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10/01/2025

Au Moyen Âge, le blasphème file droit

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Si dès l’Antiquité le blasphème est un interdit religieux inscrit dans les textes, il n’est pas pour autant criminalisé. C’est à partir du 12e siècle que le blasphème entre dans le droit laïc et le droit canon grâce à un travail de théorisation juridique et théologique.

Avec
  • Corinne Leveleux-Teixeira Professeure d’histoire du droit à l’Université d’Orléans, directrice d’études à l’École Pratique des Hautes Études (1)

Comment, dans la France médiévale, le blasphème est-il passé du statut de simple péché à celui de crime ? Jarnidieu ! C’est une histoire édifiante qui commence par un simple juron pour lequel on reçoit de la boue dans les yeux. Mordieu ! Un nouveau juron, c’est un passage au pilori, puis tout s’enchaîne, avec la lèvre fendue au fer chaud et, enfin, la langue coupée avant, pourquoi pas, de se rendre au bûcher pour y être brûlé vif, sacredieu !

D’un péché indéterminé à un crime distinct

Durant les premiers siècles du christianisme, le blasphème est un péché parmi les autres. Il embrasse diverses infractions, comme l’injure et l’impiété, et ne désigne pas un péché distinct. De la même manière, le droit laïc reste laconique. Vers 538, l’empereur Justinien criminalise le blasphème par une loi, la novelle 77, qui associe blasphème et sodomie.

Au 12e siècle, dans sa Somme théologique, le dominicain italien Thomas d’Aquin distingue le blasphème des autres péchés et le circonscrit à une atteinte à la sacralité de Dieu. Le blasphème n’existe ainsi qu’en relation avec une norme et un système de croyance. Cette définition laisse place à l’interprétation et ouvre la voie à des usages extensifs de la notion de blasphème. "C'est ce qu'on peut appeler un crime sans victime, en tout cas sans victime directe, et donc un crime symbolique. On va chercher à réparer l'honneur de la divinité qui ne peut pas venir porter plainte par elle-même", explique Corinne Leveleux-Teixeira, historienne du droit.

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Quand le blasphème entre dans le droit laïc

Le blasphème entre dans le droit laïc entre la fin du 12e siècle et le 13e siècle, dans un moment d'affirmation du pouvoir monarchique et de transformation de la procédure juridique. Les crimes symboliques peuvent désormais être punis. "Il y a un changement du droit qui permet à un magistrat de devenir lui-même le promoteur de l'accusation", explique Corinne Leveleux-Teixeira. "En cherchant à lutter contre les blasphémateurs, le roi apparaît comme le meilleur lieutenant de Dieu sur Terre, comme le gardien de son honneur. Par conséquent, il [opère] une légitimation de son propre pouvoir."

Vers 1182, Philippe Auguste adopte la première loi qui criminalise le blasphème. À sa suite, Louis IX – plus connu sous le nom de Saint Louis – se montre particulièrement zélé et adopte quatre ordonnances qui punissent sévèrement les blasphémateurs. Ces textes individualisent le blasphème des autres péchés de langue, comme le parjure, et en font un crime. Ils inaugurent un champ privilégié d’intervention du roi et fondent un socle législatif dont les principes sont répétés jusqu’au 16e siècle, avec plus ou moins de sévérité. Par exemple, au 14e siècle, les peines pour les récidivistes occupent une place croissante dans la législation : en 1348, Philippe de Valois prévoit la mutilation successive des lèvres jusqu’à l’amputation de la langue en cas de récidives multiples.

Malgré cet arsenal pénal, la criminalisation du blasphème reste faible. Les dénonciations et l’accusation de blasphémateurs sont rares et, en cas de procès et de condamnation, les peines pénitentielles – comme l’aumône – et pécuniaires sont majoritaires.

Au temps de la Réforme protestante, faire des blasphémateurs des hérétiques

Au 16e siècle, dans le contexte de la Réforme protestante, le Parlement de Paris s’empare du blasphème pour lutter contre l’hétérodoxie religieuse. Alors que le blasphème était considéré comme une conséquence de l'hérésie, il est désormais le signe d’une hérésie et doit être puni, car il représente un danger collectif. "Le blasphème n'est pas porté par un proche – un semblable –, il est porté par l'Autre de la religion", ajoute Corinne Leveleux-Teixeira, auteure de La Parole interdite. Le blasphème dans la France médiévale (XIIIe-XVIe siècles) : du péché au crime (De Boccard, 2002). Le Parlement décide ponctuellement de l’exécution des accusés et constitue par ces pratiques une nouvelle jurisprudence, même si aucun texte ne prescrit la peine de mort jusqu’au 17e siècle.

