Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/03/2015

Emir Kusturica : "L'Ukraine, un remake de la Yougoslavie"

kusturica.jpgRencontrer le cinéaste franco-serbe, c’est l’assurance d’un entretien nourri par l’actualité, les questions de géopolitique internationale et les méfaits de la mondialisation capitaliste. Emir Kusturica, auteur d’un recueil de nouvelles paru le 7 janvier, « Étranger dans le mariage », n’est jamais avare de lumineuses digressions.

D’ordinaire, Emir Kusturica exploite sa fibre artistique dans la musique et le cinéma : le guitariste du No Smoking Orchestra est aussi le lauréat de deux palmes d’or pour « Papa est en voyage d’affaires » et « Underground ». Le cinéaste franco- serbe s’était déjà essayé à la littérature dans une autobiographie, « Où suis-je dans cette histoire ? ».
 
Il tente aujourd’hui une incursion dans la fiction avec « Étranger dans le mariage », un recueil de six nouvelles autour de la famille, de la guerre et de l’absurdité du quotidien dans la Yougoslavie des années 1970. Certes, les récits apparaissent très inégaux et la truculence de Kusturica, pourtant très cinématographique, peine à provoquer les mêmes émotions qu’à l’écran. Reste que s’il ne réussit pas tout à fait son passage à l’écrit, il demeure une voix singulière incontournable face au formatage des choses de l’esprit.
 
HD. Pourquoi avez-vous choisi de vous exprimer par le biais de la littérature ?
EMIR KUSTURICA. J’ai compris que je pouvais être créatif en réalisant mon film « Guernica » pendant mes études à l’école de cinéma de Prague. Depuis, ma créativité n’a jamais cessé. J’ai eu la chance de me trouver. Je peux mettre en place ma vie en rapport avec mes différents projets. Depuis mes premiers films, j’ai une bonne relation avec le public.
 
C’est probablement parce que je ne cherchais pas à communiquer mais à faire mes films. J’explore au plus profond mon histoire familiale. J’essaie d’aller vers l’obscurité. Mais cela tient d’abord à un désir. L’art est certes l’aboutissement d’une communication mais l’artiste ne communique pas avec le public mais avec son propre besoin de créer.
 
HD. Pour quelles raisons vos histoires sont-elles si personnelles ?
E. K. Je suis très lié au langage cinématographique du début des années 1970. Ce sont des années dorées pour le cinéma et l’art en général.
 
Les États-Unis, qui façonnent le monde militairement et artistiquement, étaient dans les années 1970 beaucoup plus libres qu’aujourd’hui. Après le Vietnam, il y a eu beaucoup de films sur la guerre perdue des Américains. Depuis, l’expression libre est devenue une expression contrôlée. Aujourd’hui, la NSA (Agence nationale de sécurité – NDLR) écoute tous les citoyens américains. C’est effrayant.
 
Dans les années 1970, l’Amérique parlait du fascisme, du nazisme. Souvenez-vous de « Cabaret », le film de Bob Fosse, de « Macadam Cowboy », de « Cinq pièces faciles ». Il y avait presque une philosophie existentialiste, parlant librement de la vie, de la défaite au Vietnam, écrivant des livres. Et puis patatras, au cinéma, George Lucas a commencé à recréer l’univers, Spielberg a fait ses « ET ».
 
La conception de Ronald Reagan de divertir l’esprit, en particulier des Américains pour les éloigner d’une position critique, et de transformer les films en pur divertissement l’a emporté. Les gens qui ont continué à faire ce qu’ils voulaient ont été marginalisés, leurs films peu ou mal diffusés. Aujourd’hui, nous en subissons toujours les conséquences. En Europe, le cinéma est davantage tourné vers le cinéma d’auteur. Mais la pression économique rend les auteurs de plus en plus politiquement corrects.
« L’UKRAINE MARQUE UN TOURNANT. LA RUSSIE N’ACCEPTE PLUS SON ENCERCLEMENT AVEC L’ÉLARGISSEMENT CONTINU DE L’OTAN. »
 
HD. que vous inspirent les événements en Ukraine ?
E. K. La guerre humanitaire est en))) fait une légalisation de la guerre. Wall Street dépend de la guerre. La valeur psychologique d’une action dépend de la manière dont vous êtes agressif dans certaines parties du monde. Plusieurs guerres, de tailles réduites, se déroulent un peu partout à travers la planète.
 
Désormais, l’option des conflits de basse intensité apparaît épuisée. Et l’Ukraine marque un tournant. La Russie n’accepte plus son encerclement avec l’élargissement continu de l’OTAN. L’idéologue américain Zbigniew Brzezinski a largement écrit sur « l’enjeu eurasien », capital à ses yeux, à savoir la maîtrise et la colonisation de la Russie et de l’espace ex-soviétique. L’Ukraine est donc une première étape vers ce démantèlement imaginé par Brzezinski.
 
HD. Ne vous rappelle-t-il pas ce qui s’est produit en ex-Yougoslavie ?
E. K. À Kiev, l’histoire des snipers qui ont ouvert le feu sur la place Maïdan ressemble de manière troublante aux événements de Sarajevo en 1992. Durant le siège de la ville, des tireurs isolés ont terrorisé les habitants et personne à Sarajevo ne savait d’où venaient ces snipers.
 
Exactement comme à Kiev. On ne sait toujours pas qui a ouvert le feu sur les manifestants et les forces de l’ordre (1). Aujourd’hui, une autre vérité que celle imposée par les médias apparaît. C’est ce que tentait de décrire mon film « Underground » : une autre réalité. Il a été réalisé en 1995. La vérité sur ces deux événements, les dirigeants la connaissent.
 
Ils en sont même parties prenantes et essaient de nous abuser en feignant d’être des imbéciles. Les grandes puissances jouent sur un échiquier où l’Ukraine et l’ex-Yougoslavie apparaissent comme des pions. Il s’agit d’une répétition d’un scénario qui s’est produit en Yougoslavie et a mené à son éclatement pour des enjeux similaires : l’extension de l’OTAN et de l’UE.
 
La construction de l’UE est responsable des deux drames. Afin de s’agrandir et accroître son influence, elle divise les États pour imposer sa loi à de petits territoires. Pour moi, ce qui est inacceptable, c’est que les gens s’en accommodent. Heureusement, il y a des instants d’espoir.
 
« LES ÉTATS-UNIS ET LE CAMP ATLANTISTE IMPOSENT LEUR VÉRITÉ ET SE COMPORTENT EN VAINQUEURS DE LA GUERRE FROIDE. »
 
L’arrivée au pouvoir des communistes en Grèce en fait partie. Leur victoire est historique et peut, comme en Amérique latine, porter un véritable élan. Ce phénomène se répétera dans les années qui viennent. La montée de l’extrême droite et des partis fascistes, voire nazis comme en Ukraine où ils sont au pouvoir, créera en face une résistance. Le clash est inévitable.
 
HD. L’hystérie de la presse à l’égard de la Russie et de Poutine vous rappelle le traitement médiatique à l’égard des Serbes durant la guerre de Yougoslavie ?
E. K. Cela a été le point de départ. En 1992, les divers acteurs ont mis en avant certains aspects pour créer une atmosphère favorisant un conflit. Ils ont ensuite légalisé une intervention au nom de l’aide humanitaire (2).
 
Toute possibilité de paix a été écartée et la Yougoslavie a été démembrée à leur guise, laissant Slobodan Milosevic pour seul responsable. Le Kosovo est un bel exemple de leur mensonge et de leur justice aléatoire. Ils ont soutenu la séparation de cette région au nom du droit des peuples mais la refusent à la Crimée ! Les États-Unis et le camp atlantiste imposent leur vérité car ils se comportent en vainqueurs de la guerre froide. Ils estiment avoir triomphé du marxisme et tué le communisme.
 
