20/08/2013
"Cela se jouera sur le terrain social en Tunisie et sécuritaire en Égypte"
Béligh Nabli, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste des mutations du monde arabe, explique pourquoi l’attitude du puissant syndicat UGTT, qui revendique 500 000 adhérents, en Tunisie, et celle de l’armée en Égypte auront une grande influence sur les événements à venir.
HD. La Tunisie peut-elle basculer dans un chaos comparable à ce qui se produit en Égypte ?
Béligh Nabli. Un scénario à l’égyptienne, je ne pense pas. En Tunisie, l’armée n’a pas ce rôle central, ce poids économique et institutionnel qui pourrait lui permettre de se poser en arbitre entre deux blocs. Le bloc islamiste, même si le terme est impropre dans la mesure où il y a différents courants qui le traversent, fait face à un bloc hétérogène dans lequel on retrouve Nidaa Tounes (Appel de la Tunisie), un parti qui rassemble entre autres des anciens du régime de Ben Ali et qui est pratiquement passé devant Ennahdha dans les sondages. Ensuite, il y a les petits partis de la gauche progressiste ou radicale, qui sont aux avant-postes dans l’opposition frontale aux islamistes. Ce sont eux qui, notamment, demandent la dissolution de l’Assemblée constituante. Ils ont un impact fort car ils portent des revendications ancrées dans la société tunisienne.
HD. Quel rôle peut jouer le syndicat UGTT, qui revendique près de 500 000 adhérents ?
Béligh Nabli. autant l’armée tunisienne n’a pas le poids de l’armée égyptienne, autant la Tunisie a la particularité d’avoir ce syndicat extrêmement puissant qui a fait la démonstration de sa capacité de mobilisation dans l’histoire moderne du pays. La parole et la position de l’UGTT seront fondamentales dans les semaines à venir. Si le syndicat opte pour une posture de rupture avec le gouvernement en place, il a la capacité d’asphyxier la vie économique. Le basculement en Tunisie se jouera plutôt sur le terrain économique et social, que sur le terrain militaire ou sécuritaire, comme en Égypte.
HD. Comment analysez-vous le comportement de l’armée en Égypte, qui fait preuve d’une grande brutalité à l’égard des islamistes ?
Béligh Nabli. On a beaucoup reproché au président Morsi sa rigidité, son incapacité à trouver des compromis avec l’opposition. Cette rigidité caractérise aussi l’institution militaire, même si elle n’est pas vraiment surprenante : c’est la suite d’une confrontation politique ancienne qui prend ses racines dans les années 1930.
HD. Redoutez-vous un scénario comparable à ce qu’a connu l’Algérie dans les années 1990 ?
Béligh Nabli. le profil sociologique des militants des Frères musulmans n’est pas le même que celui de ceux qui ont pris le maquis en Algérie, et qui étaient pour beaucoup des vétérans de la guerre d’Afghanistan. En Égypte, ce sont des membres de la société civile qui n’ont pas vraiment vocation à l’affrontement militaire. Il me paraît relativement improbable que ces citoyens basculent dans une logique de guérilla, même s’il est concevable que des groupuscules paramilitaires puissent se former pour tenter de déstabiliser l’armée.
- Cet entretien est extrait du dossier : Tunisie – Egypte, le bras de fer pour la démocratie paru dans l’Humanité Dimanche.
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16/08/2013
Transport aérien : A bas le low-cost à tout prix !
Le PDG de Ryanair, Michael O’Leary et des hôtesses de la compagnie lors de la présentation du calendrier Ryanair 2012.
Sous la houlette de son fantasque dirigeant, Ryanair multiplie les coups bas pour devancer ses concurrents. Or ce modèle commercial nous ramène au capitalisme sauvage du XIXe siècle, s’insurge le journaliste Per Svensson, qui déplore le peu de mobilisation contre ces pratiques.
Qu’ont en commun Michael O’Leary [le patron de Ryanair] et l’Oncle Picsou ? Tous deux sont riches à millions. Qu’est-ce qui les distingue ? Picsou a bâti sa fortune sur sa propre pingrerie, Michael O’Leary sur celle des autres.
Bien que Michael O’Leary ait déclaré vouloir créer des places debout dans ses avions et y rendre les séjours aux toilettes payants, Ryanair est aujourd’hui la première compagnie aérienne d’Europe en termes de fréquentation, avec 80 millions de passagers par an. C’est aussi, en dépit d’un léger repli au dernier trimestre, une entreprise particulièrement rentable.
