Hippocrate doit se retourner dans sa tombe. Entre 400 et 1 200 patients sont morts par manque de soins adaptés en cinquante mois, de janvier 2005 à mars 2009, à l'hôpital de Stafford, au Royaume-Uni. Depuis la révélation de ces données, en 2009, cinq rapports ont été remis au gouvernement britannique. Le dernier, effectué sous la houlette de Robert Francis, a été rendu public le 6 février. Tous montrent du doigt Stafford comme étant le pire hôpital de l'ère moderne.
Comment est-ce arrivé ?
Depuis l'une des nombreuses réformes du système de sécurité sociale britannique, l'hôpital de Stafford, comme d'autres, n'est plus sous l'égide du ministère de la Santé, mais d'un fonds de gestion, le Mid Staffordshire NHS Hospital Trust. Dès lors, l'hôpital était géré comme une entreprise : pour atteindre des objectifs financiers, des décisions administratives et des réductions de budgets ont eu comme conséquence une prise en charge minimale des patients.
Comment le scandale a-t-il été découvert ?
L'hôpital de Stafford commençait à avoir de mauvais retours dès 2006. Ce n'est qu'en 2007 que la Commission de santé (Healthcare Commission), puis la NHS (National Health Service, la Sécurité sociale) ont regardé les données de plus près avec la première enquête. Selon la direction de Stafford, le taux élevé de mortalité n'était dû qu'a des "erreurs de codification". Une justification qui ne sera pas du goût des familles des victimes, notamment Julie Bailey, dont la mère est décédée à Stafford. Elle deviendra vite la tête de proue de la grogne. Au final, près de 200 témoignages, 900 victimes et plus d'un million de pages de preuves ont été mis au jour.
Que reproche-t-on exactement à l'hôpital de Stafford ?
En premier lieu, le manque de soins. Certains n'ont jamais eu un seul médicament contre la douleur, pas même du paracétamol. D'autres n'ont pas été lavés durant un mois. Nourriture et boissons étaient placées hors de portée des patients. Des malades ont été renvoyés chez eux avant d'être guéris, ce qui veut dire qu'ils ont dû être réhospitalisés pour les mêmes raisons plus tard.
Ensuite, le manque d'hygiène. Des bandages et pansements usagés traînaient partout. Les familles nettoyaient elles-mêmes les toilettes. Quant aux patients alités, aucun personnel ne les aidait à aller aux WC. Finissant par faire leurs besoins dans leur lit, ils étaient laissés dans leurs excréments ou assis sur les toilettes des heures durant.
Enfin, le personnel, mal formé et pas assez nombreux. Les jeunes docteurs étaient laissés seuls. Les mauvais diagnostics étaient fréquents. Des patients restaient en attente à cause d'opérations annulées à la dernière minute. Les hôtesses d'accueil, sans formation médicale, devaient estimer la nécessité de soins et diriger les malades vers les bons services. Et, comme s'il fallait en rajouter, les membres de Stafford voulant s'opposer au système faisaient l'objet de menaces et de harcèlement moral.
Aurait-on pu l'éviter ?
Oui. Plusieurs organismes et verrous existent. Or, comme le révèlent les cinq rapports depuis 2009, aucun n'a été activé, tant au niveau de la NHS qu'au niveau local.
Quelles sont les conséquences ?
Sans surprise, la NHS et ses réformes sont pointées du doigt. Les critiques affluent : l'incompatibilité entre tenir un budget serré et accueillir des patients toujours plus nombreux, l'obligation de réduire de 20 milliards son budget d'ici à 2015, la réorganisation des soins pour que plus de malades soient traités chez eux… Et la dernière proposition du Premier ministre, David Cameron, de rémunérer les infirmiers en fonction de leurs résultats ne risque pas d'améliorer la donne...
Article publié dans le journal METRO
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