Tous les événements qui ont suivi la chute du mur de Berlin révèlent les fausses promesses faites à Mikhaïl Gorbatchev sur la non-extension de l’OTAN. Cela résume leur conception de la diplomatie pour assurer leur suprématie. L’extension de l’orbite euro-atlantique est impérative. Le siècle qui vient pour les États-Unis sera un tournant. L’accroissement de leur richesse et de leur influence dépend de leur domination du modèle libéral.
 
Ce modèle qu’ils ont imposé au reste de la planète à travers la mondialisation est fondé sur la compétition, l’exploitation et les inégalités. Cette compétition, les États-Unis ne pourront plus la remporter indéfiniment avec la montée de puissances émergentes. Devant cette phase de déclin, ils trichent. Mais ils n’avaient pas prévu que l’Eurasie se dresserait contre la domination de l’euro-atlantisme. La proximité géographique compte et la Russie et la Chine finiront par coopérer.
 
HD. Vous critiquez beaucoup le capitalisme, pourquoi alors avoir participé à une fête à Davos ?
E. K. J’étais à Davos pour une banque russe. J’avais besoin d’argent pour payer les musiciens de mon festival de Kunstendorf. On m’a donné beaucoup d’argent, avec lequel j’ai pu financer ce festival.
 
KUSTURICA EN CINQ FILMS
 
1985. « PaPa est en voyage D’affaires ». Pour son deuxième long métrage, le réalisateur, alors yougoslave, décroche sa première palme d’or, à seulement 31 ans.
1989. « Le temPs Des gitans ». il reçoit le prix de la mise en scène à Cannes.
1993. « arizona Dream ». Pour sa première expérience américaine, Emir Kusturica s’offre un casting de rêve (Johnny Depp, Jerry Lewis, faye Dunaway) et fait voler des poissons sur une chanson d’iggy Pop. il est récompensé par un ours d’argent à Berlin.
1995. « UnDergroUnD ». il obtient sa deuxième palme d’or avec cette fresque historico-familiale de la yougoslavie sur 50 ans, des années
1940 jusqu’à son éclatement dans les années 1990. Le film déclenche une polémique autour du caractère supposé proserbe de l’oeuvre.
1998. « CHat noir, CHat BLanC ». après avoir un temps songé à arrêter de tourner, Kusturica revient à la réalisation avec un film apaisé et décroche le lion d’argent du meilleur réalisateur à venise.
 
A Lire :
« ÉTRANGER DANS LE MARIAGE », D’EMIR KUSTURICA, TRADUIT DU SERBO-CROATE PAR ALAIN CAPPON. ÉDITIONS JC LATTÈS, 270 PAGES, 20 EUROS.

24/02/2015

OU VA L' UKRAINE ?

ukraine2.jpg

Par Bernard Frederick,Journaliste, ancien correspondant de "l'Humanité" à Moscou

Près de 6000 morts dans le Donbass ; une économie en ruine ; une situation sociale explosive ; l’autoritarisme croissant d’un pouvoir aux abois, en grande partie contrôlé par les groupes fascistes et leurs milices armées ; une rupture catastrophique des liens ancestraux – économiques mais aussi culturels et religieux - avec la Russie et la quasi-totalité de l’ex-Urss à l’exception des États baltes ; une souveraineté limitée à la fois par la puissance tutélaire américaine et par les contraintes de l’Union européenne : tel est, pour être rapide, le bilan de l’Ukraine un an après le coup d’État ; tel est aussi le bilan de l’UE et celui des États-Unis, les grands instigateurs de la « transition démocratique » qui s’opère à Kiev sous les couleurs de l’UPA- l’Armée insurrectionnelle ukrainienne – et son leader pro-nazis, Stepan Bandera. Soixante –dix ans après la capitulation du Reich !

Cependant, deux événements majeurs marquent cet anniversaire en ce mois de février 2015 : la défaite totale des troupes de Kiev – armée régulière et bataillons fascistes – dans l’opération « antiterroriste » au Donbass et l’accord intervenu le jeudi 12 février au matin entre Angela Merkel, François Hollande, Vladimir Poutine et le président ukrainien Petro Porochenko.

L’abandon de la ville de Debaltsevo, la piteuse retraite des forces kieviennes et les lourdes pertes humaines et matérielles qu’elles ont subies témoignent de l’impossibilité de résoudre la crise par les armes. On pouvait le concevoir dès le mois d’avril au lancement de cette aventure, le lendemain d’une visite sur place du vice-président américain Jo Biden dont le fils, Hunter, après avoir été viré de la Navy pour usage de cocaïne, a rejoint le conseil d’administration de Burisma Holdings, très intéressé par la prospection de gaz de schistes dans l’est et le sud de l’Ukraine.

L’accord de Minsk du 12 février est la conséquence directe de cette défaite militaire annoncée. La France et l’Allemagne ont commencé à mesurer, semble-t-il, l’extrême gravité de la situation en Ukraine et les répercussions qu’elle a déjà sur l’Europe et qui risquent de s’aggraver encore si les États-unis livraient de l’armement à Kiev comme il l’envisagent.

En outre, la guerre des sanctions que se livrent Occidentaux et Russes atteint économiquement et financièrement l’UE aussi bien que la Russie, sans parler des mouvements d’opinions de plus en plus sensibles à la catastrophe humanitaire que subissent les régions de Donetsk et Lougansk.

Dans ces conditions, les termes de l’accord empruntent beaucoup aux postions défendues par Vladimir Poutine depuis le début de la crise : neutralité de l’Ukraine par rapport à l’OTAN ; examen des conséquences pour la Russie du contrat d’association entre Kiev et Bruxelles ; large autonomie des régions de l’est du pays…

Un tel document aurait pu être signé dès mars ou avril 2014. On aurait économisé 6.000 vies humaines !

Alors pourquoi a-t-il fallu attendre la Bérézina des troupes kieviennes ? Pour le comprendre, il faut remonter dans le temps.

Un coup d’État venu d’ailleurs

Il y a donc un an le 21 février 2014, à l’issue de près de quatre mois de manifestations, des émeutes sanglantes dont l’origine prête encore à interrogation [1] et de deux jours de négociations, le président élu [2], Viktor Yanoukovitch, et les dirigeants des partis d’opposition Vitali Klitschko (UDAR), Arseni Iatseniouk (Batkivchtchina) et Oleg Tiagnibok (Svoboda), animateurs de l’ « Euromaïdan », concluaient un accord sur le règlement de la crise en Ukraine.

Ce document, qui prévoyait entre autres d’une élection présidentielle anticipée et un accroissement des pouvoirs de la Verkhovna Rada (La Rada suprême, Parlement) et du Premier ministre, était signé en présence du ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier, de son homologue polonais Radoslaw Sikorski et du directeur d’Europe continentale du ministère français des Affaires étrangères Eric Fournier qui agissait au nom de Laurent Fabius, lui-même présent à Kiev. Le représentant spécial du président russe, Vladimir Loukine, participait également aux négociations. [3]

Quelques heures après la signature de l’accord, Viktor Yanoukovitch était contraint de prendre la fuite ; un pouvoir « révolutionnaire » se mettait en place, aussitôt reconnu par les Occidentaux.

Au début de ce mois, Barack Obama a reconnu l’implication directe des USA dans ce putsch. Dans une interview accordée à CNN, il a affirmé que les USA avaient réussi à « faire transférer le pouvoir » en Ukraine.

