souhaite jeter des ponts. Assumant sa double culture, orientale et occidentale, Inès Safi s’efforce de déconstruire les préjugés qui sapent notre société. « Je réfute l’idée d’un “choc des civilisations” », s’insurge-t-elle, lui opposant le « choc des ignorances » entre ceux qui « favorisent des orientations sectaires et rétrogrades de l’islam » et ceux qui « portent le drapeau de l’islamophobie ou qui font croire qu’il existerait un déterminisme islamique ». Elle poursuit : « Aujourd’hui, nous connaître mutuellement n’est guère une option, mais le fondement même du cheminement. »

Inès Safi appartient désormais à l’élite musulmane française, même si elle conteste le terme. Bariza Khiari, la sénatrice de Paris, s’en réjouit : « Dans le contexte actuel, Inès mérite d’être entendue au-delà du cadre scientifique. » L’intéressée fait tout pour. Elle répète que les musulmans peuvent « s’engager concrètement dans la société » tout en revivifiant leur propre tradition, qu’elle distingue de « certaines coutumes vides de sens ». Mais elle critique aussi « l’arrière-pensée coloniale » qui imprègne parfois les mentalités.

« On ne pourra résoudre la crise actuelle si l’on continue à nier l’apport de la civilisation islamique à l’Occident, ou à accuser l’islam de tous les maux. Il n’existe pas qu’un seul islam : comme toutes les religions, il est composé de multiples courants. » Sur tous ces sujets qui divisent profondément la société française, la jeune femme se distingue par son refus des propos clivants ou agressifs. Quitte à passer pour trop consensuelle. « Si j’évite les invectives, répond-elle, c’est pour que le dialogue entre musulmans et non-musulmans ne soit pas rompu, et que je puisse continuer à parler aux uns et aux autres sans que mes propos soient disqualifiés. »

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12:06 Publié dans Connaissances, Histoire, Inès Safi, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : islam, ines safi, peuple | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

20/07/2016

Inès Safi : "Pour en finir avec le choc des ignorances"

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Chercheuse au CNRS en physique théorique, et dialogue entre sciences et foi, Inès Safi souligne l’urgence d’une éthique des rapports économiques, géopolitiques et écologiques pour rétablir une confiance entre tous.

Les adeptes du choc des civilisations semblent valider leur théorie à travers l’actualité tragique. Or, nous pourrions nous demander si ces tragédies n’ont pas été attisées par l’adoption de cette théorie, qui ne serait qu’une hypothèse erronée, donc une des facettes de l’ignorance résidant au cœur de l’intolérance.

Ne doit-on pas plutôt défendre la théorie du choc des ignorances, dont la multiplicité procède de la diversité de leurs modalités et de leurs alliances ? D’une part, les modalités de ces ignorances se manifestent dans la désinformation et les mensonges qui manipulent l’actualité et l’histoire, en générant parfois des guerres, ainsi que dans l’essentialisation et le réductionnisme desséchants opérés sur les êtres, les courants de pensée et les religions. D’autre part, les alliés de ces ignorances sont légions : extrémistes religieux ou antireligieux, marchands d’armes et financiers avides de gains, ou politiciens et dictateurs assoiffés de domination. Et la liste n’est pas exhaustive… 

Il est possible de distinguer, d’une façon schématique et simplifiée, deux camps regroupant des « combattants » qui se croient adversaires, alors qu’ils sont en réalité solidaires : d’un côté, ceux qui portent des visions sectaires et rétrogrades de l’islam ; de l’autre, ceux qui portent le drapeau de l’islamophobie savante et virulente, tout en adoptant la position du premier camp selon laquelle il n’existe qu’une seule lecture possible de l’islam. Les ignorances de ces deux camps forment alors des miroirs mis en abyme, qui réduisent symétriquement l’islam à des textes scripturaires facilement accessibles et déchiffrables par la logique, révélant une charia qui exclut les infidèles de la félicité. À travers cette réduction à un seul moment historique et à un socle unique, ils sapent toutes les interactions de l’islam avec son passé et ses environnements, ainsi que son évolution dynamique ouverte, ses ramifications en une multitude de modes de vie, de pensée, d’expressions foisonnantes, qu’elles soient artistiques, culturelles, scientifiques ou philosophiques.

