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29/10/2013

Trading hautes fréquences: la guerre des millisecondes s’amplifie

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Des entreprises lèvent des centaines de millions de dollars pour gagner 2 millisecondes de vitesse dans un tuyau long de 1000 kilomètres. Le but: aller toujours plus vite que le voisin sur les marchés financiers.

Une entreprise propose même très sérieusement de placer un relais de dirigeables au dessus de l’Atlantique, entre les bourses de New York et de Londres pour gagner quelques millisecondes. Les informations transiteraient par un système mêlant laser et ondes millimétriques (autrement appelées ondes radio à extrêmement haute fréquence). Une opération estimée à 300 millions de dollars, qui n’attend plus qu’une banque motivée pour se réaliser.

On arrive à un niveau de folie inédit, explique à ITproPortal David Lauer, un ancien trader HFT qui a démissionné suite au flash Krach de 2010. « Il n’y a rien de plus insensé. Des quantités massives de capitaux, des milliards de dollars, sont investis uniquement pour gagner quelques millisecondes entre deux endroits. Trouvez-moi quelqu’un capable de m’expliquer l’utilité sociale de réduire de 2 millisecondes les temps de transferts entre New York et Chicago ? Mais il y a encore de l’argent à faire… »

Comme 800 millions de dollars en 7 ms

Et il y a quelques jours, un évènement lui a parfaitement donné raison. Le 18 septembre, la FED (banque centrale américaine), a annoncé contre toute attente poursuivre ses injections massives de liquidités dans l’économie américaine. Pour le dire schématiquement, la FED continue de faire marcher la planche à billets pour favoriser la reprise économique, mais avec le risque de légèrement dévaluer le dollar. L’information ne devait être publiée qu’à 14 heures très précise. Les journalistes étaient confinés dans un bunker avant la conférence de presse pour s’assurer qu’il n’y ait aucune fuite. Sauf que 5 à 7 millisecondes avant que l’information ne fasse de Washington New-York, elle était arrivée à Chicago. Un laps de temps suffisant pour spéculer à hauteur de 800 millions de dollars sur l’or (valeur refuge par excellence en cas de dévaluation), sur le marché des dérivés de Chicago…

5 millisecondes qui suffisent pour démontrer un délit d’initié. La seule autre possibilité serait qu’un opérateur aurait réussi à dépasser la vitesse de la lumière, ce que suggère avec ironie le spécialiste Nanex(*). Comme il y a environ 1000 kilomètres entre Washington (la Fed) et Chicago, la lumière prendrait un peu plus de 3ms.
Le lobby des traders à hautes fréquences s’est défendu ce jeudi dans un communiqué, pointant plutôt la responsabilité de journalistes qui auraient brisé l’embargo.  

Une histoire qui démontre encore l’incapacité totale des organismes de régulation des marchés financiers, comme la SEC aux Etats-Unis, à surveiller quoique ce soit. S’il a fallu quelques millisecondes pour échanger près de 800 millions de dollars, les régulateurs n’ont, deux semaines après, toujours pas compris ce qui s’était passé.

On parle de l’importance du temps de transfert et non des temps de calcul pour une bonne raison. Le 30 septembre, une entreprise britannique, Argon Design, a ainsi d’annoncer avoir réussi à réduire le temps de calcul de son algorithme pour décider d’une transaction à 176 nanosecondes, soit 10-9 seconde, contre 10-3 seconde pour les millisecondes qu'on emploie pour mesurer les temps de transfert.

(*)Nanex est une société américaine qui a développé un programme permettant d’analyser jusqu’à 8 milliards d’opérations boursières par jour. Leurs études permettent de se rendre compte de l’influence du HFT dans le jeu financier, de repérer les anomalies et les flash-krach.

Pierric Marissal pour l'Humanité

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