On le savait. Sa secrétaire d’État adjointe, Victoria Nuland, a même laissé tombé un chiffre : le 13 décembre 2013, dans une intervention à la US-Ukraine Foundation ; elle révélait que depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991, les États-unis « ont investi près de 5 milliards de dollars » afin d’assister l’Ukraine dans « sa transition démocratique ».

L’Ukraine est pour les Américains, la pierre angulaire de leur nouveau « containment » de la Russie.

Dans un livre publié en France en 1997, Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller pour la sécurité nationale du président Carter, écrit : « Le nouvel État important qu’est l’Ukraine est un centre géopolitique. Son existence même permet à la Russie de changer. Sans l’Ukraine, la Russie n’est plus qu’une grande puissance asiatique. Si la Russie obtient à nouveau sous son contrôle l’Ukraine avec ses 52 millions d’habitants, les richesses de son sous-sol et son débouché sur la mer Noire, alors la Russie redevient une grande puissance qui s’étend sur l’Europe et l’Asie. L’Europe doit être un tremplin pour poursuivre la percée de la démocratie en Eurasie. Entre 2005 et 2010, l’Ukraine doit être prête à des discussions sérieuses avec l’Otan. Après 2010, le principal noyau de sécurité en Europe consistera en : la France, l’Allemagne, la Pologne et l’Ukraine. Via un partenariat transatlantique plus consistant, la tête de pont américaine sur le continent eurasien doit se renforcer ».

Tout cela pour empêcher la Russie de « recouvrer un jour le statut de deuxième puissance mondiale ». [4] Toute « l’école » des « révolutions » de couleur découle directement de la « théorie » Brzezinski. Le rôle des États-Unis dans les révolutions colorées, est mis en évidence dans un article de G. Sussman et S. Krader de la Portland State University [5] : « Entre 2000 et 2005, les gouvernements alliés de la Russie en Serbie, en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizistan ont été renversés par des révoltes sans effusion de sang. Bien que les médias occidentaux en général prétendent que ces soulèvements sont spontanés, indigènes et populaires (pouvoir du peuple), les « révolutions colorées » sont, en fait, le résultat d’une vaste planification. Les États-Unis, en particulier, et leurs alliés ont exercé sur les États postcommunistes un impressionnant assortiment de pressions et ont utilisé des financements et des technologies au service de l’aide à la démocratie ».

Pour ce faire les Américains ont installé à Belgrade un centre de « formation », le Center for Applied Non Violent Action and Strategies (CANVAS) pour des opposants de tout acabit, pro-occidentaux va s’en dire, et qu’inspire la théorie de l’Américain Gene Sharp dont l’ouvrage « From Dictatorship to Democracy » (De la dictature à la démocratie) est le bouquin de chevet des « élèves » de la CANVAS.

Autre « école » pour « révolutionnaire » de couleur et, notamment les Ukrainiens, c’est en Europe celle du Parti populaire européen (PPE) qui rassemble les principaux partis de la droite européenne dont le CDU (Union chrétienne-démocrate d’Allemagne) de la chancelière allemande Angela Merkel et sa Fondation Konrad Adenauer (Konrad Adenauer Stiftung), Les États-unis ne sont pas loin, il est vrai.

le PPE entretient des relations étroites avec l’International Republican Institute (IRI) du sénateur John McCain. Les « chefs » du Maïdan, Ioulia Timochenko, Vitali Klitschko, Arseni Iatseniouk et leurs partis réciproques ont tous été formés, encadrés, financés, en Europe, par le PPE, la CDU et leurs organes et, bien entendu, par les officines américaines dont l’IRI de McCain.

Ni les Allemands ni les Américains n’ont estimé que le copinage de leurs amis « libéraux » avec les fascistes du parti « Svoboda » ou du « Pravy sektor (Secteur droit) [6] pouvait ternir la cause de la « démocratie ». Bien au contraire, ces néonazis et leurs équipes de choc – dit « service d’ordre » du Maïdam – ont été le fer de lance du putsch et le sont depuis avril et jusqu’aujourd’hui dans la guerre contre Donetsk et Lougansk mais aussi contre l’opposition démocratique et les communistes dans toute l’Ukraine.

De ce point de vue, il est scandaleux que les médias européens et notamment français, aient pratiquement passé sous silence le crime de ces fasciste le 2 mai 2014 à Odessa où l’incendie criminel de la Maison des syndicats et les tirs d’armes à feu ont causé la mort de plus de quarante personnes – les assassins courent toujours !

Il n’y avait donc de spontané à Kiev, il y a un an, que la colère des gens face à la corruption avérée du pouvoir en place et aux effets d’une crise économique qui n’en finissait pas d’appauvrir le peuple en enrichissant les oligarques. Et c’est cette colère qui a été détournée – comme elle l’a été ailleurs – pour lui faire prendre un tour nationaliste et xénophobe : ici l’hystérophobie des Russes et de la Russie. A quoi cela a-t-il conduit outre à une guerre fratricide qu’on devine perdue ?

À une aggravation sans précédent de la crise économique et sociale.

L’abîme économique

L’Ukraine, jadis l’une des républiques soviétiques les plus riches, ne survit plus que sous perfusion occidentale. Elle risque d’entraîner l’Union européenne dans un bourbier où même la Grèce dont elle a si peur ne pourrait pas l’y conduire. A moins qu’au final, Bruxelles n’abandonne Kiev à son triste sort comme on laisse une maîtresse dont les charmes sont fanés.

Une récente étude économique de la Coface, un leader mondial de l’assurance-crédit, établit que « Le repli de l’économie ukrainienne se poursuivra en 2015 mais pourrait être atténué par une légère reprise des investissements en fin d’année, sous réserve que la situation politique ne se détériore pas à nouveau ».

Selon l’étude, « La consommation des ménages devrait rester contrainte par le niveau élevé de l’inflation et le coût du crédit. Les prix à la consommation augmenteront encore en 2015, sous l’effet d’une nouvelle hausse des tarifs du gaz (40% en mai 2015) conformément à l’accord conclu avec le FMI en 2014 ainsi qu’à l’impact de la dévaluation continue du cours de l’Hryvnia » [7]. Les statistiques de la Coface révèlent que le PIB de l’Ukraine pourrait chuter de 6% en 2015 après un repli de 8% en 2014, tandis que l’inflation passerait de 12,5% à 15% et que la Dette publique atteindrait 66% du PIB.

Les données officielles montrent, de leur côté, que les prix des produits alimentaires et boissons non alcoolisées ont augmenté de 25 % ; ceux des fruits et céréales de 56 % à 77 % ; ceux des services médicaux de 17 % à 30 % et le transport de 42 %. Les services de base (électricité, eau et gaz) ont augmenté de 34,3 %.

Des programmes sociaux ont subi de lourdes coupes, tandis que les salaires et les pensions ont été gelés. L’Organisation internationale du travail (OIT) estime que chômage en Ukraine a augmenté de 9,3 % entre janvier et septembre 2014. L’agression armée contre Donetsk et Lougansk, outre qu’elle engloutit une bonne partie des financements internationaux, s’est retournée comme un boomerang contre Kiev. L’Est correspond à l’essentiel de la production industrielle, puisque avec ses 6 régions il réalise plus de 40% du PIB de l’Ukraine mais aussi près de 60% de ses exportations. La zone Centre est une zone de consommation, avec le poids de Kiev, qui est la capitale du pays, et qui reçoit une large part des recettes fiscales du pays (qui sont en partie issues de la zone Est).

