29/08/2017
Le capitalisme est incompatible avec la survie de la planète
Humanite.fr, Jean-Jacques Régibier
(1) Colloque au Parlement européen, 27 mars 2017, Bruxelles publiées dans les Proceedings of the Natural Academy of Science ( PNAS )(3) publié en juillet par l’Agence américaine océanique et atmosphérique ( NOAA ) et L’American Meteorological Society ( AMS ),(4) Le Global Foodprint Network, Oakland ( Californie )(5) Daniel Tanuro, « L’impossible capitalisme vert », La Découverte.
10:35 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, International, Planète, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : planète, capitalisme, surive | |
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10/10/2010
Nous refusons l’écologisme benêt d’Arthus-Bertrand
"La lutte contre le productivisme et l’économie capitaliste, pour la répartition des richesses et la relocalisation n’ont pas la moindre place dans son raisonnement."
Paul Ariès, Aurélien Bernier, Yann Fiévet et Corinne Morel-Darleux - 5 octobre 2010
Source : Courriel à Reporterre.
Les auteurs : Paul Ariès est directeur du Sarkophage, théoricien de la décroissance, et auteur de La simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance (La Découverte) ; Aurélien Bernier est secrétaire national du M’PEP et auteur de Ne soyons pas des écologistes benêts (Mille-et-une-Nuits) ; Yann Fiévet est président d’Action Consommation et auteur de Le monde en pente douce (Golias) ;Corinne Morel-Darleu est secrétaire nationale du Parti de Gauche et conseillère régionale Rhone-Alpes, ainsi qu’auteure de L’écologie, un combat pour l’émancipation (Bruno Leprince).
Ecouter aussi : Yann Arthus-Bertrand, Hugo Chavez dit que le capitalisme est la cause du changement climatique. Qu’en pensez-vous ? http://www.reporterre.net/spip.php?...
Quand l’écologie émergea dans le débat public au cours des années 1960 et 1970, elle fut d’emblée fortement politisée. L’économie productiviste, la répartition des richesses, les rapports Nord/Sud, la lutte pour la démocratie, la dénonciation des multinationales faisaient partie intégrante du discours des principaux mouvements. Aux Etats-Unis, le militantisme de Rachel Carson ou Barry Commoner eut des effets concrets sur la législation américaine, aboutissant à l’interdiction de produits chimiques ou à la création de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA). Les Nations Unies ne purent éviter de lier la question environnementale à la question sociale, et la notion d’écodéveloppement portait des revendications pour protéger la planète, mais également pour mieux répartir les richesses et partager le travail.
Puis vint le tournant de la mondialisation. Le capitalisme se fit néolibéral en se réorganisant à l’échelle planétaire, afin de bénéficier des coûts de production les plus faibles et de mettre en concurrence les salariés des économies industrialisées avec les salariés des pays émergents. Repris en main par les gouvernements, le discours sur l’état de la planète changea profondément de nature. Les chocs pétroliers furent l’occasion de réclamer aux citoyens des gestes responsables pour réduire leurs consommations, moins pour des raisons écologiques que pour limiter les déficits commerciaux. Le basculement dans l’écologie individuelle était amorcé. Après l’énergie, ce fut le tri des déchets afin de permettre le recyclage, avec là aussi des motivations liées au commerce extérieur. Puis, afin de lutter contre le changement climatique, le citoyen fut mis à contribution pour réduire ses gaz à effet de serre.
Le développement durable se substitua à l’écodéveloppement pour gommer toute revendication radicale et pour faire de chaque citoyen le responsable de la dégradation de la planète. Dans cette construction idéologique, le pollueur n’est plus l’industriel qui met sur le marché de futurs déchets, mais l’acheteur qui remplit sa poubelle. Ce n’est plus le fabricant d’un produit bon marché mais polluant, c’est le ménage à faible revenu qui ne prend pas la peine d’acheter "vert". Ce ne sont plus les multinationales responsables des délocalisations dans les pays où l’on peut polluer gratuitement, mais les salariés obligés de prendre leur voiture pour aller chercher un travail de plus en plus rare et donc de plus en plus éloigné de leur lieu d’habitation.
