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27/02/2019

Impôt sur le revenu, taux marginal et taux moyen : la grande confusion de Jean-Jacques Bourdin

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Un face-à-face tendu a opposé le candidat communiste aux européennes Ian Brossat et le journaliste Jean-Jacques Bourdin, lundi sur BFM-TV.

En France, comme dans nombre de pays, l’impôt sur le revenu est progressif : le taux d’imposition augmente en fonction de ses revenus. Ce principe n’est pas nouveau, ni unique ; il demeure difficile à comprendre pour beaucoup.

Dernier exemple en date : lundi 25 février, les auditeurs de RMC et BFM-TV ont probablement eu du mal à suivre l’échange animé entre le journaliste Jean-Jacques Bourdin et le candidat du Parti communiste aux européennes, Ian Brossat, autour de la question des tranches d’imposition.

Voici leur dialogue retranscrit :

« Ian Brossat : Il faut taxer à 80 % [au-delà de 10 000 euros de salaire mensuel], ça me paraît légitime et ça ne mettra personne sur la paille.

Jean-Jacques Bourdin : 80 % au-delà de 10 000 euros ? Vous savez que 2 % des Français payent 41 % de l’impôt sur le revenu et c’est normal. Et 10 % des foyers fiscaux plus de 70 % de l’impôt sur le revenu, c’est bien cela ?

Ian Brossat : C’est ça.

Jean-Jacques Bourdin : Donc 80 % au-delà de 10 000 euros, c’est-à-dire que celui qui paie… euh… 10 000 euros d’impôts [sic] est prélevé de 8 000 euros tous les mois ?

Ian Brossat : Eh bien, ça me paraît tout à fait…

Jean-Jacques Bourdin :… et il lui reste 2 000 euros ?

Ian Brossat : Non, mais pas du tout.

Jean-Jacques Bourdin : Ah pardon, Ian Brossat… Alors que celui qui gagne 4 000 euros, combien lui reste-t-il ?

Ian Brossat : Non, mais ça ne fonctionne pas comme ça… Il faudrait faire le calcul, je ne peux pas l’improviser de cette manière-là.

Jean-Jacques Bourdin : Vous me dites, au-delà de 10 000 euros par mois, c’est 80 % d’impôts. Impôts prélevés à la source, 80 %, pour moi, ça fait 8 000 euros. Donc il lui reste 2 000 euros. Celui qui gagne 10 000, il lui reste 2 000 !

Ian Brossat : Non, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, je vous promets que je vous ferai le calcul. »

Pourquoi cette séquence est du n’importe quoi ?

Les tranches, un concept toujours aussi mal compris

Ian Brossat, tête de liste du Parti communiste pour les élections européennes, souhaite que de nouvelles tranches d’impôt soient mises en place pour que les très hauts revenus contribuent davantage aux finances publiques. Ian Brossat souhaite donc que soit instaurée une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu (IR), à 80 % au-delà de 10 000 euros mensuels.

M. Bourdin confond le taux marginal et le taux moyen de l’impôt sur le revenu. L’IR obéit à un barème progressif, ce sont les fameuses tranches selon lesquelles on subdivise son revenu annuel imposable. Dans le barème actuel :

  • la fraction de revenus comprise entre 0 à 9 964 € n’est pas imposée ;
  • la fraction de revenus comprise entre 9 965 et 27 519 € est imposée à 14 % ;
  • la fraction de revenus comprise entre 27 520 et 73 779 € est imposée à 30 % ;
  • la fraction de revenus comprise entre 73 780 et 156 244 € est imposée à 41 % ;
  • la fraction de revenus supérieure à 156 245 € est imposée à 45 %.

Prenons le cas cité par Jean-Jacques Bourdin, soit X, une personne célibataire et sans enfants dont le revenu annuel est de 120 000 euros ; celui-ci est diminué de 10 %, au nom de la déduction forfaitaire, soit 108 000 euros.

Le taux marginal de l’IR appliqué aux revenus de X est de 41 %, ce qui ne veut pas dire qu’il paiera 41 % de ses revenus en IR.

Pour calculer le taux moyen de son IR, il faut appliquer le barème, tranche par tranche, à son revenu. Son IR se décompose comme suit :

  • 0 € pour la première tranche de 0 à 9 964 € ;
  • 2 457 € pour la deuxième tranche [(27 519 - 9 965) × 14 %] ;
  • 13 877 € pour la troisième tranche [(73 779 - 27 520) × 30 %] ;
  • 14 030 € pour la quatrième tranche [(108 000 - 73 780) × 41 %] ;
  • 0 € pour la dernière tranche.

Donc un total de 30 365 euros, soit un taux moyen d’imposition de 25,3 % [(30 365/120 000) × 100]

Cette confusion est assez répandue. Il est courant qu’un gain de salaire soit accompagné de la crainte de « passer dans la tranche du dessus ». Une augmentation de revenus, aussi minime soit-elle, peut faire changer le taux marginal appliqué, si l’on se trouve près des seuils. Mais l’impact sur le taux moyen d’imposition sera minime.

Et avec une tranche à 80 % ?

Que se passerait-il si on ajoutait une tranche à 80 % au-delà de 120 000 euros annuels ?
Tous les revenus au-delà de 120 000 euros annuels seraient imposés à 80 %.