La zone Ouest est composée des régions agricoles du pays. L’ industrie, écrit le chercheur Jacques Sapir, « est largement liée à la Russie, que ce soit par l’énergie consommée ou par les matières premières. Mais, les exportations de cette zone sont néanmoins supérieures à ses importations. La balance commerciale de la zone Est est ainsi excédentaire alors que la zone centrale du pays est très largement déficitaire. Cela implique que si le déficit extérieur de l’Ukraine est de 13,6 milliards de dollars (en 2013), si on ne prend que les zones Ouest et Centre, il se monte à 22,6 milliards de dollars (en 2013). C’est l’une des raisons pour lesquelles il est impératif de garder l’Ukraine unie. De même, si le déficit budgétaire est élevé (4,3% du PIB en 2013), si l’on ne prend que les zones Ouest et Centre il passe à 13% du PIB, une valeur qui devient insupportable ».

Dans ces conditions, pour Jacques Sapir « La réduction des dépenses, que le FMI est déjà en train d’imposer au gouvernement provisoire, va aggraver considérablement la situation de toute la population, mais en particulier des segments les plus pauvres. Cependant, si l’on veut chercher à ramener le déficit à 3% du PIB, cela implique d’imposer à la population des zones Ouest et Centre un ajustement de 10% du montant du PIB de l’Ukraine unie, et de 16,6% de l’Ukraine ramenée aux zones Ouest et Centre » [8].

En lançant la guerre contre l’Est qui ne voulait que la fédéralisation du pays afin d’y pouvoir parler sa langue –le russe – et d’y cultiver son histoire – celle notamment de la résistance à l’occupant nazi quand l’Ouest s’enfonçait dans la collaboration et les massacres de Juifs, de Polonais, de Résistants et de soldats soviétiques- Kiev s’est tiré une balle dans les deux pieds.

On se demande bien comment les Américains qui n’en ont que faire ou les Européens empêtrés dans leur propre crise, pourrait remplacer le manque à gagner des échanges avec la Russie abandonnés. Au demeurant l’UE elle-même doit faire ses comptes.

Le prix de la guerre des sanctions

Avant le coup d’État de février 2014, le vote de la Crimée en faveur de son rattachement à la Fédération de Russie (16 mars 2014), et les sanctions occidentales qui s’ensuivirent, la Russie était la deuxième importatrice des produits agricoles européens. En 2013, les exportations de l’UE vers la Russie représentaient 11,8 milliards d’euros, 10 % de toutes les ventes de produits agricoles des vingt-huit.

La réponse russe aux sanctions occidentales a justement, principalement frappé le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Les secteurs qui ont subi le plus d’impact de la réponse russe aux sanctions de l’Union européenne ont été les produits laitiers, viande, fruits et légumes, explique Jacques Sapir qui cite l‘économiste Mielgo Domínguez Jésus lequel estime que « l’élargissement des sanctions européennes montre que Bruxelles agit contre ses propres intérêts et qu’elle est soumise à la politique de Washington » [9]. Parmi les pays les plus touchés : l’Allemagne, la Pologne, la Lituanie, la France…

Cela ne fait rien, l’Union européenne persiste. Sans craindre le ridicule : elle vient de rajouter plusieurs noms sur sa « liste noire » des personnes, russes ou ukrainiennes, persona non grata sur son territoire, parmi elles, Yosip Kobzon, un chanteur juif russe très connu qui est allé se produire à Donetsk. Sa ville natale !

D’aucuns ne se cachent plus du but recherché avec les sanctions. Mme Galina Ackerman est, dixit Wikipédia, « une écrivaine, historienne, journaliste et traductrice franco-russe, spécialiste du monde russe et ex-soviétique ». Elle est surtout une spécialiste de l’intox et la voix de son maître américain. Interrogée le 20 février sur France Info, elle a naïvement lâché le morceau : il faut poursuivre et amplifier les sanctions a-t-elle dit en substance et surtout fournir à l’Ukraine de quoi tuer plus de « militaires russes » pour provoquer un mécontentement tel en Russie que Vladimir Poutine n’y résistera pas. Est-ce là l’expression d’« une écrivaine, historienne, journaliste et traductrice franco-russe » ou celle d’une va-t-en-guerre en civile ?

Mais pour une fois Lady Ackerman dit vrai. Tel est bien l’objectif de Washington. Il y a cependant loin de la coupe aux lèvres comme on dit. La popularité de Vladimir Poutine n’a jamais été aussi élevée : plus de 80ù de soutien dans l’opinion.

Les manifestations contre le président russe qui défrayaient la chronique il y a encore deux ans, ne sont plus qu’un(mauvais) souvenir. Mikhaîl Gorbatchev l’approuve et, face à l’Occident, le président du Parti communiste de la Fédération de Russie, Guennadi Ziouganov le soutient en partie. Il fallait bien mal connaître le peuple russe pour penser qu’en attaquant sa patrie, il se soumettrait et accepterait le retour de ceux qui, sous Boris Eltsine, avait dépecé le pays, l’avait humilié et le poussait même à sa fin [10].

Même sur le plan économique, les sanctions occidentales, si elles pénalisent sévèrement le pays, n’ont pas les effets catastrophiques qu’on veut voir en Occident. Ainsi Jacques Sapir peut il noter : « Bien des observateurs annonçaient des résultats « apocalyptiques » des sanctions prises tant par l’Union européenne que par les Etats-Unis contre la Russie. La réalité apparaît comme nettement différente et sensiblement plus contrastée. On a constaté ces derniers mois des évolutions importantes, qui sont dans une certaine mesure le produit du nouveau régime de relations internationales. L’impact des sanctions a semblé très faible jusqu’en avril 2014, mais aujourd’hui on peut faire les constatations suivantes :

(a) Il y a une reprise de l’activité industrielle en Russie (+2,5% sur le premier semestre) qui est nette.

(b) L’activité du secteur agricole et agro-alimentaire semble s’accélérer sur les mois de juin et de juillet, soit avant l’entrée en vigueur des mesures russes de rétorsion.

  1. Ces effets positifs semblent directement liés à la dépréciation d’environ 10% du Rouble, depuis le mois de mars, qui non seulement améliorent la compétitivité des producteurs en Russie amis qui tendent à faire baisser les coûts (exprimés en roubles) pour les grands exportateurs.

    (d) Les sanctions prises en septembre 2014 semblent avoir provoqué un gel provisoires des grands projets d’investissement, lié à la nécessité pour les grandes entreprises de changer leurs modes de financement et de trouver de nouveaux partenaires » [11].

    Mais la politique occidentale des sanctions ne se paye pas seulement cash, elle va coûter très cher à moyen et long terme tant à Washington qu’à Londres, Berlin ou Paris. Elle pousse la Russie à s’engager dans deux directions parallèles : sur le plan intérieur à favoriser une refonte complète de son industrie ; sur le plan extérieur, à favoriser des coopérations structurelles avec les pays des BRICS ( Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) .

Un autre monde est possible

Le plus extraordinaire avec les Américains, c’est qu’ils croient qu’ils sont supérieures à tout le monde. Ce serait un super client collectif pour un psychanalyste comme Freud. Puissant en titre et impuissant dans les faits. En 1944 les États-Unis ont débarqué en Normandie quand il fut avéré que l’Armée rouge allait gagner la guerre. Elle l’a gagnée. Ils lâchèrent leur bombe atomique sur Hiroshima quand ils craignirent que leur victoire sur le Japon puisse dépendre de l’entrée en guerre de l’URSS contre l’empire du Levant, comme il avait été prévu par les Accords de Crimée (février 1945).

Depuis cette hyperpuissance, comme elle se considère elle-même, a perdu toutes les guerres qu’elle a menées : la Corée, le Vietnam, l’Irak, pour ne citer que les plus importantes.. Elle quitte l’Afghanistan piteusement. Elle n’a plus le contrôle de l’Amérique latine. Si ce n’était la Pologne et les Pays baltes, elle serait réduite en Europe à la portion congrue d’une puissance subalterne.

