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22/07/2014

« L’appel au cessez-le-feu doit être entendu »

Egaza.jpgntretien. Chef de la diplomatie luxembourgeoise, Jean Asselborn s’est rendu à Gaza il y a quelques semaines. Pour lui, c’est le vide politique créé par l’échec des négociations qui fait le lit de la violence.

Vous étiez il y a quelques semaines dans la Bande de Gaza. Comment expliquez-vous l’engrenage meurtrier dans lequel est à nouveau pris ce territoire palestinien ?
Jean Asselborn: Le gouvernement israélien est déterminé à pousser jusqu’au bout la logique militaire et uniquement militaire à Gaza, dans le but d’y éliminer le Hamas. De l’autre côté, l’autorité palestinienne semble malheureusement déboussolée, sans prise sur les événements. C’est ce qui a poussé le président Abbas, dimanche, à demander à l’ONU de placer les territoires palestiniens sous protection internationale.

Personne ne peut justifier les tirs de roquettes vers Israël. Mais on ne peut pas comprendre ce qui se passe à Gaza sans prendre en considération la situation humanitaire. En un mot, sans les Nations-Unies, Gaza ne pourrait pas exister. Sur 1,7 millions de personnes vivant sur un territoire qui représente 1/7 de la surface du Luxembourg, 800 000 personnes dépendent de l’ONU pour leur survie. Dans ce territoire sous siège depuis sept ans, plus de 60% de la population a moins de 18 ans. Ces jeunes n’ont aucune perspective. Lorsque l’on vit dans de telles conditions, on est poussé vers la violence. Depuis le début de l’offensive militaire, 80% des morts sont des civils, dont de nombreux enfants. Même des handicapés ont été touchés. L’appel de la communauté internationale à un cessez-le-feu doit être entendu. Rappelons qu’en 2012, le Hamas et Israël avaient négocié un cessez-le-feu.

L’échec de l’initiative américaine pour remettre les deux parties autour de la table de négociations explique-t-il ce nouveau cycle de violence ?
luxembourg.jpgJean Asselborn: Au mois de mars, l’initiative de John Kerry a été bloquée par le refus israélien de libérer la quatrième tranche des prisonniers palestiniens. Depuis, un vide politique s’est creusé. Lorsqu’on ne négocie plus, c’est la violence qui s’installe.

La poursuite de la colonisation est-elle en cause ?
Jean Asselborn: C’est évident. L’initiative de John Kerry a coïncidé avec une poussée énorme de la colonisation, le gouvernement israélien donnant son feu vert à la construction de 14000 nouveaux logements en Cisjordanie. C’est une façon de s’approprier une grande partie des territoires palestiniens, pour rendre impossible l’existence d’un Etat palestinien contigu. Certains responsables politiques israéliens défendent même à la Knesset l’appropriation par Israël de la zone C (62% de la Cisjordanie). Les négociateurs palestiniens ont fait preuve de bonne volonté. Ils avaient vraiment l’intention de parvenir à un accord sur la base des frontières de 1967. Il est clair que cette question des colonies explique l’échec de l’initiative américaine. Si du côté israélien, tout le monde n’est pas sur une ligne dure, certains ministres du gouvernement Netanyahou refusent la solution de deux Etats.

Benjamin Netanyahou veut-il faire voler en éclat l’accord sur un gouvernement palestinien d’entente nationale incluant le Hamas ?
Jean Asselborn: J’étais très heureux des réactions européenne et américaine qui ont accueilli cet accord. La réconciliation palestinienne est un préalable à la tenue de nouvelles élections. Les Israéliens eux-mêmes ne reprochaient-ils pas au président Abbas de parler au nom d’une partie seulement du peuple palestinien ? Pour des raisons tactiques et stratégiques, le gouvernement israélien n’a pas accepté cette démarche. Il y avait pourtant là l’occasion de voir se constituer, par delà les positions des uns et des autres, un gouvernement qui aurait représenté tout le peuple palestinien. Un gouvernement palestinien doit bien sûr reconnaître le droit à l’existence d’Israël. C’est clair. Mais il n’y a eu aucun signal, laissant présager que tel ne serait pas le cas. La réaction de M. Netanyahou est compréhensible à court terme mais elle est, à mon avis, fatale à moyen et à long terme. La sécurité d’Israël ne sera assurée que lorsque les Palestiniens pourront vivre en paix dans un Etat souverain. J’ajoute que ce qui se passe en ce moment à Gaza ternit de manière tragique l’image d’Israël, singulièrement dans le Tiers-monde. Israël, qu’on le veuille ou non, c’est aussi l’Occident, avec toutes les connotations négatives que cela peut impliquer.

La diplomatie européenne renvoie une image de passivité dans cette crise…
Jean Asselborn: Lorsque John Kerry nous a exposé sa démarche, nous avions sincèrement l’espoir de voir se dégager des solutions sur les points capitaux : les frontières, Jérusalem, les réfugiés. Les Américains nous ont demandé de les laisser mener les négociations sans interférer directement ou indirectement. L’Europe n’avait pas d’autre choix. Nous avons soutenu Kerry, nous avons soutenu Tzipi Livni et Saeb Erekat pour aller de l’avant. Au fil du temps, le dialogue s’est grippé. Aucun accord ne se dégageait. Ni sur les points essentiels ni sur les détails. Jusqu’au clash de la quatrième tranche de libération des prisonniers.

Quels leviers diplomatiques pourraient obliger Israël à cesser la colonisation ?
Jean Asselborn: Il faut d’abord que la paix revienne. Sans cessez-le-feu, personne ne peut reprendre le chemin de la négociation. La volonté du président Abbas de ratifier soixante conventions, l’adhésion de l’Autorité palestinienne à la Cour pénale internationale sont autant de démarches utiles, mais rien ne peut remplacer des négociations. Si celles-ci devaient redémarrer d’ici la fin de l’année sous quelque forme que ce soit, le gouvernement israélien devrait démontrer la volonté de parvenir à une solution à deux Etats. Ce qui implique de mettre un terme à la colonisation. Les Israéliens devraient avoir une autre conception de leur propre sécurité. Celle-ci passe par un Etat pour les Palestiniens. S’agissant de Gaza, on ne peut pas laisser 1,7 millions de personnes vivre sans aucune perspective dans une prison à ciel ouvert. C’est cela qui engendre la violence. C’est une dynamique destructrice.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui pour l'Humanité

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