Bien sûr, les comportements individuels doivent évoluer vers un plus grand respect de l’environnement. Il n’est pas question de le nier ni de sous-estimer l’évolution positive des mentalités. Mais l’objectif du discours dominant sur l’écologie vise tout autre chose : un véritable transfert des responsabilités.
Yann Arthus-Bertrand est-il naïf lorsqu’il porte l’image d’une écologie totalement dépolitisée, fondée sur le "tous coupables" et qu’il prétend dépasser les clivages gauche-droite avec les financements du groupe Pinault-Printemps-La Redoute ? Peut-être. En tout cas, la démarche est dangereuse. Sa dernière initiative, "10:10", fait songer à l’école des fans : tout le monde fait un geste et tout le monde gagne, avec une pensée émue pour les générations futures. La lutte contre le productivisme et l’économie capitaliste, pour la répartition des richesses et la relocalisation n’ont pas la moindre place dans son raisonnement.
Pourtant, le bilan écologique du capitalisme néolibéral est sous nos yeux. Entre 1997 et aujourd’hui, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont progressé d’environ 25 %. La principale raison n’est pas le développement du marché intérieur des pays émergents, mais bien l’augmentation continue du commerce international, la surconsommation des pays riches et le renforcement des délocalisations. La dictature de la finance empêche quant à elle l’émergence d’activités réellement durables, basées sur des raisonnements de long terme. Et, lorsqu’il s’agit de lutter contre le changement climatique, la communauté internationale décide justement de confier aux fonds d’investissements un juteux marché des "droits à polluer", qui, de produits dérivés en manoeuvres spéculatives, nous emmène doucement mais sûrement vers un prochain krach boursier.
Loin des discours de Daniel Cohn-Bendit ou de Yann Arthus-Bertrand, l’écologie politique ne trouvera un avenir que dans une rupture franche et concrète avec le capitalisme néolibéral. Nous devons aborder les sujets qui fâchent. La répartition des richesses, avec par exemple un revenu maximum et une fiscalité de justice sociale. Le commerce international et la relocalisation de l’activité industrielle et agricole, avec des taxes écologiques et sociales sur les importations. L’asphyxie des marchés financiers, en commençant par la fermeture de la Bourse des droits à polluer. Autant de mesures qui vont à l’encontre des règles de l’Union européenne, de l’Organisation mondiale du commerce et du Fonds monétaire international, qu’il faut impérativement dénoncer. Nous laissons donc à Yann Arthus-Bertrand et ses financeurs du CAC 40 la grande cause des lumières éteintes et des robinets fermés. Notre objectif se situe à l’opposé. Il s’agit de mettre de l’écologie dans la politique et, surtout, de mettre de la politique dans l’écologie.
20:01 Publié dans Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arthus bertrand, planète | |
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16/11/2008
Jean Ziegler : « Cet ordre du monde n’est pas seulement meurtrier, il est absurde »

Ex-rapporteur spécial des nations unies pour le droit à l’alimentation, Jean Ziegler est aujourd’hui membre du comité consultatif du conseil des droits de l’homme de l’ONU. Son dernier livre, la Haine de l’Occident (Albin Michel), est un réquisitoire sans appel contre « le capitalisme globalisé et de l’ordre cannibale qu’il impose à la planète ».
Le débat s’aiguise quant à la nature de la crise. D’aucuns considèrent que, plus qu’une crise du système financier auquel il faudrait apporter des corrections, nous sommes face à une crise pluridimensionnelle, certains la qualifiant même de civilisationnelle. Partagez-vous ce point de vue ?