Sur le dernier exercice (2012-2013), Ryanair a réalisé un chiffre d’affaires de 4,9 milliards d’euros, avec un bénéfice en hausse d’un peu plus de 11 %, soit 569 millions d’euros. Des chiffres que l’on peut mettre en parallèle avec ceux de Lufthansa, par exemple, qui a annoncé un peu plus de 3 % de bénéfices sur l’exercice 2012, soit 990 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires net de 30 milliards. Lufthansa doit donc embarquer six fois plus de passagers que Ryanair pour gagner à peine le double. Autrement dit, deux euros Ryanair valent plus que six euros Lufthansa.
Ryanair devient la norme
Comment cela s’explique-t-il ? “Lowest cost always wins” [les coûts les moins élevés l’emportent toujours], répondait Michael O’Leary lors d’une conférence de presse donnée à Göteborg à l’automne dernier. C’est la doctrine constitutive du capitalisme mondial, fondée sur l’idée que, sur un marché devenu planétaire, le prix passe toujours avant la qualité. Et que, pour être moins cher que la concurrence, il faut avoir des coûts inférieurs.
Cet objectif peut être atteint de plusieurs manières. Le modèle commercial de Ryanair se fonde sur le principe du “bad enough” : le traitement réservé aux employés et aux passagers doit être suffisamment mauvais pour que le prix du billet soit suffisamment bas pour que les clients acceptent non seulement d’être traités comme de vieilles chaussettes, mais se fichent également éperdument de savoir que les employés de la société sont encore plus mal traités qu’eux. Le fait que Ryanair soit une entreprise qui malmène à la fois son personnel et ses passagers n’est pas un scoop.
Michael O’Leary est également le parfait reflet de son époque à un autre point de vue : il semble taillé pour un univers médiatique qui aime les méchants charismatiques et “tweetables”. Il “fait le buzz” en permanence et aime à poser au milieu de demoiselles en bikini.
Ryanair n’est ni une jeune entreprise prodige, ni une brebis galeuse, ni une exception qui viendrait confirmer la règle. Ryanair est, ou est en passe de devenir, la norme ; une des illustrations les plus frappantes d’un vaste changement de paradigme.
Le modèle social européen dans lequel j’ai grandi, où le marché de l’emploi et la vie économique sont caractérisés par la concertation, l’équilibre des pouvoirs et la répartition des richesses, est en net recul. Le 20e siècle est définitivement derrière nous. A la place, nous allons bientôt revenir au 19e siècle : le capitalisme sauvage, le rejet du syndicalisme, le dumping salarial, l’exploitation des travailleurs. Et Ryanair ouvre la voie.
Je n’ai jamais pris de vol Ryanair. Et je ne le ferai jamais, sous aucun prétexte. Non seulement parce que je préfère voyager comme un être civilisé, mais aussi parce que, étant libéral, je considère que l’on doit essayer, autant que faire se peut, d’être politiquement et moralement responsable de son mode de consommation, d’exercer son pouvoir de consommateur, tout simplement.
Contre la néandertalisation de l’Economie
Quatre-vingts millions de passagers peuvent-ils avoir tort ? Oui. Et je m’étonne qu’ils ne soient pas plus nombreux à en prendre conscience. Autant que je sache, bon nombre de passagers Ryanair sont des jeunes gens instruits et sensibles aux thématiques sociales. Certains d’entre eux renoncent à consommer des produits carnés pour protester contre l’industrie de la viande.
D’autres, assez nombreux j’imagine, boycottent les artistes qui ne respectent pas les femmes ou tiennent des propos racistes. Pourtant, ils voyagent sur Ryanair – alors que Ryanair n’est pas seulement une honte en soi. Du fait même de son existence, elle oblige les compagnies sérieuses à s’adapter à ce que l’on appelle "une situation de concurrence inédite", autrement dit les oblige à devenir brutales à leur tour ou à disparaître.
Il est donc difficile de comprendre comment quelqu’un qui se dit “de gauche” peut faire la queue devant un guichet Ryanair sans rougir. Dans l’histoire récente, aucune autre entreprise n’a, à la fois directement et indirectement – par la force de l’exemple – autant contribué à saper les fondements sociaux que la “gauche” prétend vouloir défendre et qui constituent le socle sur lequel les sociétés prospères d’Europe de l’Ouest se sont érigées après-guerre : la sécurité au travail, la décence des salaires, la solidarité mutuelle entre les employés et leur entreprise, et ainsi de suite…
Pourquoi la question n’est-elle pas soulevée plus souvent par les intellectuels ? Pourquoi le cas Ryanair ne fait-il l’objet d’aucun débat de fond ? Pourquoi la gauche suédoise contemporaine se préoccupe-t-elle si peu de l’économie et de la violence de certains rapports de force ?