Ainsi, quand l’Amérique veut enrayer son déclin elle le précipite. Elle n’est déjà plus la première puissance industrielle. La Chine la dépasse. Elle n’a plus comme drapeau que son dollar. Il est en lambeaux ; bientôt il sera plus qu’une relique.

Les sanctions, les humiliations -comme l’élargissement de l’OTAN en Europe centrale - ont poussé la Russie à accélérer et à amplifier l’orientation qui était la sienne depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir : la construction d’alliances multiformes à l’Est au Sud et encore bien au-delà, dans l’ancien jardin privé de la Maison-Blanche :‎ l’Amérique latine. En Iran, en Turquie, en Égypte aussi où Moscou vient de signer son grand retour.

Or tous ses accords sont marqués d’un leitmotiv : les échanges, aujourd’hui réglés en dollars le seront à l’avenir en monnaies nationales. C’est plus qu’une gifle pour les États-unis, c’est le commencement de la fin d’une domination mondiale ; la fin des accords de Bretton Woods de 1944. La création d’une banque de développement des BRICS va dans ce sens. La Russie et la Chine sont désormais étroitement associées à un pôle économique et financier qui conteste la domination occidentale sur les marchés financiers et la contourne.

Si le dollar s’en trouve menacer, il en va de même pour l’Euro qui n’est déjà pas dans une forme éclatante. Bref, la politique de sanctions occidentale contre la Russie se retourne fatidiquement contre ses inspirateurs et acteurs. Autant que la défaite militaire des troupes de Kiev, cette situation pousse Paris et Berlin a prendre, semble-t-il, quelques distances avec Washington et à essayer de conjurer la catastrophe qui menace l’Europe.

C’est le sens de l’engagement de François Hollande et d’Angela Merkel dans le processus qui a conduit à l’Accord de Minsk du 12 février.

L’Accord de Minsk

Le cessz-le-feu conclu à Minsk devait prendre effet le 15 février à minuit. Cependant, les milices de Donetsk et Lougansk venaient d’encercler plusieurs milliers de militaires ukrainiens et de mercenaires fascistes à Debaltsevo, un nœud ferroviaire essentiel à la continuité territoriale entre les deux régions insurgées. On proposait à Porochenko d’évacuer pacifiquement cette poche.

Il refusa et nia même un quelconque encerclement de ses troupes. Dans ces conditions, les milices républicaines ont resseré leur tenaille et obligé les forces kieviennes à abandonner leurs positions.

Un autre risque pèse à court terme sur le cessez-le-feu : il est probable que Donetsk cherche à récupérer l’important port de Marioupol sur la mer d’Azov, conquis le 13 juin, par les blindés des forces gouvernementales, les bataillons « Azov », « Ukraine » et « Donbass », groupes de mercenaires ukrainiens et étrangers – dont plusieurs Français- formés par des néonazis comme Oleg Liachko [12] et financés par le milliardaire Igor Kolomoïsky. Globalement, le cessez- le – feu est cependant respecté et l’évacuation des armes lourdes a commencé au moins du côté des insurgés. Un accord est intervenu le dimanche 22 février pour l’évacuation des armes lourdes, comme prévu à Minsk et le même jour un premier échange de prisonniers a été effectué.

On lira en annexe le texte complet de l’accord. Il est précédé d’un protocole, signé par les chefs d’État et de gouvernement, Hollande, Merkel, Poutine et Porochenko.

Il stipule ceci qui est d’une extrême importance : « Ils [les personnalités citées NDLR] soutiennent les discussions trilatérales entre l’UE, l’Ukraine et le Russie afin de trouver des solutions pratiques aux préoccupations soulevées par la Russie concernant la mise en œuvre de l’Accord de Libre Échange Complet et Approfondi entre l’Ukraine et l’UE ». C’est ce que revendiquait Moscou il y a déjà un an !

Au terme de cet Accord, l’Ukraine ne devrait ni entrer dans l’OTAN ni dans l’Union européenne.

Il est évident que sont nombreux ceux qui veulent torpiller le processus engagé à Minsk. En Ukraine où les fascistes ont déjà déclaré qu’ ils ne se sentaient pas concernés et où le Premier ministre, Arseni Iatseniouk, en homme lige des Américains fera tout pour empêcher une solution politique ; à Washington où la guerre contre la Russie (par personne interposée, c’est ça le courage !) est un objectif fondamental de la défense de ses intérêts, on l’a vu.

Mais en Europe aussi, il faut compter avec le « parti atlantiste » et son influence dans le médias.

Les chances de la paix résident dans notre capacité à contrevenir le courant russophobe qui s’est propagé en Europe et particulièrement en France.

Le texte de l’Accord de Minsk [13]

Cessez-le-feu immédiat et universel dans les zones actuellement contrôlées par les régions de Donetsk et de Lougansk et respect strict de ce cessez-le-feu à compter du 15 février 2015 à minuit (heure ukrainienne).

Retrait de tous les armements lourds par les deux côtés, à des distances égales, afin de créer des zones de sécurité : d’une largeur de 50 km minimum d’écartement pour les systèmes d’artillerie d’un calibre de 100 mm et plus, d’une largeur de 70 km pour les lance-roquettes multiples, et d’une largeur de 140 km pour les lance-roquettes Tornado-S, Ouragan, Smertch et les systèmes de missiles tactiques Totchka (Totchka U) :

– pour les troupes armées ukrainiennes : depuis la ligne de démarcation de fait ;

– pour les formations armées des zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk : depuis la ligne de démarcation établie par le mémorandum de Minsk du 19 septembre 2014. Le retrait des armements lourds énumérés plus haut ne doit pas commencer plus tard que le lendemain du cessez-le-feu, et être achevé dans une période de 14 jours.

Ce processus sera assisté par l’OSCE avec le soutien du Groupe de contact tripartite.

L’OSCE assurera une surveillance et un contrôle efficace du régime de cessez-le-feu et du retrait des armements lourds dès le premier jour du retrait, en y employant toutes les ressources techniques nécessaires, notamment des satellites, des drones, des systèmes de radiolocalisation, etc.

Le lendemain du retrait, entamer le dialogue sur les modalités de conduite d’élections locales, conformément à la législation ukrainienne et à la loi ukrainienne « Sur le régime temporaire d’autogestion locale dans des zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk », et également sur le régime futur de ces régions, sur la base de la loi ukrainienne.

Sans tarder, pas plus tard que 30 jours à compter de la date de signature de ce document, adopter un décret de la Rada suprême d’Ukraine mentionnant le territoire sur lequel s’étend le régime particulier, conformément à la loi ukrainienne « Sur le régime temporaire d’autogestion locale dans des zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk », sur la base de la ligne fixée dans le mémorandum de Minsk du 19 septembre 2014.

Garantir la grâce et l’amnistie, par le biais de l’adoption et de la mise en vigueur d’une loi interdisant la poursuite et la condamnation des personnes en lien avec les événements ayant eu lieu dans les régions ukrainiennes actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk.

Garantir la libération et l’échange de tous les otages et personnes illégalement détenues sur la base du principe « tous contre tous ». Ce processus devra être achevé au plus tard cinq jours après le retrait. Garantir l’accès sécurisé, la fourniture, la conservation et la distribution d’aide humanitaire aux nécessiteux sur la base d’un mécanisme international.