Jean Ziegler. Oui. C’est le démasquage du capitalisme de la jungle. Il y a, d’une part, la souffrance des travailleurs américains : 25 millions de familles expulsées de leur logement depuis mars auxquels s’ajoutent 10 000 locataires expulsés chaque jour depuis septembre. Des milliers de fonds de pensions sont partis en fumée. En France, le chômage augmente rapidement. Les budgets sociaux vont se réduire. Il faut prendre la mesure de ces désastres inadmissibles qui vont s. Dans le même temps, nous assistons à un fait extraordinaire : les masques du néolibéralisme sont tombés. Les théories de légitimation du capitalisme actuel sont en miettes, à savoir l’autorégulation du marché, la libéralisation de tous les mouvements de capitaux, de services et de marchandises, la privatisation de tous les secteurs publics, la prétention selon laquelle les lois économiques sont des lois de la nature, la diffamation de l’État national et de sa force normative. Cet ultralibéralisme, qui réduit à l’impuissance les travailleurs, est aux abois. Sont apparus les vrais acteurs de la « main invisible » contre laquelle, nous disait-on, nous ne pouvions rien : les prédateurs, les spéculateurs, les oligarchies du marché financier dont le seul moteur est l’avidité, le cynisme, un goût obsessionnel du pouvoir. Ce démasquage ouvre la voie à une prise de conscience sur la véritable nature du capitalisme globalisé et de l’ordre cannibale qu’il impose à la planète.
À vos yeux, a-t-on pris la mesure de l’impact de cette crise sur les pays du Sud ?
Jean Ziegler. « Lorsque les riches maigrissent, les pauvres meurent », dit un proverbe. La faim dans le monde augmente d’une façon vertigineuse. Toutes les cinq secondes un enfant de moins de dix ans meurt de faim dans le monde et 100 000 personnes meurent chaque jour de la faim ou de ses suites immédiates. 923 millions d’êtres humains, plus d’un homme sur six, sont en permanence gravement sous-alimentés. Ce massacre quotidien de la faim s’intensifie. Dans le même temps, le président Nicolas Sarkozy a réduit massivement les aides publiques au développement. En Afrique, les projets sont suspendus. L’ONU a identifié huit tragédies à éliminer prioritairement. Ce sont les objectifs du millénaire à réaliser d’ici à 2015 : éradiquer l’extrême pauvreté et la faim ; assurer à tous les enfants en âge scolaire un enseignement de base ; promouvoir l’égalité entre les sexes et l’autonomie des femmes ; réduire la mortalité infantile, améliorer la santé des mères ; combattre le sida, la malaria et d’autres épidémies ; garantir la protection de l’environnement ; établir un pacte mondial pour le développement. Ces objectifs ont été chiffrés à 82 milliards de dollars annuels sur cinq ans. Depuis 2000, l’Occident dit qu’il n’a pas d’argent. Or, le 12 octobre dernier, à l’Élysée, en trois heures et demie, les 27 pays de l’Union européenne ont libéré 1 700 milliards d’euros pour le crédit interbancaire et pour augmenter le plancher du capital propre des banques de 3 % à 5 %. Pour éliminer les huit tragédies qui frappent les pays du tiers-monde, il suffirait de 1 % de ces 1 700 milliards. Cet ordre du monde n’est pas seulement meurtrier, il est absurde.
Le sommet du G20 à Washington prétend élaborer des réponses à cette crise mondiale. On le sait, les pays du Sud y seront les grands absents. Cette exclusion ne risque-t-elle pas d’accroître « la haine raisonnée » du Sud contre l’Occident que vous évoquez dans votre dernier ouvrage ?