Comment se fait-il, pour parler concrètement, que Lilla Hjärtat [personnage de la littérature jeunesse suédoise jugé raciste] et le changement d’une voyelle dans les pronoms personnels [le pronom neutre “hen” a été proposé pour remplacer le féminin “hon” (elle) et le masculin “han” (il)] soient des thèmes de débat plus mobilisateurs en Suède que Michael O’Leary et la néandertalisation de la vie économique ?
Sydsvenskan Malmö. Traduction : Jean-Baptiste Bor pour Press Europ
17:34 Publié dans Cactus, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ryanair, michael o’leary, low-cost, aviation civile | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
15/08/2013
EGYPTE : TEMOIGNAGES CONTRADICTOIRES SUR LES MASSACRES !
Lettre de témoignage d'Égypte :
Cher tous
"Ce matin je me suis réveillée à 5 heures du matin, j'appréhendais probablement quelque chose, je ne sais quoi
Moi qui étais contre la prise d'assaut des sit-in; pour éviter une effusion de sang, je n'en pouvais plus suite aux attaques à Menya et a Sohag contre les chrétiens, la semaine dernière; l'incendie de leurs églises, de leurs commerces et de leurs maisons; leur terrorisation; les marquages de leurs maisons et de leurs églises par des croix et des slogans racistes; des pratiques fondamentalement fascistes. Et la plus dramatique fut l'attentat contre une petite fille de 11 ans devant une église anglicane dans la banlieue est du Caire; et ce sans parler de tous les actes de vandalisme et de terrorisme contre les bâtiments et les populations au cours de leurs cortèges.
Bref, vers 6h45 je reçois un message sur mon portable m'invitant à ouvrir la télé
J'ouvre la chaîne ONTV life; le début de l'évacuation du sit-in de Nahda; en face du campus universitaire de l'université du Caire est diffusé en direct. Forces bombes lacrymogènes; avancées, beaucoup de fumées; un autre quart de l'écran montre aussi l'évacuation du site de Rabaa dans la banlieue est du Caire.
En fait c'est la première fois que l'on montre cela en Egypte, il y avait donc un souci de transparence et pour contrer toute accusation de violence excessive.
Pendant un quart d'heure, avant la prise d'assaut, les forces de l'ordre ont adressé un message aux occupants pour dégager, beaucoup sont partis à travers le couloir aménagé par les forces de l'ordre. Ceux qui sont resté étaient armés, et ont ouvert le feu vers les forces de l'ordre. un officier fut tué d'abord; bien d'autres ont suivis.
La prise d'assaut de Nahda, a duré une heure; et tout fut réglé, on a découvert des armes dans des cercueils qui furent montrées aux agences de presse;
Ailleurs à Rabba ce fut plus difficile et cela a duré jusqu'à 18 h. Je vous rappelle que le sit in à Nahda, est limité à l'ouest par le campus principal de l'université du Caire, au sud par le jardin zoologique et au nord par le jardin des plantes que les occupants ont quasiment détruit, c'est un parc historique qui date du 19è.
Bref , les Ikhwans ont mobilisé leurs adeptes dans toute l'Egypte, eux qui ont toujours menacé de brûler l'Egypte ont commencé à mettre leur plan en oeuvre;
bilan :
Les chrétiens ont payé le prix le plus lourd avec 18 église incendiés au sud, en moyenne Egypte et à Suez et dont une église historique dans le sud datant du 4è siècle
L'incendie de 21 postes de police dont celui de Kerdassa dans la banlieue ouest du Grand Caire où 12 policiers ont été égorgés et lynchés, ce fut l'horreur
La destruction du rez-de-chaussée du ministère du budget
43 martyrs parmi les forces de la police; dont deux généraux, 18 officiers et les reste des soldats
211 blessés parmi les forces de l'ordre dont 55 officiers; nombreux sont dans un état grave;
149 civils morts
Et la presse occidentale continue à parler d'un sit in pacifique; Ca suffit; les armes saisies dans ces deux sit in sont inimaginables, je rappelle le rapport d'Amnesty International il y a une semaine que je vous ai envoyé et qui a dénoncé les actes de meurtre et de torture dans les deux sit in
Les frères musulmans est une organisation terroriste, fasciste, le peuple égyptien appuie sa police et son armée pour en venir à bout.
La France lutte bien contre le terrorisme; au Mali, en Afhganistan avec les US; nous n'avons pas besoin d'eux; mais lorsque nous luttons contre ce même terrorisme on parle d'un bain de sang. L'horreur à Kerdassa; montre bien la nature de ces terroristes.