Détermination des modalités du rétablissement total des liens socio-économiques, notamment les versements sociaux, comme le paiement des retraites et les autres versements (encaissements et recettes, paiement en temps voulu de toutes les factures communales, rétablissement de l’imposition dans le cadre du champ juridique de l’Ukraine).

À cette fin, l’Ukraine rétablira la gestion en segment de son système bancaire dans les régions touchées par le conflit, et il sera peut-être crée un mécanisme international pour faciliter ces versements.

Rétablissement d’un contrôle total du gouvernement ukrainien sur la frontière étatique dans toute la zone de conflit, qui doit commencer le lendemain des élections locales et s’achever après la fin du règlement politique universel (élections locales dans des zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk sur la base de la loi ukrainienne et réforme constitutionnelle) d’ici la fin de l’année 2015, sous condition de l’exécution du point 11 – par des consultations et en accord avec les représentants des régions particulières de et de Lougansk dans le cadre du Groupe de contact tripartite.

Évacuation depuis le territoire de l’Ukraine de toutes les formations armées et de la technique militaire étrangère, ainsi que des mercenaires, sous la surveillance de l’OSCE.

Désarmement de tous les groupes illégaux. Conduite d’une réforme constitutionnelle en Ukraine, avec entrée en vigueur d’ici fin 2015 de la nouvelle constitution, qui servira d’élément clé de la décentralisation (avec prise en compte des particularités des zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk, acceptée par les représentants de ces régions), et également adoption d’une législation permanente sur le statut spécial des régions particulières de Donetsk et de Lougansk, avant la fin de l’année 2015.

Sur la base de la loi ukrainienne « Sur le régime temporaire d’autogestion locale dans les zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk », les questions concernant les élections locales seront débattues avec les représentants des régions particulières de Donetsk et de Lougansk dans le cadre du Groupe de contact tripartite. Les élections seront conduites dans le respect des standards de l’OSCE correspondants et sous la surveillance du BIDDH de l’OSCE.

Intensifier l’activité de Groupe de contact tripartite, notamment par le biais de la création de groupes de travail pour l’exécution des aspects correspondants des accords de Minsk. Ces groupes reflèteront la composition du Groupe de contact tripartite.

Ces mesures, conformément à la loi « Sur le régime temporaire d’autogestion locale dans les zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk », incluent ceci :

– Les personnes liées aux événements ayant eu lieu dans les régions de Donetsk et de Lougansk ne seront ni condamnées, ni poursuivies, ni discriminées ;

– droit à l’autodétermination linguistique ;

– participation des organes d’autogestion locale à la désignation des responsables des organes du Parquet et des juges dans les zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk ;

– possibilité pour les organes centraux du pouvoir exécutif de conclure avec les organes d’autogestion locale correspondants des accords relatifs au développement économique, social et culturel des zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk ;

– l’État assurera le soutien du développement socio-économique les zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk ;

– contribution des organes centraux du pouvoir à la collaboration transfrontalière des zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk avec les régions de la Fédération de Russie ;

– création de détachements de milice populaire selon les décisions des conseils locaux, dans le but de maintenir l’ordre public dans les zones actuellement contrôlées par les républiques de Donetsk et de Lougansk ;

– les mandats des députés des conseils locaux et des responsables élus lors des élections anticipées fixées par la Rada suprême d’Ukraine par cette loi ne peuvent être suspendus avant terme.

Ce document a été signé par les membres du Groupe de contact tripartite :

L’ambassadeur Heidi Tagliavini

Le deuxième président d’Ukraine L.D. Koutchma

L’ambassadeur de Fédération de Russie en Ukraine M. I. Zoubarov

A.V. Zakhartchenko (République de Donetsk)

I.V. Plotnitskiï (République de Lougansk)

Notes :

[1] Le 20 février des manifestants e t des policiers sont tués par des snippers. Yanoukovitch en est accusé. Depuis, un document a été présenté lors d’un séminaire le 1er octobre 2014 par le professeur Katchanovski du département de Science Politique de l’Université d’Ottawa au Canada.

Celui-ci indique : « le massacre des manifestants et de policiers a représenté un renversement du gouvernement de l’Ukraine et un crime majeur contre les droits de l’homme. Ce renversement violent a constitué un changement de gouvernement par des moyens non-démocratiques. Il a donné lieu à un violent conflit qui a tourné à la guerre civile dans l’Est de l’Ukraine, à une intervention russe en soutien aux séparatistes de Crimée et du Donbass, et à l’éclatement de facto de l’Ukraine.

Il a aussi été la cause d’une escalade internationale entre l’Ouest et la Russie au sujet de l’Ukraine. Les évidences indiquent qu’une alliance entre les mouvements d’opposition de Maïdan et l’extrême-droite est impliquée dans le meurtre de masse de manifestants et de policiers, tandis que l’implication des forces spéciales de la police dans le meurtre d’autres manifestants ne peut être exclue sur la base des évidences publiquement disponibles ». La vérité sur Maïdan, blog de Jacques Sapir , 19 novembre 2014.

[2] Le 8 février 2010, le lendemain du scrutin présidentiel, Joao Soares, le président de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) déclarait : « L’élection a offert une démonstration impressionnante de démocratie. C’est une victoire pour tout le monde en Ukraine. Il est temps maintenant pour les dirigeants politiques du pays d’écouter le verdict du peuple et de faire en sorte que la transition de pouvoir soit pacifique et constructive ». Le Monde du 8 février 2010.

[3] Cf Bernard Frederick La crise ukrainienne point par point, 6 mars 2014, sur ce site : http://www.lafauteadiderot.net/

[4] Le Grand Echiquier, paru en France en 1997 aux éditions Bayard, et sous titré : L’Amérique et le reste du monde.

[5] G. Sussman et S. Krader, « Template Revolutions : Marketing U.S. Regime Change in Eastern Europe », Westminster Papers in Communication and Culture, University of Westminster, London, vol. 5, n° 3, 2008, p. 91-112

[6] Cf mon article du 6 mars 2014 sur ce site.

[7] http://www.coface.com/fr/Etudes-eco....

[8] En Ukraine, le temps presse.26 mars 2014 Par Jacques Sapir. http://russeurope.hypotheses.org/2148

[9] Article cité.

[10] Une étude de The Lancet , une revue scientifique médicale britannique, estime que l’augmentation de plus de 18 % de la mortalité en Russie après d’implosion de l’URSS était attribuable aux privatisations massives, au chômage et à un accès difficile aux soins à l’époque de la « thérapie de choc » pratiquée par Boris Eltsine sur injonction des Occidentaux. L’espérance de vie des hommes à la naissance est passée de 63 ans en 1990 à 58 ans en 2000 pour remonter à 62 ans en 2009. Pour les femmes, elle est passée de 74 ans en 1990 à 72 ans en 2000 pour remonter à 74 ans en 2009. « Notre mission consiste à porter l’espérance de vie à 74 ans d’ici 2018 et à 75,7 ans d’ici 2020 », indiquait V. Poutine lors d’une réunion du bureau du Conseil d’État de Russie consacrée au développement du système de protection sociale des personnes du troisième âge.

[11] Jacques Sapir, 18 octobre 2014.

[12] Le 6 août 2014, Amnesty International a publié un rapport dénonçant le fait qu’Oleg Liachko filme et diffuse sur son site internet des vidéos dans lesquelles on le voit, accompagné de groupes paramilitaires, pénétrer dans des lieux publics ou privés pour y enlever des personnes, les humilier et les contraindre par la force à exécuter ses ordres.