Jean Ziegler. Sans aucun doute. « Ils ont enlevé le casque mais, en dessous, leur tête est restée coloniale », dit Régis Debray. L’Occident mène une politique suicidaire. Depuis cinq cents ans, les Blancs, qui ne représentent aujourd’hui que 13 % de la population de la planète, ont dominé le monde à travers des systèmes d’oppression successifs : le génocide des Indiens avec la conquête de l’Amérique, le commerce triangulaire des puissances esclavagistes pour le pillage des ressources premières, la déportation de 400 millions d’Africains, puis l’occupation coloniale et ses massacres et, finalement, l’ordre du monde du capitalisme globalisé. Edgar Morin écrit : « La domination de l’Occident est la pire de l’histoire humaine dans sa durée et son extension planétaire. » La haine de l’Occident a essentiellement deux sources. D’abord cette mystérieuse et formidable renaissance mémorielle à laquelle personne ne s’attendait. L’esclavage a été aboli il y a cent vingt ans, le dernier pays à l’avoir fait étant le Brésil en 1888. Le colonialisme également, il y a environ cinquante ans. Et c’est pourtant seulement maintenant que cette mémoire blessée, cette mémoire des horreurs subies, devient conscience. Elle devient revendication de réparation et revendication de repentance. Souvenons-nous de cette scène extraordinaire de décembre de 2007 où Nicolas Sarkozy arrive pour signer un certain nombre de contrats en Algérie. Le président Bouteflika lui dit en préalable : « D’abord vous vous excusez pour Sétif », ce massacre du 8 mai 1945 où des milliers d’Algériens, femmes et enfants, ont été exécutés par l’armée française alors qu’ils manifestaient pacifiquement. Nicolas Sarkozy lui répond qu’il n’est pas venu pour la « nostalgie ». Bouteflika lui rétorque : « La mémoire avant les affaires. » Et les accords ne seront pas signés. Il y a irruption d’une force radicalement nouvelle dans l’histoire : la revendication mémorielle. En Bolivie, en 2006, l’élection démocratique d’un Indien à la présidence pour la première fois depuis cinq siècles est le pur fruit de cette renaissance mémorielle. La deuxième source est le rejet total du capitalisme globalisé dont sont victimes les peuples du Sud. Renaissance mémorielle et refus absolu du dernier système d’oppression sont à l’origine de cette haine raisonnée.
Vous affirmez dans votre livre que « les peuples de l’hémisphère Sud ont décidé de demander des comptes ». À qui vont-ils les adresser ?
Jean Ziegler. À l’Occident bien sûr. Mais l’Occident reste sourd et aveugle aux revendications mémorielles du Sud. Voyez le scandaleux discours de Sarkozy à Dakar en juillet 2007 ou l’échec de la Conférence mondiale sur le racisme à Durban en 2001.
En responsabilisant ainsi l’Occident, cela ne revient-il pas à dédouaner les gouvernements des pays du Sud, qui sont eux aussi acteurs du capitalisme, de leur propre responsabilité ?
Jean Ziegler. Oui, l’exemple de l’effroyable régime nigérian, dont je parle longuement dans mon livre, en atteste. Le Nigeria est le huitième producteur de pétrole au monde, le premier en Afrique. C’est le pays le plus peuplé du continent avec 147 millions d’habitants. L’espérance de vie n’y est que de quarante-sept ans. Plus de 70 % de la population vit dans une situation d’extrême pauvreté. La sous-alimentation est permanente. Il y a absence d’écoles, de services sanitaires. Tout cela en raison de la corruption endémique des dictateurs militaires qui se sont succédé au pouvoir depuis 1966. Le lien de confiance entre les citoyens et l’État est brisé par la corruption et le pillage. Mais les responsabilités sont partagées. Les sociétés pétrolières qui exploitent les immenses richesses du pays, Shell, ELF, Exxon, Texaco, Repsol…, sont les complices actifs des généraux. Les sociétés pétrolières favorisent la corruption parce qu’elle les sert. Lorsqu’on négocie le partage des richesses et des biens, il est infiniment plus favorable d’avoir des corrompus en face de soi qu’un gouvernement démocratiquement élu qui défend l’intérêt public. Je condamne la corruption. Les généraux d’Abuja sont des truands mais, dans le même temps, il convient de voir l’origine du fléau et la manière dont les complices maintiennent en place les corrompus.
Vous affirmez que la barbarie capitaliste montre son vrai visage. Sur quoi cela peut-il déboucher ?