Ces deux camps sont d’autant plus solidaires qu’ils ignorent les innombrables écoles de la spiritualité profonde de l’islam en tant que religion de l’Amour, où la diversité des voies est perçue comme un ensemble des chemins menant vers le même sommet, où chaque créature représente une manifestation sacrée de la Beauté. Ces ignorances communes procèdent en fait d’une loi commune : la soumission aveugle à la logique du tiers-exclu, qui empêche même ceux qui sont adeptes d’une religion d’accéder à la spiritualité.

Un cercle vicieux

Les deux camps s’enferment de surcroît dans un cercle vicieux d’action-réaction où chacun alterne entre le rôle de bourreau et celui de victime, et alimente son ignorance de l’autre, du rejet de l’autre, et vice versa. Car l’ignorance entraîne la peur de celui que l’on méconnaît ; la peur conduit à la haine et au rejet de celui qui devient une menace ; et cette haine et ce rejet entraînent la diabolisation et la diffamation qui justifient à leur tour les combats de diverses natures, ce qui amplifie encore l’ignorance, et ainsi de suite. Je n’énonce qu’une simple évidence si je rappelle que l’antidote à l’ignorance est la connaissance. Mais les ignorances étant multiples, tout comme leurs modalités et leurs alliances, les connaissances devraient l’être tout autant.

Chacun a besoin de connaître autrui, mais aussi de se connaître soi-même, de s’aimer soi-même et d’aimer autrui. Il est important de mieux connaître les religions et les cultures de ceux que l’on côtoie, tout en accédant à sa propre culture et à sa propre religion, et en prenant conscience de leurs intimes relations et interactions passées et actuelles. Il serait alors crucial de créer des modes d’accès à ces richesses, indépendamment de la propagande et de la démagogie des détenteurs des pouvoirs économiques et religieux.

Il est clair que le monde occidental (dont les contours sont certes mal définis) a aussi une responsabilité de taille dans le combat contre l’ignorance qui ne fait qu’empirer dans ses rangs, par le dédain porté aux joyaux spirituels, poétiques et littéraires islamiques qui ont façonné sa propre culture ; ces lacunes émanent d’une volonté d’hégémonie coloniale passée ou même présente.

Aussi, les domaines de la culture, du savoir et des sciences ont besoin d’être libérés d'une forme de « rationalité pratique » généralisée et normative à tous les champs de la vie, qui voit la domination exclusive d'un paradigme économique selon lequel l'humain devient une variable d'ajustement, et les plus faibles, des sources de profit auxquelles les puissants n’appliquent plus leurs prétendues valeurs. La justice est essentielle pour rétablir la confiance, qui est une des conditions de la connaissance réciproque. Et la connaissance générant plus de confiance, nourrit à son tour un cercle vertueux. Cette connaissance implique le respect des valeurs, sans discrimination, et un traitement équitable en termes de savoirs, d’informations ou de répartition des territoires et des richesses. Une éthique des rapports économiques, géopolitiques et écologiques devient d’une grande urgence.

La belle mosaïque de l’œuvre divine

D’un point de vue musulman, nous sommes appelés à changer ce qui est en nous-mêmes afin que Dieu change notre état, pour paraphraser un verset coranique. En particulier, en remédiant à l’ignorance qui sévit, et pour contrer la wahhabisation des esprits. Il ne s’agirait alors pas seulement de modalités d’acquisition rationnelles du savoir, mais de celles qui relèvent de l’expérience et du goût. Il est primordial de plaider en faveur de la revivification de la véritable tradition (à différencier des coutumes vides de sens) et de la réouverture des voies de connaissance par le cœur.

Le mystique soufi Al-Ghazâlî (1058-1111) écrivait : « Celui dont l’œil du cœur n’est pas ouvert ne perçoit de la religion que l’écorce et l’apparence, non le fond et la réalité » (Kitâb al-‘Ilm – Le Livre de la science). Un pilier primordial de cette connaissance est le tawhîd, l’Unicité, au sein de laquelle notre essence est une à un niveau de réalité au-delà du monde sensible. Le tiers-exclu est ainsi dépassé, car les différences sont en fait des contingences, et la multiplicité s’intègre harmonieusement dans l’Unicité : « Toutes les formes sont des images reflétées dans l’eau du ruisseau. Lorsque tu te frottes les yeux, en réalité, toutes sont Lui » (Rûmî, poète du XIIIe siècle).

