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11/09/2013

Il y a quarante ans, le coup d’Etat contre Salvador Allende

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Chili, 40 ans. Anniversaire du coup d’Etat de Pinochet (11 septembre 1973, 11 septembre 2013)

"Savez-vous pourquoi il n'y a jamais eu de coup d'Etat aux Etats-Unis ? Parce qu'il n'y a pas d'ambassade des Etats-Unis aux Etats-Unis..." Michelle Bachelet, ancienne Présidente du Chili (fille d'un général assassiné avec la complicité des Etats Unis).

« Nous ne devons pas laisser l’Amérique latine penser qu’elle peut emprunter ce chemin sans en subir les conséquences », martèle le président américain Richard Nixon devant le Conseil national de sécurité le novembre 1970.

L’avant-veille, le président socialiste Salvador Allende a pris ses fonctions. La coalition qui a porté la gauche au pouvoir est fragile, et la Maison Blanche bien décidée a « faire hurler » l’économie du pays. Après des mois de déstabilisation (manœuvres institutionnelles, grèves patronales, manifestations, tentatives de coup d’Etat, etc.), l’armée chilienne intervient.

Elle est soutenue par la presse, par l’organisation fasciste Patrie et Liberté, par le Parti national et par les Etats-Unis.

Le 11 septembre 1973, elle bombarde le palais présidentiel. Quelques heures avant sa mort, au cours d’une ultime allocution radiophonique, Allende déclare : « Ils ont la force, ils pourront nous asservir ; mais on n’arrête pas les mouvements sociaux, ni par le crime ni par la violence. » Débute alors l’une des dictatures les plus brutales qu’ait connues l’Amérique latine : plus de trois mille morts, près de trente-huit mille personnes torturées et des centaines de milliers d’exilés.

Septembre_Chilien.jpgQuelques jours après le coup d’Etat, le réalisateur Bruno Muel se rend sur place, pour témoigner. Avec Théo Robichet et Valérie Mayoux, il réalisera le documentaire Septembre chilien — qui ressort en salles le 2 octobre — dont il raconte ici la genèse.

Laboratoire des politiques néolibérales, le Chili fut également celui de nouvelles méthodes de déstabilisation, comme le révèle le film La Spirale, réalisé (en collaboration avec Chris Marker) par Jacqueline Meppiel, Valérie Mayoux et l’intellectuel Armand Mattelart, qui livrera bientôt ici son analyse de la stratégie de la bourgeoisie chilienne.

Si celle-ci dut s’organiser, c’est que de 1970 à 1973, le Chili aura menacé les intérêts des puissants : de la constitution de solides organisations populaires (lire L’« octobre rouge » chilien et la naissance des cordons industriels) à l’émergence d’une politique étrangère non alignée

.Ce qui explique sans doute qu’après une longue période d’oubli, les étudiants chiliens mobilisés depuis septembre 2011 aient décidé de dépoussiérer l’icône Allende, ainsi que son héritage politique.

Article publié par le Monde Diplomatique


Coup d'Etat Chili 1973 par sybelium

25/09/2011

Camila Vallejo «Notre mécontentement est dû à l’insoutenable inégalité»

camilavallejo.jpgÂgée de vingt-trois ans, Camila Vallejo, 
s’est imposée à la tête du mouvement de contestation étudiante qui secoue actuellement 
le Chili. Elle étudie 
la géographie 
et elle est membre des Jeunesses communistes.

Correspondance. Depuis plus de trois mois, vous manifestez pour une éducation publique, gratuite et de qualité. Pourquoi faut-il réformer 
le système éducatif chilien ?

Camila Vallejo. La mobilisation actuelle a atteint ce niveau de pertinence et attire autant l’attention, car nos revendications reflètent le sentiment des Chiliens et de nombreux citoyens du monde. Les médias parlent de LA crise de l’éducation, mais le problème va beaucoup plus loin. Il s’agit d’une crise du système démocratique et d’un mécontentement généralisé dû à l’insoutenable inégalité qui maintient l’énorme majorité des Chiliens dans la précarité, sans santé publique, sans éducation publique et endettés jusqu’au cou, en raison des salaires trop bas. Dans ce contexte, nous n’exigeons pas une réforme du système, mais un changement radical des fondements de celui-ci. Car, dans l’éducation, en premier lieu, c’est à cause de ces fondements que nous sommes encore un pays sous-développé, sans les projets nationaux qui envisagent d’autres valeurs que celles du marché.

Chaque année, les étudiants chiliens se mobilisent. Le mouvement de 2011 semble plus fort et plus entendu...

Camila Vallejo. Tant que le Chili sera un pays injuste et inégalitaire, les gens descendront dans la rue pour le dénoncer. Cela a toujours été la note dominante, même depuis la fin de la dictature. Depuis l’arrivée de Piñera au pouvoir, toutefois, l’évidente défense du privé dans les services basiques du pays et l’assaut de privatisations que le gouvernement a tenté de lancer dans le dos des acteurs sociaux, ont provoqué un mécontentement tel parmi les citoyens qu’il a débouché sur la mobilisation sociale la plus grande depuis les années 1980. Les contradictions entre ce que propose le gouvernement de droite et ce que les citoyens veulent défendre sont de plus en plus aiguës. D’où, la popularité très basse de l’exécutif ces derniers mois.

Qu’attendez-vous du dialogue 
avec le gouvernement ?

Camila Vallejo. Durant ces mois de mobilisation, nous avons été marqués par l’intransigeance avec laquelle le gouvernement a défendu le modèle néolibéral qui prédomine dans l’éducation. En particulier, lorsqu’il s’est montré prêt à exprimer son côté le plus violent et répressif. Après tant de manifestations de centaines de milliers de personnes, qu’il commence juste à vouloir faire respecter la loi (qui interdit le profit dans l’éducation – NDLR) sonne comme un manque de respect. Ce mouvement mérite d’être écouté. Et si le président n’est pas disposé à céder par le dialogue, nous exigerons un référendum pour démontrer et faire respecter l’opinion de la majorité.

Est-ce un avantage 
ou un inconvénient d’être face 
à un gouvernement de droite ?

Camila Vallejo. Avec le gouvernement Piñera, le Chili a compris qu’il n’y a rien de pire pour le peuple qu’un programme de droite. Difficile donc d’y voir un avantage. Cependant, l’assaut de privatisations et les graves erreurs du gouvernement – comme la répression excessive et l’intransigeance idéologique – ont généré une plus grande émotion dans la population, fatiguée des privilèges de quelques-uns. Ceci nous a permis d’atteindre une participation historique aux manifestations et un soutien jamais vu auparavant. À l’inverse, les ferventes convictions néolibérales du gouvernement rendent les avancées et les possibilités d’accord plus difficiles. De plus, cette droite est liée aux « propriétaires du Chili », c’est-à-dire au secteur entrepreneurial et aux familles les plus riches. Elle dispose donc de la grande majorité des médias de masse, de l’influence des riches entrepreneurs, en plus des forces policières et militaires. Déjà en vigueur sous la Concertación (coalition de centre gauche, au pouvoir pendant vingt ans – NDLR), cette situation est encore plus forte aujourd’hui, car le mouvement effraie les plus privilégiés.

En 2006, la mobilisation étudiante avait obtenu une grande table de travail sur l’éducation. Mais, arrivés au Parlement, les projets de loi ont été vidés de leur substance. Comment éviter un échec similaire ?

Camila Vallejo. Même si les deux mouvements se ressemblent, de nouveaux éléments font aujourd’hui envisager une issue positive. D’une part, malgré les efforts de la presse pour nous diviser ou détourner l’attention de la population, nous bénéficions toujours d’un très fort soutien et nos opinions comme dirigeants étudiants sont bien évaluées. D’autre part, même si c’est en partie par opportunisme, la Concertación et ses parlementaires ont une posture plus proche de la nôtre que de celle de l’exécutif. Enfin, nous nous préparons pour cette étape de dialogue. Nous avons exigé des garanties (débats télévisés, gel des projets de loi sur l’éducation lancés au Parlement notamment), pour que le dialogue ne se transforme pas en un accord de coalitions politiques en catimini. Surtout, nous continuerons à manifester.

Vous faites partie des Jeunesses communistes. Quelle influence 
a cet engagement sur votre travail 
de leader et sur le mouvement ?

Camila Vallejo. Une grande partie de la dirigeante que je suis aujourd’hui vient de la militante d’hier. Ma formation politique, la discipline et le soutien de nombreux camarades engagés me permettent de réaliser mon travail avec clarté et tranquillité. Sans eux, ce serait impossible. Par ailleurs, la lutte de ce mouvement est aussi la lutte de ma jeunesse. J’endosse cette cause en tant que représentante des étudiants de l’Université du Chili, mais c’est aussi par conviction personnelle que je me bats pour rétablir l’éducation publique dans mon pays.

En plus d’écrire sur votre rôle à la tête du mouvement, des médias ont évoqué votre physique, vous qualifiant de « belle rebelle », voire de « leader sexy ». Quelle est votre réaction ?

Camila Vallejo. Cela répond au machisme qui, malheureusement, caractérise encore notre société. Mais je crois aussi qu’à cette occasion, nous apprenons quelque chose des capacités des femmes, et j’espère que nous pourrons avancer en matière de discrimination sexiste. Pour que cette situation ne devienne pas juste une anecdote de mauvais goût derrière l’historique mobilisation de cette année.

Entretien réalisé par Lucile Gimberg pour l'Humanité