Jean Ziegler. La conscience collective va entrer dans un processus d’apprentissage et d’analyse. La riposte sociale va s’organiser. Nous vivons actuellement une situation très favorable au mouvement. La France est certes socialement injuste, mais c’est une démocratie vivante. L’information circule. La liberté de la presse est garantie. Donc, la raison analytique peut se mettre en marche. Les délocalisations, par exemple, trouvent leur origine dans le dumping social. Face à cela, la réaction des salariés a souvent été la résignation : « On ne peut rien faire, c’est le marché qui décide. » Il y avait une aliénation très profonde des classes travailleuses face à la « main invisible » du marché. Beaucoup de travailleuses et de travailleurs avaient fini par croire inéluctables le chômage, la dérégulation et la flexibilité du travail. Pendant ce temps, ces dix dernières années, la protection sociale des salariés a fondu comme neige au soleil. Or ces mensonges se sont effondrés. La main invisible est finalement devenue visible : c’est celle des prédateurs. Comment va s’organiser cette riposte sociale ? Nous ne le savons pas encore, mais c’est la question centrale.
Au rang des mesures d’urgence à prendre face à la crise, est-il possible de créer une réglementation des paradis fiscaux ?
Jean Ziegler. Il faut les éliminer totalement. C’est l’une des mesures les plus urgentes à prendre. Il faut également abolir le secret bancaire et rétablir la prééminence du secteur public lorsqu’il s’agit de services publics, renverser les privatisations, imposer une normativité stricte aux capitaux, interdire les délocalisations et réguler la Bourse pour éviter la spéculation. Il est certain que les oligarchies financières qui fonctionnent exclusivement à la maximalisation du profit doivent être soumises à la normativité de l’État. Le libre-échange est un mal quand l’État perd sa force normative. L’intérêt du pays, ce sont la justice sociale, la sécurité de l’existence, une fiscalité progressive garantissant une redistribution du revenu national, la priorité absolue à la sécurité de l’emploi, à la distribution équitable des ressources et à la démocratie sociale.
Croyez-vous qu’un front commun des peuples du Sud et de l’Occident soit possible ?
Jean Ziegler. Je suis certain que ce processus va déboucher sur un nouveau contrat social planétaire. Le contraire du marché autorégulé est la loi. Jean-Jacques Rousseau écrit dans le Contrat social : « Entre le faible et le fort, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui libère. » Je suis absolument certain que les peuples occidentaux vont comprendre que l’inhumanité infligée aux autres détruit l’humanité qui est en eux. Nous sommes doués d’impératifs moraux, de conscience d’identité. Cet ordre cannibale du monde, ce règne des prédateurs, reconnaissable au massacre quotidien de la faim, n’est plus acceptable pour les citoyennes et citoyens de l’Occident. La preuve est faite, avec la mobilisation de fonds colossaux pour les banques, qu’il existe une disponibilité énorme de richesses pour faire front à la surexploitation et à la misère abyssale de tant de peuples du Sud. Un nouveau contrat de solidarité et de dialogue entre le Sud et l’Occident va s’élaborer par des peuples libérés de leur aliénation.
Les risques que cette crise n’approfondisse les inégalités déjà existantes ou ne favorise la réaction sont réels. N’est-ce pas là faire preuve de trop d’enthousiasme ?
Jean Ziegler. Je connais l’argument. Le krach boursier de 1928 et la crise économique mondiale ont donné naissance au fascisme dans plusieurs pays européens. Mais le fascisme est né de l’humiliation d’une défaite, celle de l’Allemagne au sortir de la Première Guerre mondiale, d’un désir de revanche. Les vainqueurs occidentaux ont laissé faire, préférant le fascisme au bolchevisme et à la révolution, dont les élites bourgeoises avaient une peur panique. Le monde était encore largement colonial. Nous ne sommes pas du tout dans cette configuration. Ce qui menace aujourd’hui, si l’Occident ne se réveille pas, c’est la haine pathologique de groupuscules issus du Sud et le racisme violent se développant en Occident. Mais ces dangers peuvent être conjurés. Dans le Talmud de Babylone, il y a cette phrase mystérieuse : « L’avenir a un long passé. » Il faut que l’Occident accueille la résurgence mémorielle du Sud, reconnaisse les crimes commis, pratique la réparation. Et puis, surtout qu’il consente à démanteler l’ordre cannibale du monde, à passer du capitalisme à la civilisation. Barack Obama arrive au pouvoir dans un empire agressif, surarmé, revendiquant l’hégémonie militaire, économique et politique de la planète. Pourra-t-il démanteler les structures impériales et inaugurer une politique internationale basée sur la réciprocité, la complémentarité entre les peuples, en bref, une politique soumise aux normes du droit international ? J’en doute. La mobilisation des forces sociales en Europe et dans le Sud, la résistance à la restauration du capitalisme de la jungle seront indispensables pour qu’une civilisation humaine naisse sur notre planète. Mais la formidable résurgence mémorielle des Afro-Américains, qui a rendu la victoire électorale d’Obama possible, constitue déjà à elle seule un espoir.