Ce qui s'est passé aujourd'hui n'est qu'un début; les égyptiens ne lâcheront pas; ce sera long; mais ils finiront par nettoyer l'Egypte de ce fléau terroriste.
11:05 Publié dans Actualités, ACTUSe-Vidéos, International, Planète, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : egypten témoignage, terrorisme | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
13/08/2013
MILLIARDAIRES ET KARL MARX POUR LA NOUVELLE SEINE !
Adieu le Métamorphosis, joli bateau-restaurant-théâtre de magie tenu avec passion et générosité durant plus de vingt ans par le prestidigitateur Jan Madd.
Bonjour La Nouvelle Seine. Changement de propriétaire et d'enseigne, donc, pour ce lieu de spectacle amarré face à Notre Dame qui devrait s'ouvrir à l'avenir aux genres de représentation les plus divers (seul en scène, musique, théâtre...).
C'est la comédienne Audrey Vernon qui essuie les plâtres. Depuis la semaine dernière, elle donne à bord deux one woman show en alternance. "Marx et Jenny" d'une part, "Comment épouser un Milliardaire" de l'autre. Nous avons assisté au second. Un petit bijou d'humour hilarant, subtil, intelligent et corrosif à souhait, brillamment écrit, malicieusement interprété, qui croque admirablement le capitalisme et ses magnats.
Annonçant quitter le métier d'humoriste pour épouser la 33ème fortune mondiale (sans regret car elle ne savait faire que des sketches tristes...), avec une impayable ingénuité de façade et une logique bien à elle, la jeune femme confie au public ce qui l'a poussée à se trouver un mari richissime, épluchant pour mettre la main dessus le classement Forbes des milliardaires, puis décrit son quotidien surréaliste aux côtés de son futur époux.
Ainsi apprendrons-nous que ce n'est pas en travaillant qu'on devient riche ("Arrêtez tout de suite !" dit-elle...), qu'il est totalement ringard de prendre l'avion à Roissy ou Orly (c'est au Bourget qu'il faut grimper dans son jet), qu'il est difficile de dépenser son fric quand tout vous appartient (car il finit toujours par vous revenir...), que le supplément du Financial Times s'intitule "How to Spend it", ou encore que la crise est une arnaque ("on fait disparaître du faux argent et on demande aux gens de rembourser avec du vrai")...Sacrément cynique, mais si proche de la réalité, et surtout irrésistiblement drôle, ce spectacle truffé de séquences mémorables, superbement maîtrisé par la demoiselle, est à ne pas manquer.
Article publié par Fous de Théâtre
Marx et Jenny, gageure d’Audrey Vernon
En robe rouge et escarpins noirs, Audrey Vernon investit la Nouvelle Seine jusqu’au 14 septembre pour présenter son « one-Marx-show ». Marx et Jenny recrée l’histoire du quatuor que formèrent Karl Marx, sa femme Jenny, leur ami Friedrich Engels et leur dévouée gouvernante Hélène Demuth.
Un chapeau noir pour Engels, une fleur rouge dans les cheveux pour Jenny, la comédienne prête sa voix aux différents protagonistes. Elle mêle narration et extraits épistolaires pour révéler le quotidien du philosophe et de son proche entourage, de l’amour vivace jusqu’à la mort du couple Marx, à la santé précaire de leurs enfants, de leurs difficultés économiques à la rédaction acharnée du Capital.
Audrey Vernon s’attache également à évoquer la verve politique des auteurs du Manifeste communiste. Et la comédienne ne se fait pas prier pour soulever des paradoxes censés les opposer aux prolétaires : Engels est un bourgeois de naissance et Marx se laisserait aller à l’oisiveté. Reste une plongée dans la vie intime de Karl Marx, « mieux que Secret Story ». On n’en doute pas une seconde : la richesse historique du spectacle n’est pas comparable à la bassesse de la téléréalité.
Seulement, la prestation manque un peu de punch. La comédienne a une diction et une capacité de mémorisation remarquables, mais on se noie parfois dans le flot d’informations. L’intrigue mériterait d’être resserrée, peut-être sur « l’événement tragi-comique » que constituent l’infidélité de Marx et la grossesse d’Hélène Demuth…
Les allusions au monde contemporain et la dramatisation sont timides. Bercés par le roulis de la péniche où se produit Audrey Vernon, on attendrait davantage de jeux de mots et de traits d’humour, ou un peu plus de piquant peut-être.
14:21 Publié dans Actualités, ACTUSe-Vidéos, Arts, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : karl marx, audrey vernon, friedrich engels, milliardaire, nouvelle seine | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |