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08/02/2024

Au travail à 14 ans : les ados, nouvelle armée de réserve du patronat américain

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Au prétexte d’une pénurie de main-d’œuvre, une quinzaine d’États dirigés par les républicains ont voté des lois assouplissant les conditions d’emploi des jeunes âgés de 14 à 16 ans. Une façon de maintenir des salaires bas inspirée par le patronat du Sud.

Diminution des impôts pour les plus aisés, stigmatisation de l’immigration, maintien du gel du salaire minimum fédéral (7,25 dollars de l’heure, inchangé depuis 2009), restriction du droit à l’avortement, négation des personnes transgenres, dénonciation du wokisme : on connaît les grandes lignes du programme que les républicains défendront, en novembre, lors de l’élection présidentielle.

Néolibéralisme et guerres culturelles : que des valeurs sûres du conservatisme américain. Mais viendra-t-il s’y ajouter un nouvel élément ? Du côté de certains think tanks comme des élus du Grand Old Party, on propose, comme le formule l’Alabama Policy Institute, de « supprimer les obstacles à l’autorisation de travail des mineurs ».

C’est ce que sont concrètement en train de mettre en œuvre de nombreux États – tous dirigés par des républicains. Seize d’entre eux ont voté des lois réduisant les barrières à l’emploi de jeunes âgés de moins de 16 ans.

Il ne s’agit évidemment pas de renvoyer des mômes de 10 ans dans les mines, le travail des enfants de moins de 14 ans demeurant interdit, selon les termes du Fair Labor Standards Act, voté en 1938, en plein New Deal, mais de considérer les jeunes âgés de 14 à 16 ans comme des adultes et donc des salariés à part entière.

« Faire face à la pénurie de main-d’œuvre »

En mars dernier, Sarah Huckabee Sanders, gouverneure de l’Arkansas et ancienne responsable presse de Donald Trump lorsque celui-ci était à la Maison-Blanche, a signé une loi qui supprime l’obligation faite aux services de l’État de vérifier l’âge des travailleurs de moins de 16 ans et de leur délivrer une autorisation.

La cérémonie officielle de signature de cette nouvelle législation a donné l’occasion d’une photo qui semblait tout droit sortie d’une œuvre dystopique : brandissant le texte paraphé, l’élue expose un sourire radieux tandis que trois enfants placés à côté d’elle – apparemment plus jeunes que 14 ans, tous blancs et habillés comme des adultes (cravate pour les deux garçons, chemisier fermé jusqu’au dernier bouton pour la jeune fille) – affichent un visage totalement fermé, voire apeuré.

En septembre, la Floride devenait le treizième État à supprimer des protections en 2023 : l’État dirigé par Ron DeSantis a supprimé toutes les « lignes directrices » sur les heures de travail que les employeurs peuvent accorder aux jeunes de 16 ou 17 ans, permettant ainsi aux adolescents de travailler un nombre illimité d’heures par jour ou par semaine, y compris les quarts de nuit les jours d’école.

« Le nombre de violations du travail des enfants a augmenté de près de 300 % depuis 2015, selon les données du ministère américain du Travail. »

Reid Maki, coordinateur de la Child Labor Coalition

Cette « vague » n’a évidemment rien de spontané : elle a été préparée par des groupes d’entreprises, comme la Fédération nationale des entreprises indépendantes, la chambre de commerce et l’Association nationale des restaurateurs, et appuyée, État par État, par des associations d’hôtellerie, d’hébergement et de tourisme, de l’industrie alimentaire ou encore des constructeurs de maisons.

L’argument brandi est à chaque fois le même : faire face à la pénurie de main-d’œuvre. Le pays est plutôt confronté, comme le note le site Truthout, « à une pénurie d’employeurs offrant des salaires justes et raisonnables ». Le salaire minimum fédéral – à 7,25 dollars de l’heure – n’a pas bougé d’un iota depuis 2009. Selon l’Economic Policy Institute, sa valeur relative est au plus bas depuis soixante-six ans.

Le Sud, entre antisyndicalisme et dumping social

Dans de nombreux États, le Fight for 15, la mobilisation syndicale et associative pour doubler le montant du salaire minimum fédéral, a remporté de retentissantes victoires. Désormais, plus du tiers des salariés du pays vivent dans des États dont le « Smic » est compris entre 14 et 16 dollars de l’heure.

Ce mouvement qui fait tache d’huile depuis 2012 a rencontré une digue : le Sud, bastion des lois dites « right to work » – qui affaiblissent le syndicalisme et favorisent le dumping social –, est également la principale base géographique du Parti républicain.

Ce sont sur ces mêmes terres que fleurissent les lois visant à faciliter le travail des mineurs. Pour résumer : afin de ne pas augmenter les salaires, certaines industries préfèrent constituer un nouveau réservoir de main-d’œuvre parmi des très jeunes travailleurs.

Mais cette frénésie législative cache peut-être un second objectif. « Les pressions visant à réduire les normes dans ce genre de contexte ressemblent beaucoup aux groupes de l’industrie qui espèrent légaliser les infractions qu’ils savent déjà commettre », estime Jennifer Sherer, directrice de l’initiative State Worker Power du think tank Economy Policy Institute, citée dans le quotidien britannique The Guardian.

C’est un fait : l’inflation des projets de loi arrivant sur les bureaux des élus locaux a accompagné celle des infractions à la loi. Selon Reid Maki, coordinateur de la Child Labor Coalition, « le nombre de violations du travail des enfants a augmenté de près de 300 % depuis 2015, selon les données du ministère américain du Travail ». En 2023, ce dernier – pourtant peu doté en moyens humains et financiers – a recensé 5 792 enfants travailleurs aux États-Unis.

McDonald’s épinglé pour avoir fait travailler des enfants de moins de 10 ans

« La semaine dernière, on a appris avec inquiétude que trois franchises McDonald’s basées dans le Kentucky employaient des enfants âgés d’à peine 10 ans dans 62 magasins situés dans quatre États différents. Certains de ces enfants travaillaient jusqu’à 2 heures du matin », relatait déjà en mai 2023 Sam Pizzigati, un journaliste social à la retraite associé au think tank progressiste Institute for Policy Studies.

Selon The Guardian, les entreprises qui ont violé la réglementation sociale l’an dernier comprennent des noms comme « McDonald’s, Chipotle, Chick-fil-A, Sonic, Dunkin’, Dave & Buster’s, Subway, Arby’s, Tropical Smoothie Cafe, Popeyes et Zaxby’s, Tyson Foods et Perdue Farms », soit des poids lourds de l’économie états-unienne qui peuvent se permettre le coût de l’amende unitaire : 15 138 dollars, soit à peine plus qu’une année de salaire au minimum fédéral.

Conclusion de Jeet Heer, chroniqueur au magazine progressiste The Nation : « Cette philosophie favorable aux employeurs n’est pas simplement le produit de législateurs du GOP à l’esprit dickensien, mais fait partie d’un effort concerté de la part d’entreprises cherchant à faire des économies et à maximiser leurs profits. »

Source Christophe Deroubaix, l'Humanité

 

18:27 Publié dans Actualités, International | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : usa, travail | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

14/10/2022

Conjuguer sciences, travail et environnement

Amar Bellal Rédacteur en chef de Progressistes

Energie.jpgIl existe une autre conception du rassemblement que celle qui prétend le décréter par « le haut » uniquement : celle qui consiste à rassembler par les contenus, par ce que vivent les travailleurs de la science et des entreprises, par le réel, le défi du climat, du développement industriel, de la recherche.

Ainsi, lors de la Fête de l’Humanité, il y a un événement politique, le rassemblement de personnalités du monde scientifique, du monde du travail et de la défense de l’écologie, qui a lieu lors de la soirée repas de la revue Progressistes du jeudi soir.

C’est tout le défi du camp du progrès social que de réussir à articuler ces enjeux : celui du monde du travail, de l’emploi, de l’industrie, d’une part, celui du développement des avancées scientifiques et techniques, d’autre part, ainsi que celui des grandes questions environnementales et en premier lieu le défi climatique. Or, aujourd’hui, tout est fait pour les opposer.

On oppose le monde du travail, la production de richesses à l’environnement : la fameuse usine qui pollue mais sans laquelle nous devrions importer des produits du bout du monde. On oppose le progrès scientifique et technique aux emplois : la robotisation qui mettrait au chômage les salariés. On oppose la science à l’environnement en désignant des découvertes ou de possibles nouvelles technologies qui menaceraient l’environnement.

S’il est si facile d’opposer science, travail et environnement, c’est parce que tout est piloté par le capital au service des actionnaires, sans que les citoyens, les salariés aient vraiment leur mot à dire, sans qu’on mette en débat la finalité de la recherche scientifique. Alors que, au contraire, il faut articuler et conjuguer ces trois grands sujets. Cela implique que les salariés aient plus de pouvoir lors des prises de décisions stratégiques dans les entreprises, dans les instituts de recherche.

Cela demande de financer, à partir d’autres critères, notamment sociaux et environnementaux, le développement économique. Si on ne fait pas ce travail d’articulation, les discours de la gauche prioriseront la décroissance, la peur, la culpabilisation des gens et la dénonciation du progrès scientifique et technique.

Il se trouve que le PCF, parti historiquement attaché à ces enjeux, doit tenir prochainement son congrès : si ce grand moment d’intelligence collective permettait de faire émerger ne serait-ce que cette idée, ce serait déjà un énorme appui pour le monde du travail !

Reconstruire la gauche passe par le refus du populisme, quelle que soit sa forme, comme le populisme scientifique. Quand la gauche s’aventure dans le populisme, à la fin, le gagnant, c’est toujours l’extrême droite : il suffit de voir les ravages du populisme sanitaire aux Antilles, qui porte la gauche très haut au premier tour des dernières présidentielles, mais cela finit par un vote massif pour Le Pen au deuxième tour.

Évoquons aussi le populisme climatique, qui met en avant par exemple l’idée que 67 milliardaires émettraient autant de CO2 que 30 millions de Français en sous-entendant ainsi que cela solutionnerait 50 % du problème. C’est absolument faux. Le chiffre est farfelu. En réalité, leurs émissions propres correspondent à celles d’environ 100 000 Français, ce qui est déjà scandaleux. L’exagération vient du fait qu’on a tenu compte de toutes les productions industrielles qu’ils possèdent, productions que nous consommons tels l’acier et le ciment de nos logements, le pétrole brûlé dans nos voitures, etc.

C’est donc une présentation biaisée du problème. Dénoncer le train de vie des milliardaires – et il faut le faire, il faut légiférer – ne suffit donc pas pour ­résoudre la crise du climat… En effet, au-delà du symbole, on ne parle ici que de 0,1 % du problème.

La démagogie dans ce domaine provoque des ­dégâts durables : on se décrédibilise auprès des scientifiques et spécialistes qui connaissent le sujet, d’une part ; d’autre part, on prend du retard dans la bataille politique en se berçant d’illusions avec une solution toute trouvée.

Pour se relever, la gauche doit travailler à articuler science, travail et environnement, ce qui suppose de refuser toutes les formes de populisme.

Publié dans l'Humanité

13/12/2014

la part du revenu national allouée au travail a diminué dans les grandes économies développées

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La stagnation des salaires dans les pays développés depuis la crise financière a plus à voir avec les programmes de réduction de coûts des entreprises qu'avec la concurrence de la main d'oeuvre bon marché des pays émergents comme la Chine, selon un rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT) publié.

"Globalement, la croissance de la productivité du travail dans les économies développées a dépassé celle des salaires réels entre 1999 et 2013", écrit l'organisation dans son dernier rapport mondial sur les salaires. En conséquence, la part du revenu national allouée au travail a diminué dans les grandes économies développées."

Entre 2009 et 2013, l'indice des salaires réels n'a progressé que d'à peine 0,4% dans ces pays alors que celui de la productivité du travail a augmenté de plus de 5,4%.

Au niveau mondial, les salaires dans les pays émergents convergent lentement vers ceux en vigueur dans les pays développés avec une croissance de 6,7% en 2012 et 5,9% en 2013 dans les premiers contre 0,1% et 0,2% respectivement dans les seconds.

Mais ce n'est pas la main d'oeuvre à bon marché des pays émergents qui explique la stagnation des salaires dans les pays développés, a souligné Sandra Polaski, la directrice générale adjointe de l'OIT.

"Si les niveaux de productivité augmentent vous pouvez vous accommoder de la concurrence parce que la productivité de votre entreprise vous permet de continuer à payer de bons salaires tout en restant compétitif."

Les profits des entreprises se sont redressés depuis la sortie de la récession de 2008-2009 provoquée par la crise financière mais ces revenus n'ont pas été réinvestis au même rythme qu'auparavant, a aussi relevé Polaski.

"Ces profits que les entreprises conservent sans rien en faire, cela ne produit pas de bons résultats pour l'économie mondiale."

La faible croissance des revenus salariaux des les pays développés réduit la demande des ménages, ce qui réduit la demande à l'échelle mondiale, a-t-elle prévenu.

La faible progression voire la baisse des salaires réels dans certains pays développés est aussi considérée comme un facteur susceptible d'alimenter les risques de déflation.

(Tom Miles, Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)

17:39 Publié dans Economie, International, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : revenu, travail, tépartition | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

11/02/2014

Appel de la gauche du PS: "Non à la politique de l’offre !"

travail, ps, austérité, france, pacte de responsabilité

27 membres du bureau national du PS sur 72 ont signé un appel pour une autre politique. Non à la politique de l’offre ! Non à la baisse du «coût du travail» disent-ils. "Si 35 % de la direction du parti signe, cela, on peut penser que, à la base, c’est bien plus que la majorité des adhérents tellement le mécontentement est grand" écrit Gérard Filoche, également signataire.

  • Texte de l’appel :

La période est instable. De l’extrême droite qui se rassemble derrière des slogans racistes et antisémites à la droite radicalisée qui remet en cause la légitimité du Président de la République à gouverner, un front des conservatismes se constitue. Cette situation appelle une réaction forte. Une réaction essentielle pour reprendre la main, faire reculer le chômage et engager pleinement la transition écologique. Et ne pas donner l’impression que, malgré́ l’arrivée de la gauche au pouvoir, les droites et leurs « valeurs » sont en dynamique.

De toutes nos forces nous voulons que la gauche réussisse. Dix ans de politique de droite ont profondément abimé notre pays. La crise a dévasté nombre de territoires, plongé des millions de familles dans l’angoisse de la précarité ou du chômage.

A l’occasion de la campagne présidentielle, François Hollande a, à juste titre, pointé la responsabilité historique du monde de la finance dans les difficultés que traversent notre pays et notre continent. Il avait porté haut et fort l’exigence d’une réorientation de la construction européenne, en dénonçant le caractère néfaste des politiques d’austérité. Pour sortir le pays du chômage de masse, il avait proposé une feuille de route qui n’oppose pas la production à la redistribution, l’offre à la demande, l’efficacité́ économique à la justice sociale.

Cette feuille de route, c’est toujours la nôtre.

Cinq ans après la chute de Lehman Brothers, l’Union européenne subit toujours la crise et ses conséquences. Trois pays se trouvent encore sous assistance financière, le chômage atteint 12% dans la zone euro et la croissance est en berne.

C’est pourquoi nous continuons de penser qu’il est nécessaire de faire vivre la promesse de réorientation de la politique Européenne. Plus que jamais, la France doit créer les conditions d’un rapport de force favorable aux politiques de sortie de crise. La situation impose de nous dégager de la logique trop restrictive liée aux normes budgétaires et monétaires européennes.

La réduction des déficits préconisée par la Commission européenne a provoqué des coupes sombres dans des dépenses publiques et sociales essentielles. Surtout, ces «efforts» imposés aux populations n’ont pas permis de réduction de la dette publique. Elle est passée pour l’Union européenne à 27 de 62% du PIB en 2008 à 85% quatre ans plus tard. Loin de réduire la dette, l’austérité contribue à l’augmenter davantage.

Aujourd’hui, les critiques convergent pour remettre en cause des politiques socialement dangereuses et économiquement inefficaces. Les citoyens, mais aussi de grandes institutions comme le FMI, l’OCDE, le BIT, pointent l’urgence d’une relance coordonnée en Europe.

Dans ce contexte, les élections européennes revêtent une importance particulière. Refonte de la politique commerciale, instauration d’une taxe sur les transactions financières, lutte contre les paradis fiscaux, politique monétaire au service de l’économie réelle, harmonisation sociale et fiscale, relance de l’investissement par la transition énergétique notamment, meilleure répartition du travail, smic européen : les socialistes porteront ces exigences en mai prochain.

Mais nous serons d’autant plus crédibles pour le faire si nous avons administré la preuve, en France, qu’il n’y a pas qu’une seule politique possible.

Or en dépit de la salutaire rupture avec l’ère Sarkozy, l’orientation en matière de politique économique suscite des désaccords et des inquiétudes dans nos rangs.

Nous ne nous reconnaissons pas dans le discours qui tend à faire de la baisse des « charges » et du « coût du travail » la condition d’un retour de la croissance. Il n’y a pas de « charges » mais des cotisations sociales qui sont en réalité du salaire différé.