[13] Source : kremlin.ru, traduction : http://www.lecourrierderussie.com

 

16:51 Publié dans Actualités, International, Médias | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ukraine, russie, traité | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

06/01/2015

UKRAINE : Les néonazis fêtent le Nouvel An

ukraineneonazis.jpg

Le ministère de la Défense ukrainien a décidé de mettre à disposition d’un groupe fasciste les bases d’entraînement de l’armée. Le cortège ressemble à un défilé nazi des années 1930 en 
Allemagne.

Regards hostiles, tenues de camouflage, torches flamboyantes serrées dans les poings. Les images d’Euronews sont éloquentes. À Kiev, le soir de la première journée du Nouvel An 2015 charrie des relents nauséabonds que l’on croyait réservés 
aux pellicules sépia de la dernière guerre.

Ils sont des milliers de partisans des mouvements d’extrême droite Svoboda et Pravy Sektor à défiler dans les rues de la capitale ukrainienne. Les banderoles explicites s’agitent : « Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux héros ! Gloire à la nation ! Mort aux ennemis ! » Des hommes en treillis, d’autres en civil portent un étendard rouge au cœur duquel trône l’effigie de Stepan Bandera, né il y a cent six ans.

L’anniversaire du chantre de l’ultranationalisme ukrainien est d’ailleurs prétexte à ce rassemblement.En ce début d’année plein d’incertitudes quant à l’issue de la crise ukrainienne, 
le symbole est loin d’être innocent et la référence au soi-disant « libérateur » de la nation ukrainienne moderne et ennemi juré de l’Union soviétique a de quoi inquiéter. Il suffit de convoquer l’histoire pour s’en rendre compte.

La démonstration de force 
devrait sonner comme un rappel pour les Occidentaux

naziselle.jpgStepan Bandera est approché en 
février 1941 par les nazis. Il lui est demandé de créer une résistance intérieure pour endiguer l’avancée de l’Armée rouge. Bientôt, il forme une légion ukrainienne à la solde des SS, et le 25 juin de la même année, ses hommes commettent une série de pogroms contre les juifs de la plus grande ville occidentale du pays, Lviv.

Le 30 juin, alors que la Wehrmacht a repoussé l’Armée rouge hors de la région, Stepan Bandera et quelques milliers d’Ukrainiens accueillent l’armée allemande en libératricers. Le même jour, les nazis établissent un gouvernement à Kiev avec le leader nationaliste à sa tête.

L’accord passé entre Stepan Bandera et le Troisième Reich est sans équivoque : «  L’État ukrainien nouvellement formé travaillera en étroite collaboration avec le national-socialisme de la Grande Allemagne, sous la direction de son chef, Adolf Hitler, qui veut créer un nouvel ordre en Europe et dans le monde et aider les Ukrainiens à se libérer de l’occupation soviétique. »

Depuis le début du conflit qui mine l’Ukraine, le Kremlin a souvent dénoncé le caractère néonazi de la révolution de Maïdan et si les affirmations de Vladimir Poutine ne font certes pas office de vérité révélée, la démonstration de force de ce début d’année devrait sonner comme un rappel pour les Occidentaux, Européens en tête, qui, jusqu’à présent, restent désespérément neutres.

Il y a un peu plus d’un mois, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution proposée par le Brésil et la Russie condamnant la glorification du nazisme. Avec les États-Unis et le Canada, l’Ukraine avait été l’un des trois États à voter contre cette résolution. L’ensemble des membres de l’Union européenne se sont quant à eux étrangement abstenus, y compris l’Allemagne et les pays ayant eu de fortes accointances avec le régime nazi…

De fait, la décision prise hier par le ministère de la Défense ukrainien de mettre ses bases d’entraînement à la disposition du Pravy Sektor – à la fois parti dont des députés participent à la politique menée par Porochenko, mais aussi véritable milice armée et supplétif de l’armée classique ukrainienne – révèle de plus en plus la nature duplice de ce régime. « L’initiative de créer une unité conjointe a été lancée par les nationalistes, et les militaires ont accepté cette idée », a précisé la chaîne 
de télévision TSN. « Le groupe ultranationaliste ukrainien Pravy Sektor et le ministère de la Défense ont convenu de former un bataillon “polyvalent” dans la région de Vinnitsa dans le centre du pays », rapportent également les médias locaux.

L’exact contraire de ce que prônait ce week-end Kenneth Roth, le directeur exécutif de Human Rights Watch, inquiet de l’autonomie des milices d’extrême droite et des exactions commises : « Nous souhaiterions que ces bataillons intègrent le système du ministère de la Défense ou de l’Intérieur.

Il importe que cela ne se fasse pas que pour la forme, mais que cela contribue à l’affirmation de la discipline et au respect des dispositions des conventions de Genève. » Le fait que Pravy Sektor soit à l’initiative de ce rapprochement avec l’armée ukrainienne et non l’inverse, comme le souhaitait Kenneth Roth, a en effet de quoi surprendre et confirme le glissement progressif de l’Ukraine dans un ultranationalisme assumé au su et au vu d’une Union européenne qui, pour l’instant, campe sur ses positions antirusses.

Les horreurs liées au nazisme n’appartiennent pourtant pas qu’aux livres d’histoire, comme le rappelle pudiquement le responsable de Human Rights Watch : « Nous sommes préoccupés par de nombreuses violations des droits de l’homme de la part des bataillons composés de volontaires. » La sonnette d’alarme est tirée. Y aura-t-il des hommes à Bruxelles et ailleurs pour l’entendre ?

Stéphane Aubouard, l'Humanité

20:06 Publié dans Actualités, Histoire, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ukraine, nazis, manifestation | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

01/09/2012

Alimentation : Les Bourses préparent de nouvelles émeutes de la faim

famine, ukraine, émeutes, russie, Etats-Unis, sécheresse, michel barnierDepuis mai, le prix 
du blé a augmenté 
de près de 40 %, 
celui du maïs de plus de 60 %. Le soja suit la tendance. Ces hausses spéculatives se traduiront par une flambée des prix alimentaires. Les paysans français, acheteurs de céréales pour leur bétail, sont les premiers à payer 
la facture.

Une spéculation durable est engagée sur le blé, le maïs et le soja depuis plusieurs semaines. Par effet de contagion, la hausse des prix touche aussi les céréales secondaires, comme l’orge et les oléagineux, et les plus cultivés en Europe : le colza et le tournesol. Depuis juin, le prix du blé a augmenté de près de 40 % et celui du maïs de plus de 60 % à la Bourse de Chicago.

La tendance est la même sur les autres places financières où s’échangent chaque jour des milliers de tonnes de grains sans bouger de leurs silos. Plus sidérant encore, les récoltes de 2013, 2014 et même 2015 peuvent être partiellement prévendues sur le marché à terme très au-dessus de 200 euros la tonne car une sécheresse sévère sévissant au États-Unis, en Russie, en Ukraine et au Kazakhstan pousse les spéculateurs à considérer que les prix resteront élevés plus longtemps que lors de la crise de 2007-2008, qui déboucha sur des émeutes de la faim dans près de 40 pays.

Pour le blé, la production mondiale pourrait être cette année de 662 millions de tonnes, auxquels s’ajoute un stock de report de fin de campagne de 177 millions de tonnes. Il n’y a donc pas de risque de pénurie. Mais les stocks sont inégalement répartis. Les pays structurellement déficitaires n’étaient guère enclins aux achats, ces dernières semaines, car ils voulaient connaître la qualité des blés récoltés avant de s’engager.