Entretien réalisé par Cathy Ceïbe (L'Humanité)
10:57 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : zieglier, onu, planète | |
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04/02/2007
LE RECHAUFFEMENT DES POLES
Jamais on n’a tant parlé du réchauffement et de la fonte des glaces polaires. Et pour cause. Pièce maîtresse de l’échiquier climatique actuellement menacé, l’Océan glacial Arctique voit sa surface fondre comme peau de chagrin année après année. Les faits - et chiffres - parlent d’eux-mêmes. Depuis plusieurs décennies, le bilan de glace est négatif : la banquise a perdu 8 % de sa surface par décade ces trente dernières années. Et alors que la température moyenne à la surface de la terre s’est élevée d’environ 0,6°C en un siècle, elle s’est accrue de 4°C au cours des 60 dernières années en Alaska et au nord du Groënland. Il a ainsi fait 24°C sur la côte est du Groënland en 2005, un record de température jamais enregistré. Idem, durant l’été 2005, des navires océanographiques ont atteint la latitude record de 87°N sans être arrêtés par la banquise. L’Arctique - cette mer partiellement fermée et recouverte par une carapace de glace de 2 à 3 mètres d’épaisseur - est sans conteste davantage touché par le réchauffement que les autres régions du monde. Ce phénomène s’explique notamment par la réduction de la surface de la banquise, qui libère des zones d’eau libre, lesquelles captent le rayonnement solaire et accélèrent la fonte de la banquise par proximité. Les experts sont unanimes : si aucune mesure d’envergure n’est prise contre le réchauffement climatique, la banquise disparaîtra de l’océan Arctique, en été, d’ici 2060. Elle se reformera en hiver car la nuit est glaciale ; mais cette disparition du pôle froid en été entraînera des changements climatiques dans tout l’hémisphère Nord.
Cent vingt-cinq ans après la première édition, la communauté internationale s’apprête à organiser la 4e Année polaire internationale. Cet événement, qui durera en réalité deux ans (du 1er mars 2007 au 1er mars 2009) et sera doté d’un budget de 440 millions de dollars, sera donc l’occasion d’organiser des campagnes internationales de grande envergure capables de faire franchir de nouvelles étapes à la recherche polaire, notamment dans le contexte du changement climatique. Près de 400 chercheurs seront mobilisés à travers 63 pays. Toutes les disciplines seront concernées, y compris les sciences humaines et sociales. Certes, la disparition de la glace dans l’Arctique est susceptible de provoquer la disparition de certaines espèces de poissons et de mammifères comme l’ours polaire. Mais les conséquences pourraient être aussi significatives en termes de modes de vie, de construction et de consommation pour les populations réparties entre l’Alaska, le Canada, le Groënland, la Scandinavie et la Russie. Ces dernières sont les premières victimes du réchauffement climatique dont les effets sont démultipliés au de-là du cercle polaire. Malgré l’étendue de la catastrophe envisagée, le réchauffement climatique au pôle Nord est néanmoins considéré par quelques-uns comme une aubaine. Certains envisagent l’ouverture d’un « passage nord » pour le trafic maritime entre les océans Pacifique et Atlantique. Autre inquiétude : la fonte des glaciers laisse entrevoir de nouvelles opportunités d’exploitation de ressources halieutiques et minières qui ne seront plus masquées par les glaces.
16:30 Publié dans Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réchauffement, Planète, poles | |
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