(1)Corinne Leveleux-Teixeira est professeure d'histoire du droit à l'université d'Orléans et directrice d'études à l'École pratique des hautes études (EPHE).

Source France Culture

19:09 Publié dans Connaissances, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blasphème | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

29/12/2024

Un retour triomphal de Huawei après les sanctions américaines

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Malgré les sanctions américaines imposées depuis 2019, Huawei signe un retour impressionnant avec sa série Mate 70, qui pulvérise les records de ventes. Entre innovations technologiques et stratégie d’autosuffisance, le géant chinois prouve qu’il peut rivaliser avec les leaders mondiaux du smartphone.

En 2019, l’administration américaine a frappé Huawei de sanctions sans précédent, interdisant à l’entreprise d’accéder à des technologies clés.

Placée sur la liste noire du département du Commerce américain, Huawei a perdu son accès aux semi-conducteurs de pointe produits par Qualcomm ou TSMC. Pire encore, elle a été coupée des services Google, compliquant considérablement ses ventes à l’international et limitant son attrait pour les utilisateurs en dehors de la Chine.

Ces mesures, destinées à ralentir l’ascension du géant chinois, auraient pu sonner le glas de ses ambitions technologiques. Mais Huawei n’a pas capitulé. Face à ces obstacles, l’entreprise a investi massivement dans la recherche et le développement pour assurer son autosuffisance.

Dès sa sortie, le Mate 70 a rencontré un succès foudroyant. Plus de 900 000 précommandes ont été enregistrées dans les 24 premières heures, générant un chiffre d’affaires de 1,8 milliard de yuans. Les analystes estiment que cette série pourrait dépasser les 18 millions d’unités vendues, surclassant les performances du Mate 60, qui avait déjà été écoulé 14 millions d’exemplaires en 2023.

Huawei montre ainsi qu’il est capable de surmonter les sanctions et de continuer à innover malgré des conditions adverses. Si le succès commercial du Mate 70 est incontestable, il s’accompagne également d’avancées technologiques remarquables. Au cœur de ce renouveau, on retrouve le processeur Kirin 9000S, développé en interne. Basé sur un procédé N+3, proche du 5 nm, il représente un pas de géant pour Huawei, lui permettant de réduire sa dépendance aux fournisseurs étrangers.

Ce processeur améliore de 15 % les performances tout en réduisant la consommation énergétique de 20 % par rapport à la génération précédente, offrant une autonomie impressionnante. En effet, le Mate 70 peut atteindre jusqu’à 22 heures de lecture vidéo continue, un record sur le marché des smartphones haut de gamme.

Une technologie à la pointe de l’innovation

Huawei n’a pas seulement misé sur le matériel. HarmonyOS 4, son système d’exploitation propriétaire, marque une rupture complète avec Android. Développé à partir d’une architecture micro-noyau, il garantit une expérience fluide et intuitive.

En intégrant des fonctionnalités avancées basées sur l’intelligence artificielle, Huawei propose des innovations qui répondent aux attentes des utilisateurs modernes. Parmi les nouveautés les plus marquantes, on trouve la reconnaissance de scènes automatique, qui ajuste les paramètres de l’appareil photo selon les environnements, ou encore la création d’avatars virtuels grâce à des algorithmes d’apprentissage profond. Une fonctionnalité particulièrement saluée est celle qui protège la vie privée : en cas de regard indiscret sur l’écran dans un lieu public, le smartphone ajuste automatiquement la luminosité pour rendre les informations illisibles pour les tiers.

Les performances photographiques du Mate 70 renforcent également son positionnement. Doté de capteurs de dernière génération comme l’OV50H et de technologies d’optimisation d’image par IA, le smartphone offre une qualité exceptionnelle dans toutes les conditions, qu’il s’agisse de scènes nocturnes ou de portraits. Ces avancées permettent désormais à Huawei de rivaliser avec Apple.