 Dans le même temps, les trois gros pays exportateurs que sont la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan ont une récolte en baisse de 34 % par rapport à 2011. Dès lors, leurs capacités d’exportation seront moindres. La Russie a déjà beaucoup exporté cet été et le souci de stabiliser les prix des denrées alimentaires sur leur marché intérieur peut inciter ces trois pays à relever leurs stocks de sécurité. Il n’en faut pas plus pour qu’on anticipe d’énormes profits en spéculant sur les céréales dans les salles de marché.

famine, ukraine, émeutes, russie, Etats-Unis, sécheresse, michel barnierS’agissant du maïs, les États-Unis tablent désormais sur une récolte de 273 millions de tonnes, au lieu des 375 millions de tonnes envisagés au mois de mai dernier. Comme ce pays utilise 40 % de son maïs pour produire de l’éthanol destiné aux véhicules, la part des réservoirs entre en concurrence avec celles de la consommation humaine et animale. Du coup, les spéculateurs tablent aussi sur une pénurie de maïs et sur des prix en forte hausse.

Selon les dernières prévisions de FranceAgrimer, rendues publiques le 10 août dernier, la production française de blé tendre sera de 36,5 millions de tonnes en 2012, contre 34 millions en 2011. Le rendement moyen sera de 75 quintaux à l’hectare, soit quatre de plus que la moyenne des cinq dernières années. La qualité des blés panifiables est tout à fait correcte en dépit de quelques aléas climatiques. Il en va de même pour le blé dur, destiné à la production de pâtes, ainsi que pour les orges, dont la production est en hausse de 30 % par rapport à 2011.

Beaucoup des ces céréales ont été vendues depuis plusieurs mois sur les marchés à terme par des agriculteurs ou par l’intermédiaire de leurs coopératives. Le prix effectif a souvent été de 170 à 180 euros la tonne, tandis que celui du blé rendu à Rouen s’affiche aujourd’hui à plus de 260 euros. Nul doute que la différence aura été empochée par les spéculateurs et autres réassureurs qui ne produisent aucune richesse mais font payer leurs interventions parasitaires au consommateur final.

En France toujours, les professionnels les plus malmenés par cette politique spéculative sont les éleveurs de volailles, de porcs, les producteurs de lait de vache, de chèvre ou de brebis et, dans une moindre mesure, les engraisseurs de bovins et d’agneaux. Les fabricants d’aliments pour le bétail répercutent l’augmentation du prix des céréales et des tourteaux de soja dans celui des aliments composés qu’ils livrent aux éleveurs. Mais ces derniers ne fixent pas librement le prix des animaux de boucherie ou du lait. Ces prix fluctuent selon la loi de l’offre et de la demande dans un bras de fer permanent qui oppose les distributeurs aux transformateurs, lesquels reportent leurs propres difficultés sur les éleveurs.

Aux dernières nouvelles, les États-Unis, la France et le Mexique envisageraient de réunir prochainement le Forum de réaction rapide, mis en place lors du G20 agricole de juin 2011 à Paris, afin de voir s’il est possible de freiner la spéculation sur les denrées alimentaires. Ce G20 parisien entendait « améliorer la transparence sur les marchés agricoles » et « coordonner les dispositifs d’observation satellitaires de la planète » en vue de « réduire les effets de la volatilité des prix pour les pays les plus vulnérables ». Il préconisait enfin de « favoriser l’accès à des outils de gestion du risque pour les gouvernements et les entreprises des pays en développement ».

À aucun moment il n’a été question de constituer des stocks publics céréaliers de sécurité lors de cette réunion du G20, alors qu’il s’agirait du seul dispositif susceptible de casser la spéculation. Il est vrai que les pays exportateurs net de céréales et de soja n’en voulaient pas, à commencer par les États-Unis et le Brésil. Dès lors, une prochaine réunion de ce « machin » se limitera à regarder les spéculateurs spéculer alors que, de l’aveu même du commissaire européen Michel Barnier (1), les échanges de « dérivés agricoles » sur les marchés boursiers ont été multipliés par quatorze entre 2002 et 2008, sans compter l’accélération des quatre années qui ont suivi.

Tout démontre désormais que le pilotage de la production agricole à partir d’un marché mondialisé perverti par la finance crée une situation ingérable économiquement, explosive socialement et dévastatrice pour les nécessaires équilibres écologiques. Nous sommes désormais sur une planète en phase accélérée de réchauffement qui doit impérativement réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le moment de la « planification écologique » est arrivé, avec, pour reprendre une autre expression lancée par Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne de l’élection présidentielle, la « règle verte » comme boussole.

famine, ukraine, émeutes, russie, Etats-Unis, sécheresse, michel barnierSi on veut nourrir le monde au XXIe siècle, il faut pratiquer une agriculture « écologiquement intensive », que l’on peut caractériser par des associations de plantes dont certaines utilisent l’azote de l’air comme engrais, tandis que d’autres permettent de réduire les herbicides, les fongicides et les labours.

 Il faut recréer des ceintures vertes autour de nos grandes villes afin de limiter les transports de denrées périssables comme les fruits et les légumes frais en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Il faut privilégier l’herbe dans la nourriture des ruminants alors que l’association du maïs ensilé et du soja importé fragilise les vaches, pollue les sols et conduit notre pays à dépenser de précieuse devises pour importer du soja.

Il faut aussi réhabiliter l’arbre nourricier (2), adapter à grande échelle et aux conditions de notre époque une forme moderne d’agriculture médiévale que de nouveaux pionniers ont commencé à mettre en route avec une variété déjà remarquable de produits de qualité. C’est le cas avec un arbre comme le châtaignier qui pousse sur les terres pauvres, acides, pentues et inculte, produisant des tonnes de nourriture à l’hectare pour les humains, les porcins et les petits ruminants que sont les brebis et les chèvres. Mais c’est aussi le cas de l’olivier, du noyer, du noisetier, de l’amandier, du figuier, des fruits dont la production est déficitaire en France alors que les terres susceptibles de les produire sont souvent en friche.

Le XXIe siècle sera aussi celui de la mise en place de l’agroforesterie, qui associe la production de bois d’œuvre aux cultures annuelles, céréalières et autres. Des essais de rangées d’arbres en plaine céréalière menés en France depuis une quarantaine d’années ont fait la démonstration de la pertinence de cette forme d’agroforesterie pour augmenter le rendement global des parcelles et améliorer la qualité des sols, tout en protégeant les cultures annuelles des dégâts spécifiques aux périodes caniculaires.

Nous ne sommes que dans la seconde décennie d’un siècle qui va se caractériser par la cherté des énergies fossiles, des engrais, par une plus grande rareté de l’eau. Il va falloir réapprendre à jardiner la planète, plutôt que de persévérer dans la fumeuse théorie des avantages comparatifs, théorisée voilà deux siècles par le spéculateur David Ricardo, quand la planète ne comptait encore qu’un milliard d’habitants.

Le soja sera de plus en plus cher : L’Union européenne (UE) importe chaque année 34 millions de tonnes de soja pour nourrir ses animaux d’élevage. Il entre dans la composition des aliments des volailles, porcins et bovins essentiellement. Le taux de couverture de l’UE en protéines végétales pour animaux d’élevage n’est que de 44 %, celui de la France de 65 %. Environ 30 % du soja exporté d’Amérique du Nord et du Sud part en Chine et 28 % en Europe. Les chiffres étaient de 38 % pour l’Europe et 18 % pour la Chine en 2004-2005. Avec 212 millions de tonnes produites en 2008-2009, la production mondiale de soja a été multipliée par 8 en cinquante ans avec une déforestation accélérée aux conséquences écologiques et climatiques préoccupantes. Il est à plus de 500 euros la tonne et sera de plus en plus cher.

(1) Le Monde du 11 août 2012.

(2) Ces rappels renvoient au dernier livre 
de Gérard Le Puill, Bientôt nous aurons faim, avril 2011, Pascal Galodé Éditeurs.

Article publié par le journal l'Humanité