Et nous sommes inquiets quand nous découvrons que la baisse des cotisations promise aux entreprises s’accompagne d’une réduction de 50 milliards d’euros des dépenses publiques en trois ans, sans même savoir quels sont ceux qui en supporteront les conséquences. Ce qui risque de rogner sur le modèle social français dont les grands principes ont été établis à la Libération.

La focalisation exclusive sur la baisse du « coût du travail » ne constitue pas une réponse adaptée

Comme l’ensemble de l’Union européenne, la France souffre de la crise. Les libéraux, dont le patronat se fait le porte-­‐parole, associent cette crise à un problème global de compétitivité engendré par une explosion du « coût du travail ». Cette lecture nous semble contestable.

Depuis le début des années 90, des centaines de milliards d’aides, d’exonérations, de subventions ont été́ distribuées sans aucun effet sur l’emploi et la compétitivité de nos entreprises. Pire, elles ont alimenté la rente au détriment des salaires et de l’investissement. Entre 1999 et 2008, alors que les firmes allemandes ont réduit leur taux de dividendes versées de 10%, leurs homologues françaises l’ont augmenté de près de 50%. Le « coût du capital » n’a jamais été aussi élevé.

L’industrie française se délite et les politiques libérales de ces 20 dernières années n’ont fait qu’en précipiter la chute, croyant pouvoir créer une « France sans usine », renonçant à toute politique industrielle ambitieuse. Le renouveau industriel nécessite un renforcement de notre « compétitivité hors-coût » qui ne sera rendue possible que par des aides ciblées et d’une réorientation des bénéfices de la rente vers l’investissement productif.

Or, on ne peut que constater la victoire de la finance sur la production. C’est la conséquence de la concentration de la richesse entre les mains d’un nombre de plus en plus petit. Aujourd’hui, alors que 10 % de la population concentre 60 % du patrimoine, les banques imposent aux entreprises des règles qui donnent la priorité́ à l’accroissement systématique des marges. Dès lors, il ne faut pas s’étonner du mouvement de concentration du capital (les quatre premières banques françaises ont un bilan équivalent à 400 % du PIB) et de financiarisation de l’économie.

Enfin, ne nous voilons pas la face. La finitude des ressources naturelles, la hausse inéluctable du prix des énergies fossiles dont notre modèle de production et de consommation est dépendant, la stagnation de nos taux de croissance déconnectés du bien-être humain, nous obligent à imaginer un nouveau modèle de développement. De même, l’évolution des gains de productivité́ rend indispensable de réfléchir à une nouvelle répartition du travail. Mais ce nouveau modèle de développement est par définition antagoniste des logiques libérales, court-termistes, à l’œuvre de nos jours.

Pour nous, la priorité doit donc être la suivante: favoriser l’emploi et l’investissement productif aux dépens de la rente.

Les préconisations avancées jusqu’à présent sont déséquilibrées.

Les socialistes se sont toujours refusés à opposer offre et demande, production et redistribution, bonne gestion des comptes publics et relance de l’économie. Les propositions contenues dans le « pacte de responsabilité́ » semblent s’écarter de cette position d’équilibre.

  • 1) L’objectif de baisse accélérée des dépenses publiques comporte des risques majeurs.

Le Président de la République s’est engagé à ne pas toucher au modèle social français. Néanmoins, la priorité́ accordée aux 50 milliards d’euros d’économies en trois ans, nous fait craindre une réduction du périmètre d’intervention de l’Etat, nuisible aux politiques sociales existantes et au fonctionnement des services publics.

  • 2) le redressement n’est pas possible sans la justice

A trop se focaliser sur « l’offre » et la « baisse des charges », le « pacte de responsabilité́ » risque de comprimer l’activité́ économique.

Par ailleurs, elle réduit considérablement nos marges de manœuvres pour mener à bien des politiques ambitieuses dans le domaine de l’éducation, du logement ou de la culture. Comment continuer à soutenir l’effort de réinvestissement de l’Etat dans le domaine éducatif mené́ depuis le 6 mai, si les baisses de crédits y sont massives ? Comment soutenir l’exception culturelle si, pour la troisième année consécutive nous baissons le budget du ministère de la culture. Enfin, comment les collectivités territoriales pourront-elles continuer à être le premier investisseur public de notre pays, si elles doivent réaliser des coupes budgétaires massives ?

Notre pays doit partir de ses atouts : qualité de la main d’œuvre, de ses services et infrastructures publics. Agir pour notre compétitivité, c’est penser dès maintenant le monde de demain et notre modèle de développement.