Source : Liberté Hebdo

19:57 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, Planète, Science | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : huawei | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

28/11/2024

Découvrons des vins de fête à faire bonifier en cave

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Par Gérard Le puill pour l'Humanité
Du jeudi 28 novembre au dimanche 1er décembre, les amateurs franciliens de bons vins issus de nos terroirs vont pouvoir en déguster gratuitement. De quoi les guider ensuite dans leurs achats sur le salon des vignerons indépendants. Il se sera ouvert jusqu’à dimanche au Pavillon 3 du Palais des congrès, porte de Versailles à Paris (1).

L’année 2024 a été difficile pour les vignerons. Les aléas climatiques, dont les orages de grêle et le temps humide favorisant le mildiou, ont diminué les rendements d’environ 25% par rapport à la moyenne de ces dernières années. Mais hormis le beaujolais nouveau, le millésime 2024 n’est pas encore en vente. Le millésime 2023 est de bonne qualité, bien qu’on le dise moins régulier que le 2022 également présent sur beaucoup de stands du salon.

Alors que des arrachages de 60.000 hectares de vignes sur une plantation totale de 800.000 hectares sont programmés dans certaines régions, dont plusieurs crus d’entrée de gamme du bordelais, les mois à venir seront également incertains pour les exportations de vins français .Aux possibles rétorsions de la Chine, suite à la taxation de ses voitures électriques vendues en Europe , s’ajoute la menace de taxation brandie par Donald Trump sur les vins français quand il prendra ses fonctions à la Maison Blanche. Les débouchés dans ces deux pays risquent donc de se réduire. Or beaucoup de nos vignerons indépendants sont aussi des exportateurs de vins.


La culture du vin nous protège de l’addiction

Les régions de France produisent une grande diversité de crus et d’appellations. Beaucoup de ces vins se bonifient durant de longues années en cave. Quand on dispose de bonnes bouteilles en réserve, déboucher le millésime de l’année de naissance de l’un de ses enfants ou petits enfants pour fêter son anniversaire de jeune adulte est toujours un grand moment de plaisir lors d’un repas en famille. Cela permet aussi de communiquer sur les vins, sur la manière de les déguster, sur les accords possibles avec les mets et sur la température de service. Ajoutons que l’acquisition des ces connaissances, comme la culture du vin en général, nous protège aussi de l’addiction aux boissons alcoolisées. Les bons vignerons sont aussi des buveurs modérés.

Pour les vins de garde, nous avons l’embarras du choix. C’est le cas pour les blancs d’Alsace, à commencer par riesling, le gewurztraminer et le pinot gris. Le champagne millésimé évolue aussi favorablement en bouteille pendant dix ans et plus. Dans le Jura le vin jaune et le vin de paille ont potentiel de garde qui dépasse le demi-siècle. En rouge, les vins issus du cépage trousseau se bonifient aussi pendant plusieurs années. Il doit d’ailleurs son nom au fait qu’il s’agissait naguère d’un cadeau que l’on intégrait dans le trousseau de la mariée, plutôt qu’une somme d’argent.

Issus de cépage pinot noir, beaucoup de vins rouges de Bourgogne se bonifient aussi en bouteille, tout comme les blancs provenant du chardonnay, à commencer par les chablis de différents crus.


Dans les rouges de la basse vallée du Rhône, Châteauneuf-du-Pape demeure une référence, à condition de ne pas en abuser car sa teneur en alcool augmente avec le réchauffement climatique au point d’atteindre 14 à 15 degrés d’alcool. Dans le Var, les rouges de Bandol, au bon potentiel de garde sont excellents pour accompagner les viandes rôties. En Languedoc-Roussillon, les rouges des appellations Faugères et Fitou se bonifient aussi en cave, ce qui vaut également pour les vins doux naturels des appellations Maury et Banyuls. En blanc comme en rouge, les vins du Mas de Daumas Gassac, à Aniane dans l’Hérault, évoluent favorablement en bouteille.


Les blancs de garde issus du cépage chenin

En région bordelaise on a l’embarras du choix en rouge, bien que limité par le prix élevé des crus les plus prestigieux. En blancs liquoreux, déguster un sauternes après 20 à 30 ans de bouteille est toujours un plaisir. Cela vaut également pour les blancs moelleux d’Anjou qui se nomment coteaux de Layon, Quart de Chaume, Bonnezeaux et coteaux de l’Aubance . En blanc sec, l’appellation Savennières dispose d’un gros potentiel  de garde. Tous ces vins blancs sont issus du cépage chenin de même que les blancs de Touraine Vouvray et Montlouis, sans oublier l’unique vin de la Sarthe qu’est le Jasnières . Porte de Versailles, l’unique stand (B 35 sur le salon) qui propose de ce vin crée par les moines au Moyen-Age est tenu par la famille Gigou. Le portrait de Joël Gigou paru dans l’Humanité en 1998 m’a valu le « Grand prix du journaliste agricole » cette année-là. Désormais, son fils et sa fille ont repris le domaine de treize hectares convertis en agriculture biologique par le père.