Le barème serait le suivant :

  • la fraction de revenus comprise entre 0 à 9 964 € n’est pas imposée ;
  • la fraction de revenus comprise entre 9 965 et 27 519 € est imposée à 14 % ;
  • la fraction de revenus comprise entre 27 520 et 73 779 € est imposée à 30 % ;
  • la fraction de revenus comprise entre 73 780 et 119 999 € est imposée à 41 % ;
  • la fraction de revenus supérieure à 120 000 € est imposée à 80 %.

Dans le cas de X qui a ému M. Bourdin, cela ne changerait rien concernant les revenus qu’il évoque (10 000 euros par mois, 120 000 euros par an). Avec 10 000 euros net par mois, la personne n’est en réalité pas concernée par une tranche à 80 % qui commence à partir de cette somme.

Prenons le cas de Y, célibataire et sans enfants à charge, qui gagne 12 000 euros par mois, soit 144 000 euros annuels. Son revenu est abaissé de 10 %, soit 129 600 € :

  • 0 € pour la première tranche de à 9 964 € ;
  • 2 457 € pour la deuxième tranche [(27 519 - 9 965) × 14 %] ;
  • 13 877 € pour la troisième tranche [(73 779 - 27 520) × 30 %] ;
  • 18 949 € pour la quatrième tranche [(119 999 - 73 780) × 41 %] ;
  • 7 680 € pour la dernière tranche [(129 600 - 120 000) × 80 %].

Au total, Y paiera 43 143 euros d’impôt sur le revenu, soit un taux moyen d’imposition de 29,95 %. Ce qui est toujours très inférieur aux 80 % évoqués par M. Bourdin.

Une tranche à 80 %, est-ce réaliste ?

La proposition de M. Brossat pose cependant question. On se souvient que François Hollande avait voulu imposer une tranche à 75 % pour les revenus situés au-delà d’un million d’euros annuels, soit 83 000 euros par mois, huit fois le seuil que propose M. Brossat. Or François Hollande avait été contraint de reculer. Dans un premier temps, l’exécutif d’alors n’avait pas voulu prendre le risque d’une censure du Conseil constitutionnel, qui aurait pu considérer cet impôt, additionnée à l’Impôt sur la fortune et à la CSG, comme confiscatoire. Une solution avait été trouvée, mais finalement censurée par le Conseil constitutionnel. Une troisième version de cette taxe, payée par les entreprises, avait finalement vu le jour, avant d’être abandonnée en 2015.

Jonathan Parienté , Samuel Laurent et Jérémie Baruch pour le Monde

17:33 Publié dans Cactus, Economie, Pour les nuls | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ian brossat, bourdin, impôts | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

16/02/2019

Sema Kılıçkaya • “La langue de personne” Roman prix littéraire France-Turquie

sema kilickaya la langue de personne.jpg

Au Kedistan, le mois d’avril fut propice à la lecture et au jardinage… Enfin… pas vraiment, mais on pourrait presque le laisser croire, puisque voici une présentation d’un roman, La langue de personne, de Sema Kılıçkaya, paru chez Emmanuel Collas, que nous vous recommandons.

Dans l’est de la France vit modestement une famille dont le père, originaire de Turquie, est arrivé jusque là, dans les années 1970, pour trouver du travail. L’histoire commence quand revient Fatma, qui avait quitté la France plus de vingt ans auparavant et s’était réfugiée aux États-Unis. Elle retrouve une famille qu’elle avait laissé. Le père, hospitalisé, sa soeur Élif, qui a dû prendre la responsabilité de la famille, et les enfants. Tous vivent dans leur HLM de toujours. L’attentat contre Charlie est en pleine actualité. Pour ne pas se laisser entraîner dans l’hystérie qui s’empare de sa famille et de tout le pays, Fatma joue avec les mots et s’interroge sur le vivre ensemble.
Quelle expérience partager, d’une génération à l’autre, d’une langue à l’autre ?
Avec La Langue de personne, Sema Kılıçkaya s’interroge avec humour et tendresse sur les origines de ce malaise.

Voilà brièvement campée la situation de ce livre, telle que la décrit la quatrième de couverture. On y ajoute que “La question de la langue est centrale dans l’œuvre de Sema Kılıçkaya“.

Le prix littéraire France-Turquie 2018 a été décerné à Sema Kiliçkaya pour La Langue de personne, paru aux éditions Emmanuelle Collas. Chaque année depuis un peu moins de vingt ans, le prix littéraire du comité France-Turquie est décerné à un auteur turc ou français ayant écrit sur la Turquie.

Le 11e prix Seligmann a été attribué également à Sema Kiliçkaya pour « Le royaume sans racines » en 2014.

Sema.jpgL’auteur, Sema Kılıçkaya est née en 1968 en Turquie, à Antioche, à la frontière syrienne, dans ce milieu à la fois arabophone et turcophone. Arrivée en France très tôt,  à l’âge de quatre ans, elle est devenue professeur d’anglais et exerce aussi comme traductrice.

Elle a publié en 2004 un recueil de contes et légendes de Turquie, Anadolu, puis un roman, Le Chant des tourterelles, qui raconte l’histoire d’une famille turque, à cheval sur trois générations. On en retrouve d’ailleurs certains personnages dans Le Royaume sans racines, le roman suivant qui évoque le difficile enracinement de la communauté turque en France. Le Prix Seligmann contre le racisme lui est décerné pour ce dernier ouvrage en 2014.

Le livre qui suivra, Quatre-vingt-dix-sept, se déroule lui durant les manifestations autour de Gezi en 2013.

Sources Kedistan

18:45 Publié dans Arts, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sema kiliçkaya, la langue de personne | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!