C’est donc d’abord agir sur nos capacités productives (montée en gamme, sobriété énergétique de notre appareil productif, investissement dans les énergies renouvelables, utilité́ sociale) et sur nos infrastructures. Ainsi en 2011, les importations énergétiques pesaient 88% du déficit de notre balance commerciale, entamant d’autant la création d’emplois et les capacités d’investissement de nos entreprises.

L’investissement dans l’éducation, la formation, la recherche, la transition énergétique, sont autant de leviers pour une stratégie de développement durable à moyen et long terme. L’enchainement des crises ces vingt dernières années témoigne d’un système court-termiste à bout de souffle, qui ne répond plus au double impératif d’efficacité́ économique et de justice sociale. Cette option volontariste d’investissement que nous proposons est un moyen d’en sortir.

Mais cet effort serait vain si, faute de consommation, bon nombre d’entreprises n’avaient pas de carnets de commande remplis, si faute de « planification » les industriels n’avaient aucune vision de l’avenir, et si faute d’anticipation ils n’étaient pas au rendez-­‐vous d’une reprise française et internationale.

Dès lors, nous pensons que, dans la mobilisation générale pour l’emploi décrétée par l’exécutif, la consommation populaire doit prendre toute sa place. Elle passe notamment par une réforme fiscale de grande ampleur, comme l’a d’ailleurs proposé le Premier ministre. Loin de s’opposer, redressement et justice vont de pair.

Obtenir un compromis social favorable au monde du travail

La social-démocratie suppose que le parti majoritaire à gauche soutienne les syndicats de salariés pour arracher un compromis au patronat.

Si le Président a été́ très clair sur les avantages accordés aux entreprises, les contreparties demandées restent floues. Il faudra plus qu’un « observatoire » pour imposer amélioration des conditions de travail, discussion sur les salaires, partage du travail ou multiplication des embauches. D’autant que le MEDEF, par la voix de son président, refuse de rentrer dans une logique de « donnant-­‐donnant » qui serait pourtant la moindre des choses. En lien avec les déclarations présidentielles, nous insistons sur la double nécessité́ de ne pas alimenter la rente pour servir l’investissement productif et de faire bénéficier les salariés, par le biais de la rémunération notamment, d’une part de cette aide.

Il n’y aura pas de « compromis social » favorable aux salariés sans mobilisation du parti, des parlementaires, du mouvement social. Salaires, embauches, réduction et partage du temps de travail, droits des salariés, contrôle des licenciements abusifs, modalités de remboursement des aides en cas de non-respect des engagements, politique de redistribution des dividendes : dans tous ces domaines nous devons porter des exigences fortes.

Oui, nous devons les porter, et en toute liberté́. Sachons-nous désintoxiquer des institutions de la Vème République. Tout ne peut procéder d’un seul homme. Les débats politiques ne se règlent pas en brandissant la menace de mesures disciplinaires ou en mettant les parlementaires au pied du mur.

Le PS doit jouer pleinement son rôle. Pour la réussite de la gauche au pouvoir, il faut un Parti autonome, force de propositions, relais des aspirations mais aussi des mécontentements. C’est une des conditions de la réussite commune.

Cette réussite passe aussi par l’implication de la gauche dans toute sa diversité́. Il n’y a aujourd’hui de salut pour la gauche française que dans la construction de convergences entre les forces politiques et sociales qui la composent. Au moment où une partie de la droite radicalisée fait jonction avec une extrême droite plus menaçante que jamais, le rassemblement de la gauche est une ardente obligation.

Signataires
27 membres du Bureau National du Parti socialiste (sur 72) : Pouria Amirshahi, Tania Assouline, Guillaume Balas, Marie Bidaud, Sandrine Charnoz, Pascal Cherki, Laurianne Deniaud, Stéphane Delpeyrat, Antoine Détourné, Julien Dray, Henri Emmanuelli, Anne Ferreira, Gérard Filoche, Olivier Girardin, Jérôme Guedj, Liêm Hoang-­‐Ngoc, Frédéric Hocquard, Régis Juanico, Marie Noelle Lienemann, Marianne Louis, Fréderic Lutaud, Delphine Mayrargue, Emmanuel Maurel, Jonathan Munoz, Nadia Pellefigue, Paul Quiles Roberto Romero, Jean-­‐François Thomas, Isabelle Thomas