(1) Accès par la ligne 12 du métro et les lignes de Tramway T2 et T3A . Salon ouvert de 10H à 20H du jeudi 28 novembre au samedi 30 ; de 10H à 19H , le dimanche 1er décembre

 

11:26 Publié dans Actualités, Connaissances, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vins de fête | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

05/11/2024

Kamel Daoud remporte le prix Goncourt

Kamel Daoud.jpgCe n’est pas une surprise. Kamel Daoud remporte le prix Goncourt pour son troisième roman, Houris, paru chez Gallimard. Le livre a été élu dès le premier tour de scrutin, avec six voix contre deux à Hélène Gaudy pour Archipels (l’Olivier), une à Sandrine Collette pour Madelaine avant l’aube (JC Lattès) et une au Franco-Rwandais Gaël Faye pour Jacaranda (Grasset), lequel reçoit le prix Renaudot.

Dans Houris (c’est ainsi que sont nommées les vierges censées accueillir le croyant au paradis), l’écrivain franco-algérien passe au crible la « décennie noire » de la guerre civile (1992-2002) dans son pays natal, par la voix étouffée d’une jeune Oranaise, prénommée Fajr (l’aube), mutilée parce qu’alors mal égorgée. Sa blessure court d’une oreille à l’autre sur 17 cm, la privant de cordes vocales. Aube la mutique est « porteuse de l’histoire d’une guerre entière inscrite sur sa peau ». Elle est ainsi le vivant stigmate de la violence collective qui a ravagé l’Algérie, quand des groupes islamistes affrontèrent l’armée en semant la terreur, faisant environ 200 000 morts. Victime sans voix, l’héroïne, en cette veille de l’Aïd, est enceinte d’une enfant dont elle veut avorter. L’Algérie de l’année 2018 peinte par Daoud est l’ennemie des femmes, sans exception. C’est une Algérie attaquée par les adeptes d’un islam rétrograde. Dans sa langue muette, Aube raconte, à l’enfant qui ne verra pas le jour, son histoire tragique et celle de son pays.

Une jeune héroïne privée de cordes vocales

Alors que, désormais, l’un des articles de la charte pour la paix et la réconciliation mentionne qu’il est interdit de parler de cette guerre, volontairement passée sous silence sous peine d’emprisonnement – à l’opposé de l’autre, la guerre d‘indépendance, si présente dans les têtes, dans les manuels et gravée sur les monuments –, Kamel Daoud
porte le fer dans la plaie mémorielle. Outre Aube, on découvre Aïssa Guerdi, un autre personnage de Houris. Lui, c’est à voix haute qu’il s’exprime, pour mettre des mots forts sur cet oubli volontaire, cette amnésie quasi obligatoire. Ce fils de libraire est chauffeur. Hypermnésique, lui aussi rescapé d’une des tueries de l’époque fatale, il est capable de se rappeler, des tueries, le jour, l’heure, le lieu, le nombre de victimes et leur prénom, même si, depuis 2005, plus personne ne prête attention à ce passé maudit.

Ce voyage au bout de l’horreur a valu à Kamel Daoud, ainsi qu’à son éditeur, une interdiction de participation au dernier salon d’Alger. L’écrivain, qui vit à Paris depuis 2020 après avoir obtenu sa naturalisation, a déclaré, sitôt l’annonce de son prix : « Ce livre est né parce que je suis en France. C’est un pays qui me donne la liberté d’écrire. Ce n’est pas facile de parler de guerre, il faut du temps, du deuil, de la distance. »

Kamel Daoud avait déjà reçu, en 2014, le Goncourt du premier roman pour Meursault, contre-enquête, paru chez Actes Sud. Dans ce livre, il prenait le contrepied du roman célèbre de Camus, l’Étranger, en tirant du néant l’Arabe sans nom dont le corps n’a jamais été retrouvé dans le texte initial.

 

 

19:20 Publié dans Actualités, Connaissances | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : prix goncourt, kamel daoud | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!