Toute créature est lieu de manifestation divine, dont l’amour et la connaissance est un chemin inévitable vers l’Amour et la Connaissance de Dieu, l’ultime but de la réalisation spirituelle. « Ô vous, êtres humains. Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous reconnaissiez les uns les autres » (Coran 49, 13). Le but primordial de cette différentiation entre homme et femme, ou entre peuples, la connaissance ou la reconnaissance, ne se réduit pas ici à faire simplement « connaissance ».

C’est que l’être distinct me ramène à des vérités que je ne percevrais pas seul : il est pour moi un miroir où se reflètent des attributs divins qui complètent ceux qui se manifestent en moi. Aimer et connaître ceux qui sont différents n’est guère une option : c’est un fondement même du cheminement. Reconnaître l’unité derrière la multiplicité, la proximité derrière l’altérité, c’est contempler cette diversité des formes sans laquelle la belle mosaïque de l’œuvre divine perdrait son sens. Connaître cette mosaïque est aussi une manifestation de notre amour : car l’amour de la Connaissance a pour terme la connaissance de l’Amour.

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22/10/2014

Pour un dialogue des cultures, antidote aux fractures

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L’Europe a tout intérêt à ce que l’accouchement de la démocratie au sud de la méditerranée se fasse sans douleur. Son centre de gravité est déplacé vers le nord où le taux de natalité est affaibli. Sa partie sud patauge. Ses interventions militaires et par la vente d’armes à la fois à des rebelles et à des dictateurs n’ont fait que  déclencher et entretenir des séismes dont les ondes continuent à se propager. Et qui l’affectent à son tour aussi, cela est inévitable.
 
Que les pays du sud continuent à plonger dans le chaos risquerait de renforcer la ligne de fracture sud nord, à la fois par le rejet à travers les nationalismes, et par des décisions de protection. Et ne ferait que renfermer l'Europe dans ses tranchées. Vis-à-vis de sa population issue de l’immigration, cela ne saurait que nourrir le cercle vicieux de la précarité et de l’exclusion.
 
Une partie de la jeunesse issue de l’immigration est tiraillée entre, d'un côté, des racines méconnues ou mal connues et, de l'autre, un pays qui leur renvoie une image dévalorisante. Le choix se fait alors souvent entre un reniement des origines ou une radicalisation et rejet de ceux qui les rejettent.
 
Mais il y a aussi une fraction non négligeable souvent oubliée dans les statistiques et au sein de l'imaginaire occidental : ceux qui sont hautement qualifiés, des cerveaux en fuite. Certains d'eux sont moins visibles car ils coupent leurs liens pour devenir les bons élèves de l’assimilation.
 
Ils forment un apport humain qui s’ajoute aux richesses matérielles et économiques qu’apportent les pays du sud. Un apport global souvent ignoré par l’opinion publique, alors qu’il saurait modérer le racisme ambiant.

orient3.jpgMais l’ignorance concerne un autre apport tout autant essentiel. Celui de la civilisation arabo-islamique à la renaissance de  l'Europe. Sa culture florissante avait affecté tous les domaines et a fait émerger des thèmes essentiels tel que l’amour courtois et la poésie qui l’accompagnait, l’éthique politique et l’organisation étatique, les arts, ainsi que le raffinement dans les champs culinaire, vestimentaire, ludique, sans parler des apports  scientifique et philosophique.

C’est par l’accès à cette culture valorisant la beauté et le féminin dans leur dimension sacrée que nous saurions apporter des antidotes aux crispations identitaires. D’une part, cela réorienterait des jeunes issus de l’immigration vers la « bonne adresse », leur permettant de construire une confiance en eux, de s’affirmer et de s’émanciper.

Cette réorientation est nécessaire pas seulement pour les défavorisés parmi eux, mais aussi pour l’élite formée dans un moule occidental et qui devient porte parole d’une islamophobie virulente. D’autre part, cela permettrait de sortir les xénophobes de leur mythe d’une identité européenne pure qui n’aurait jamais interagi avec l’Islam, présenté comme ennemi déclaré depuis toujours.  

ines11.jpgIl est urgent de réviser l'histoire afin de prendre conscience que les échanges au sein de la méditerranée avaient dépassé les conflits dans le passé, mais furent aussi économiques et culturels. Cela nous aiderait à nous en inspirer, afin que les pays du sud ne soient plus perçus comme des sources de gain économique et des marchés de marchandises et d’armes à conquérir, mais bien des partenaires égaux d’un dialogue culturel et une source d’enrichissement, comme ils le furent auparavant.  

