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11/08/2014

L'Amérique latine derrière Gaza

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Plus de 10 000 km séparent l'Amérique latine de bande de Gaza. Pourtant, les réactions sud-américaines à l'opération « bordure protectrice » ont atteint une intensité inédite.

«Une guerre d’extermination menée depuis presque un siècle» , «usage disproportionné de la force dans la bande de Gaza», «agression collective contre un peuple». Ces commentaires ne proviennent pas d'associations pro-palestiniennes, mais de hauts responsables politiques du Vénézuela, du Brésil et du Chili. Comme le rapporte (en anglais) le Washington Post, l'Amérique latine a soutenu en bloc la cause palestinienne.

palespris.jpgEn tête des pays les plus critiques à l'égard de la politique militaire israélienne, Cuba, qui, dès la guerre du Kippour en 1973, avait mis un terme à ses relations diplomatiques avec Israël. Le Vénézuela d'Hugo Chavez, qui fut le président sud-américain à se rendre le plus en Palestine, a arrêté les relations en 2009. Dernier en date, le président bolivien Evo Morales. Le mercredi 30 juillet il inscrivait l'état hébreu sur une liste des «Etats terroristes».

Mais il serait réducteur de croire que seul les gouvernements de gauche « radicale » se manifestent contre l'opération militaire menée à Gaza. «Déjà en 2009 l'opération israélienne contre Gaza « Plomb durci » avait soulevé des critiques contre l'Etat hébreu, explique Christophe Ventura, chercheur spécialiste de l'Amérique latine à l'IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques). Mais cette fois-ci, c'est historique: l'ensemble des pays de l'Amérique centrale et du sud sont sur la même ligne politique. Le Mercosur (marché commun du sud, organisation économique qui réunit l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et le Vénézuela) qui se tenait la semaine dernière à Caracas, a débouché sur une déclaration commune condamnant l'offensive israélienne à Gaza.» 

«Nain diplomatique»

Un peu plus de deux semaines après le début de l'opération «Bordure protectrice», la présidente brésilienne, Dilma Roussef, rappelait pour consultation son ambassadeur en Israël après avoir qualifié de «massacre» l'offensive de Tsahal. Israël a répondu par l'intermédiaire du porte-parole de son gouvernement, Yigal Palmor, en traitant de «nain diplomatique» le géant sud-américain.

«Le Brésil se fait le porte-voix des gouvernements qui n'acceptent pas la manière dont le droit international est piétiné en fonction des intérêts occidentaux. De plus, le pays compte assumer son statut de puissance émergeante. Il veut affermir son implication dans les grands dossiers qui agitent le monde. Il ne faut pas oublier qu'en 2010 le Brésil avait fait avec la Turquie une proposition d'accord sur le nucléaire iranien. Les Etats-Unis ont refusé mais Téhéran a accepté», explique le chercheur.

Le geste fort du Brésil a entraîné dans son sillage le Pérou, l'Equateur, le Chili et le Salvador à rappeler leurs ambassadeurs. L'Argentine a convoqué l'ambassadeur d'Israël et condamné sévèrement l'entreprise militaire israélienne. Le pays a pourtant une relation privilégiée avec Israël en raison de sa communauté juive qui avec 150 000 personnes est la plus importante d'Amérique latine. De même, la Colombie, pays le plus à droite du continent et confronté à un conflit militaire interne qui l'incline à soutenir «le droit à se défendre», a pris une position non-équivoque face à Israël. Pourtant le pays est l'allié traditionnel des Etats-Unis dans la région et son armée est notamment formée par Tsahal.

Liens important entre les deux continents

«Il y a une relation charnelle entre les pays arabes et l'Amérique Latine», raconte Christophe Ventura. Ainsi le Vénézuela abrite une grande communauté syrienne. Au Brésil également, nombreux sont les citoyens ayant une origine syrienne ou libanaise. Leur part monterait à 6% de la population totale. «La communauté arabe au Brésil est très présente, tant dans la vie culturelle qu'économique ou politique. C'est un facteur qui compte, rapporte Christophe Ventura. D'ailleurs, c'est pour cela que l'ancien président brésilien Lula a pendant son premier mandat fortement contribué à créer des échanges importants avec le Proche-Orient. Entre 2001 et 2010, les exportations du Brésil vers le Moyen-Orient ont augmenté de 63%. Et de 330% avec l'ensemble des pays du Mercosur. Il ne faut pas oublier non plus que Lula fut le premier président sud-américain à se rendre en Palestine en 2002.»

À l'instar de l'Europe, des manifestations de soutien aux habitants de Gaza ont eu lieu un peu partout sur le continent latin. Le 26 juillet, une protestation devant l'ambassade israélienne a donné lieu à des heurts avec les forces de l'ordre tandis que le 1 août à Brasilia, le comité de soutien au peuple palestinien demandait officiellement la fin des relations diplomatiques avec Israël. «L'Amérique latine a un rapport différent des Américains et des Européens avec la fondation de l'Etat hébreu, analyse le chercheur à l'IRIS. Pour eux, la question israélo-palestinenne est celle d'un conflit colonial au XXIe siècle. Il y a donc chez les latinos-américains une identification à la cause palestinienne qui crée une forte empathie. Cette idée coloniale est insupportable pour l'opinion publique. Tout comme celle-ci est frappée par la violence qui s'est abattue sur Gaza.» 

Guilherme Ringuenet , pour la Vie