Ines Safi : Née en Tunisie, Inès Safi est diplômée de l’Ecole Polytechnique de Palaiseau et chercheuse CNRS en théorie de la matière condensée, au Laboratoire de physique des solides à Orsay, où elle étudie des système de taille nanométrique.

18/07/2014

Cette propagande qui transforme le bourreau en une victime

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Hier 25 morts et 200 blessés dont plusieurs handicapés à vie... Dont une famille entière décimée...Qui dira et répétera les noms des enfants tués? Qui leur allumera des bougies en les pleurant? Qui qualifiera ces crimes de terrorisme aveugle?

Par Inès Safi (1)

ines4.jpgMes chers amis,
Je m'excuse si je ne trouve pas la force d'évoquer des roses et des rossignols ce matin... Gaza est sous les feux.. Certes, l'Irak et la Syrie sont en deuil aussi, formant des terrains minés par des puissances occidentales et les monarchies du golfe qu'elles ont créées dans le passé... Mais l'injustice criante qui perdure en Palestine est une plaie qui saigne depuis des décennies, qui s'infecte et répand ses microbes partout dans le monde...

Je suis frappée par la propagande qui transforme le bourreau en une victime qui se défend... Par les journaux qui décrivent en détail le type de roquettes palestiniennes même quand elles ne font pas de victimes, mais ne s'intéressent guère à la nature des bombardements isaréliens, ni des victimes palestiniennes..

Hier 25 morts et 200 blessés dont plusieurs handicapés à vie... Dont une famille entière décimée...Qui dira et répétera les noms des enfants tués?

Qui leur allumera des bougies en les pleurant?

Qui qualifiera ces crimes de terrorisme aveugle?

Et toi mon compatriote européen, pourquoi si peu de compassion envers l'arabe, que je suis aussi?

Peut être qu'en te rappelant que des palestiniens chrétiens sont aussi des victimes, tu te sentirais plus révolté, comme si la religion devrait nous séparer en clans solidaires?

Peut être que je devrais te montrer des enfants palestiniens blonds ensanglantés afin que tu te sentes touché?

Crois tu vraiment qu'Israel est un prolongement de l'Europe, chose d'ailleurs quasiment officielle, en tout cas pour les contrats européens qui couvrent mon domaine de recherche?

Pourquoi aurais tu froid au dos en entendant "Etat islamique", alors que répéter "Etat Juif" ne te choque guère?

Pourquoi te sens tu agacé devant un drapeau qui porte la shahada, alors que tu te sens familier avec un drapeau récupérant l'étoile de David, symbole universel y compris en islam, que s'approprie un sionisme qui n'a rien de spiriituel?

Bien au contraire, te voici y voir un allié très cher, qui se prétend le rempart des pays civilisés contre les barbares...

Pourquoi acceptes tu que la barbarie meurtrière que tu as causée dans le passé soit payée par des palestiniens qui doivent céder leurs terres, leurs maisons, leurs âmes, leurs enfants?

Réveille ta conscience, mon compatriote, libère toi de ce mépris hérité des croisades.. Rappelle toi qu'au cours de ces croisades les chrétiens arabes de Jerusalem furent massacrés, et ne voyaient guère dans ces croisés barbares, leurs bourreaux, des frères..

Saches que c'est Omar ibn AlKhattab qui avait permis aux familles juives de s'installer à Jerusalem.. Que des juifs arabes ont été ministres (dont l'arrière grand père d'un ami physicien premier mlinistre ottoman), médecins, philosophes, poètes, baignant dans la même culture, et que leur émancipation ou déclin était intimement liés à celui de leurs frères musulmans.. Une culture dont tu as pleinement profité, révolutionnant tes moeurs, te faisant découvrir l'amour courtois et le rafinnement...

Ce n'est pas la religion qui nous divise, c'est la colonisation, tout simplement..

(1) Inès Safi : Née en Tunisie, Inès Safi est diplômée de l’Ecole Polytechnique de Palaiseau et chercheuse CNRS en théorie de la matière condensée, au Laboratoire de physique des solides à Orsay, où elle étudie des système de taille nanométrique.

Reconnue sur le plan international notamment pour son expertise dans les systèmes unidimensionnels, elle s’intéresse aussi, depuis quelques années, aux significations de la mécanique quantique, ainsi qu’aux questions éthiques et environnementales posées par la science.

Elle est invitée à divers colloques et débats sur le thème « science et religion ».